Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

ETRANGER

1re Civ., 13 février 2019, n° 18-14.627, (P)

Rejet

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Placement en rétention – Droits de l'étranger placé en rétention – Notification – Notification des droits attachés au placement – Retard – Absence de grief – Appréciation souveraine

Le juge des libertés et de la détention apprécie souverainement l'absence de grief, au sens de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, résultant, pour l'étranger placé en retenue, du retard de la notification de ses droits. Ainsi, le juge ayant constaté que la notification était intervenue à 10 heures 30, par un interprète immédiatement requis, alors que l'étranger avait été contrôlé à 7 heures 50 et présenté à l'officier de police judiciaire à 8 heures 39, il a pu en déduire que les conditions de cet article n'étaient pas réunies.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Procédure – Nullité – Cas – Atteinte aux droits de l'étranger placé en rétention – Caractérisation – Défaut – Appréciations diverses

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 22 novembre 2017), et les pièces de la procédure, que M. B... O..., de nationalité colombienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été interpellé à l'issue d'un contrôle d'identité réalisé le 17 novembre 2017, présenté à l'officier de police judiciaire et a reçu notification de ses droits afférents à la retenue pour vérification de son droit au séjour, par le truchement d'un interprète en langue espagnole ; qu'à l'issue de cette retenue, le préfet a pris une décision de placement en rétention administrative de l'intéressé ; que, le lendemain, le juge des libertés et de la détention a été saisi par celui-ci d'une contestation de cette décision et, le 19 novembre, par le préfet, d'une demande de prolongation de la mesure ;

Attendu que M. B... O... fait grief à l'ordonnance d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de retenue pour vérification du droit au séjour, la notification différée de ses droits à la personne retenue ne peut être admise qu'en présence de circonstances insurmontables qu'il appartient au juge de caractériser ; que le seul recours à un interprète est à cet égard insuffisant ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du délégué du premier président qu'entre l'interpellation et la notification des droits de l'intéressé il s'était écoulé un délai de deux heures quarante ; qu'en se fondant uniquement, par des motifs impropres à caractériser les circonstances insurmontables auxquelles auraient été confrontés les fonctionnaires de police pour différer la notification de ses droits à la personne retenue, sur la nécessité d'un recours à un interprète après avoir expressément constaté l'absence d'explication autre que le recours audit interprète, le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 522-13 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°/ que tout retard dans la mise en oeuvre de la notification des droits et de l'information du parquet prévues à l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne retenue ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du délégué du premier président qu'entre l'interpellation et la notification des droits de l'intéressé en présence d'un interprète il s'était écoulé un délai de deux heures quarante ; qu'en décidant cependant que l'intéressé n'alléguait ni ne justifiait d'aucune atteinte à ses droits au visa de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délégué du premier président de la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de circonstances insurmontables, a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que l'ordonnance retient, d'une part, qu'à l'issue du contrôle effectué à 7 heures 50, M. B... O... a été présenté, à 8 heures 39, à l'officier de police judiciaire qui a décidé de son placement en retenue, et qu'un interprète en langue espagnole a été immédiatement requis, en présence duquel ses droits lui ont été notifiés à 10 heures 30, d'autre part, que l'intéressé n'allègue ni ne justifie d'aucune atteinte à ses droits résultant de cette notification dans le délai de deux heures quarante après son interpellation ; qu'ayant ainsi souverainement apprécié l'absence de grief résultant de ce retard, le premier président, qui n'avait pas à s'expliquer sur d'éventuelles circonstances insurmontables, a pu en déduire que les conditions de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas réunies ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Articles L. 552-13 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

Sur le contrôle exercé par le juge quant à l'atteinte aux droits de l'étranger placé en rétention administrative en cas de retard non justifié dans la mise en oeuvre de la notification de ses droits, à rapprocher : 1re Civ., 18 décembre 2013, pourvoi n° 13-50.010, Bull. 2013, I, n° 247 (cassation sans renvoi) ; 1re Civ., 7 décembre 2016, pourvoi n° 15-19.990, Bull. 2016, I, n° 241 (rejet), et l'arrêt cité.

