Numéro 12 - Décembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2023

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 21 décembre 2023, n° 21-25.162, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Assignation – Caducité – Fin de non-recevoir – Office du juge – Appréciation souveraine du juge – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte de l'article 754 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, que la juridiction est saisie, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation au plus tard quinze jours avant la date de l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie.

Doit, par conséquent, être cassé l'arrêt qui, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la caducité de l'assignation, retient que si le délai applicable de remise au greffe d'une copie de l'assignation, de quinze jours au plus tard avant l'audience, n'a pas été respecté, le premier juge n'a pas constaté d'office la caducité de cette dernière, mais a décidé de renvoyer l'affaire à une autre audience et qu'à cette date, à laquelle l'affaire a été évoquée et mise en délibéré, la caducité n'était plus encourue et que la cour d'appel ne pouvait plus la constater, alors qu'il ne ressort d'aucune énonciation de l'arrêt que le premier juge aurait autorisé une réduction des délais de comparution et de remise de l'assignation, et que la cour d'appel, saisie de la fin de non-recevoir tirée de la caducité de l'assignation, était tenue de la constater.

Fin de non-recevoir – Office du juge – Cas – Caducité de l'assignation

Assignation – Remise de la copie au secrétariat-greffe – Formalité d'ordre public

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 octobre 2021), M. et Mme [D] ont assigné la société Maisons Claude Rizzon Alsace (la société) en référé, à l'audience du 4 août 2020, devant le président d'un tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

2. À l'audience, le président a renvoyé l'affaire au 1er septembre 2020.

3. Par ordonnance du 18 septembre 2020, le juge des référés a ordonné une expertise.

4. La société a interjeté appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la caducité de l'assignation et de confirmer l'ordonnance ordonnant une expertise, alors « qu'il entre dans les attributions de la cour d'appel de constater la caducité de l'assignation remise au greffe moins de quinze jours avant la date de l'audience si le juge de première instance a négligé de le faire ; qu'en refusant de constater la caducité de l'assignation délivrée à la société le 27 juillet 2020 pour l'audience du 4 août suivant, motif pris que le juge avait négligé de le faire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 542, 561 et 754 du code de procédure civile dans sa version applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 754 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :

6. Il résulte de ce texte que la juridiction est saisie, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation au plus tard quinze jours avant la date de l'audience sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie.

7. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la caducité, l'arrêt retient que si le délai applicable de remise au greffe d'une copie de l'assignation, de quinze jours au plus tard avant l'audience, n'a pas été respecté, au regard de la date d'audience du 4 août 2020 indiquée dans l'assignation délivrée le 27 juillet précédent, le juge n'a pas constaté d'office la caducité de cette dernière, mais a décidé de renvoyer l'affaire à l'audience du 1er septembre 2020, qu'à cette date, à laquelle l'affaire a été évoquée et mise en délibéré, la caducité n'était plus encourue et que la cour ne pouvait plus la constater.

8. En statuant ainsi, alors qu'il ne ressort d'aucune énonciation de l'arrêt que le premier juge aurait autorisé une réduction des délais de comparution et de remise de l'assignation, et qu'étant saisie de la fin de non-recevoir tirée de la caducité de l'assignation, elle était tenue de la constater, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Ainsi qu'il est suggéré par le demandeur au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes 6 et 7 qu'en raison de l'absence de remise au greffe d'une copie de l'assignation au plus tard quinze jours avant la date de l'audience, la caducité est encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME l'ordonnance du 18 septembre 2020 ;

CONSTATE la caducité de l'assignation délivrée le 27 juillet 2020 par M. et Mme [D] à la société Maisons Claude Rizzon Alsace.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bonnet - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 754 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 2 décembre 1982, pourvoi n° 80-15.998, Bull. 1982, II, n° 158 (cassation).

2e Civ., 21 décembre 2023, n° 21-22.239, n° 21-23.817, (B), FS

Cassation

Conclusions – Conclusions d'appel – Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-22.239 et 21-23.817 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 7 juillet 2021), le 11 novembre 2011, Mme [F] a fait une chute alors qu'elle marchait dans un parc de stationnement souterrain exploité par la société Q'Park France (la société).

3. Elle a assigné en responsabilité et indemnisation de son préjudice la société et son assureur, la société Zurich Insurance PLC (l'assureur), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, et de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (la Carpimko).

