Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

3e Civ., 14 février 2019, n° 17-31.665, (P)

Cassation partielle

Exécution – Manquement – Sanction – Pénalités contractuelles – Application exclusive (non)

La stipulation de sanctions à l'inexécution du contrat n'exclut pas la mise en oeuvre des solutions issues du droit commun des obligations.

Viole l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d'appel qui retient que la stipulation de pénalités contractuelles en cas de retard de paiement fait obstacle à ce que le cocontractant puisse opposer l'exception d'inexécution aux retards de paiement.

Exécution – Manquement – Sanction – Pénalités contractuelles – Exception d'inexécution – Possibilité

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 24 octobre 2017), que la société Icade promotion tertiaire (Icade) a vendu en l'état futur d'achèvement à la société Odélia développement un immeuble qui était destiné au logement de personnes âgées et dont la gestion devait être assurée par la société Odélia résidences ; que la société Odélia développement a revendu certains lots à des investisseurs privés ; que, se plaignant d'un retard de livraison, les sociétés Odélia, aujourd'hui en liquidation judiciaire, ont assigné en indemnisation la société Icade, qui a demandé à titre reconventionnel le paiement d'indemnités contractuelles ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour déclarer la société Icade tenue d'indemniser le retard de livraison, l'arrêt retient que la stipulation de pénalités contractuelles de retard fait obstacle à ce que la société Icade puisse opposer l'exception d'inexécution aux retards de paiement de la société Odélia pour suspendre l'exécution de sa propre prestation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la stipulation de sanctions à l'inexécution du contrat n'exclut pas la mise en oeuvre des solutions issues du droit commun des obligations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le troisième moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour ordonner une expertise et indiquer à l'expert les principes à suivre pour chiffrer les pénalités de retard, l'arrêt retient que, celles-ci seront calculées pour les seuls lots appartenant à la société Odélia développement à l'exclusion des lots cédés à des sous-acquéreurs n'ayant pas reçu la notification contractuellement prévue de l'état d'avancement des travaux, et qu'elles seront arrêtées à la date même des paiements et non par mois complet ;

Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur la raison pour laquelle il convenait de cantonner les pénalités de retard convenues entre les parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu les articles L. 261-4 du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles 1601-4, 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1984 du code civil ;

Attendu que, pour ordonner une expertise et indiquer à l'expert les principes à suivre pour chiffrer les pénalités de retard, l'arrêt retient que les notifications de retard de paiement devaient être directement adressées par le vendeur aux sous-cessionnaires substitués à la société Odélia ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'accord des parties que la société Odélia avait tout pouvoir pour recevoir ces notifications, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu à statuer sur le premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Icade tenue d'indemniser le retard de livraison, fixe la date de livraison de la partie logement de la résidence au 25 mars 2011 et la date de livraison complète de l'ensemble immobilier, incluant la cuisine et la salle de restaurant, au 20 juin 2011, et demande à l'expert de procéder au calcul des pénalités de retard conformément aux principes détaillés par le tribunal dans sa motivation, l'arrêt rendu le 24 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Nivôse - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 1184 dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Com., 20 février 2019, n° 18-10.422, (P)

Rejet

Objet – Licéité – Cas – Localisation d'un véhicule sanitaire muni d'une autorisation de mise en service – Cession du droit d'usage au sens de l'article R. 6312-37 du code de la santé publique

Ayant énoncé que la mise en service des véhicules de transports sanitaires doit être autorisée par le préfet en application des articles R. 6312-33 et suivants du code de la santé publique, dans leur version alors en vigueur, et que l'article R. 6312-37 du même code dispose que cette autorisation est transférable, après accord de cette autorité, en cas de cession du véhicule ou du droit d'usage de ce véhicule, au profit et à la demande du cessionnaire, une cour d'appel a exactement retenu que la location d'un véhicule sanitaire muni d'une autorisation doit être assimilée à la cession du droit d'usage de celui-ci, au sens de ce texte, et qu'elle est donc licite.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 octobre 2017), que le 16 février 2009, la société Var assistance a donné en location à la société Marion, pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction, une ambulance et un véhicule sanitaire léger, le contrat stipulant que le loueur avait préalablement obtenu du préfet le transfert des deux autorisations de mise en service des véhicules par application de l'article R. 6312-37 du code de la santé publique et que le locataire s'obligeait, en cas de cessation du contrat, à faire les démarches nécessaires au transfert des autorisations de mise en service ; que le 1er août 2009, les deux sociétés ont conclu un contrat identique portant sur une ambulance ; que le 16 juillet 2010, la société Marion a dénoncé les deux contrats en arguant de ce que la location à titre onéreux d'une autorisation de mise en service était prohibée ; que contestant ces dénonciations, la société Var assistance a assigné la société Marion en paiement des loyers impayés et de dommages-intérêts et restitution des autorisations administratives ; que la société Marion ayant été mise en redressement judiciaire, la société BR associés, désignée administrateur judiciaire, est intervenue à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Marion et la société BR associés, ès qualités, font grief à l'arrêt de fixer au passif de la société Marion la créance de loyers de la société Var assistance et d'ordonner à la société Marion de faire les démarches afin de transférer à la société Var assistance les autorisations de mise en service attachées aux véhicules objets du contrat de location des 16 février et 1er août 2009, sous astreinte, alors, selon le moyen :

