Numéro 12 - Décembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2023

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 20 décembre 2023, n° 21-16.491, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Démarchage et vente à domicile – Contrat – Formulaire détachable de rétractation – Atteinte à l'intégrité du contrat – Sanction – Nullité du contrat

Selon l'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

A peine de nullité prévue à l'article L. 242-1 du même code, il est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

De la faculté offerte au consommateur d'exercer son droit de rétractation au moyen d'un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel, il se déduit que l'emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver.

Ayant constaté que le formulaire de rétractation figurant au verso du bon de commande comportait, d'un côté, sur une seule page, l'adresse à laquelle il devait être expédié ainsi que les références de la commande, la date et la signature du consommateur et, de l'autre côté, l'emplacement permettant à celui-ci de signer le contrat ainsi que les éléments d'identification du vendeur, une cour d'appel en déduit exactement que le contrat de vente devait être annulé.

Désistement du pourvoi incident

1. Il est donné acte à la société Domofinance du désistement de son pourvoi incident éventuel.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 mars 2021), le 8 août 2017, M. [Y] a conclu hors établissement avec la société Media systeme (le vendeur) un contrat de fourniture, d'installation et de mise en service de quatre panneaux photovoltaïques avec micro-onduleurs et d'un chauffe-eau au prix de 10 800 euros financé par un crédit souscrit le même jour avec Mme [Y] auprès de la société Domofinance (la banque).

3. Invoquant l'irrégularité du bon de commande, M. et Mme [Y] ont assigné le vendeur et la banque en nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le vendeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, de le condamner à récupérer à ses frais les éléments afférents à l'installation photovoltaïque, à payer les frais de remise en état ainsi que la somme de 10 800 euros et à garantir M. et Mme [Y] du paiement à la banque du montant du capital prêté sous déduction des mensualités déjà versées, alors :

« 1°/ que les mentions du modèle du formulaire type de rétractation ne sont pas prescrites à l'exclusion de toute autre ; qu'en jugeant que le contrat était nul dès lors que le formulaire de rétractation comportait au verso des mentions ne concernant pas l'exercice du droit de rétractation de sorte que l'utilisation du formulaire aurait « amputé » le contrat de ces « éléments », la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé l'article L. 221-9, du code de la consommation, ensemble l'article R. 221-1 et son annexe du même code ;

2°/ que, subsidiairement, toute sanction doit être proportionnée ; qu'en jugeant que le contrat était nul, cependant qu'elle constatait elle-même que le professionnel avait reporté toutes les mentions prescrites par le modèle réglementaire sur une des faces du formulaire de rétractation, ce dont il résultait que les consommateurs, complètement informés, avaient été mis en mesure de se rétracter en l'utilisant, sans être entravés dans l'exercice de leur choix par le découpage de l'emplacement réservé à leur signature et de l'identité du groupe de sociétés auquel le professionnel appartenait, dès lors que l'exercice du droit de rétractation entraîne l'anéantissement du contrat, la cour d'appel a violé le principe général de proportionnalité des sanctions, ensemble l'article 24 de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 relative aux droits des consommateurs. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. A peine de nullité prévue à l'article L. 242-1 du même code, il est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

6. De la faculté offerte au consommateur d'exercer son droit de rétractation au moyen d'un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel, il se déduit que l'emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver.

7. Ayant constaté que le formulaire de rétractation figurant au verso du bon de commande comportait, d'un côté, sur une seule page, l'adresse à laquelle il devait être expédié ainsi que les références de la commande, la date et la signature du consommateur et, de l'autre côté, l'emplacement permettant à celui-ci de signer le contrat ainsi que les éléments d'identification du vendeur, la cour d'appel, qui ne pouvait pas écarter l'application de la norme nationale édictant la sanction de la nullité du contrat au motif qu'une telle norme serait contraire à un principe général de proportionnalité et à l'article 24 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, en a exactement déduit que le contrat de vente devait être annulé.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Le vendeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. et Mme [Y] la somme de 10 800 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi, alors « que la restitution du prix consécutive à l'annulation d'un contrat de vente n'est pas un préjudice réparable ; qu'en confirmant la condamnation de la société Media système au paiement de la somme de 10 800 euros « à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi » par les époux [Y] (dispositif du jugement), après avoir cependant jugé que cette somme correspondait à la restitution du prix de vente du contrat annulé et que les préjudices allégués étaient inexistants, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant, ce faisant, l'article 1178 du code civil et, par fausse application, l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1178 et 1240 du code civil :

10. Aux termes du premier texte, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul.

La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

11. Le second dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

12. Il résulte de ces textes que la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de l'annulation d'un contrat ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable.

13. La cour d'appel confirme le jugement ayant, après avoir prononcé la nullité du contrat principal, condamné solidairement le vendeur à payer à M. et Mme [Y] la somme de 10 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application.

