Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

COURS ET TRIBUNAUX

2e Civ., 21 février 2019, n° 17-31.350, (P)

Rejet

Débats – Réouverture – Nécessité – Moyen soulevé d'office – Exclusion – Cas – Moyen soulevé au cours de l'audience – Conditions – Parties à même de s'expliquer contradictoirement

Une cour d'appel qui invite les parties, à l'audience des débats, à déposer une note en délibéré sur une cause d'irrecevabilité de l'appel qu'elle relève d'office n'est pas tenue d'ordonner la réouverture des débats avant de statuer et de déclarer l'appel irrecevable, si chacune des parties a été mise en mesure de s'expliquer contradictoirement, durant le cours du délibéré, sur cette irrecevabilité.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2017), que sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Beamtenheimstattenwerk Bausparkasse (la banque) à l'encontre de M. et Mme U..., ces derniers ont interjeté appel du jugement d'orientation qui avait rejeté leurs contestations et ordonné la vente amiable du bien, en limitant leur appel au rejet de leur demande de voir déclarer partiellement prescrite la créance de la banque ; qu'ils n'ont dirigé leur appel qu'à l'encontre de la banque, sans intimer les trois créanciers inscrits, parties au jugement d'orientation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme U... font grief à l'arrêt de déclarer leur appel irrecevable, alors, selon le moyen, qu'une cour d'appel ne peut relever d'office un moyen de droit sans ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur ce moyen et de tirer les conséquences du moyen ainsi soulevé ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que la cour d'appel a relevé d'office, à l'audience, le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel de M. et Mme U... faute de mise en cause en appel des créanciers inscrits parties en première instance ; qu'en bornant à autoriser les parties à déposer des notes en délibéré pour s'expliquer sur ce moyen relevé d'office sans ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé les articles 16, 442 et 444 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a soulevé la fin de non- recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel à l'audience des débats, a invité les parties à déposer sur ce point une note en délibéré ; que M. et Mme U..., usant de cette faculté, ont déposé une première note, puis une seconde, en réponse à celle de la banque ; qu'il s'ensuit qu'ils ont été mis en mesure de s'expliquer contradictoirement sur le moyen relevé d'office par la cour d'appel, sans que celle-ci soit tenue d'ordonner la réouverture des débats ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme U... font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'en l'absence d'indivisibilité du litige, l'appelant est libre de diriger son appel contre l'une ou certaines seulement des parties au jugement de première instance ; qu'est parfaitement divisible le litige relatif à la créance du créancier poursuivant qui ne tend pas à remettre en cause la procédure de saisie immobilière ; qu'en retenant, qu'en raison de l'indivisibilité de la procédure de saisie immobilière, l'appel du jugement d'orientation, dirigé uniquement contre le créancier poursuivant et non contre les autres créanciers inscrits parties en première instance, était irrecevable, quand l'appel de M. et Mme U... était strictement limité aux chefs du jugement relatifs à la créance du créancier poursuivant, et ne tendait pas à la remise en cause de la procédure de saisie immobilière et à l'autorisation de vente amiable accordée par le premier juge, de sorte que, ne tendant pas à la remise en cause de la procédure de saisie immobilière, il n'était pas susceptible d'aboutir à une décision qu'il aurait été impossible d'exécuter à l'égard des créanciers inscrits parties en première instance et non intimés, la cour d'appel a violé les articles 122 et 553 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu qu'en matière de procédure de saisie immobilière il existe un lien d'indivisibilité entre tous les créanciers, de sorte qu'en application de l'article 553 du code de procédure civile, l'appel de l'une des parties à l'instance devant le juge de l'exécution, fût-il limité à la contestation de la créance du créancier poursuivant, doit être formé contre toutes les parties à l'instance, à peine d'irrecevabilité de l'appel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, pris en sa seconde branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Articles 16, 442 et 444 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de rouvrir les débats en cas de moyen soulevé d'office en cours de délibéré, à rapprocher : 2e Civ., 29 janvier 2015, pourvoi n° 14-12.331, Bull. 2015, II, n° 17 (cassation).

1re Civ., 20 février 2019, n° 18-12.298, (P)

Cassation partielle

Délibéré – Note en délibéré – Dépôt – Absence d'influence

Sur le moyen unique :

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que l'exigence d'un procès équitable implique qu'en matière disciplinaire la personne poursuivie ou son avocat soit entendu à l'audience et puisse avoir la parole en dernier, et que mention en soit faite dans la décision ; que le dépôt d'une note en délibéré par la personne poursuivie n'est pas de nature à supprimer cette exigence ;

Attendu que l'arrêt condamne M. T... à une peine disciplinaire, après avoir relevé que l'intéressé a produit une note en délibéré en réponse aux observations du ministère public ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que M. T... ou son conseil avait été invité à prendre la parole en dernier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures n° 16-11972 et n° 17-09633, l'arrêt rendu le 14 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur l'ordre d'audition des parties en matière disciplinaire, à rapprocher : 1re Civ., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-11.243, Bull. 2016, I, n° 125 (2) (cassation), et l'arrêt cité.

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