Numéro 12 - Décembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2023

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 20 décembre 2023, n° 22-12.381, (B), FS

Rejet

Employeur – Discrimination entre salariés – Discrimination syndicale – Preuve – Comparaison avec la situation d'autres salariés – Modalités – Détermination – Cas – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Transfert des contrats de travail – Portée

Il résulte des articles L. 1224-2, L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail que, si le nouvel employeur est tenu, en cas de transfert en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de vérifier que le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération ou de non-discrimination en raison des activités syndicales du salarié transféré est respecté, au regard de la situation des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale, en tenant compte de l'ancienneté acquise au titre du même contrat de travail auprès des précédents employeurs du salarié transféré, et, le cas échéant, d'accorder à ce salarié un indice de rémunération supérieur à celui dont il bénéficiait avant le transfert de son contrat de travail, l'existence d'une discrimination quant aux conditions de l'évolution de carrière du salarié transféré chez ses précédents employeurs ne saurait être présumée.

Dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté le panel de comparaison produit par un salarié transféré sur lequel figuraient des salariés qui, au 1er juillet 2002, date du transfert du salarié, étaient déjà managers au statut cadre ou agents de maîtrise chez leurs précédents employeurs, tandis que le salarié était seulement employé de station-service chez son précédent employeur.

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Transfert des contrats de travail – Transfert des obligations de l'ancien employeur au nouveau – Effets – Respect du principe d'égalité de traitement – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 octobre 2021), M. [J] a été engagé en qualité d'employé polyvalent de station service par la société Ponken à compter du 1er septembre 1995. A partir du 4 mai 2000, il a été investi de divers mandats électifs et représentatifs.

Le 1er juillet 2002, son contrat de travail a été transféré à la société Proseca, aux droits de laquelle est venue en 2015 la société Argedis (la société) à la suite d'une fusion-absorption.

Le salarié, qui était devenu permanent syndical à compter de 2003, a cessé d'exercer des mandats représentatifs ou syndicaux après ce dernier transfert.

2. Le salarié a saisi le 18 novembre 2016 la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes en invoquant notamment être victime de discrimination syndicale.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les premier et quatrième moyens, réunis

Enoncé des moyens

4. Par son premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale dans son évolution de carrière, alors :

« 1°/ qu'en cas de transfert légal d'entreprise la comparaison d'un salarié victime d'une discrimination en termes d'évolution et de progression de carrière avec les autres salariés de l'entreprise s'effectue au jour de son embauche, et non pas au jour du transfert de son contrat de travail ; que doivent être considérés dans une situation comparable, les salariés qui, engagés à la même époque que le salarié victime de discrimination et à un même niveau de qualification, ont évolué plus rapidement que le salarié, peu important l'existence d'un transfert d'entreprise ayant emporté transfert des contrats de travail et le fait qu'au jour du transfert, les salariés mis en comparaison n'avaient plus le même statut que le salarié demandeur, sauf à priver de tout effet utile le régime protecteur contre les discriminations en termes d'évolution et de progression de carrière ; qu'en l'espèce, pour dire que le salarié ne présentait aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une demande directe ou indirecte, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que la société Argedis, venant aux droits de la société Proseca, faisait justement valoir qu'elle ne pouvait pas être tenue pour responsable des évolutions de carrière et de rémunérations des collaborateurs intervenues antérieurement au 1er juillet 2002, c'est-à-dire à une date où l'entreprise n'était pas l'employeur, que par suite la société critiquait à juste titre le fait que dans le panel revendiqué par M. [J] figuraient des salariés qui, au 1er juillet 2002, date du transfert d'entreprise, étaient déjà managers dans leur entreprise précédente, que tel était le cas par exemple de M. [I], déjà manager, avec le statut cadre, lors de son entrée au sein de Proseca, qu'il en était de même de Mmes [C], [S], [B], [Y], [H] [O], [N], [U] et [A] et de MM. [W] et [P], qui étaient arrivés avec le statut d'agent de maîtrise ou de cadre chez Proseca le 1er juillet 2002, étant rappelé que M. [J] avait à cette même date de son transfert le statut d'employé, et que les salariés susvisés n'étaient ainsi pas dans une situation comparable à la sienne, ce qui justifiait qu'ils ne soient pas retenus à titre de comparaison ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ que l'absence d'entretien d'évaluation d'un délégué syndical pendant près de quatorze ans, qui est de nature à le priver d'une possibilité de promotion professionnelle, constitue un fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale ; qu'en affirmant que le salarié ne présentait aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par le salarié dans ses écritures, si l'absence d'entretien professionnel pendant une période de près de quatorze années ne constituait pas un élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3°/ qu'en matière de discrimination, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, dans leur ensemble et pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en procédant à une appréciation séparée de chacun des éléments produits par la salariée, sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ces éléments laissaient supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a privé sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail. »

