Numéro 12 - Décembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2023

ASSURANCE (règles générales)

2e Civ., 21 décembre 2023, n° 21-20.286, n° 21-20.501, (B), FRH

Rejet

Garantie – Conditions – Avis à la victime et au fonds de garantie – Forme – Lettre recommandée avec demande d'avis de réception – Avis adressés par le mandataire de l'assureur – Possibilité

Selon l'article R. 421-5 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-229 du 30 mars 2018, l'assureur qui entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, doit, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le déclarer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit. Ni cet article ni aucun autre texte n'interdisent que ces lettres soient adressées par le mandataire de l'assureur.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-20.286 et n° 21-20.501 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 mai 2021) et les productions, le 16 mars 2013, lors d'une manifestation de moto-cross organisée sur son circuit par l'association Moto-Club du [Adresse 10] (l'association) affiliée auprès de la Fédération française de motocyclisme, assurée par la société L'Equité (l'assureur), M. [J] a chuté et sa motocyclette a percuté un groupe de spectateurs, blessant grièvement [O] [D], né le 19 septembre 2002, et [T] [X], né le 21 octobre 2001.

3. Un tribunal correctionnel a, par jugement définitif du 8 décembre 2016, déclaré M. [P], bénévole de l'association ayant indiqué aux enfants où ils devaient se placer, et l'association, coupables des délits de blessures involontaires sur les personnes de [O] [D] et [T] [X].

4. Saisi par M. et Mme [D], agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur enfant mineur [O] (les consorts [D]), un juge des référés, par ordonnance du 25 novembre 2013, a, notamment, donné acte au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) de son intervention volontaire, ordonné une expertise médicale de [O] [D] et condamné l'assureur à verser à M. et Mme [D], ès qualités, une provision à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices et de celui de leur fils [O].

5. Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 18 décembre 2013, la société AMV assurance, courtier, a déclaré au FGAO et à M. et Mme [D] que l'assureur estimait que sa garantie n'était pas due, dès lors que l'accident était survenu au cours d'une manifestation en présence de spectateurs et non d'un simple entraînement.

6. L'assureur a assigné devant un tribunal de grande instance les consorts [D], M. [X] et Mme [A], tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [T], l'association et MM. [P] et [J], afin qu'il soit jugé que sa garantie n'était pas acquise.

7. Le FGAO est intervenu à l'instance.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal du FGAO (n° 21-20.501), sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches du pourvoi principal de M. [J] (n° 21-20.286) et sur le moyen des pourvois incidents des consorts [D], formés dans l'instance de chacun de ces deux pourvois

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui, pour le premier moyen du pourvoi principal du FGAO et pour la deuxième branche du moyen du pourvoi principal de M. [J], sont irrecevables, et pour les autres, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal du FGAO, et le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de M. [J], réunis, qui sont similaires

Enoncé des moyens

9. Le FGAO fait grief à l'arrêt de dire que la garantie de l'assureur n'est pas acquise et, en conséquence, de rejeter les demandes à son encontre, alors « que lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, d'une part, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le déclarer au fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception et, d'autre part, en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit ; qu'en jugeant que cette formalité pouvait être accomplie par un mandataire cependant que l'article R. 421-5 du code des assurances la met à la charge du seul assureur, la cour d'appel a violé ce texte. »

10. M. [J] fait grief à l'arrêt de dire que la garantie de l'assureur n'était pas acquise et, en conséquence, de rejeter les demandes présentées à son encontre et de le déclarer ainsi que l'association tenus d'indemniser l'ensemble des préjudices subis par M. [V] [X], Mme [G] [A] et M. [T] [X] du fait de l'accident de la circulation survenu le 16 mars 2013, fixer aux montants suivants les provisions dues : 100 000 euros à M. [O] [D], 900 000 euros à M. [T] [X], 15 000 euros à M. [V] [X] et Mme [G] [A], 30 000 euros à M. [V] [X], 30 000 euros à Mme [G] [A] et de le condamner au paiement des sommes allouées ci-dessus à M. [V] [X], Mme [G] [A] et M. [T] [X], alors « que lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, avec demande d'avis de réception, le déclarer au fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception ; que c'est à l'assureur qui entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, qui doit envoyer la lettre recommandée et non au mandataire ; qu'en affirmant néanmoins que l'article R. 421-5 n'interdit pas le recours à un mandataire pour procéder à une dénonciation de garantie, la cour d'appel a violé l'article R. 421-5 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

11. Selon l'article R. 421-5 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-229 du 30 mars 2018, lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le déclarer au FGAO et en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit.

