Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

ASTREINTE (loi du 9 juillet 1991)

2e Civ., 21 février 2019, n° 18-10.030, (P)

Cassation partielle

Liquidation – Infirmation de la décision ayant supprimé une astreinte précédemment ordonnée – Cours de l'astreinte – Effet

Il résulte des articles R. 131-1, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution et 503 du code de procédure civile, qu'en cas d'infirmation de la décision, exécutoire de plein droit par provision en application de l'article R. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, ayant supprimé une astreinte précédemment ordonnée, celle-ci ne recommence à courir qu'à compter de la notification de l'arrêt.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, qui est recevable :

Vu l'article R. 131-1, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 503 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes qu'en cas d'infirmation de la décision, exécutoire de plein droit par provision en application de l'article R. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, ayant supprimé une astreinte précédemment ordonnée, celle-ci ne recommence à courir qu'à compter de la notification de l'arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Crédit immobilier de France Ouest, aux droits de laquelle se trouve la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a été condamnée sous astreinte, par un jugement du 14 mars 2014, à recalculer le montant des échéances de remboursement d'un prêt consenti à M. et Mme U... en faisant application du seul taux d'intérêt légal ; qu'après que l'astreinte avait été liquidée par deux jugements des 21 avril et 23 octobre 2015, M. et Mme U... ont saisi à nouveau un juge de l'exécution en liquidation de l'astreinte ; que, par jugement du 3 janvier 2017, ce dernier les a déboutés de leur demande et a supprimé l'astreinte ;

Attendu qu'en liquidant l'astreinte pour la période courant du 3 janvier au 21 septembre 2017, après avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait supprimé l'astreinte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a liquidé l'astreinte prononcée par le tribunal de grande instance d'Évreux par jugement du 14 mars 2014 à la somme de 15 755 euros pour la période du 27 avril 2016 au 21 septembre 2017 et condamné la société Crédit immobilier de France développement à payer cette somme à M. et Mme U..., l'arrêt rendu le 30 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 131-1, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution ; article 503 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité, en cas de cassation, à la suite d'un pourvoi non suspensif, de l'arrêt ayant infirmé une ordonnance de référé portant condamnation sous astreinte, de liquider l'astreinte pour la période comprise entre l'arrêt infirmatif et l'exécution de l'obligation intervenue avant l'arrêt de cassation, à rapprocher : Soc., 28 mai 2008, pourvois n° 06-13.043, 06-10.839 et 06-14.556, Bull. 2008, V, n° 114 (rejet).

2e Civ., 21 février 2019, n° 17-27.900, (P)

Rejet

Liquidation – Juge en charge de la liquidation – Pouvoirs – Suppression de l'astreinte – Suppression pour l'avenir – Conditions – Cause étrangère (non)

La décision prononçant une astreinte étant dépourvue de l'autorité de la chose jugée, le juge peut décider, dans l'exercice de son pouvoir souverain, de la supprimer pour l'avenir sans avoir à relever l'existence d'une cause étrangère, l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution n'ayant vocation à s'appliquer qu'à la liquidation d'une astreinte ayant déjà couru.

Liquidation – Juge en charge de la liquidation – Pouvoirs – Etendue – Détermination

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 23 octobre 2017), que statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi n° 09-71.178), un arrêt a condamné sous astreinte l'Association communale de chasse agréée de Blesle (l'ACCA) à fournir divers documents à M. R... qui a saisi un juge de l'exécution aux fins de liquidation de l'astreinte et de fixation d'une astreinte définitive ;

Attendu que M. R... fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte mise à la charge de l'ACCA par l'arrêt de la cour d'appel de Riom en date du 21 mai 2012 ayant couru du 7 juillet 2012 au 2 septembre 2015 à la somme de 532,50 euros, de condamner l'ACCA à lui payer cette somme et de supprimer pour l'avenir cette astreinte et de préciser que celle-ci avait continué à courir entre le 3 septembre 2015 et le prononcé de sa décision sur la base du montant réduit à la somme de 0,50 euros par jour de retard alors, selon le moyen :

1°/ que le juge saisi de la liquidation d'une astreinte ne peut modifier les obligations mises à la charge du débiteur sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision l'ayant prononcée ; que, pour supprimer l'astreinte pour l'avenir, la cour d'appel a jugé que l'ACCA avait pu, sans commettre de faute, détruire les registres de battues des années 2004-2005 et 2006-2007 et s'abstenir d'établir les registres relatifs aux plans de venaison des années 2004 à 2011 aux motifs qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne l'obligeait à les maintenir à la disposition des adhérents ; qu'en statuant ainsi quand l'ACCA avait été définitivement condamnée à les communiquer à M. R..., la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt, violant, ce faisant, l'article 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil ;

2°/ que la cause étrangère justifiant la suppression d'une astreinte provisoire ne peut procéder que d'un fait irrésistible et imprévisible ; qu'en jugeant, pour supprimer l'astreinte pour l'avenir, que l'ACCA "(se serait) trouvée confrontée à des causes étrangères l'empêchant de communiquer les registres de battues, à une impossibilité matérielle de communiquer les listes d'émargement des participants aux assemblées générales, les registres de venaison et les notes d'information » pour les années 2004 à 2011, quand il s'évinçait de ses propres constatations que l'ACCA avait détruit ou n'avait jamais établi ces documents antérieurement à sa condamnation, de sorte que de telles circonstances ne formaient pas un obstacle imprévisible à l'exécution de ces chefs de condamnation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé, ce faisant, l'article 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil, ensemble l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ que la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a supprimé l'astreinte pour l'avenir entraînera, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif par lesquels elle a liquidé l'astreinte mise à la charge de l'ACCA par l'arrêt de la cour d'appel de Riom en date du 21 mai 2012 ayant couru du 7 juillet 2012 au 2 septembre 2015 à la somme de 532,50 euros et condamné l'ACCA à payer cette somme à M. R..., par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la décision prononçant une astreinte étant dépourvue de l'autorité de la chose jugée, le juge peut décider, dans l'exercice de son pouvoir souverain, de la supprimer pour l'avenir sans avoir à relever l'existence d'une cause étrangère, l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution n'ayant vocation à s'appliquer qu'à la liquidation d'une astreinte ayant déjà couru ; que, dès lors, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a décidé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, de supprimer l'astreinte pour l'avenir ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

Sur le fait que la décision prononçant une astreinte est dépourvue de l'autorité de la chose jugée, à rapprocher : 2e Civ., 30 avril 2002, pourvoi n° 00-13.815, Bull. 2002, II, n° 83 (rejet). Sur le pouvoir souverain du juge de supprimer l'astreinte pour l'avenir sans avoir à relever l'existence d'une cause étrangère, à rapprocher : 2e Civ., 2 juillet 2009, pourvoi n° 08-17.335, Bull. 2009, II, n° 178 (rejet).

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