5. Par son quatrième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité au titre de la violation du droit syndical, alors :

« 1°/ que la comparaison d'un salarié victime d'une discrimination en termes d'évolution et de progression de carrière avec les autres salariés de l'entreprise s'effectue au jour de son embauche, et non pas au jour du transfert de son contrat de travail ; que dans une situation comparable, les salariés qui, engagés à la même époque que le salarié victime de discrimination et à un même niveau de qualification, ont évolué plus rapidement que le salarié, peu important l'existence d'un transfert d'entreprise ayant emporté transfert des contrats de travail et le fait qu'au jour du transfert, les salariés mis en comparaison n'avaient plus le même statut que le salarié demandeur, sauf à priver de tout effet utile le régime protecteur contre les discriminations en termes d'évolution et de progression de carrière ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité au titre de la violation du droit syndical, la cour d'appel a considéré, par motifs adoptés, qu'il avait été statué précédemment sur l'évolution de carrière du salarié qui était identique à celle des non-syndiqués ; que le conseil de prud'hommes avait à ce titre considéré que dans le panel de 30 salariés retenus par le salarié, il convient de constater que 17 d'entre eux ont le statut cadre ou agent de maitrîse et exercent les fonctions de manager ou de manager adjoint alors que 13 seulement ont le statut d'employé au 13 décembre 2014 (...)", pour exclure les salariés cadres ou agents de maitrise du panel de comparaison ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ qu'aux termes de l'article 4 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003, il était stipulé que les salariés titulaires d'un mandat syndical feraient l'objet d'un suivi de rémunération et de carrière, et aux termes de l'article 4.2 de ce même protocole, que la direction s'assurerait à la fin de chaque année que l'évolution du coefficient hiérarchique et de la rémunération individuelle ne présenterait pas, à compétence égale, d'anomalie avec les salariés de même catégorie professionnelle ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait qu'aucun contrôle n'avait été exercé à ce titre et qu'aucun recensement des compétences acquises et de valorisation de son expérience n'avait été réalisé ; que par motifs adoptés, la cour d'appel a considéré que le salarié n'avait jamais sollicité l'entreprise en termes d'entretien de carrière ou d'évolution salariale et que le syndicat auquel il appartenait n'avait pas exercé ce droit ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait, aux termes de l'accord précité, à l'employeur de s'assurer à la fin de chaque année que l'évolution du coefficient hiérarchique et de la rémunération individuelle ne présenterait pas, à compétence égale, d'anomalie avec les salariés de même catégorie professionnelle, ce dont il se déduisait nécessairement que la charge de la preuve de l'exécution de l'obligation de contrôle pesait sur l'employeur et non pas sur le salarié, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, ensemble de l'article 4 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003 ;

3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par le salarié dans ses écritures, si l'absence de considération pour l'obtention du diplôme d'Administrateur d'organismes assureurs en 2016 ne constituait pas un manquement de l'employeur à son obligation de valoriser l'expérience professionnelle acquise par les salariés titulaires d'un mandat syndical au cours de leur carrière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003 ;

