Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

UNION EUROPEENNE

Com., 14 décembre 2022, n° 21-14.206, (B), FRH

Rejet

Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 – Paiement effectué pendant la période suspecte – Interprétation conforme de l'article L. 632-2 du code de commerce – Restructuration préventive – Nécessité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2021), le 21 avril 2017, le président d'un tribunal a ouvert une procédure de conciliation à l'égard de la société TBI, la société BTSG étant désignée en qualité de conciliateur.

2. Le 23 juin 2017, aux termes d'un contrat dénommé « convention d'assistance et de conseil », passé entre la société Prosphères, spécialiste en management de crise, la société TBI, représentée par sa présidente, la société C Plus, et la société C Plus, la présidence de celle-ci a été confiée à la société Prosphères.

3. Le 31 juillet 2017, la société Prosphères a procédé à la déclaration de cessation des paiements de la société TBI.

Par un jugement du 4 août 2017, le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de la société TBI, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er juillet 2017, et M. [G] étant désigné liquidateur.

Le 13 octobre 2017, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société TBI.

La date de cessation des paiements a été reportée ensuite au 31 décembre 2016.

4. Entre le 23 juin 2017, date de la nomination de la société Prosphères à la tête de la société C Plus, et le 4 août 2017, date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société TBI, cette dernière a versé à la société Prosphères une somme de 382 206,48 euros à titre de rémunération des prestations fournies en exécution de la convention d'assistance et de conseil.

5. Considérant que ces paiements au profit de la société Prosphères étaient intervenus en période suspecte, le liquidateur l'a assignée afin d'obtenir leur annulation sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Prosphères fait grief à l'arrêt de dire nuls les virements effectués par la société TBI à son profit entre les 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce et de la condamner à payer cette somme à M. [G], ès qualités, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et capitalisation des intérêts, alors « qu'en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, le paiement d'honoraires pour la recherche d'assistance et de conseils professionnels, lorsqu'ils sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration, ne saurait être déclaré nul ; qu'en annulant les virements effectués par la société TBI entre le 5 et 31 juillet 2017 au profit de la société Prosphères en raison de la prétendue connaissance par la seconde de l'état de cessation des paiements de la première, cependant qu'il était constant que ces paiements avaient été versés en exécution d'une convention d'assistance et de conseils dont l'objet était de faire bénéficier la société TBI de l'assistance de la société Prosphères dans le processus de cession de la société TBI et dans la négociation avec ses créanciers, la cour d'appel a violé l'article L. 632-2 du code de commerce, interprété à la lumière de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt relève qu'à la date de la convention conclue entre la société Prosphères et les sociétés C Plus et TBI, soit le 23 juin 2017, la société TBI était en procédure de conciliation, et que les paiements litigieux sont intervenus en exécution de cette convention les 5, 25 et 31 juillet 2017, sans que la société Prosphères ait soutenu devant la cour d'appel que la société TBI bénéficiait alors d'une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive au sens de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes (la directive).

9. Le moyen, qui postule à tort que l'article L. 632-2 du code de commerce devait être interprété à la lumière de la directive dont la transposition par l'ordonnance du 15 septembre 2021 n'a pas modifié ce texte, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 632-2 du code de commerce.

Soc., 14 décembre 2022, n° 21-13.976, (B), FRH

Rejet

Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 – Article 4 – Compétence générale – Défendeur non domicilié dans un Etat membre – Règles applicables – Détermination – Règles internes de compétence de chaque Etat membre – Conditions – Exclusion – Domicile du demandeur dans l'Etat membre – Portée

Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 – Article 4 – Compétence générale – Défendeur non domicilié dans un Etat membre – Règles applicables – Détermination – Règles internes de compétence de chaque Etat membre – Cas – Demandeurs non nationaux disposant d'un domicile dans l'Etat membre – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 16-14.708), M. [T], domicilié en Belgique, salarié de la société Compagnie minière de l'Ogooué (la société COMILOG), de droit gabonais, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société COMILOG et de la société Eramet Comilog manganèse (la société Eramet), ayant son siège à Paris, appartenant au même groupe, pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et le paiement de diverses sommes liées à la rupture de la relation contractuelle, en invoquant à l'encontre de la société Eramet sa qualité de coemployeur.

