Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

CONCURRENCE

1re Civ., 20 février 2019, n° 17-27.967, (P)

Cassation partielle

Transparence et pratiques restrictives – Avantages sans contrepartie ou manifestement disproportionnés – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Relation entre un avocat collaborateur et son cabinet

L'article L. 442-6, I, 1° et 2°, du code de commerce, relatif au partenariat commercial, n'a pas vocation à s'appliquer entre un avocat et le cabinet au sein duquel il collabore, en ce qu'il n'existe pas de relation commerciale entre eux.

Transparence et pratiques restrictives – Sanctions des pratiques restrictives – Déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Relation entre un avocat collaborateur et son cabinet

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 19 août 2010, M. E..., avocat inscrit au barreau d'Angers, a conclu avec la société civile professionnelle d'avocats Cabinet S... (la SCP) un contrat de collaboration libérale auquel celle-ci a mis fin le 26 mars 2014, à l'issue d'un préavis de trois mois ; que M. E... a saisi le bâtonnier du barreau d'Angers de diverses réclamations formées contre la SCP ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour disproportion manifeste au regard du service rendu ou déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, alors, selon le moyen, que les dispositions du livre quatrième du code de commerce et, donc, notamment, les dispositions de l'article L. 442-6, 1° et 2°, du code de commerce sont applicables à toutes les activités de production, de distribution et de services ; que les dispositions de l'article L. 442-6, 1° et 2°, du code de commerce sont donc applicables aux rapports entre des avocats liés par un contrat de collaboration ; qu'en retenant le contraire, pour déclarer M. E... mal fondé en sa demande tendant à la condamnation de la SCP à lui payer la somme de 190 000 euros à titre de dommages-intérêts pour disproportion manifeste au regard du service rendu ou déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et le débouter de cette demande, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 410-1 et L. 442-6, 1° et 2°, du code de commerce ;

Mais attendu que, le partenariat commercial visé à l'article L. 442-6, I, 1° et 2°, du code de commerce s'entendant d'échanges commerciaux conclus entre les parties, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ce texte n'avait pas vocation à s'appliquer, dès lors qu'il n'existe pas de relation commerciale entre un avocat et le cabinet au sein duquel il collabore ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de désintéressement de l'avocat, alors, selon le moyen :

1°/ que l'avocat est tenu de respecter, en toutes circonstances, le principe de désintéressement dans l'exercice de sa profession ; que ce principe est donc applicable en matière de rétrocession d'honoraires entre avocats et dans les rapports en des avocats liés par un contrat de collaboration ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer M. E... mal fondé en sa demande tendant à la condamnation de la SCP à lui payer des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de désintéressement de l'avocat et pour le débouter de cette demande, que l'obligation de désintéressement ne concernait que la question des honoraires entre un avocat et son client et ne pouvait être appliquée dans le cadre de la rétrocession d'honoraires entre deux avocats ou de la collaboration ayant existé entre M. E... et la SCP, sauf à considérer que le contrat de collaboration conclu entre les parties était contraire à la relation de confiance attendue d'un avocat et de son collaborateur, ce que ne soutenait pas M. E..., la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1er et 3 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat et de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant, pour déclarer M. E... mal fondé en sa demande tendant à la condamnation de la SCP à lui payer des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de désintéressement de l'avocat et pour le débouter de cette demande, que M. E... n'avait pas indiqué en quoi l'obligation de désintéressement n'avait pas été respectée par la SCP, quand, dans ses conclusions d'appel, M. E... avait exposé en quoi l'obligation de désintéressement n'avait pas été respectée par la SCP, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de M. E..., en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que l'avocat est tenu de respecter, en toutes circonstances, le principe de désintéressement dans l'exercice de sa profession ; qu'en énonçant, pour déclarer M. E... mal fondé en sa demande tendant à la condamnation de la SCP à lui payer des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de désintéressement de l'avocat et pour le débouter de cette demande, que les parties avaient conclu un contrat de collaboration écrit, qui avait été appliqué durant plusieurs années, que M. E..., qui était un avocat de plein exercice, ne justifiait pas avoir agi sous la contrainte et devait être conscient que les écrits engagent leurs signataires, qu'il ne pouvait, dans ces conditions, être fait grief à la SCP d'avoir respecté la lettre du contrat signé entre les parties, qui ne prévoyait pas de révision de la rétrocession de M. E... et que M. E... n'avait jamais, durant l'exécution du contrat, sollicité de réévaluation ou d'ajustement de sa rémunération pour tenir compte du chiffre d'affaires qu'il contribuait à réaliser au bénéfice de la SCP, quand ces circonstances n'excluaient nullement que la SCP eût méconnu le principe de désintéressement auquel elle était tenue et étaient, par suite, inopérantes, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1er et 3 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat et de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que le principe de désintéressement, qui concerne les relations entre un avocat et son client, ne peut être appliqué à la rétrocession d'honoraires ou à la collaboration entre deux avocats ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 564 du code de procédure civile, ensemble l'article 455 du même code ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande d'indemnisation formée par M. E... pour plainte téméraire, dont la nouveauté était invoquée, l'arrêt se borne à énoncer que cette demande est présentée pour la première fois en cause d'appel ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette prétention n'était pas recevable comme étant née de la survenance d'un événement postérieur à la décision de première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. E... tendant à la condamnation de la SCP à lui payer des dommages-intérêts pour violation des obligations prévues à l'article 2.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et par l'article 5.3.1 du règlement intérieur du barreau d'Angers, l'arrêt retient que l'exécution de l'ordonnance autorisant la saisie, confirmé par l'arrêt rendu le 19 avril 2016 par la cour d'appel de Rennes (RG n° 15/05235), ne peut ouvrir droit à des dommages-intérêts, sauf à démontrer, ce que ne fait pas M. E..., qu'elle s'est déroulée dans des conditions fautives ;

Attendu, cependant, que l'arrêt précité a fait l'objet d'une cassation partielle en ce qu'il rejetait la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la saisie (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-19.825) ; que cette cassation entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des dispositions de l'arrêt attaqué s'y rattachant par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par M. E... pour plainte téméraire et en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par celui-ci pour violation des obligations prévues à l'article 2.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et par l'article 5.3.1 du règlement intérieur du barreau d'Angers, l'arrêt rendu le 20 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article L. 442-6, I, 1° et 2°, du code de commerce ; article 3 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat.

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