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi n° 21-23.817 formé par Mme [F], pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [F] fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes, alors « qu'il n'y a de contrat qu'entre le conducteur du véhicule qui le gare dans un parc de stationnement, pour autant qu'il prenne un ticket ou extériorise son consentement par tout autre procédé, et l'exploitant de ce parc de stationnement, non entre ce dernier et le passager du véhicule ; qu'en jugeant qu'il importait peu que Mme [F] fût la conductrice ou la passagère du véhicule parce qu'elle était liée par un contrat avec la société en tant que piétonne utilisatrice du parc de stationnement, de sorte que s'appliquait la responsabilité contractuelle et non pas la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde, la cour d'appel a violé l'ancien article 1108 devenu 1128 du code civil, ensemble l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil par fausse application, et l'ancien article 1384 devenu 1242 du code civil par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147, devenu 1231-1, et les articles 1382, 1383 et 1384, devenus 1240, 1241 et 1242, du code civil :

5. Il résulte de ces textes que la responsabilité de l'exploitant d'un parking peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce parking, sur le fondement de la responsabilité contractuelle si la victime a contracté avec cet exploitant et sur celui de la responsabilité extracontractuelle si la victime est tiers au contrat de stationnement.

6. Pour débouter Mme [F] de sa demande d'indemnisation, l'arrêt retient que la société qui met à disposition un espace de stationnement, et par conséquent organise et réserve des voies de circulation pour les piétons qui sortent des véhicules ou qui viennent les reprendre, qu'ils soient conducteurs ou non, conclut avec eux un contrat qui la rend débitrice d'une obligation de sécurité excluant l'application du régime de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un contrat liant Mme [F] à la société exploitant le parc de stationnement, a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen du pourvoi n° 21-22.239 formé par la Carpimko, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La Carpimko, qui était appelante incidente, fait grief à l'arrêt de juger que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande de sa part, alors « que le droit à un procès équitable exclut de faire application d'une règle de procédure nouvelle en cours d'instance lorsque cette règle serait de nature à priver les parties au litige de leur droit d'accès au juge ; qu'à cet égard, s'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile qu'une cour d'appel doit confirmer le jugement dont elle est saisie lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation de ce jugement, cette règle procédurale nouvelle n'est pas applicable aux appels formés antérieurement à l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 (n° 18-23.626) l'ayant énoncée pour la première fois ; qu'en faisant application de cette solution aux conclusions de la Carpimko, quand il résultait de ses propres constatations que l'appel avait été interjeté par acte du 18 décembre 2019, la cour d'appel a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Il résulte du premier et du troisième de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié au Bulletin).

10. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure qui a été affirmée pour la première fois dans cet arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants, principal et incident, du droit à un procès équitable.

11. Il en résulte que si l'appel incident est soumis à cette règle de procédure, celle-ci ne s'applique qu'aux appels incidents formés dans des instances introduites par une déclaration d'appel postérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020, quelle que soit la date de l'appel incident (2e Civ., 1er juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694, publié au Bulletin).

12. Pour juger que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande de la Carpimko, qui était l'appelante incidente, l'arrêt retient que les conclusions de cette dernière ne contiennent aucune demande d'infirmation ou de confirmation du jugement.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 décembre 2019, et a privé la Carpimko d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il y a lieu, dès lors, d'annuler l'arrêt de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 1231-1, 1240, 1241 et 1242 du code civil ; articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-22.316, Bull. (annulation).

2e Civ., 21 décembre 2023, n° 21-25.108, (B), FRH

Rejet

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir soulevée d'office – Office du juge – Faculté – Prétention tardive d'une demande en appel

L'article 910-4 du code de procédure civile confère à la cour d'appel, seule compétente pour connaître des fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, la simple faculté de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une demande en appel, qui n'est pas d'ordre public.

N'encourt, dès lors, pas la cassation l'arrêt d'une cour d'appel, qui constate que l'irrecevabilité des dernières conclusions, comportant des prétentions qui ne figuraient pas dans les premières, n'avait pas été invoquée devant elle et retient que le moyen tiré de la tardiveté est inopérant.

Déchéance partielle du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 26 novembre 2020, examinée d'office

1. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

2. Le mémoire ampliatif ne contenant aucun moyen à l'encontre de l'arrêt du 26 novembre 2020, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision.

Sur le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 7 octobre 2021

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 octobre 2021), Mme [X] épouse [G] a été engagée en qualité de directrice marketing par la société FDG Group (la société) à compter du 14 novembre 1994.

4. Déclarée inapte à reprendre son poste par le médecin du travail, elle a été licenciée pour inaptitude le 17 septembre 2017.