2. Les sociétés ont soulevé l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale française.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches

Enoncé du moyen

4. La société COMILOG fait grief à l'arrêt de dire le conseil de prud'hommes de Paris territorialement compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes du salarié dirigées contre elle, alors :

« 2°/ que lorsqu'un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n'est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l'employeur est considéré, pour les contestations relatives à leur exploitation, comme ayant son domicile dans cet État membre ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [T] travaillait pour le compte de la société COMILOG établie au Gabon ; qu'en se fondant sur la circonstance que cette société détenait 50 % du capital de la société Eramet Comilog Manganèse, établie en France, pour en déduire qu'elle pouvait être attraite en France, lorsque Eramet Comilog Manganèse constituait non pas un établissement ou une succursale de la société gabonaise, mais une filiale juridiquement distincte établie en France, la cour d'appel a violé l'article 18 - 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 par fausse application ;

3°/ que lorsqu'un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n'est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l'employeur n'est considéré comme ayant son domicile dans cet État membre que pour les contestations relatives à l'exploitation de la succursale ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la société COMILOG établie au Gabon détenait 50 % du capital de la société Eramet Comilog Manganèse établie en France, pour en déduire qu'elle pouvait être attraite en France, sans nullement caractériser que le litige qui l'opposait à M. [T] était relatif à l'exploitation de la société Eramet Comilog Manganèse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 - 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ;

4°/ qu'aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 « Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre » et que « Toute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les nationaux, y invoquer contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles prévues à l'annexe I » ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [T] était domicilié en Belgique ; qu'en jugeant que ce dernier pouvait, en application de l'article 4 précité, invoquer les dispositions de l'article 42 du code de procédure civile français régissant la compétence des juridictions en cas de pluralité de défendeurs, pour attraire la société COMILOG établie au Gabon devant les juridictions françaises, lorsque n'étant pas domicilié en France, il ne pouvait se prévaloir des règles de compétence issues du droit français, la cour d'appel a violé l'article 4 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ;

5°/ que, en tout état de cause, la prorogation de compétence prévue par l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile applicable dans l'ordre international, ne permet pas d'attraire devant les juridictions françaises un défendeur demeurant à l'étranger, lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France ne présente pas, à l'égard de ce dernier, un caractère sérieux ; qu'en se bornant à constater qu'il existait un lien étroit de connexité entre l'ensemble des demandes puisque le contrat de travail établi avec la société COMILOG était consécutif à l'expatriation de M. [T] par la société Eramet Comilog Manganèse, sans cependant caractériser que la demande dirigée contre la société Eramet Comilog Manganèse présentait un caractère sérieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. D'abord, aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application des dispositions des articles 22 et 23. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les nationaux, y invoquer contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles prévues à l'annexe I.

6. Selon cette annexe, les règles de compétence nationales visées à cet article 4 sont, en France, les articles 14 et 15 du code civil.

7. Selon le rapport sur la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, établi par M. [E] (JO des Communautés européennes, 1979, n° C59, p. 1), l'aspect positif de l'assimilation aux nationaux de toute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d'un État membre, prévue à l'article 4, § 2, de cette convention dont les termes sont similaires à ceux de l'article 4, § 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, a été envisagé en rapport avec le droit d'établissement (articles 52 et suivants du Traité de Rome) qui implique que les personnes physiques ou morales établies dans un État membre jouissent de la même protection juridique que les nationaux.

8. Aux termes de l'article 14 du code civil, l'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.

9. Aux termes de l'article 15 du code civil, un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.

10. Il en résulte que, dans le cas où le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, l'article 4 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ne soumet pas, pour régler dans chaque État membre la compétence, l'application de la loi de cet État membre à une condition de domicile du demandeur dans le même État membre, mais garantit aux demandeurs non nationaux disposant d'un tel domicile le bénéfice des mêmes règles de compétence prévues par cette loi que les nationaux de cet État en ce compris, en France, les articles 14 et 15 du code civil.

11. Ensuite, aux termes de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.

12. Ayant relevé que la société Eramet était établie à Paris, que cette société avait recruté le salarié en vue de son détachement au Gabon au sein de la société COMILOG, que les demandes formées contre la société Eramet et contre la société COMILOG présentaient un lien étroit de connexité puisque le contrat de travail établi avec cette dernière société était consécutif à l'expatriation du salarié par la société Eramet, la rupture des contrats établis avec l'une et l'autre des deux sociétés devant être examinée dans le cadre d'une seule instance, et fait ainsi ressortir que le salarié exerçait contre la société Eramet une action directe et personnelle, en sa qualité alléguée de coemployeur, de sorte que la même société apparaissait comme un défendeur sérieux, la cour d'appel en a exactement déduit, par ces seuls motifs et sans avoir à considérer le domicile en Belgique du demandeur, que la juridiction française était compétente pour connaître des demandes formées contre la société COMILOG.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 4 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.

Soc., 14 décembre 2022, n° 20-20.572, n° 21-10.251, (B), FS

Cassation partielle

Travail – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 – Articles 17, § 1, et 19 – Dérogations – Conditions – Détermination – Cas – Forfait en jours sur l'année – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-20.572 et 21-10 251 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Besançon, 30 juin 2020 et 22 décembre 2020), M. [L] a été engagé par la société 4 Murs, à compter du 19 avril 1999, en qualité de vendeur, puis a été promu, à compter du 6 octobre 2003, directeur de magasin.