Portée et conséquences de la cassation

21. Tel que suggéré par l'auteur du pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Le contrat de fourniture, d'installation et de mise en service des panneaux photovoltaïques et du chauffe-eau étant annulé, il convient de condamner la société Media système à payer à M. et Mme [Y] la somme de 10 800 euros à titre de restitution du prix de vente.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Media système à payer à M. et Mme [Y] la somme de 10 800 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Media systeme à payer à M. et Mme [Y] la somme de 10 800 euros à titre de restitution du prix de vente.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Piwnica et Molinié ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 ; articles L. 221-5 et L. 242-1 du code de la consommation.

1re Civ., 20 décembre 2023, n° 22-18.928, (B), FS

Rejet

Information des consommateurs – Obligation générale d'information – Informations précontractuelles – Défaut – Sanction – Nullité – Conditions – Défaut d'information portant sur les éléments essentiels du contrat

Il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui ne sanctionne pas expressément par la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat.

Ayant retenu que le vendeur n'avait pas satisfait aux obligations d'information précontractuelles prévues à l'article L. 111-1 du code de la consommation dès lors que ni les caractéristiques essentielles des produits achetés ni le délai de livraison et d'installation de ces produits n'étaient précisément mentionnés sur le bon de commande, ce dont il résultait que le consentement du consommateur sur des éléments essentiels du contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d'une erreur, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le contrat de vente devait être annulé.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 mai 2022), le 4 juin 2018, à l'occasion d'une foire, M. et Mme [Y] (les acquéreurs) ont conclu avec la société Futur éco habitat (le vendeur) un contrat portant sur l'acquisition, l'installation et la mise en service de panneaux photovoltaïques.

2. Invoquant des carences dans les mentions devant figurer sur le bon de commande, M. [Y] a assigné le vendeur en annulation du contrat et en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le vendeur fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat et d'ordonner la restitution d'une certaine somme assortie des intérêts au taux légal, alors :

« 1°/ que la méconnaissance de l'obligation précontractuelle d'information à laquelle est tenu le professionnel à l'égard du consommateur n'est pas, sauf disposition expresse, sanctionnée par la nullité du contrat ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article L. 111-1 étaient « prescrites à peine de nullité du contrat » et en déduisant la nullité du contrat conclu entre M. [Y] et la société Futur éco habitat du seul constat que celle-ci aurait manqué à l'obligation précontractuelle d'information des articles L. 111-1 du code de la consommation et 1112-1 du code civil, la cour d'appel a violé l'article L. 111-1 du code de la consommation, ensemble les articles 1112-1 et 1130 du code civil ;

2°/ que le jugement doit préciser le fondement de sa décision ; qu'en se bornant à retenir que « le défaut d'informations constaté a nécessairement vicié le consentement de Monsieur [G] [Y]", sans préciser de quel vice du consentement - dol, erreur ou violence - M. [Y] aurait été victime, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a ainsi violé l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en toute hypothèse, un manquement à une obligation précontractuelle d'information peut entraîner l'annulation du contrat si un vice du consentement est caractérisé, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil ; qu'en déduisant la nullité du contrat conclu entre M. [Y] et la société Futur éco habitat du seul constat que celle-ci aurait manqué à l'obligation précontractuelle d'information des articles L. 111-1 du code de la consommation et 1112-1 du code civil, sans constater que les irrégularités du bon commande avaient porté sur des éléments déterminants du consentement, de sorte qu'elles étaient de telle nature que, sans elle, M. [Y] n'aurait pas contracté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 111-1 du code de consommation, ensemble les articles 1112-1 et 1130 du code civil ;

4°/ qu'en toute hypothèse, un manquement à une obligation précontractuelle d'information peut entraîner l'annulation du contrat si un vice du consentement est caractérisé, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil ; qu'en déduisant la nullité du contrat conclu entre M. [Y] et la société Futur éco habitat du seul constat que celle-ci aurait manqué à l'obligation précontractuelle d'information des articles L. 111-1 du code de la consommation et de l'article 1112-1 du code civil, sans constater que le caractère intentionnel de ces manquements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 111-1 du code de consommation, ensemble les articles 1112-1 et 1137 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui n'assortit pas expressément de la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne néanmoins l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat.

6. Ayant retenu que le vendeur n'avait pas satisfait aux obligations d'information précontractuelles prévues à l'article L. 111-1 du code de la consommation dès lors que ni les caractéristiques essentielles des produits achetés ni le délai de livraison et d'installation de ces produits n'étaient précisément mentionnés sur le bon de commande, ce dont il résultait que le consentement de M. [Y] sur des éléments essentiels du contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d'une erreur, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a déduit, à bon droit, que le contrat de vente devait être annulé.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Article L. 111-1 du code de la consommation ; articles 112-1, 1130 et suivants du code civil.

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