Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION

Soc., 14 décembre 2022, n° 21-18.036, (B), FS

Cassation partielle

Salaire – Heures supplémentaires – Accomplissement – Preuve – Eléments de preuve – Appréciation – Office du juge

ll résulte des dispositions des articles L. 713-21, R. 713-35, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 et R. 713-43, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1554 du 5 novembre 2017 du code rural et de la pêche maritime, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. Fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, la cour d'appel qui, pour rejeter sa demande au titre des heures supplémentaires, retient qu'aucune crédibilité ne pouvant être accordée aux agendas professionnels qu'il produit avec des annotations quant aux tâches qu'il précisait avoir effectuées en journée, il en résulte que sont dénués de toute valeur probante les tableaux récapitulatifs établis par l'intéressé qui, en outre, fait état d'attestations par trop générales dans leur contenu et sans indications exploitables relativement aux dépassements d'horaires allégués.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 mai 2020), Mme [O] a été engagée en qualité d'« enseignant-animateur » par M. [T] exerçant sous l'enseigne « Ecurie de la Pérelle » suivant contrat à durée indéterminée à temps plein à effet du 9 septembre 2002. Une rupture conventionnelle du contrat de travail a été conclue, qui a pris effet le 12 août 2014.

2. Le 9 mars 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires accomplies de 2010 à 2014, de contreparties obligatoires en repos, d'une indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Examen des moyens

Sur le cinquième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires pour les années 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnisation pour repos compensateurs non pris, de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées maximales de travail et d'une indemnité de procédure et de la condamner au paiement d'une somme de ce dernier chef, alors « que les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche maritime ne sont dispensés d'établir un relevé d'heures individuel du temps de travail que lorsque le salarié, soit est obligé d'organiser lui-même son activité professionnelle, soit est amené à travailler dans des conditions qui ne permettent pas à son employeur de contrôler sa présence effective ; qu'en jugeant que M. [T] n'aurait pas été en capacité, en raison des conditions « de fait » dans lesquelles Mme [O] travaillait, de contrôler sa présence effective dans l'entreprise, sans avoir constaté en fait les conditions spécifiques d'organisation de son activité qui n'auraient pas permis à l'employeur de contrôler sa présence sur place, la cour d'appel a violé les articles L. 712-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-35 à R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 713-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, l'article R. 713-36 du même code et les articles R. 713-37 et R. 713-40 du même code, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-1554 du 9 novembre 2017 :

5. Selon le premier de ces textes, en vue du contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail, tout employeur mentionné à l'article L. 713-1 enregistre ou consigne toutes les heures effectuées ou à effectuer par les salariés dans les conditions prévues soit à l'article R. 713-36, soit à l'article R. 713-37.

6. Selon le deuxième, l'employeur enregistre, chaque jour, sur un document prévu à cet effet, le nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié, ou groupe de salariés, ou les heures de début et de fin de chacune de leurs périodes de travail. Il peut, toutefois, sous sa responsabilité, confier à chaque salarié le soin de procéder à l'enregistrement mentionné ci-dessus s'il met à sa disposition des moyens de pointage ou d'autres moyens qui permettent à l'intéressé de contrôler la réalité des indications qu'il enregistre.

7. Selon le troisième, à défaut de mettre en oeuvre les modalités prévues à l'article R. 713-36, l'employeur affiche, pour chaque jour de la semaine, les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail.

Aux lieu et place de l'affichage, l'employeur peut remettre au salarié concerné, contre décharge, un document sur lequel est porté son horaire.

8. Selon le dernier, l'employeur est dispensé d'appliquer les dispositions des articles R. 713-35 à R. 713-37 lorsque le salarié est obligé d'organiser lui-même son activité, dans les limites prévues notamment par les articles L. 713-2 et L. 713-13, parce qu'il assume des responsabilités importantes ou parce qu'il travaille dans des conditions qui ne permettent pas à l'employeur ou à l'un de ses représentants de contrôler sa présence.

9. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires sur la période de 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité de travail dissimulé et d'une indemnisation au titre de contreparties obligatoires en repos, l'arrêt retient que contrairement à ce que soutient la salariée, il est établi que celle-ci organisait son activité au sein du centre équestre dans des conditions qui, de fait, ne permettaient pas à l'employeur de contrôler régulièrement et de façon effective sa présence sur place, en sorte qu'il n'avait pas à établir la concernant des relevés d'heures individuels.

10. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les conditions d'emploi de la salariée dispensaient l'employeur de contrôler régulièrement et de façon effective la présence de sa salariée sur place, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

11. La salariée fait le même grief à l'arrêt alors :

« 1°/ que les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche maritime sont soumis aux termes de l'article L. 713-21 de ce code, à l'obligation, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail réellement effectuées, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en dispensant l'employeur de toute justification des horaires de travail réellement accomplis par la salariée en réponse aux éléments de preuve qu'elle apportait aux débats pour justifier sa demande en paiement d'heures supplémentaires, aux motifs inopérants qu'il n'aurait pas été tenu « d'établir la concernant des relevés d'heures individuels " dans la mesure où elle aurait " organisé son activité au sein du centre équestre dans des conditions qui, de fait, ne permettaient pas à M. [T] de contrôler régulièrement et de manière effective sa présence sur place » ce qui ne dispensait pas l'employeur d'apporter la preuve des horaires réellement accomplis par la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 712-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime et L. 3171-4 du code du travail ;

4°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir constaté que la salariée produisait aux débats des agendas précisant l'ensemble des tâches exécutées et l'amplitude horaire pour chaque période travaillée, des témoignages de cavaliers et d'adhérents du centre sur ses activités en semaine et parfois le dimanche ainsi qu'un décompte hebdomadaire des heures travaillées sur l'ensemble de la période en litige, la cour d'appel qui l'a déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires aux motifs que ses agendas auraient comporté des mentions ajoutées a posteriori pour les besoins de la cause de sorte qu'ils auraient été ni fiables ni crédibles, a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur la seule salariée et a violé l'article L. 3171 4 du code du travail et l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime :

12. Selon l'article R. 713-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, en vue du contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail, tout employeur mentionné à l'article L. 713-1 enregistre ou consigne toutes les heures effectuées ou à effectuer par les salariés dans les conditions prévues soit à l'article R. 713-36, soit à l'article R. 713-37.

Selon l'article R. 713-43 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1554 du 9 novembre 2017, lorsqu'il constate que la durée du travail enregistrée ou consignée en application des dispositions des articles R. 713-36 ou R. 713-37 est inexacte, l'inspecteur du travail peut exiger de l'employeur l'enregistrement des heures effectuées, soit selon les modalités fixées à l'article R. 713-36, soit selon les modalités fixées à l'article R. 713-37.

13. Enfin, aux termes de l'article L. 713-21 susvisé, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

14. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

15. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires sur la période de 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité de travail dissimulé et d'une indemnisation autre titre de contreparties obligatoires en repos, l'arrêt, après avoir relevé que la salariée produisait les agendas professionnels dont elle indiquait s'être servie pour l'exercice de son activité au sein du centre équestre, avec des annotations quant aux tâches qu'elle précisait avoir effectuées en journée, quelques témoignages de cavaliers et d'adhérents fréquentant le centre et des décomptes hebdomadaires sur la période en litige, retient qu'aucune crédibilité ne pouvant être accordée à ces agendas, il en résulte que sont dénués de toute valeur probante les tableaux récapitulatifs établis par l'intéressée qui, en outre, fait état d'attestations par trop générales dans leur contenu et sans indications exploitables relativement aux dépassements d'horaires allégués.

16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées maximales de travail, alors « que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et de l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le code du travail en matière de durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, preuve qui incombe à l'employeur ; qu'en déboutant la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, par renvoi aux motifs suivant lesquels elle avait jugé que sa demande en paiement d'heures supplémentaires n'était pas étayée par des éléments suffisamment crédibles, quand la charge de la preuve du respect de la durée maximale de travail du salarié pèse exclusivement sur l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-34 et L. 3121-35, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 713-2, L. 713-20 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-13 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

18. Aux termes du premier de ces textes, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine.

La durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogation dans des conditions fixées par les décrets prévus à l'article L. 713-3.

19. Selon le deuxième, des décrets fixent les modalités d'application de l'article L. 713-2.

20. Il résulte du troisième que les durées hebdomadaires maximales du travail ne peuvent excéder quarante-quatre, quarante-six, quarante-huit heures, selon les périodes de référence et les modalités que le texte précise, et, à titre dérogatoire, soixante heures, selon les conditions que le texte définit.

