Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES

Com., 13 février 2019, n° 17-18.049, (P)

Rejet

Article 10 – Liberté d'expression – Restriction – Cause – Nécessité d'empêcher la divulgation d'informations confidentielles – Exclusion – Cas – Publication d'informations soumises à la confidentialité par l'article L. 611-15 du code de commerce – Nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général

Fait une juste application de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la cour d'appel, qui, en l'état de ses constatations et appréciations desquelles il résulte que les articles publiés par une société éditrice d'un site d'informations financières en ligne, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises et consultable par abonnement, ont divulgué des données chiffrées confidentielles sur les difficultés économiques et financières des sociétés d'un groupe et les détails des négociations en cours que ces dernières menaient pour restructurer leur dette dans le cadre d'une procédure de conciliation couverte par la confidentialité prévue par l'article L. 611-15 du code de commerce, retient que ces articles n'étaient pas de nature à nourrir un débat d'intérêt général sur les difficultés d'un grand groupe industriel et ses répercussions sur l'emploi et l'économie nationale, mais tendaient principalement à satisfaire les intérêts de ses abonnés, public spécialisé dans l'endettement des entreprises, que leur publication risquait de causer un préjudice considérable aux sociétés de ce groupe ainsi qu'aux parties appelées à la procédure de prévention amiable et de compromettre gravement son déroulement et son issue, et ordonne, en conséquence, le retrait des articles contenant des données confidentielles et l'interdiction d'en publier de nouveaux.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 avril 2017) rendu, en matière de référé, sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 décembre 2015, pourvoi n° 14-11.500) que par ordonnances des 11 juillet et 26 septembre 2012, la société FHB a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés du groupe Consolis sur le fondement des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code de commerce ; que le 18 juillet 2012, la société Mergermarket Limited, éditrice du site d'informations financières en ligne Debtwire, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises et consultable par abonnement, a publié un article commentant l'ouverture de la procédure de mandat ad hoc ; qu'elle a, par la suite, diffusé divers articles rendant compte de l'évolution des procédures en cours, exposant les négociations engagées avec les créanciers des sociétés du groupe et citant des données chiffrées sur la situation financière de ces sociétés ; que les 23 et 24 octobre 2012, plusieurs sociétés du groupe Consolis ainsi que la société FHB ont assigné la société Mergermarket Limited devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l'ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l'interdiction de publier d'autres articles ;

Attendu que la société Mergermarket Limited fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes alors, selon le moyen :

1°/ que si la publication d'informations confidentielles par application de l'article L. 611-15 du code de commerce ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d'informer du journaliste si les informations diffusées relèvent d'un débat d'intérêt général, il est en revanche indifférent que ces informations soient en elles-mêmes conformes ou non à l'intérêt général ; qu'au contraire la liberté d'information vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population ; qu'en retenant que la société Mergermarket Limited ne justifiait pas en quoi la révélation des détails de la négociation en cours sur la restructuration de la dette du groupe Consolis dans le cadre de la procédure de conciliation était « conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie », la cour d'appel a ajouté à tort une condition à la loi et a de ce seul fait violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;

2°/ que relèvent d'un débat d'intérêt général les choix stratégiques mettant en jeu des sommes considérables opérés lors d'une procédure collective et susceptibles de jouer sur le devenir d'une entreprise ou dont les conséquences économiques et sociales peuvent être la disparition d'une entreprise de grande envergure ou d'un groupe de sociétés ; que la cour d'appel qui a constaté que le groupe Consolis occupait une place éminente dans l'économie européenne et que ses difficultés financières avaient conduit à l'engagement d'une procédure de conciliation par un mandataire ad hoc, ne pouvait refuser de considérer que les informations relatives à cette procédure diffusées par la société Mergermarket Limited relevaient nécessairement d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite, au regard du caractère confidentiel de ces informations, sauf à méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations et violer à nouveau l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;