12. Ni cet article ni aucun autre texte n'interdisent que ces lettres soient adressées par le mandataire de l'assureur.

13. C'est donc par une exacte application de ces dispositions que la cour d'appel a retenu que l'assureur avait satisfait aux exigences de l'article précité par la lettre adressée au FGAO par son courtier, le 18 décembre 2013, expliquant le motif de non-garantie.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal du FGAO, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

15. Le FGAO fait grief à l'arrêt de dire que la garantie de l'assureur n'est pas acquise et, en conséquence, de rejeter les demandes à son encontre, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant, pour dire que l'assureur n'avait pas à produire aux débats le mandat qu'il disait avoir donné à la société AMV Assurance pour la gestion des sinistres survenus à l'occasion de la pratique de sports mécaniques, qu'aucune des parties n'en contestait expressément l'existence cependant que, dans ces conclusions d'appel, le Fonds de garantie contestait que, avant le 18 décembre 2013, « pouvoir en ce sens avait bien été conféré à AMV », la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. Cependant, dès lors que la cour d'appel a examiné l'existence d'un mandat entre l'assureur et le courtier, le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants, ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal du FGAO, pris en sa quatrième branche

17. Le FGAO fait grief à l'arrêt de dire que la garantie de l'assureur n'est pas acquise et, en conséquence, de rejeter les demandes à son encontre, alors « que nul ne peut se constituer un titre à soi-même ; qu'en jugeant que l'assureur justifiait du mandat donné à la société AMV Assurance le 4 janvier 2012 par une attestation établie par l'assureur lui-même en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

18. La nullité d'un acte en raison du dépassement de pouvoir du mandataire qui l'a effectué est une nullité relative qui ne peut être demandée que par la partie représentée.

19. Le moyen, qui est inopérant, ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Martin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Gouz-Fitoussi ; SARL Cabinet Briard ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article R. 421-5 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-229 du 30 mars 2018.

2e Civ., 21 décembre 2023, n° 22-15.768, (B), FRH

Cassation partielle

Prescription – Prescription biennale – Action dérivant du contrat d'assurance – Exclusion – Cas – Action en nullité pour dol

L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manoeuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance et n'est pas soumise à la prescription de deux ans prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 mars 2022), et les productions, M. [G] a souscrit, le 15 septembre 2010, un contrat d'assurance sur la vie multi-supports proposé par la société Swisslife assurance et patrimoine (l'assureur) dénommé « Sélection R Oxygène », au titre duquel il a versé, par l'entremise de la société Axyalis patrimoine (le courtier), une certaine somme. Cette somme, ainsi qu'un versement complémentaire effectué le 1er octobre 2010, ont été investis sur différents supports.

2. Après deux rachats partiels, M. [G] a, le 18 juin 2014, réinvesti une certaine somme sur un autre support.

3. Les 9, 22 septembre et 30 décembre 2015, M. [G] a assigné le courtier, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux venant aux droits et obligations de la société Covea Risks et l'assureur devant un tribunal de grande instance aux fins d'annulation, à titre principal, de deux arbitrages des 4 février 2011 et 18 juin 2014 et de remboursement des sommes versées sur les supports choisis.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches et le deuxième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. M. [G] fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré recevables ses demandes à l'encontre du courtier et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et notamment sa demande en nullité de l'avenant du 3 janvier 2011 [en réalité du 4 février 2011] et des actes subséquents et de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes de nullité des avenants des 20 octobre 2010, 15 décembre 2010, 4 février 2011, 28 juillet 2011 et 9 mars 2012 et de dommages-intérêts les concernant, alors « que seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; que l'action en nullité d'un contrat d'assurance fondée sur le dol dont s'est rendu coupable l'assureur ou son représentant ne dérive pas du contrat d'assurance en ce qu'elle sanctionne un manquement à la bonne foi et à la loyauté antérieur à sa conclusion ; qu'en soumettant néanmoins à la prescription biennale l'action en nullité pour dol intentée par M. [G], la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 114-1 du code des assurances.»

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que ce moyen est nouveau.

7. Cependant, le moyen de M. [G], qui n'invoque aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.

8. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 114-1 du code des assurances :

9. Aux termes du premier de ces textes, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

10. Selon le deuxième, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

11. Selon le dernier, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

12. L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manoeuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance, au sens de ce dernier texte.

13. Pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de nullité des avenants au contrat d'assurance sur la vie souscrits entre le 20 octobre 2010 et le 9 mars 2012 par M. [G], fondées sur le dol du courtier, l'arrêt retient que celui-ci a assigné l'assureur les 9, 22 septembre et 30 décembre 2015, soit après l'expiration du délai de prescription biennale.

14. En statuant ainsi, alors que la prescription prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances ne s'applique pas aux demandes d'annulation pour dol du contrat d'assurance et de ses avenants, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. M. [G] fait grief à l'arrêt de confirmer la disposition du jugement rejetant au fond sa demande d'annulation du contrat d'assurance, alors « que le juge qui déclare irrecevable la demande dont il est saisi excède ses pouvoirs en statuant néanmoins au fond ; qu'en confirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il avait déclaré recevable la demande en nullité du contrat, la cour d'appel a maintenu le chef du jugement ayant rejeté au fond cette même demande nonobstant l'irrecevabilité qu'elle a prononcée, ce en quoi elle a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

16. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant sur le fond.

17. La cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de nullité du contrat d'assurance dont il avait été saisi, après l'avoir infirmé en ce qu'il avait préalablement déclaré cette même demande recevable.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes de nullité des avenants des 13 et 18 juin 2014 et de dommages et intérêts les concernant, déboute M. [G] de ses demandes d'annulation des avenants des 13 et 18 juin 2014, déclare recevable la demande de M. [G] au titre des clauses abusives et le déboute de cette demande, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Article L. 114-1 du code des assurances.

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