1°/ que le transfert d'une autorisation de mise en service d'un véhicule de transport sanitaire ne peut être sollicité que dans le cadre d'une cession du véhicule autorisé ou du droit d'usage de ce véhicule ; que la location à titre onéreux d'un véhicule sanitaire et de l'autorisation de mise en service qui lui est attachée, qui n'est pas envisagée par les dispositions du code de la santé publique qui délimitent les conditions dans lesquelles une telle autorisation peut être transférée, n'est donc pas licite ; qu'en estimant néanmoins, pour rejeter la demande de nullité de la convention litigieuse stipulant une location de véhicules de transport sanitaire munis d'autorisations de mise en service, que la location d'un véhicule sanitaire muni d'une autorisation est assimilable à la cession du droit d'usage de celui-ci, quand une telle location n'est pas autorisée par les textes, la cour d'appel a violé l'article 1128 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 6312-5, R. 6312-37 et R. 6312-42 du code de la santé publique, dans leur version applicable à la cause ;

2°/ que seul le directeur général de l'agence régionale de santé délivre les autorisations de mise en service de véhicules sanitaires ou prononce leur transfert ; qu'il en résulte que seule la décision du directeur général de délivrer une autorisation de mise en service ou de prononcer son transfert en investit son titulaire ; qu'en fixant néanmoins au passif de la société Marion la créance de la société Var assistance à la somme de 141 153,08 euros, au titre de loyers impayés pour la location d'une autorisation de mise en service, quand seule la décision du directeur général de l'agence régionale de santé en a investi la société Marion, ce dont il résultait que la société Var assistance ne pouvait réclamer une quelconque somme au titre d'une location de cette autorisation, la cour d'appel a violé les articles L. 6312-5, R. 6312-35, R. 6312-37 et R. 6312-42 du code de la santé publique, dans leur version applicable à la cause ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé que la mise en service des véhicules de transports sanitaires doit être autorisée par le préfet en application des articles R. 6312-33 et suivants du code de la santé publique, dans leur version alors en vigueur, et que l'article R. 6312-37 du même code dispose que cette autorisation est transférable, après accord de cette autorité, en cas de cession du véhicule ou du droit d'usage de ce véhicule, au profit et à la demande du cessionnaire, l'arrêt retient exactement que la location d'un véhicule sanitaire muni d'une autorisation doit être assimilée à la cession du droit d'usage de celui-ci, au sens de ce texte, et qu'elle est donc licite ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel a exactement qualifié les contrats liant la société Var assistance à la société Marion en des contrats de location de véhicules sanitaires munis d'une autorisation de mise en service, ces autorisations n'en étant pas détachables, et non comme des contrats de location de la seule autorisation de mise en service de ces véhicules ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Marion et la société BR associés, ès qualités, font encore grief à l'arrêt de fixer au passif de la société Marion une certaine somme due à la société Var assistance à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le premier moyen qui s'attaque aux chefs de l'arrêt ayant fixé au passif de la société Marion la créance de loyers de la société Var assistance à la somme de 141 153,08 euros et ayant ordonné à la société Marion de faire les démarches afin de transférer à la société Var assistance les autorisations de mise en service attachées aux véhicules objets du contrat de location des 16 février et 1er août 2009, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile, la censure du chef de l'arrêt critiqué dans le second moyen ;

Mais attendu que le rejet du premier moyen rend le grief sans portée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Daubigney - Avocat général : Mme Pénichon - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles R. 6312-33 et R. 6312-37 du code de la santé publique.