3°/ que, de façon plus générale, relèvent également d'un débat d'intérêt général les difficultés rencontrées au lendemain de la crise par les entreprises ayant fait l'objet de LBO hautement spéculatifs pour restructurer leurs dettes ; que la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par la société exposante en ses écritures d'appel, si la procédure de conciliation dont les informations contestées avaient fait état ne s'inscrivait pas dans un tel contexte et si ces informations ne relevaient pas de ce fait d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;

4°/ que, lorsqu'ils se prononcent sur l'existence d'un débat d'intérêt général, les juges du fond doivent tenir compte du contexte spécifique des faits litigieux, dont le retentissement antérieur d'une affaire notamment auprès des médias ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé par la société Mergermarket Limited, si les informations diffusées par d'autres médias avant elle à propos de la procédure de conciliation avec nomination d'un mandataire ad hoc ouverte par le groupe Consolis n'étaient pas, au-delà de leur contenu, de nature à créer un contexte faisant des informations litigieuses diffusées les composantes d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir vérifié que la mesure de retrait et d'interdiction demandée était prévue par la loi, qu'elle poursuivait un but légitime et qu'elle était proportionnée à ce but, la cour d'appel s'est attachée à examiner le contenu des articles litigieux pour déterminer si, au-delà de l'affirmation de principe selon laquelle les difficultés d'un grand groupe industriel relevaient d'un débat d'intérêt général au regard des répercussions économiques et sociales que ces difficultés pouvaient entraîner, le contenu des articles n'avait pas contribué à nourrir ce débat, et ce faisant, a vérifié si la mesure sollicitée était nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 10.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Que la cour d'appel a constaté qu'avaient été mis en ligne, le 26 juillet 2012, un article relatant le déroulement d'une réunion organisée le 24 juillet par le mandataire ad hoc, citant de nombreuses données chiffrées relatives aux résultats et aux engagements financiers du groupe Consolis et exposant les demandes faites aux créanciers, le 9 août 2012, un article indiquant que des prêteurs seniors de Consolis, nommément désignés, avaient organisé un groupe de travail informel et faisant le point sur l'état des discussions relativement à la restructuration de la dette ainsi que la situation financière du groupe Consolis, le 7 septembre 2012, un article relatant l'état des négociations entre les parties à la procédure sous l'égide du mandataire ad hoc, le 25 suivant, un article mentionnant que, lors d'une réunion organisée entre les sociétés du groupe Consolis et ses prêteurs, la procédure était passée d'un mandat ad hoc à une conciliation, ainsi que l'état des négociations entre les parties, de nombreuses données chiffrées relatives à la situation financière du groupe Consolis, les intentions des parties ainsi qu'un calendrier estimatif et, enfin, le 17 octobre 2012, un dossier de huit pages concernant les sociétés du groupe Consolis, retraçant la procédure de conciliation engagée par les sociétés du groupe, citant les résultats obtenus ainsi que les négociations engagées avec les prêteurs ; qu'elle a ainsi relevé que ces articles retraçaient le déroulement, au fur et à mesure, des réunions tenues dans le cadre de la procédure de prévention amiable, divulguant le contenu des négociations en cours dans le cadre de celle-ci avec des données chiffrées très précises fournies par des sources participant à cette procédure ;

Que pour répondre au moyen soutenu par la société Mergermarket Limited selon lequel ces articles répondaient à un objectif légitime d'informer le public, dans un débat d'intérêt général, des difficultés rencontrées par un groupe de la taille de Consolis, lesquelles constitueraient une menace pour l'emploi et toute l'économie, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas justifié en quoi il pouvait être conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie de rendre public, à tout le moins, de porter à la connaissance de ses abonnés, un compte rendu en temps réel du déroulement et du contenu des négociations de la procédure de prévention amiable ouverte au bénéfice des sociétés du groupe Consolis, tandis que les articles diffusés par d'autres sites ou organes de presse se bornaient à faire état des difficultés du groupe Consolis avant l'ouverture de la première procédure de mandat ad hoc, le résultat de celle-ci et l'existence de nouvelles difficultés en juillet 2012 ;