5. Contestant la légitimité de son licenciement, elle a saisi un conseil de prud'hommes puis relevé appel de sa décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt de constater que la fin de non-recevoir visant les demandes formées par Mme [G] contre la société Delsol n'a plus d'objet, de, infirmant partiellement le jugement entrepris, la condamner à payer à Mme [G] les sommes de 11 272,48 euros au titre de la participation 2013 à 2016, 9 938,48 euros au titre de la somme indûment déduite de son solde de tout compte et des salaires de 2016, 15 000 euros d'indemnité en réparation de son préjudice moral du fait du harcèlement moral subi, de dire que son licenciement était nul et de condamner la société FDG Group aux droits de la société Delsol à lui verser 150 000 euros d'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement nul, et d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée, à hauteur de six mois, alors :

« 1°/ que par application de l'article 910-4 du code de procédure civile, il appartient à la cour d'appel d'écarter, au besoin d'office, les prétentions formulées tardivement par l'appelant dans ses dernières conclusions sans l'avoir été dans le dispositif des conclusions déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les premières conclusions de Mme [G] en date du 18 mars 2019 et ses secondes conclusions du 6 décembre 2019 ne comportaient que des demandes dirigées contre la société Delsol, laquelle n'existait plus depuis le 7 août 2015, tandis que ses dernières conclusions du 10 mai 2021 formulaient des demandes nouvelles dirigées contre la société FDG Group qui ne figuraient pas dans ses précédentes écritures ; qu'en jugeant néanmoins que ces prétentions tardives étaient recevables et en refusant de faire application de l'article 910-4 du code de procédure civile, aux motifs que « la société FDG n'a pas soulevé devant le conseiller de la mise en état ou devant la cour, l'irrecevabilité des conclusions de Mme [G] dirigées contre la société FDG, de sorte que ce moyen est inopérant », la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et l'obligation qui lui était faite de relever d'office la méconnaissance des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile par l'appelante et la tardiveté éventuelle des prétentions qui lui sont soumises, et a ainsi violé l'article 910-4 du code de procédure civile ;

2°/ que par application de l'article 910-4 du code de procédure civile, il appartient à la cour d'appel d'écarter, au besoin d'office, les prétentions formulées tardivement par l'appelant dans ses dernières conclusions sans l'avoir été dans le dispositif des conclusions déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état ne disposant d'aucune compétence exclusive à ce titre ; qu'en affirmant cependant que le moyen soulevé par la société FDG Group était inopérant à raison de ce qu'il n'avait pas été soulevé devant le conseiller de la mise en état, la cour d'appel a méconnu sa compétence et a violé les articles 561, 562 et 914 du code de procédure civile, ensemble l'article 910-4 du code de procédure civile ;

3°/ que le non-respect de l'exigence de concentration des prétentions dès les premières conclusions est sanctionné, en application de l'article 910-4 du code de procédure civile par l'irrecevabilité, non pas des conclusions, mais des prétentions nouvelles ; qu'en l'espèce, en refusant de faire application de l'article 910-4 du code de procédure civile à cette demande, aux motifs que « la société FDG n'a pas soulevé [...] l'irrecevabilité des conclusions de Mme [G] dirigées contre la société FDG, de sorte que ce moyen est inopérant », bien que l'irrecevabilité des conclusions ne puisse pas être sollicitée sur le fondement du texte précité qui n'est sanctionné que par l'irrecevabilité des prétentions tardives, la cour d'appel a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article 910-4 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

9. L'article 910-4 du code de procédure civile ne confère à la cour d'appel, seule compétente pour connaître des fins de non-recevoir tirées des articles 564 du même code et 910-4 précité, que la simple faculté de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une demande en appel, qui n'est pas d'ordre public.

10. Ayant relevé que les conclusions de Mme [G] du 10 mai 2021 comportaient des prétentions qui ne figuraient pas dans celles du 18 mars 2019, en ce qu'elles étaient désormais dirigées contre la société FDG et non plus contre la société Delsol, mais constaté que l'irrecevabilité de ces dernières conclusions n'avait pas été invoquée devant elle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des demandes dirigées contre la société FDG Group, a retenu à bon droit que le moyen tiré de la tardiveté était inopérant.

11. Le moyen, qui en sa deuxième branche s'attaque à des motifs surabondants, est, dès lors, mal fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 26 novembre 2020 ;

REJETTE le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 7 octobre 2021.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Cabinet François Pinet -

Textes visés :

Article 910-4 du code de procédure civile.