4°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en considérant, par motifs adoptés, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité au titre de la violation du droit syndical, que M. [J] n'avait jamais sollicité d'entretien de carrière et d'évolution salariale et que le syndicat auquel il appartenait n'avait pas exercé ce droit, quand il ressortait précisément de la pièce n° 59 produite en cause d'appel (attestation de M. [D]) qu'un entretien s'était déroulé, en date du 15 octobre 2015, dont l'objet était d'examiner la situation professionnelle et syndicale du salarié au sein de l'entreprise et de conjuguer les moyens et disponibilités syndicales avec sa situation et ses obligations professionnelles, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis l'attestation de M. [D] et violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, selon l'article L. 1224-2 du code du travail, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, de toutes les obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf si la cession est intervenue dans le cadre d'une procédure collective ou si la substitution d'employeurs est intervenue sans qu'il y ait de convention entre ceux-ci.

7. En application de l'article L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

8. Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, en raison de ses activités syndicales.

9. Aux termes de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

10. Il en résulte que, si le nouvel employeur est tenu, en cas de transfert en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de vérifier que le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération ou de non-discrimination en raison des activités syndicales du salarié transféré est respecté, au regard de la situation des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale, en tenant compte de l'ancienneté acquise au titre du même contrat de travail auprès des précédents employeurs du salarié transféré, et, le cas échéant, d'accorder à ce salarié un indice de rémunération supérieur à celui dont il bénéficiait avant le transfert de son contrat de travail, l'existence d'une discrimination quant aux conditions de l'évolution de carrière du salarié transféré chez ses précédents employeurs ne saurait être présumée.

11. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a écarté le panel de comparaison produit par le salarié sur lequel figuraient des salariés qui, au 1er juillet 2002, date du transfert du salarié, étaient déjà managers au statut cadre ou agents de maîtrise chez leurs précédents employeurs, tandis que le salarié était seulement employé de station-service chez son précédent employeur.

12. En second lieu, il ne ressort ni des énonciations de l'arrêt ni des conclusions du salarié que celui-ci invoquait, au titre des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, l'absence d'entretien d'évaluation pendant une certaine période.

13. L'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte du panel de comparaison produit par l'employeur que, pour les salariés ayant une ancienneté remontant à 1995 comme celle du salarié et entrés au sein de l'entreprise également le 1er juillet 2002 avec le statut employé, sept sur huit salariés étaient moins bien ou aussi bien classés que le salarié et que l'évolution de carrière de celui-ci avait été identique à celle des salariés non-syndiqués.

14. La cour d'appel a pu en déduire, par une appréciation souveraine de l'ensemble des éléments produits, que le salarié n'apportait pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale et que sa demande au titre des dispositions de l'article 4.2 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003, en l'absence de préjudice, devait être rejetée.

15. Le premier moyen et le quatrième moyen, inopérant en ses trois dernières branches, ne sont, dès lors, pas fondés.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappels de salaire et de repositionnement, alors « que pour débouter le salarié de ses demandes de rappels de salaire et de repositionnement, la cour d'appel a considéré que, compte tenu des motifs précédents, les demandes de repositionnement et de rappel de salaire, qui étaient également en lien avec la discrimination, devaient également rejetées et le jugement confirmé sur ces points ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif ayant refusé de faire droit aux demandes du salarié en rappels de salaire et repositionnement. »

Réponse de la Cour

17. Le rejet du premier moyen rend sans objet le deuxième moyen qui tend à une cassation par voie de conséquence.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

18. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes indemnitaires au titre de la violation de l'obligation de sécurité, alors « que pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires au titre de la violation de l'obligation de sécurité, la cour d'appel a considéré que la discrimination syndicale avait été précédemment rejetée au termes des motifs précédent ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entrainera par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif ayant refusé de faire droit aux demandes indemnitaires au titre de la violation de l'obligation de sécurité. »

Réponse de la Cour

19. Le rejet du premier moyen rend sans objet le grief qui tend à une cassation par voie de conséquence.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

20. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité au titre de la violation de son droit à la formation, alors « qu'aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, et il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret ; qu'aux termes de l'article 4.4 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003, les titulaires d'un mandat syndical ou électif doivent s'efforcer de maintenir et développer le niveau de leur compétence et qualification professionnelle et doivent bénéficier comme les autres salariés des formations prévues au plan de formation de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que le salarié n'avait bénéficié d'aucune action de formation au cours de sa carrière, sauf la formation pour l'obtention d'un diplôme qu'il avait réalisé par ses propres moyens ; que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité au titre la violation de son droit à la formation, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, qu'il n'était pas contesté que le salarié avait le statut de permanent syndical à compter de 2003, qu'il avait été absent de 2015 à 2017, et qu'il avait bénéficié d'action de formation à son retour dans l'entreprise de telle sorte à ce qu'il se réadapte à son poste ; que cependant, ainsi qu'il ressortait de l'articulation des articles L. 6321-1 du code du travail et 4.4 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003, les salariés titulaires d'un mandat syndical ou électif devaient bénéficier comme les autres salariés des formations prévues au plan de formation de l'entreprise, donc qu'il devait bénéficier de formation en parallèle de l'exercice de leur mandat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, par motifs adoptés, a violé les articles L. 6321-1 du code du travail et 4.4 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003. »

Réponse de la Cour

21. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions devant la cour d'appel que le salarié, au titre de la violation du droit à la formation, se fondait sur les dispositions de l'article 4.4 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003.

22. L'arrêt constate, par motifs adoptés, qu'après le retour effectif du salarié dans l'entreprise en avril 2017, la direction des ressources humaines a adressé à l'ensemble des responsables un programme de formation pour le salarié avec un entretien de reprise d'activité et de compagnonnage et un programme de formation de mai à septembre 2017.

23. La cour d'appel a pu en déduire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de formation.

24. Le moyen, inopérant en ce qu'il invoque la violation des dispositions de l'article 4.4 du protocole d'accord sur les conditions d'exercice du droit syndical du 18 décembre 2003, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix -

Textes visés :

Articles L. 1224-2, L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.

Soc., 20 décembre 2023, n° 22-11.676, (B) (R), FS

Cassation

Employeur – Discrimination entre salariés – Discrimination syndicale – Salariés titulaires d'un mandat de représentation du personnel – Principe d'égalité – Article L. 2141-5-1 du code du travail – Application – Critères – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 2141-5-1 du code du travail et de l'exposé des motifs de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ayant créé ce texte, combinés aux articles L. 3141-24, alinéa 1, L. 3121-63, L. 2241-8, alinéa 1, et L. 2241-9 du code du travail, qu'en l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés mentionnés à l'article L. 2141-5-1 du code du travail au moins aussi favorables, la comparaison de l'évolution de leur rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 de ce code, au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise, doit être effectuée annuellement.

Encourt dès lors la cassation la cour d'appel, qui, pour débouter un syndicat de ses demandes fondées sur la violation des dispositions de l'article L. 2141-5-1 du code du travail, retient que l'employeur a examiné l'évolution de la rémunération du salarié en lui attribuant à la fin de ses mandats des points de compétence en se fondant sur la moyenne des points attribués, durant toute la période de ses mandats, aux salariés inclus dans le panel de comparaison.

Employeur – Discrimination entre salariés – Discrimination syndicale – Salariés titulaires d'un mandat de représentation du personnel – Principe d'égalité – Article L. 2141-5-1 du code du travail – Catégorie professionnelle et ancienneté comparable – Notion – Définition – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 2141-5-1 du code du travail, de l'étude d'impact relative à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ayant créé ce texte, ainsi que des travaux parlementaires, que les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable, au sens de ce texte, sont ceux qui relèvent du même coefficient dans la classification applicable à l'entreprise pour le même type d'emploi, engagés à une date voisine ou dans la même période.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 14 juin 2021), M. [W] a été engagé le 12 octobre 1987 par la caisse régionale d'assurance maladie du Centre Ouest, devenue la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Centre Ouest (la CARSAT). Il occupait, au dernier état de ses fonctions, un poste de gestionnaire de carrière, niveau 3 coefficient 215.

2. Le salarié exerce plusieurs mandats syndicaux et électifs et dispose d'un crédit d'heures de délégation supérieur au tiers de la durée totale de son temps de travail.