21. Aux termes du quatrième, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

22. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement, l'arrêt retient que les décomptes horaires de celle-ci ne pouvant être retenus, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail.

23. En statuant ainsi, alors que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

24. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en revalorisation de sa classification professionnelle au niveau 4, coefficient 167, ou, subsidiairement, au niveau 3, coefficient 150, et en paiement d'un rappel de salaire, alors « qu'en déboutant la salariée de sa demande au seul motif qu'elle « ne démontre pas avoir réellement exercé des fonctions susceptibles de correspondre à l'un des emplois de classification supérieure qu'elle revendique », sans avoir visé ni analysé aucune des pièces produites aux débats par la salariée desquelles il résultait qu'elle exécutait des tâches, pour chacune d'elle explicitée dans ses conclusions d'appel, correspondant aux critères conventionnels du niveau de classification dont elle réclamait le bénéfice, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

25. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

26. Pour débouter la salariée de sa demande de reclassification, l'arrêt retient que la salariée, titulaire d'un brevet d'Etat d'éducateur sportif du 1er degré dans les activités équestres, ne démontre pas avoir réellement exercé des fonctions susceptibles de correspondre à l'un des emplois de classification conventionnelle supérieure qu'elle revendique, cela au vu de leurs définitions respectives.

27. En se déterminant ainsi, sans viser, ni analyser, même sommairement, les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

28. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts à son employeur pour violation de l'obligation de loyauté, alors « que la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée à l'égard de son employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise et est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur qui correspond à la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif ; qu'en condamnant la salariée à verser à l'employeur la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison d'un « comportement fait de dénigrement et de critiques dépassant largement ce qui peut être toléré, manquant en cela gravement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail », la cour d'appel qui s'est fondée sur une faute contractuelle qu'aurait commise la salariée sans caractériser une faute lourde, a violé les articles L. 3141-26 et L. 1222-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers l'employeur qu'en cas de faute lourde :

29. Pour condamner la salariée au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les attestations versées aux débats par l'employeur établissent que la salariée a eu à son égard et en public un comportement fait de dénigrement et de critiques dépassant largement ce qui peut être toléré, manquant en cela gravement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail.

30. En statuant ainsi, alors que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'intention de la salariée de nuire à son employeur, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [O] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnisation au titre des contreparties obligatoires en repos, de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales du travail, en ce qu'il la déboute de sa demande en reclassification et paiement d'un rappel de salaire de ce chef, outre une indemnité de procédure, et en ce qu'il la condamne au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail ainsi que d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 713-21, R. 713-35, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, et R. 713-43, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1554 du 5 novembre 2017, du code rural et de la pêche maritime.

Rapprochement(s) :

Sur la charge partagée de la preuve des heures effectuées par le salarié, dans le régime agricole comme en droit commun, à rapprocher : Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 17-31.046, Bull., (1) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 14 décembre 2022, n° 21-16.623, (B), FS

Cassation partielle

Salaire – Paiement – Prescription – Durée – Détermination – Nature de la créance invoquée – Portée

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

Aux termes de ce texte, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui déclare l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, alors qu'elle constatait que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 et qu'il sollicitait un rappel de salaire pour la période de mai 2014 à mai 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l'intégralité de cette période.

Salaire – Paiement – Prescription – Prescription triennale – Point de départ – Détermination

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [N] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Centre de biologie médicale de Grande-Terre.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 25 novembre 2019), M. [N] a été engagé à compter du 2 mai 1997 par la société Centre de biologie médicale de Grande-Terre, aux droits de laquelle se trouve la société Synergibio, en qualité de coursier, suivant contrat de travail à temps partiel.

3. Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat le 11 mai 2017.