2e Civ., 21 décembre 2023, n° 21-20.034, (B), FS

Cassation

Instance – Interruption – Causes – Décès d'une partie – Cas – Délai de péremption – Point de départ – Ordonnance de radiation – Notification ou signification

Lorsqu'à défaut de reprise d'instance après l'interruption de celle-ci par la notification du décès d'une partie, une ordonnance de radiation est rendue par le juge, le délai de péremption recommence à courir à compter de la notification, par le greffe, ou de la signification, à la diligence d'une partie, de cette ordonnance de radiation, qui informe les parties des conséquences du défaut de diligences de leur part dans le délai de deux ans imparti.

Encourt dès lors la cassation, l'arrêt qui retient que le point de départ du délai de péremption se situe au jour de la notification aux autres parties du décès.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mai 2021) et les productions, M. [L] a recherché la responsabilité de la société Sodistour Yotel, assurée auprès de la société Groupama Méditerranée, à la suite d'un accident dont il a été victime lors d'un séjour dans un village de vacances exploité par la première.

2. A la suite du décès de [K] [L], survenu le 13 décembre 2016, en cours d'instance, un juge de la mise en état a radié l'affaire du rôle le 8 juin 2017.

3. L'affaire a ensuite été rétablie sur la demande de Mme [O], intervenue volontairement à l'instance en qualité d'ayant droit le 4 juin 2019.

4. Par une ordonnance dont Mme [O] a interjeté appel, le juge de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance pour cause de péremption.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [O] fait grief à l'arrêt de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan du 6 octobre 2020 ayant constaté l'extinction de l'instance pour cause de péremption, alors « que l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption ; que cette interruption ne prend effet que par la reprise de l'instance ; que pour déclarer périmée l'instance, l'arrêt retient que le délai de péremption a commencé à courir à compter non pas du décès de [K] [L] le 13 septembre 2016 mais à compter de sa notification aux autres parties à l'instance en l'occurrence le 17 mars 2017 de sorte que la prescription biennale a été acquise le 17 mars 2019 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 392 du code de procédure civile, ensemble les articles 373 et 376 du même code ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 373, 376, 381 et 392 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge, lequel peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l'instance et radier l'affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti et que l'instance peut être volontairement reprise dans la forme prévue pour la présentation des moyens de défense.

7. Selon le troisième, la radiation est notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu'à leurs représentants. Elle précise le défaut de diligences sanctionnées.

8. Aux termes du quatrième, l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption.

9. Selon le dernier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil.

10. La Cour européenne des droits de l'homme juge notamment que les délais légaux de péremption ou de prescription, qui figurent parmi les restrictions légitimes au droit d'accès à un tribunal, ont plusieurs finalités importantes : garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions, mettre les défendeurs potentiels à l'abri de plaintes tardives peut-être difficiles à contrer, et empêcher l'injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des événements survenus loin dans le passé à partir d'éléments de preuve auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé (CEDH Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, n° 22083/93 et 22095/93, § 51-52).

11. Lorsqu'à défaut de reprise d'instance après l'interruption de celle-ci par la notification du décès d'une partie, une ordonnance de radiation est rendue par le juge, le délai de péremption recommence à courir à compter de la notification, par le greffe, ou de la signification, à la diligence d'une partie, de cette ordonnance de radiation, qui informe les parties des conséquences du défaut de diligences de leur part dans le délai de deux ans imparti.

12. Pour dire que l'instance reprise par l'intervention volontaire de Mme [O] le 4 juin 2019 était périmée, l'arrêt retient que le point de départ du délai de péremption se situe au jour de la notification aux autres parties du décès de [K] [L], soit le 17 mars 2017.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SARL Cabinet François Pinet -

Textes visés :

Articles 373, 376, 381 et 392 du code de procédure civile.

2e Civ., 21 décembre 2023, n° 17-13.454, (B), FS

Cassation

Instance – Péremption – Interruption – Acte interruptif – Ordonnance de radiation – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Lorsqu'à défaut de reprise d'instance après l'interruption de celle-ci par la notification de la radiation d'une société, une ordonnance de radiation est rendue par le juge, le délai de péremption recommence à courir à compter de la notification, par le greffe, ou de la signification, à la diligence d'une partie, de cette ordonnance de radiation, qui informe les parties des conséquences du défaut de diligences de leur part dans le délai de deux ans imparti.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur de sa reprise de l'instance contre M. [C] en qualité de mandataire ad hoc de la société [5].

Désistement partiel

2. Il est donné acte à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 décembre 2016), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 et 2011, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a notifié à la société [5] un redressement, suivi d'une mise en demeure.

4. La société a saisi d'un recours une juridiction de la sécurité sociale.

5. La société [5] a fait l'objet d'une dissolution amiable à compter du 30 avril 2016.

Les opérations de liquidation amiable ayant été clôturées, la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 19 janvier 2017, avec effet au 27 décembre 2016.