3. Le 25 septembre 2018, le syndicat départemental Force Ouvrière des organismes sociaux de la Haute-Vienne (le syndicat) a exercé l'action en substitution prévue par l'article L. 1134-2 du code du travail et a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la condamnation de l'employeur à payer au salarié un rappel de salaire sur la base de 14 points de compétence acquis depuis le 1er septembre 2019 ainsi que des dommages-intérêts et, à lui-même, la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le syndicat fait grief à l'arrêt de dire que le salarié n'a pas été victime de discrimination syndicale et de le débouter de ses demandes de condamnation de l'employeur à allouer au salarié 14 points de compétence à compter du 1er septembre 2019, à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire sur la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2019, des congés payés afférents et de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par la discrimination syndicale et à lui verser un euro à titre de dommages-intérêts, alors « que, selon l'article L. 2141-5-1 du code du travail, lorsque le nombre d'heures de délégation dont dispose un salarié sur l'année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans son contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l'établissement, celui-ci bénéficie d'une évolution de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, au moins égale, sur l'ensemble de la durée de son mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise ; que, dès lors que l'évolution de la rémunération du salarié concerné doit être garantie, en vertu de ces dispositions, sur l'ensemble de la durée du mandat et non uniquement à l'issue de celui-ci, le respect de cette garantie s'apprécie pour chaque année du mandat et non à la fin de ce mandat ; que le non-respect par l'employeur de ces dispositions laisse supposer l'existence d'une discrimination en raison des activités syndicales ; qu'au cas présent, en retenant au contraire, que l'examen de la situation du salarié mandaté en fin de mandat était conforme à la lettre de l'article L. 2141-5 du code du travail et en écartant, sur le fondement de ces considérations, toute discrimination syndicale, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2141-5-1, L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2141-5-1 du code du travail :

6. Aux termes de ce texte, en l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés mentionnés aux 1° à 7° de l'article L. 2411-1 et aux articles L. 2142-1-1 et L. 2411-2 au moins aussi favorables que celles mentionnées au présent article, ces salariés, lorsque le nombre d'heures de délégation dont ils disposent sur l'année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans leur contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l'établissement, bénéficient d'une évolution de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, au moins égale, sur l'ensemble de la durée de leur mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise.

7. Selon l'exposé des motifs de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ayant créé ce texte, par ces dispositions, le législateur a souhaité lutter contre la pénalisation des représentants du personnel et syndicaux en matière de rémunération en instaurant un mécanisme de garantie d'augmentations de salaires sur l'ensemble de la durée de leur mandat similaire à celles de leurs collègues non engagés dans des fonctions de représentants.

8. Par ailleurs, selon l'article L. 3141-24, alinéa 1er, du code du travail, le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

9. Aux termes de l'article L. 3121-63 du même code, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

10. Enfin, aux termes de l'article L. 2241-8, alinéa 1er, de ce code, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur les salaires.

Selon l'article L. 2241-9 du code du travail, la négociation sur les salaires est l'occasion, pour les parties, d'examiner au moins une fois par an au niveau de la branche les données suivantes : 1° L'évolution économique, la situation de l'emploi dans la branche, son évolution et les prévisions annuelles ou pluriannuelles établies, notamment pour ce qui concerne les contrats de travail à durée déterminée et les missions de travail temporaire ; 2° Les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions ; 3° L'évolution des salaires effectifs moyens par catégories professionnelles et par sexe, au regard, le cas échéant, des salaires minima hiérarchiques.

11. Il en résulte qu'en l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés mentionnés à l'article L. 2141-5-1 du code du travail au moins aussi favorables, la comparaison de l'évolution de leur rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 de ce code, au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise, doit être effectuée annuellement.

