Numéro 12 - Décembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2023

SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL (SAFER)

3e Civ., 14 décembre 2023, n° 22-11.505, (B), FS

Cassation

Préemption – Nullité de plein droit de la déclaration – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination

L'action en nullité de la déclaration de préemption, prévue à l'article L. 412-8, alinéa 4, du code rural et de la pêche maritime, se prescrit par cinq ans à compter de la date d'expiration du délai imparti au préempteur par la mise en demeure, que lui a adressée le propriétaire vendeur ou l'acquéreur évincé pour réaliser l'acte de vente authentique.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 6 décembre 2021), informée du projet de vente d'un fonds agricole par la société civile immobilière de la Rose et de la basse-cour (la venderesse) à la société civile immobilière Le Buisson aux bois (l'acquéreur évincé), la société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Centre (la SAFER) a notifié, le 24 novembre 2006, son intention de préempter.

2. Par acte du 27 mai 2016, la venderesse et l'acquéreur évincé l'ont mise en demeure de réaliser, sous quinze jours, l'acte de vente authentique.

3. Par acte du 30 janvier 2017, ils l'ont assignée en nullité de sa déclaration de préemption et en indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'acquéreur évincé fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en nullité, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action en nullité de la déclaration de préemption ne pouvant être engagée qu'après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours, le point de départ de l'action en nullité de la déclaration de préemption de la SAFER est constitué par l'envoi de la mise en demeure de réaliser l'acte de vente authentique à la SAFER ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action en nullité de la déclaration de préemption de la SAFER, que le point de départ de la prescription quinquennale de cette action est constitué par la date d'expiration du délai de deux mois suivant la déclaration de préemption, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble les articles L. 412-8 et L. 143-8 du code rural et de la pêche maritime ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil, L. 143-8 et L. 412-8, alinéa 4, du code rural et de la pêche maritime :

5. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

6. Aux termes du troisième, applicable au droit de préemption de la SAFER en vertu du deuxième, en cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet.

L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption.

7. La Cour de cassation juge, d'une part, qu'une déclaration de préemption d'une SAFER n'encourt la nullité pour n'avoir pas respecté le délai de deux mois prévu à l'article L. 412-8, alinéa 4, du code rural et de la pêche maritime que si la SAFER a été préalablement mise en demeure par voie d'huissier de justice de réaliser l'acte authentique (3e Civ., 15 novembre 2006, pourvoi n° 05-15.475, Bull. 2006, III, n° 227) et, d'autre part, en matière de promesse de vente, que le fait justifiant l'exercice d'une action en résolution ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente (3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.561, Bull.).

8. Il en résulte que l'action en nullité de la déclaration de préemption prévue à l'article L. 412-8, alinéa 4, susvisé, se prescrit par cinq ans à compter de la date d'expiration du délai imparti au préempteur par la mise en demeure, que lui a adressée le propriétaire vendeur ou l'acquéreur évincé pour réaliser l'acte de vente authentique.

9. Pour déclarer prescrite l'action en nullité, l'arrêt retient que, si la loi ne fixe aucun délai au propriétaire vendeur pour exercer son droit de mise en demeure de réaliser l'acte authentique, il est certain que ce droit naît dès l'expiration du délai de deux mois suivant la déclaration de préemption de la SAFER, qui constitue le point de départ du délai quinquennal de prescription.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la SAFER avait été, par acte du 27 mai 2016, mise en demeure de réaliser l'acte de vente authentique dans un délai de quinze jours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Davoine - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 15 novembre 2006, pourvoi n° 05-15.475, Bull. 2006, III, n° 227 (cassation).

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