Qu'elle a encore relevé que le public concerné est celui des abonnés au site Debtwire, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises ;

Qu'elle a relevé, enfin, que ces articles ne pouvaient que compromettre l'issue de la procédure de prévention amiable et fragiliser la situation des sociétés du groupe Consolis et, partant, qu'ils constituaient un trouble manifestement illicite, et que la circonstance, à cet égard, que la procédure se soit terminée par une conciliation courant mars 2013 est sans incidence tant il est vrai que ce simple constat n'exclut pas que le contenu de cette conciliation soit plus défavorable aux sociétés du groupe Consolis que ce qu'il aurait été si la confidentialité avait été respectée, et que les relations des sociétés du groupe Consolis avec leurs partenaires se soient dégradées de manière significative ;

Qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que les articles litigieux, qui ont divulgué des données chiffrées confidentielles sur les difficultés des sociétés du groupe Consolis et les détails des négociations en cours que ces dernières menaient pour restructurer leur dette dans le cadre d'une procédure de conciliation couverte par la confidentialité prévue par l'article L. 611-15 du code de commerce, n'étaient pas de nature à nourrir un débat d'intérêt général sur les difficultés d'un grand groupe industriel et ses répercussions sur l'emploi et l'économie nationale, mais tendaient principalement à satisfaire les intérêts de ses abonnés, public spécialisé dans l'endettement des entreprises, et que leur publication risquait de causer un préjudice considérable aux sociétés du groupe Consolis ainsi qu'aux parties appelées à la procédure de prévention amiable et de compromettre gravement son déroulement et son issue, la cour d'appel qui, en dépit de l'usage inapproprié de l'expression « conforme à l'intérêt général » au lieu de « conforme à l'objectif légitime d'informer le public sur une question d'intérêt général », a effectué la recherche invoquée à la quatrième branche et n'avait pas à effectuer celle invoquée à la troisième branche, a fait une juste application de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Schmidt - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 611-15 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 15 décembre 2015, pourvoi n° 14-11.500, Bull. 2015, IV, n° 169 (cassation partielle).

1re Civ., 13 février 2019, n° 18-13.748, (P)

Rejet

Premier Protocole additionnel – Article 1er – Protection de la propriété – Violation – Défaut – Cas – Action en revendication d'un bien public

L'action en revendication d'un bien public relève de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle s'exerce à l'égard d'une personne qui, ayant acquis ce bien de bonne foi, pouvait nourrir une espérance légitime de le conserver ou d'obtenir une contrepartie, de sorte qu'il y a lieu de procéder à un contrôle de la proportionnalité d'une telle action qui permet de constater que : - l'ingérence que constituent l'inaliénabilité du bien et l'imprescriptibilité de l'action en revendication est prévue par des dispositions de loi présentant l'accessibilité, la clarté et la prévisibilité requises par la Convention, dès lors, d'une part, qu'elles figurent à l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, d'autre part, qu'il s'en déduit qu'aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être valablement constitué au profit de tiers et que ce bien ne peut faire l'objet d'une prescription acquisitive en application de l'article 2276 du code civil au profit de ses possesseurs successifs, même de bonne foi ; - cette ingérence poursuit un but légitime, dès lors que la protection de l'intégrité du domaine public relève de l'intérêt général ; - l'action en revendication étant la seule mesure de nature à permettre à l'Etat de recouvrer la plénitude de son droit de propriété, l'ingérence ne saurait être disproportionnée eu égard au but légitime poursuivi.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2018), que l'Etat a présenté une action en revendication relative à une pierre sculptée de 1,63 mètre, désignée comme le « fragment à l'Aigle », provenant du jubé gothique de la cathédrale de Chartres et acquise en 2002 par la société Brimo de Laroussilhe (la société Brimo) ;

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur les deuxième et troisième branches du second moyen :

Attendu que la société Brimo fait grief à l'arrêt de lui ordonner de restituer à l'Etat le fragment du jubé de la cathédrale de Chartres dit le « fragment à l'Aigle » dans les trois mois de la signification du jugement, et de rejeter sa demande en indemnisation pour procédure abusive, alors, selon le moyen :