12. Pour dire que le salarié n'a pas été victime de discrimination syndicale et débouter le syndicat de ses demandes, l'arrêt retient que la date de prise d'effet de la garantie légale a donné lieu à interprétation, que l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (l'UCANSS) a préconisé un calcul et un paiement au moment où le salarié mandaté sort de son champ d'application, soit lors du renouvellement des instances ou en cas de départ en cours de mandat, en précisant n'y avoir lieu à considérer les moyennes de chaque année mais de calculer la moyenne des attributions de points sur toute la période du mandat, et que c'est en se fondant sur cette analyse reposant sur des éléments objectifs que l'employeur a examiné l'évolution de la rémunération du salarié en lui attribuant en 2018, soit en fin de ses mandats, trois points de compétence en se fondant sur la moyenne des points attribués à un panel de comparaison durant toute la période de ses mandats.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses quatrième et septième branches

Enoncé du moyen

14. Le syndicat fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 4°/ que, selon l'article L. 2141-5-1 du code du travail, lorsque le nombre d'heures de délégation dont dispose un salarié sur l'année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans son contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l'établissement, celui-ci bénéficie d'une évolution de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, au moins égale, sur l'ensemble de la durée de son mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise ; que relèvent de la même catégorie professionnelle au sens de ces dispositions les salariés relevant du même coefficient dans la classification applicable et occupant un même type d'emploi, c'est-à-dire exerçant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que le non-respect par l'employeur de ces dispositions laisse supposer l'existence d'une discrimination en raison des activités syndicales ; qu'au cas présent, en admettant au contraire que, s'agissant d'une question portant essentiellement sur l'évolution des salaires, la CARSAT ait pu inclure dans son panel de comparaison des salariés classés au même niveau que M. [W] mais occupant des emplois de nature différente, tels que ceux de gestionnaire imprimerie, de gestionnaire action sociale, de gestionnaire orientation et gestion des flux, de secrétaire ou de conseiller en gestion retraite, et en écartant, sur le fondement de ces considérations, toute discrimination syndicale, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2141-5-1, L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

7°/ que selon l'article L. 2141-5-1 du code du travail, lorsque le nombre d'heures de délégation dont dispose un salarié sur l'année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans son contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l'établissement, celui-ci bénéficie d'une évolution de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, au moins égale, sur l'ensemble de la durée de son mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise ; que le non-respect par l'employeur de ces dispositions laisse supposer l'existence d'une discrimination en raison des activités syndicales ; qu'au cas présent, en admettant que, pour déterminer les salariés ayant une ancienneté comparable à celle de M. [W], la CARSAT Centre-Ouest ait pu se référer à des tranches fixes d'ancienneté couvrant cinq années, sans rechercher si, ainsi que le faisait valoir le syndicat exposant, ce choix ne conduisait pas à modifier d'une année à l'autre le panel des salarié ayant une ancienneté comparable et à exclure ainsi du panel de comparaison des salariés ayant pourtant une ancienneté proche de celle du salarié, et en écartant, sur le fondement de ces considérations, toute discrimination syndicale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 2141-5-1, L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2141-5-1 du code du travail :

15. Aux termes de ce texte, en l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés mentionnés aux 1° à 7° de l'article L. 2411-1 et aux articles L. 2142-1-1 et L. 2411-2 au moins aussi favorables que celles mentionnées au présent article, ces salariés, lorsque le nombre d'heures de délégation dont ils disposent sur l'année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans leur contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l'établissement, bénéficient d'une évolution de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, au moins égale, sur l'ensemble de la durée de leur mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise.

16. Il résulte de l'étude d'impact relative à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ayant créé ce texte, ainsi que des travaux parlementaires, que la garantie de rémunération instaurée par l'article L. 2141-5-1 du code du travail s'inspire de la garantie de maintien de salaire prévue pour les femmes en congé de maternité à l'article L. 1225-26 du même code issu de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Selon la circulaire DGT du 19 avril 2007 concernant l'application de cette loi, les salariés de la même catégorie professionnelle au sens de l'article L. 1225-26 précité sont ceux qui relèvent du même coefficient dans la classification applicable à l'entreprise pour le même type d'emploi.

17. Enfin, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la comparaison concernant le déroulement de carrière doit être faite avec d'autres salariés d'ancienneté comparable, c'est-à-dire engagés à une date voisine ou dans la même période (Soc., 24 octobre 2012, pourvoi n° 11-12.295 ; Soc., 7 novembre 2018, pourvoi n° 16-20.759).