1re Civ., 13 février 2019, n° 18-11.655, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Ordonnance du juge des libertés et de la détention – Appel – Délai pour statuer – Notification de la décision après l'expiration de ce délai – Absence d'influence

La notification de la décision du juge d'appel qui statue dans le délai de quarante-huit heures prévu à l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut être effectuée après l'expiration de ce délai.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Saisine du juge des libertés et de la détention – Requête du préfet – Recevabilité – Conditions – Pièces justificatives utiles – Définition – Procès-verbal de fin de garde à vue – Production – Défaut – Portée

L'irrecevabilité de la requête du préfet résultant de l'absence du procès-verbal de fin de garde à vue, qui constitue une pièce justificative utile au sens de l'article R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être couverte par la communication de cette pièce à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Saisine du juge des libertés et de la détention – Requête du préfet – Recevabilité – Conditions – Pièces justificatives utiles – Impossibilité de les joindre – Communication des pièces à l'audience – Portée

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 27 mai 2017, le préfet de police de Paris a pris un arrêté de placement en rétention administrative à l'égard de M. X..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France ; que, le 29 mai, le juge des libertés et de la détention a été saisi par celui-ci d'une contestation de cette décision et par le préfet d'une demande de prolongation de la mesure ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de prolonger sa rétention alors, selon le moyen, que le juge d'appel saisi sur le fondement de l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit statuer, à compter de sa saisine, dans les quarante-huit heures, c'est-à-dire rendre sa décision motivée dans ce délai ; que ce délai qui se compte d'heure à heure est impératif à peine de dessaisissement du juge ; qu'en l'espèce il est constant que le procureur a fait appel de l'ordonnance entreprise à 16 heures 24 le 29 mai ; que le juge devait donc statuer avant 16 heures 24 le 31 mai ; qu'en notifiant son ordonnance à 17 heures, la cour d'appel a statué au-delà du délai imparti, excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 552-9 et R. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Mais attendu qu'il résulte des mentions de l'ordonnance que le premier président a statué, à 16 heures 05, dans le délai de quarante-huit heures prévu à l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peu important que la notification de cette décision à M. X... et à son conseil ait été effectuée après l'expiration de ce délai ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles R. 552-3 et R. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu qu'à peine d'irrecevabilité, la requête du préfet est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, qui sont nécessaires au contrôle de la régularité de la procédure et mises à disposition immédiate de l'avocat de l'étranger ; qu'il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt de ces pièces, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de les joindre à la requête, par leur seule communication à l'audience ;

Attendu que, pour déclarer la requête du préfet recevable, l'ordonnance relève que la production à l'ouverture des débats devant le juge des libertés et de la détention d'une pièce complémentaire, en l'occurrence le procès-verbal de fin de garde à vue, est régulière dès lors qu'elle a pu être débattue contradictoirement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le procès-verbal de fin de garde à vue constitue une pièce justificative utile au sens de l'article R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue, entre les parties, le 31 mai 2017, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : Me Rémy-Corlay ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Articles L. 552-9 et R. 552-15 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; articles R. 552-3 et R. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

Sur la définition des pièces justificatives utiles à joindre, à peine d'irrecevabilité, à la requête du préfet aux fins de prolongation de la mesure de placement en rétention d'un étranger, à rapprocher : 2e Civ., 17 juin 1998, pourvoi n° 97-50.022, Bull. 1998, II, n° 197 (rejet), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 14 mars 2018, pourvoi n° 17-17.328, Bull. 2018, I, n° 46 (cassation partielle sans renvoi). Sur l'irrecevabilité de la requête résultant du défaut de jonction d'une pièce justificative utile, non couverte par la communication de cette pièce à l'audience, sauf justification de l'impossibilité de la joindre à ladite requête, à rapprocher : 1re Civ., 9 mars 2011, pourvoi n° 09-71.232, Bull. 2011, I, n° 51 (cassation sans renvoi).

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