Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

2e Civ., 14 février 2019, n° 18-12.146, (P)

Rejet

Redressement judiciaire – Période d'observation – Créanciers – Déclaration des créances – Domaine d'application – Créances antérieures – Applications diverses – Créance de cotisations des travailleurs indépendants non agricoles afférente à une période d'activité antérieure au jugement d'ouverture

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2017), que par jugement du 30 avril 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de Mme A..., épouse F... ; qu'ayant émis, le 23 juillet 2015, une contrainte au titre notamment de la régularisation des cotisations de l'année 2013 dues par celle-ci, la caisse régionale du régime social des indépendants d'Ile-de-France Centre, devenue la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Ile-de-France Centre, a fait pratiquer une saisie conservatoire, convertie en saisie-attribution le 3 novembre 2015 ; que Mme A..., épouse F... a contesté cette mesure devant un juge de l'exécution ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de cantonner à une certaine somme l'acte de conversion de la saisie conservatoire, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 622-24 du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, doivent adresser la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire ; que, selon les articles L. 131-6 et L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à l'espèce, issue respectivement de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, les cotisations sont établies sur une base annuelle, elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu de l'avant-dernière année ou des revenus forfaitaires et font l'objet d'une régularisation lorsque le revenu est définitivement connu ; qu'en retenant, pour ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pour la créance litigieuse de 408 445 euros, qu'elle serait née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur du 30 avril 2014 dès lors qu'elle correspondrait à des cotisations dues pour l'année 2013, et donc se rapportant à une période antérieure au jugement de redressement judiciaire, la cour d'appel, qui a pourtant constaté que la somme ainsi réclamée au titre de la contrainte du 23 juillet 2015 portait sur des cotisations qui n'avaient pu être établies qu'à la suite de la déclaration définitive de revenu pour l'année 2013 effectuée par Mme F... le 10 juin 2014, ce dont il résultait nécessairement que ce n'était qu'à cette dernière date, postérieure audit jugement, qu'était née cette créance de cotisations, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés, qu'elle a violés ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 622-24 du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, doivent adresser la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire ; qu'en retenant, pour ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pour la créance litigieuse de 408 445 euros, qu'elle serait née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur du 30 avril 2014 dès lors qu'elle correspondrait à des cotisations dues pour l'année 2013 et donc se rapportant à une période antérieure au jugement de redressement judiciaire, tout en constatant que ces cotisations avaient été calculées à titre provisionnel sur une base forfaitaire conformément aux dispositions de l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, que l'assujetti n'a procédé à la déclaration de ses revenus que le 10 juin 2014, ce dont il résultait nécessairement que cette créance de cotisations, qui ne pouvait pas exister tant qu'il n'était pas constaté que Mme F... avait perçu au titre de cette année un revenu d'activité non salariée supérieur à la base forfaitaire ayant servi au calcul des cotisations provisionnelles, ne pouvait être née qu'à compter de cette déclaration effectuée postérieurement audit jugement d'ouverture, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés, qu'elle a donc violés ;

Mais attendu que, selon l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles, dues annuellement en application de l'article L. 131-6-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, sont assises sur le revenu d'activité non salariée ; qu'il en résulte que la créance de cotisations afférente à une période d'activité antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective doit être déclarée dans les conditions prévues par l'article L. 622-24 du code de commerce ;

Et attendu que l'arrêt retient que les cotisations dues pour l'année 2013, calculées, à titre provisionnel, sur une base forfaitaire, se rapportent à une période antérieure au jugement du 30 avril 2014, quand bien même leur montant définitif n'a pu être régularisé qu'à la suite de la déclaration définitive de revenus pour l'année 2013, effectuée par la cotisante le 10 juin 2014 ;

Que de ces constatations faisant ressortir que la créance de cotisations était née antérieurement au jugement d'ouverture, la cour d'appel a exactement déduit qu'elle aurait dû être déclarée au passif du redressement judiciaire de la cotisante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 131-6 et L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige ; article L. 622-24 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la déclaration de la créance de cotisations de sécurité sociale pour des salaires perçus pour une période de travail antérieure à l'ouverture de la procédure collective, à rapprocher : Com., 7 novembre 1989, pourvoi n° 88-13.085, Bull. 1989, IV, n° 272 (cassation), et l'arrêt cité.

Com., 13 février 2019, n° 17-28.749, (P)

Cassation

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Défaut de réponse du créancier dans le délai imparti – Sanction – Interdiction pour le créancier de former un recours contre la décision du juge-commissaire – Exclusion – Instance au fond en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective du débiteur – Interruption de l'instance en cours – Absende de reprise régulière par le créancier faute de mise en cause du mandataire judiciaire – Absence d'influence

Les sanctions prévues par les articles L. 622-27 et L. 624-2 du code de commerce, qui interdisent au créancier qui n'a pas répondu à l'avis du mandataire judiciaire dans le délai de trente jours de contester ultérieurement la proposition de ce dernier et de former un recours contre la décision du juge-commissaire, n'ont pas vocation à s'appliquer lorsqu'une instance au fond était en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective du débiteur.