Examen du moyen

Sur l'incident de péremption, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile

6. Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Il résulte des articles 373 et 376 du code de procédure civile que l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge, lequel peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l'instance et radier l'affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti et que l'instance peut être volontairement reprise dans la forme prévue pour la présentation des moyens de défense.

8. Selon l'article 381 du même code, la radiation est notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu'à leurs représentants. Elle précise le défaut de diligences sanctionnées.

9. Aux termes de l'article 392 du même code, l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption.

10. Selon l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil.

11. La Cour européenne des droits de l'homme, juge notamment que les délais légaux de péremption ou de prescription, qui figurent parmi les restrictions légitimes au droit d'accès à un tribunal, ont plusieurs finalités importantes : garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions, mettre les défendeurs potentiels à l'abri de plaintes tardives peut-être difficiles à contrer, et empêcher l'injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des événements survenus loin dans le passé à partir d'éléments de preuve auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé (CEDH Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, n° 22083/93 et 22095/93, § 51-52).

12. Lorsqu'à défaut de reprise d'instance après l'interruption de celle-ci par la notification de la radiation d'une société, une ordonnance de radiation est rendue par le juge, le délai de péremption recommence à courir à compter de la notification, par le greffe, ou de la signification, à la diligence d'une partie, de cette ordonnance de radiation, qui informe les parties des conséquences du défaut de diligences de leur part dans le délai de deux ans imparti.

13. Le dossier ne comportant aucun élément permettant de justifier de la notification ou de la signification de l'ordonnance de radiation du 20 septembre 2018 à l'URSSAF, le délai de péremption n'a pas recommencé à courir.

14. Aucune péremption n'est, dès lors, encourue.

Sur le moyen, pris en sa première et sa deuxième branches

Enoncé du moyen

15. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, objet de la mise en demeure, et de la débouter de sa demande de condamnation de la société [5], alors :

« 1°/ que l'application de la réduction Fillon dépend du nombre des heures effectivement travaillées, ce qui implique que ce nombre d'heures puisse être justifié par l'employeur ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'aucun avenant prévoyant le passage du temps plein au temps partiel n'a été établi et que les horaires de travail de la salariée étaient entièrement libres, mettant l'URSSAF dans l'impossibilité de contrôler les heures effectivement réalisées ; qu'en retenant, pour annuler le redressement, que la présentation des bulletins de salaire faisant apparaître la rémunération et la durée effective du travail était suffisante pour connaître le nombre d'heures de travail effectuées et permettre le contrôle de l'organisme de sécurité sociale, la Cour d'appel a violé l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que, depuis la loi du 17 janvier 2003, et pour les rémunérations versées à compter du 1er juillet 2003, l'employeur a l'obligation de tenir à la disposition des organismes de recouvrement des cotisations un document en vue du contrôle du respect des dispositions de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ; qu'en affirmant que cette obligation n'avait été imposée que pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2012, la Cour d'appel a violé l'article L. 241-13-VI, du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions applicables à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :

16. En application du paragraphe VI de ce texte, pour bénéficier des réductions de cotisations qu'il institue, l'employeur doit tenir, à disposition des organismes de recouvrement des cotisations, un document en vue du contrôle du respect des dispositions de cet article, document dont le contenu et la forme sont précisés par décret.

17. Selon l'article D. 241-13, alors applicable, ce document doit indiquer le nombre de salariés ouvrant droit aux réductions et déductions prévues aux articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18, le montant total des exonérations appliquées au titre de chacune de ces dispositions ainsi que, pour chacun de ces salariés, son identité, la rémunération brute mensuelle versée, le montant de chaque réduction ou déduction appliquée, le coefficient issu de l'application de la formule de calcul prévue par l'article D. 241-7 et, le cas échéant le nombre d'heures supplémentaires ou complémentaires effectuées au sens de l'article 81 quater du code général des impôts et la rémunération y afférente.

18. Pour annuler le chef de redressement litigieux, l'arrêt énonce en substance que la réduction « Fillon » est calculée en fonction des heures rémunérées, qui doivent être prises en compte quelle qu'en soit la nature, et que ces points peuvent être connus à la seule lecture des bulletins de salaire de la salariée concernée, et que l'obligation de tenir à la disposition des organismes de recouvrement « un document en vue du contrôle du respect des dispositions de cet article L. 241-13-VI » n'a été imposé que pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2012.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles 373, 376, 386 et 392 du code de procédure civile.

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