Par avenant au contrat de travail en date du 18 décembre 2006, le salarié a signé une convention de forfait annuel en jours.

3. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires : antiquités, brocante, galeries d'art (oeuvres d'art), arts de la table, coutellerie, droguerie, équipement du foyer, bazars, commerces ménagers, modélisme, jeux, jouets, puérinatalité et maroquinerie du 9 mai 2012.

4. Le 15 décembre 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter notamment le prononcé de l'inopposabilité de la convention de forfait en jours, la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

5. Le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 28 mai 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi 20-20.572, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la convention de forfait en jours n'encourt aucune nullité et qu'elle lui est opposable, alors « que toute convention de forfait en jour doit être prévue par accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que la convention collective doit prévoir un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs du temps de travail transmis permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec la durée raisonnable de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps de travail de l'intéressé ; qu'un accord d'entreprise qui se contente de prévoir un état récapitulatif du temps de travail mensuel et un contrôle annuel ou bi-annuel, ne garantit pas le respect des durées raisonnables du travail, des repos journaliers et hebdomadaires ; que la cour d'appel qui a relevé que l'accord du 3 septembre 2003, prévoyait qu'un décompte des journées travaillées et de repos pris était établi mensuellement par l'intéressé et validé par l'employeur et qu'à cette occasion un suivi devait être fait, et qui a retenu que cet accord comportait des limites et garanties et le contrôle du nombre de jours travaillés, alors qu'il ne comporte aucune précision sur les modalités de contrôle, n'a pas caractérisé un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs du temps de travail a violé l'article L. 3121-63 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail alors en vigueur, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

7. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

8. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

9. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

10. Pour dire que la convention de forfait en jours n'encourt aucune nullité, l'arrêt retient que l'accord du 5 septembre 2003, en son article 3.2.1. prévoit un nombre de jours travaillés par année civile ou période de 12 mois consécutifs, le droit à repos dès le premier trimestre suivant en cas de dépassement du plafond, ainsi que le droit au congé annuel complet, au repos hebdomadaire et quotidien et que contrairement aux affirmations du salarié, il comporte des limites et garanties, soit le contrôle du nombre de journées ou demi-journées travaillées, ou de repos/congés.

11. En statuant ainsi, alors que l'article 3.2.1. de l'accord du 5 septembre 2003, attaché à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012, qui se borne à prévoir que le décompte des journées travaillées ou des jours de repos pris est établi mensuellement par l'intéressé, que les cadres concernés doivent remettre, une fois par mois à l'employeur qui le valide, un document récapitulant le nombre de jours déjà travaillés, le nombre de jours ou de demi-jours de repos pris et ceux restant à prendre, qu'à cette occasion doit s'opérer le suivi de l'organisation du travail, le contrôle de l'application du présent accord et de l'impact de la charge de travail sur leur activité de la journée, que le contrôle des jours sera effectué soit au moyen d'un système automatisé, soit d'un document auto-déclaratif et que dans ce cas, le document signé par le salarié et par l'employeur est conservé par ce dernier pendant trois ans et tenu à la disposition de l'inspecteur du travail, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen du pourvoi 20-20.572, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les faits d'inexécution par l'employeur de ses obligations essentielles ne sont pas établis et qu'il est mal fondé en sa demande de résiliation judiciaire, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la nullité et l'inopposabilité de la convention de forfait jour entraînera par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt sur le deuxième moyen en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif relatifs au rejet de la demande de résiliation judiciaire présentée par le salarié, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquence de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt critiquées par le premier moyen du pourvoi 20-20.572 entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif déboutant le salarié de sa demande de rappels d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-prise du repos compensateur, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

15. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 30 juin 2020 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 22 décembre 2020, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la convention de forfait en jours n'encourt aucune nullité et qu'elle est opposable à M. [L], en ce qu'il le déboute de ses demandes de rappels d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-prise du repos compensateur, en ce qu'il dit que les faits d'inexécution par la société 4 Murs de ses obligations essentielles ne sont pas établis et que M. [L] est mal fondé en sa demande de résiliation judiciaire et l'en déboute, en ce qu'il le condamne à payer à la société 4 Murs la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le déboute de sa demande d'indemnité sur ce fondement et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 30 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 22 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; article L. 212-15-3 du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité des conventions de forfait en jours au regard de la durée du travail et des repos journaliers et hebdomadaires, à rapprocher : Soc., 5 octobre 2017, pourvoi n° 16-23.106, Bull. 2017, V, n° 173 (rejet), et les arrêts cités ; Soc., 8 novembre 2017, pourvoi n° 15-22.758, Bull. 2017, V, n° 191 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-12.208, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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