1re Civ., 6 février 2019, n° 17-20.463, (P)

Rejet

Objet – Licéité – Défaut – Cas – Violation des règles déontologiques – Publicité en faveur d'un ostéopathe

L'objet d'un contrat doit être licite, à peine de nullité. Est nul en raison du caractère illicite de son objet, le contrat qui, en contravention de l'article 21 du code de déontologie des professionnels de l'ostéopathie interdisant tous procédés directs ou indirects de publicité, tend à l'insertion d'encarts publicitaires dans un répertoire familial pratique d'urgence.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de Libourne, 17 mai 2017), que, suivant bon de commande signé le 18 août 2016 sur le lieu d'exercice de son activité professionnelle, Mme X..., ostéopathe, a chargé la société Mémo.com (la société) de publier un encart afin d'informer le public de son activité ; que la société l'a assignée en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de ce contrat ;

Attendu que la société fait grief au jugement de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le prestataire n'a pas à informer le client des règles professionnelles et déontologiques qu'il se doit d'observer, dès lors que le client, appartenant à une profession réglementée, est soumis à un code déontologique, se doit de les connaître ; qu'en décidant le contraire, le juge du fond a violé les articles L. 221-3 et L. 221-5 du code de la consommation ;

2°/ que, si le prestataire a l'obligation d'informer le client de l'absence de droit de rétractation, c'est seulement dans le cas où les relations entre le prestataire et le client entrent dans le champ des règles prévoyant en principe un droit à rétractation ; qu'à partir du moment où le client, non consommateur, contracte pour les besoins de son activité professionnelle, il échappe au champ des règles instituant le droit de rétractation ; qu'à ce titre, contractant pour les besoins de sa profession, Mme X... ne pouvait par principe revendiquer un droit à rétractation ; que par suite, aucune information n'était due sur ce point par la société ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 221-3 et L. 221-5 du code de la consommation ;

Mais attendu que l'objet d'un contrat doit être licite, à peine de nullité ; qu'il résulte de l'article 21 du code de déontologie des professionnels de l'ostéopathie que sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité ; que le jugement relève que le contrat litigieux tend à l'insertion d'encarts publicitaires dans un répertoire familial pratique d'urgence ; qu'un tel contrat est nul en raison du caractère illicite de son objet ; que, par ce motif de pur droit, substitué, selon les modalités de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux que critique le moyen, le jugement se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Krivine et Viaud -

Textes visés :

Article 21 du code de déontologie des professionnels de l'ostéopathie.

1re Civ., 6 février 2019, n° 17-25.859, (P)

Rejet

Résolution – Résolution judiciaire – Effets – Restitutions – Détermination

Donne acte à M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société BNP Paribas Personal Finance ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 juin 2017), que, le 11 octobre 2012, M. et Mme X... ont conclu avec la société Nouvelle Régie des jonctions des énergies de France (le vendeur) un contrat de vente et d'installation d'une centrale photovoltaïque, financé par un crédit d'un montant de 22 900 euros consenti le même jour par la société Banque Solféa, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) ; qu'ils ont assigné M. A..., pris en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire du vendeur, et la banque aux fins, notamment, d'obtenir la résolution du contrat principal et la condamnation du vendeur à reprendre le matériel photovoltaïque ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'ordonner, au titre de l'annulation du contrat, la reprise du matériel photovoltaïque, sans prescrire la restitution du prix de vente, alors, selon le moyen, que la nullité d'un contrat oblige le juge à remettre les choses au statu quo ante, comme si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé ; qu'il doit, dès lors, ordonner les restitutions rendues nécessaires par l'exécution des obligations postérieurement annulées ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté expressément que le prix de 22 900 euros prévu par le contrat du 11 octobre 2012 en paiement de l'installation de la centrale photovoltaïque et du ballon thermodynamique avait été intégralement payé au vendeur ; qu'en prononçant la nullité du contrat et en ordonnant la restitution des panneaux, sans ordonner la restitution du prix payé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé les articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et R. 121-24 du code de la consommation, ensemble le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ;

Mais attendu que, l'annulation d'une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, la cour d'appel n'était pas tenue, à défaut de demande expresse en ce sens, d'ordonner la restitution du prix en même temps que la reprise de la chose vendue ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et R. 121-24 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Sur la portée de l'effet rétroactif de l'annulation d'une vente quant aux restitutions à ordonner, à rapprocher : Com., 18 décembre 1961, Bull. 1961, IV, n° 485 (rejet) ; 3e Civ., 20 février 1973, pourvoi n° 72-10.629, Bull. 1973, III, n° 147 (2) (rejet) ; 1re Civ., 12 février 1975, pourvoi n° 73-10.960, Bull. 1975, I, n° 64 (2) (rejet) ; 1re Civ., 25 mai 2016, pourvoi n° 15-17.317, Bull. 2016, I, n° 123 (rejet).

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