Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

SAISIE IMMOBILIERE

2e Civ., 8 décembre 2022, n° 21-10.590, n° 21-10.623, (B), FRH

Cassation

Procédure – Audience d'orientation – Contestations et demandes incidentes – Recevabilité – Conditions

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-10.590 et 21-10.623 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 octobre 2020), la société Caixabank CGIB, aux droits de laquelle vient la société Caixabank France puis la société Boursorama, a, par acte notarié du 25 juillet 1989, consenti un prêt à la société Paris Ouest santé, devenue la société Centre chirurgical de [Localité 3].

3. En garantie de la créance de la banque, M. [F], selon le cas, seul ou avec Mme [F], son épouse, a consenti des cautionnements hypothécaires et un cautionnement solidaire pour le remboursement de ce prêt.

4. La société Centre chirurgical de [Localité 3] ayant été mise en redressement judiciaire, un arrêt irrévocable du 22 mars 2007 a admis la créance de la banque au passif de la procédure collective.

5. Le 19 octobre 2011, la société Boursorama a fait délivrer à M. [F] un commandement de payer valant saisie des biens immobiliers lui appartenant en vertu de la sûreté qu'il avait consentie dans l'acte de prêt.

6. Cette procédure de saisie immobilière a fait l'objet de plusieurs arrêts irrévocables, dont l'un en date du 21 novembre 2013, sur appel d'un jugement d'orientation du 28 février 2013, qui a déclaré irrecevables les demandes de M. [F] relatives au défaut de qualité à agir de la société Boursorama et a confirmé le jugement d'orientation en toutes ses dispositions.

7. Le 25 août 2016, la société Boursorama a fait procéder à une saisie-attribution sur les comptes ouverts par M. [F] dans les livres de la banque BNP Paribas.

8. M. [F] a saisi un juge de l'exécution en mainlevée de cette mesure.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution :

10. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

11. Lorsque les fins de non-recevoir soulevées à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière ont été déclarées irrecevables sur le fondement de ce texte, cette irrecevabilité ne fait pas obstacle à ce que les mêmes fins de non-recevoir soient invoquées dans le cadre d'une autre instance.

12. Pour déclarer M. [F] irrecevable en toutes ses demandes tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, l'arrêt retient que M. [F] a déjà contesté la qualité à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989 à l'occasion de la procédure de saisie immobilière et que ces contestations ont été irrévocablement déclarées irrecevables, en application de l'article 122 du code de procédure civile et des articles 1354, 1355 du code civil, comme se « heurtant à la force de chose jugée » attachée aux arrêts des 21 novembre 2013 et 23 juillet 2015 par la cour d'appel de Versailles, à l'arrêt du 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris et à l'arrêt rendu le 13 février 2020 par la Cour de cassation, qui ont tous les quatre confirmé la qualité à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989.

13. L'arrêt en déduit que les prétentions de M. [F] tendant à contester la qualité et l'intérêt à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989 dans le cadre de la saisie-attribution sont irrecevables, comme « se heurtant à la force de chose jugée. »

14. En statuant ainsi, alors que la demande tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à l'encontre de M. [F], en vertu de la créance de la banque au titre du prêt notarié du 25 juillet 1989, avait été déclarée irrecevable à l'occasion de la procédure de saisie immobilière au motif qu'elle avait été invoquée postérieurement à l'audience d'orientation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant M. [F] irrecevable ou mal fondé en toutes ses demandes tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, entraîne par voie de conséquence la cassation des autres dispositions, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare admis aux débats les conclusions en réponse de la société Boursorama du 26 février 2020 et l'arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2020, déclare recevables les « conclusions d'intimé n° 1 aux fins de confirmation comportant demande additionnelle » signifiées par M. et Mme [F] le 28 février 2019, et par voie de conséquence celles « d'intimé n° 2 aux fins de confirmation comportant demande additionnelle »,signifiées en février 2020, confirme le jugement entrepris en ce qu'il déclare Mme [F] irrecevable pour défaut de qualité à agir en ses prétentions concernant la régularité et le bien-fondé de la saisie-attribution pratiquée le 25 août 2016 au préjudice du seul M. [F], l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Boullez ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution.