1°/ que la règle « en fait de meubles, la possession vaut titre » prévue par l'article 2276 du code civil constitue un mode autonome d'acquisition, distinct de l'aliénation et de la prescription ; que dès lors, les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public ne font pas obstacle à l'acquisition d'un bien mobilier appartenant au domaine public par une prise de possession de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs adoptés, « que la société Brimo de Laroussilhe est entrée en possession du fragment revendiqué en toute bonne foi, suite à une acquisition sur le marché de l'art et qu'elle bénéficie de la présomption prévue à l'article 2276 du code civil » ; qu'en jugeant néanmoins que le fait que le bien ait appartenu au domaine public lors de cette prise de possession impliquerait, en application des principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public, qu'il doive être restitué à l'Etat, la cour d'appel a violé l'article 2276 du code civil, ensemble l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

2°/ que le fait, pour l'Etat, de retirer à une personne un meuble corporel qu'elle avait acquis de bonne foi constitue une privation de propriété, au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que cet acquéreur pouvait légitimement se prévaloir d'une situation de sécurité juridique résultant de son titre de propriété ; qu'une telle ingérence dans le droit au respect des biens ne peut être justifiée par l'appartenance dudit bien au domaine public que si elle est proportionnée ; qu'en l'espèce, en ordonnant à la société Brimo de restituer à l'Etat, sans la moindre indemnisation, le fragment à l'Aigle qu'elle avait acquis de bonne foi et qui avait une valeur pécuniaire considérable, motif pris de son appartenance au domaine public, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de cette société, en violation de l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'abord, que la protection du domaine public mobilier impose qu'il soit dérogé à l'article 2279, devenu 2276 du code civil ; qu'après avoir comparé le fragment à l'Aigle et une autre sculpture composant, ensemble, un bas-relief du jubé de la cathédrale de Chartres, démonté en 1763, l'arrêt retient que ce fragment correspond à celui extrait en 1848 du sol de la cathédrale par l'architecte M..., à une époque où le bâtiment relevait du domaine public de l'Etat ; que la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que le fragment à l'Aigle avait intégré à cette date le domaine public mobilier ;

Attendu, ensuite, que l'action en revendication d'un tel bien relève de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle s'exerce à l'égard d'une personne qui, ayant acquis ce bien de bonne foi, pouvait nourrir une espérance légitime de le conserver ou d'obtenir une contrepartie ;

Attendu, cependant, que l'ingérence que constituent l'inaliénabilité du bien et l'imprescriptibilité de l'action en revendication est prévue à l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du même code ; qu'il s'en déduit qu'aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être valablement constitué au profit de tiers et que ce bien ne peut faire l'objet d'une prescription acquisitive en application de l'article 2276 du code civil au profit de ses possesseurs successifs, même de bonne foi ; que ces dispositions législatives présentent l'accessibilité, la clarté et la prévisibilité requises par la Convention ;

Attendu que cette ingérence poursuit un but légitime, au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la protection de l'intégrité du domaine public relève de l'intérêt général ;

Et attendu que l'action en revendication étant la seule mesure de nature à permettre à l'Etat de recouvrer la plénitude de son droit de propriété, l'ingérence ne saurait être disproportionnée eu égard au but légitime poursuivi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 2279, devenu 2276, du code civil ; article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Rapprochement(s) :

En matière civile, à rapprocher : Chambre des requêtes, 17 juin 1896, DP 1897, I, 257 (rejet). En matière pénale, à rapprocher : Crim., 4 février 2004, pourvoi n° 01-85.964, Bull. crim. 2004, n° 34 (rejet), et l'arrêt cité ; Crim., 17 mars 2015, pourvoi n° 13-87.873, Bull. crim. 2015, n° 59 (rejet). Sur la conformité de l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques à la Constitution, cf. : Cons. Const., 26 octobre 2018, décision n° 2018-743 QPC.

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