En conséquence, méconnaît les articles L. 622-22, L. 622-27, L. 624-2 et L. 624-3 du code de commerce, la cour d'appel, qui déclare irrecevable l'appel formé par le créancier contre l'ordonnance du juge-commissaire, dès lors que la lettre de contestation de la créance était seulement fondée sur l'interruption de l'instance en cours et son absence de reprise régulière par le créancier, faute de mise en cause du mandataire judiciaire, ce dont il résultait que le juge du fond restait saisi de l'instance.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 622-22, L. 622-27, L. 624-2 et L. 624-3 du code de commerce ;

Attendu que les sanctions prévues par les deuxième et troisième textes interdisant au créancier qui n'a pas répondu à l'avis du mandataire judiciaire dans le délai de trente jours de contester ultérieurement la proposition de ce dernier et de former un recours contre la décision du juge-commissaire ne sont pas applicables lorsqu'une instance au fond, relative à la créance déclarée, était en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective du débiteur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Easy Connect a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 1er septembre 2016 qui a désigné la Selarl Egide en qualité de mandataire judiciaire ; que M. O..., qui avait assigné, le 18 septembre 2015, la société Easy Connect devant un tribunal de commerce en remboursement d'un prêt, a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire ; que cette créance a été contestée par une lettre du mandataire judiciaire proposant son rejet, au motif que l'instance en cours, pendante devant le tribunal de commerce et interrompue par l'ouverture du redressement judiciaire, n'avait pas été reprise conformément aux dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce, le mandataire judiciaire n'y ayant pas été appelé ; que M. O... n'a pas répondu à cette lettre dans les trente jours de sa réception ; que le juge-commissaire a rejeté la créance ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel formé par le créancier contre l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt retient que M. O... n'a pas répondu dans le délai de trente jours à la lettre du mandataire judiciaire dont le juge-commissaire a confirmé la proposition de rejet ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de contestation de la créance était seulement fondée sur l'interruption de l'instance en cours et son absence de reprise régulière par le créancier, faute de mise en cause du mandataire judiciaire, ce dont il résultait que le juge du fond restait saisi de l'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 622-22, L. 622-27, L. 624-2 et L. 624-3 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-14.960, Bull. 2018, IV, (rejet).

Com., 13 février 2019, n° 17-26.361, (P)

Rejet

Sauvegarde – Période d'observation – Déclaration de créances – Procédure – Indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté – Obligation – Conditions – Impossibilité de calculer le montant des intérêts au jour de la déclaration de créance

Les dispositions de l'article R. 622-23 du code de commerce n'exigent l'indication des modalités de calcul des intérêts, dont le cours n'est pas arrêté, que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance.

Dès lors, le juge-commissaire peut admettre les intérêts pour leur montant déjà calculé, sans prendre en compte les modalités d'un plan ou les sommes pour lesquelles le créancier sera effectivement retenu dans les répartitions et les dividendes, la créance devant être admise pour son montant, au moment du jugement d'ouverture de la procédure collective, sans tenir compte d'événements pouvant influer sur le cours des intérêts.

Sauvegarde – Période d'observation – Déclaration de créances – Procédure – Indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté – Possible modification du montant en raison d'événements susceptibles d'influer sur le cours des intérêts – Prise en compte des modalités du plan ou des sommes pour lesquelles le créancier sera effectivement retenu dans les répartitions et les dividendes – Nécessité (non)

Donne acte à la société Egide de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur de la société AMTP Cavaillez ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 28 juillet 2017), que le 12 octobre 2015, la société AMTP Cavaillez a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société E... et associés, devenant la société Egide, étant désignée mandataire judiciaire ; que la société Banque populaire du Sud (la banque) a déclaré au passif une créance au titre d'un crédit d'équipement, qui a été admise pour la somme à échoir de 320 931,05 euros, constituée de cinquante-cinq échéances contractuelles restant à courir du 5 octobre 2015 au 5 mai 2020, de 5 835,11 euros chacune, au taux conventionnel fixe de 3,43 % jusqu'au terme du contrat ; qu'un plan de sauvegarde a été arrêté, la société J..., Q... et Z... étant désignée commissaire à l'exécution de ce plan ;

Attendu que la société AMTP Cavaillez, le mandataire judiciaire et le commissaire à l'exécution du plan font grief à l'arrêt d'admettre la créance au montant déclaré alors, selon le moyen, que la déclaration de créance doit préciser les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté et dont le montant ne peut être calculé au jour de l'acte, ce qui est le cas lorsque le terme de la créance d'intérêts dépend des délais et modalités de remboursement prévus par un plan, notamment de sauvegarde ; qu'en l'espèce, la déclaration de créance litigieuse faite au passif du débiteur sous procédure de sauvegarde mentionnait le montant des échéances à échoir, intérêts inclus, et leur taux conventionnel, sans indiquer les modalités de calcul de ces intérêts dont le montant ne pouvait être arrêté avant remboursement de la créance selon les conditions prévues au plan de sauvegarde ; qu'en admettant cependant la déclaration litigieuse pour son montant incluant les intérêts à échoir, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;

Mais attendu que l'article R. 622-23 du code de commerce n'exige l'indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de créance ; que la créance devant être admise pour son montant au moment du jugement d'ouverture de la procédure collective, sans tenir compte des événements pouvant influer sur le cours des intérêts à échoir, le juge-commissaire peut admettre ceux-ci pour leur montant déjà calculé, sans prendre en considération les modalités d'un plan ou les sommes pour lesquelles le créancier sera effectivement retenu dans les répartitions et les dividendes ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article R. 622-23 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 7 mai 2015, pourvoi n° 14-13.213, Bull. 2015, IV, n° 71 (rejet) ; Com., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-22.194, Bull. 2018, IV, (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.