Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

2e Civ., 21 février 2019, n° 17-28.285, (P)

Rejet

Article 6, § 1 – Droit d'accès au juge – Compatibilité – Article 916 du code de procédure civile

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 3 octobre 2017), que M. et Mme O... W... et la société W... ont relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance ayant débouté la société W... d'une demande dirigée contre la société FSP et ayant condamné les appelants au paiement de diverses sommes au profit de cette dernière et de la société Oceanic agence ; que par requête remise au greffe le 28 avril 2018, les appelants ont déféré à la cour d'appel une ordonnance du conseiller de la mise en état, rendue le 5 avril 2017, ayant déclaré caduque la déclaration d'appel ;

Attendu que M. et Mme O... W... et la société W... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la requête en déféré pour cause de tardiveté, alors, selon le moyen, que les conditions de recevabilité d'un acte de procédure ne peuvent restreindre l'exercice du droit à un tribunal, dont le droit d'accès concret et effectif constitue un aspect, au point de l'atteindre dans sa substance même ; que le délai imparti à un justiciable pour accomplir un acte conditionnant l'accès au juge ne peut donc courir à compter de la date d'un jugement, que si le justiciable en a eu effectivement connaissance à cette date ; que M. et Mme O... W... et la société W... faisaient valoir que l'ordonnance déférée ne leur avait été notifiée que le 13 avril 2017 ; qu'en se bornant à relever que les ordonnances du conseiller de la mise en état pouvaient être déférées à la cour d'appel par simple requête dans les quinze jours de leur date, et qu'en l'espèce, un délai de vingt-trois jours s'était écoulé entre le prononcé de l'ordonnance et le dépôt de la requête, le 28 avril 2017, pour déclarer cette dernière irrecevable, sans rechercher si les requérants avaient eu effectivement connaissance de l'ordonnance déférée avant le 13 avril 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 916 du code de procédure civile et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'en application de l'article 916 du code de procédure civile la requête en déféré doit être formée dans les quinze jours de la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour d'appel ; que cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de celui-ci dans un délai raisonnable ; que l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis ;

Qu'ayant constaté que la requête avait été remise au greffe plus de quinze jours suivant la date de l'ordonnance que la partie appelante entendait déférer, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par le grief, l'a déclarée irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 916 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de la requête en déféré, à rapprocher : 2e Civ., 21 janvier 1998, pourvoi n° 96-16.751, Bull. 1998, II, n° 23 (rejet).

1re Civ., 20 février 2019, n° 18-12.298, (P)

Cassation partielle

Article 6, § 1 – Equité – Exigences – Matière disciplinaire – Droits de la défense – Violation – Cas

Sur le moyen unique :

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que l'exigence d'un procès équitable implique qu'en matière disciplinaire la personne poursuivie ou son avocat soit entendu à l'audience et puisse avoir la parole en dernier, et que mention en soit faite dans la décision ; que le dépôt d'une note en délibéré par la personne poursuivie n'est pas de nature à supprimer cette exigence ;

Attendu que l'arrêt condamne M. T... à une peine disciplinaire, après avoir relevé que l'intéressé a produit une note en délibéré en réponse aux observations du ministère public ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que M. T... ou son conseil avait été invité à prendre la parole en dernier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures n° 16-11972 et n° 17-09633, l'arrêt rendu le 14 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur l'ordre d'audition des parties en matière disciplinaire, à rapprocher : 1re Civ., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-11.243, Bull. 2016, I, n° 125 (2) (cassation), et l'arrêt cité.

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