18. Il résulte de cet ensemble d'éléments qu'au sens de l'article L. 2141-5-1 du code du travail, les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable sont ceux qui relèvent du même coefficient dans la classification applicable à l'entreprise pour le même type d'emploi, engagés à une date voisine ou dans la même période.

19. Pour dire que le salarié n'a pas été victime de discrimination syndicale et débouter le syndicat de ses demandes, l'arrêt retient d'abord que l'employeur a établi un panel de comparaison en y incluant des personnes occupant des emplois de gestionnaire imprimerie, de gestionnaire action sociale, de gestionnaire orientation et gestion des flux, de secrétaire ou de conseiller en gestion retraite, classées comme M. [W] au niveau 3 coefficient de base 215, que, s'agissant d'une question portant essentiellement sur l'évolution des salaires, et non seulement sur la permutabilité des emplois, un tel panel de comparaison n'apparaît pas nécessairement dénué de toute pertinence et comme devant faire grief au salarié mandaté et que la position suivie par l'employeur est conforme à celle préconisée par l'UCANSS, étrangère à toute volonté de s'affranchir du dispositif légal et à toute discrimination syndicale.

20. L'arrêt retient ensuite, après avoir constaté que l'employeur proposait de retenir des tranches fixes d'ancienneté de cinq années, par exemple de 16 à 20 ans ou de 21 à 25 ans, qu'une tranche d'ancienneté de cinq années, qui est plus en adéquation avec la durée des mandats syndicaux que celle de trois années, n'apparaît pas non plus et nécessairement dénuée de toute pertinence.

21. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les salariés relevant de la même catégorie professionnelle inclus dans le panel de comparaison produit par l'employeur étaient ceux qui relèvent du même coefficient dans la classification applicable à l'entreprise pour le même type d'emploi, engagés à une date voisine ou dans la même période, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 2141-5-1 du code du travail ; exposé des motifs de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ; articles L. 3141-24, alinéa 1, L. 3121-63, L. 2241-8, alinéa 1, et L. 2241-9 du code du travail ; étude d'impact relative à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015.

Soc., 13 décembre 2023, n° 22-19.603, (B), FRH

Rejet

Maladie du salarié – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Reclassement du salarié – Obligation de l'employeur – Périmètre de l'obligation – Détermination – Cas – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 31 mai 2022), M. [K] a été engagé en qualité de préparateur de fabrication par la société Glaxo Wellcome Production, le 21 janvier 2002.

2. Le 23 octobre 2017, il a été déclaré inapte à son poste par un avis du médecin du travail mentionnant que « l'état de santé de M. [M] [K] (...) fait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi ». Dans cet avis, le médecin du travail avait coché la case indiquant que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

3. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 novembre 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de le condamner à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées dans la limite de trois mois d'indemnités, alors « que selon l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi ; qu'il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles le 23 octobre 2017, le médecin du travail avait déclaré le salarié inapte à son poste de travail au terme d'une seule visite et avait coché la case selon laquelle « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », ce qui avait précisément pour objet et pour effet de dispenser l'employeur de rechercher un reclassement et de consulter les délégués du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1226-12 et L. 1226-2-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt constate que le médecin du travail, qui a coché la case mentionnant que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », a précisé que l'inaptitude faisait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi.

6. L'arrêt ajoute que l'avis ne vaut que pour le site en Mayenne et relève que l'employeur dispose d'autres établissements.

7. La cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'était pas dispensé, par un avis d'inaptitude du médecin du travail limité à un seul site, de rechercher un reclassement hors de l'établissement auquel le salarié était affecté et avait ainsi manqué à son obligation de reclassement.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Leperchey - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article L. 1226-2-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la portée d'une mention restrictive ajoutée, par le médecin du travail, à l'impossibilité à tout reclassement dans un emploi, à rapprocher : Soc., 13 septembre 2023, pourvoi n° 22-12.970, Bull., (rejet). Sur la portée de la mention expresse, dans l'avis du médecin du travail, que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, à rapprocher : Soc., 13 septembre 2023, pourvoi n° 22-12.970, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.

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