4. Il a saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, de le débouter de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet pour la période antérieure au 1er octobre 2015, de juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission et de le débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires, en ce que celui-ci excédait la somme de 1 521 euros, outre congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, qui est applicable à l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que la demande de M. [Y] [N] de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet était prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, qu'il appert que la date du 13 juillet 2014 correspondait à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche, quand elle relevait que le contrat de travail de M. [Y] [N] avait été rompu le 11 mai 2017 et quand il en résultait que la demande de M. [Y] [N] portant sur la période postérieure au 11 mai 2014 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

6. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

7. Aux termes de ce texte, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

8. Il résulte de la combinaison des articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

9. Pour dire l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, l'arrêt relève que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 d'une demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et que le contrat de travail a été rompu, du fait de la prise d'acte de la rupture, le 11 mai 2017. Il retient que la date du 13 juillet 2014 correspond à la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 et qu'il sollicitait un rappel de salaire pour la période de mai 2014 à mai 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission et débouté M. [N] de ses demandes en paiement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts en réparation de l'importance de l'abus, et en ce qu'il dit que la demande de requalification du contrat de travail est prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, déboute M. [N] de sa demande de requalification du contrat de travail pour la période antérieure au 1er octobre 2015, limite la condamnation de la société Centre de biologie médicale de Grande-Terre, aux droits de laquelle se trouve la société Synergibio, à la somme de 1 521 euros à titre de rappel de salaires, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens, l'arrêt rendu le 25 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel le délai de prescription ne court qu'à compter de la date d'exigibilité de la créance, dans le même sens que : Soc., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-16.992, Bull., (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 14 décembre 2022, n° 21-15.805, (B), FS

Rejet

Salaire – Primes et gratifications – Prime annuelle conventionnelle – Prime égale au salaire mensuel forfaitaire – Calcul – Assiette – Heures supplémentaires exceptionnelles – Exclusion – Détermination – Portée

Salaire – Primes et gratifications – Prime annuelle conventionnelle – Prime égale au salaire mensuel forfaitaire – Calcul – Assiette – Majoration pour jours fériés travaillés – Prise en compte – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes du Mans, 10 mars 2021), rendu en dernier ressort, M. [T], salarié de la société Carrefour Supply Chain, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017 à 2019.

2. La convention collective applicable est la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à verser une certaine somme au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017-2018-2019, alors « qu'en application de l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, seules les majorations liées à des heures supplémentaires, à des heures de travail dominical ou à des heures de travail un jour férié régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence peuvent être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'il incombe ainsi aux juges du fond de rechercher si ces heures ont été régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence, ou si elles n'ont été accomplies qu'à titre exceptionnel ; qu'au cas présent, M. [T] sollicitait le paiement d'une somme totale de 2 264,10 € à titre de reliquat de primes annuelles pour les années 2017-2018-2019 ; que la société Carrefour Supply Chain s'opposait à cette demande, prise dans son intégralité, puisque M. [T] avait intégré à ses calculs, de manière erronée, les majorations liées aux heures de travail un jour férié accomplies au mois de novembre, cependant que ces heures avaient été exceptionnelles et n'avaient pas été régulièrement accomplies par M. [T] au cours de l'année de référence, de sorte qu'elles ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'en faisant néanmoins droit à l'intégralité de la demande de M. [T] au motif erroné selon lequel « le conseil ne retient pas l'interprétation des heures supplémentaires régulières pour l'octroi de la prime annuelle, considérant que la convention collective nationale en son article 3-7-3 ne fait pas état de cette mention d'heures supplémentaires régulières et se limite à « heures supplémentaires exceptionnelles exclues » », le conseil de prud'hommes a violé l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. »

Réponse de la Cour

4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

5. Selon l'article 3.7.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 70 du 15 janvier 2019, le montant de la prime annuelle, pour les salariés qui n'ont pas fait l'objet d'absences autres que celles prévues par le texte, est égal à 100 % du salaire forfaitaire mensuel de novembre (heures supplémentaires exceptionnelles exclues).

6. Le conseil de prud'hommes a retenu à bon droit que ces dispositions se limitent à exclure de l'assiette de calcul de la prime annuelle les heures supplémentaires exceptionnelles. Il en a exactement déduit que la majoration pour travail effectué un jour férié devait être prise en compte pour le calcul de la prime.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 3.7.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 70 du 15 janvier 2019.

Rapprochement(s) :

Sur la seule exclusion des heures supplémentaires exceptionnelles du calcul de la prime annuelle au sens de l'article 3.7.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, à rapprocher : Soc., 17 février 2010, pourvoi n° 08-42.490, Bull. 2010, V, n° 45 (cassation partielle).

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