2e Civ., 8 décembre 2022, n° 20-14.302, (B), FRH

Cassation partielle

Procédure – Audience d'orientation – Paiement des dettes – Tiers-acquéreur – Obligations – Portée

Il résulte de la combinaison des articles 2432, alinéa 1, 2461 à 2464 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, R. 321-4, R. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, et R. 322-18 du même code, en premier lieu, que le tiers acquéreur qui n'est pas personnellement obligé à la dette n'est tenu au paiement que des seules dettes hypothécaires, à l'exclusion des dettes chirographaires pour lesquelles le créancier poursuivant, qui poursuit la saisie en exécution de son droit de suite, ne peut être colloqué lors de la distribution du prix, en second lieu, que si le prix de vente excède la dette hypothécaire, la différence est pour le tiers acquéreur, sauf les droits de ses créanciers inscrits sur l'immeuble. Il s'ensuit que le juge de l'exécution ne doit mentionner, dans le dispositif du jugement d'orientation, que le montant retenu pour la créance hypothécaire du poursuivant.

Procédure – Audience d'orientation – Jugement d'orientation – Mentions – Mention de la créance dans le dispositif – Office du juge de l'exécution – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 février 2020) et les productions, le 10 août 2018, agissant sur le fondement de décisions de justice lui attribuant diverses sommes dans un partage de succession, M. [S] [K] a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à M. [X] [K], débiteur principal, et à Mme [M] [K], épouse [W], tiers détentrice de l'immeuble saisi, précédemment acquis par M. [X] [K] et son épouse commune en biens, Mme [G] [F], qui en avaient fait donation à leur fille [M] en 2005, puis les a assignés devant un juge de l'exécution.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

2. La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats à l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, et Mme Berthomier, greffier de chambre.

Énoncé du moyen

3. M. [X] [K] et Mme [M] [K], épouse [W], font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir juger que la saisie ne pouvait pas porter sur le bien immobilier situé à [Localité 4], s'agissant d'un bien commun ne pouvant être appréhendé par un créancier personnel de M. [X] [K], et de valider la procédure de saisie immobilière engagée à leur encontre par M. [S] [K], alors :

« 1°/ que le créancier d'un époux débiteur d'une dette personnelle ne peut inscrire une hypothèque sur un bien commun, même si celle-ci ne porte que sur les parts et portions de ce bien dont le débiteur est propriétaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que la dette due par M. [X] [K] à M. [S] [K] était une dette personnelle et que le bien saisi était un bien commun pour avoir été acheté par M. [X] [K] et son épouse ; qu'elle a constaté, par motifs propres, que l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 en garantie de la dette personnelle de M. [X] [K] ne portait que sur les seules parts et portions dont celui-ci était propriétaire sur ce bien commun ; qu'en permettant au créancier hypothécaire de poursuivre l'exécution de sa créance sur l'immeuble donné en garantie, cependant que l'hypothèque garantissant une dette personnelle de l'époux ne pouvait porter que sur les biens propres de celui-ci et en aucun cas sur ses parts et portions d'un bien commun, la cour d'appel a violé l'article 1411 du code civil ;

2°/ qu'est nulle une saisie immobilière pratiquée sur un bien commun en vertu d'une hypothèque dont l'inscription n'était pas autorisée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'immeuble hypothéqué en garantie d'une dette personnelle de M. [X] [K] était un bien commun, et que l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 ne portait que sur les seules parts et portions dont celui-ci était propriétaire sur ce bien ; qu'en jugeant valable la saisie immobilière diligentée par M. [S] [K] entre les mains de Mme [W] à laquelle l'immeuble hypothéqué avait été donné par M. [X] [K] et son épouse, sans préciser en quoi l'inscription de l'hypothèque, même limitée aux parts et portions dont M. [X] [K] était propriétaire sur ce bien commun, aurait été autorisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1411 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 1413 du code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier.

5. S'il résulte de la combinaison des articles 1410 et 1411 du code civil que le paiement des dettes dont se trouvent grevées les successions qui échoient aux époux durant le mariage, lesquelles leur demeurent personnelles, tant en capitaux qu'en arrérages ou intérêts, ne peut être poursuivi que sur les biens propres et les revenus de l'époux débiteur, la condamnation d'un époux au paiement d'une somme au titre d'un recel successoral, de nature délictuelle, ne grève pas la succession au sens de ces dispositions.

6. La cour d'appel a relevé que l'inscription d'hypothèque avait été prise au profit de M. [S] [K] pour garantie de la somme due à la suite d'une condamnation pour recel successoral.

7. Il en résulte que son paiement pouvait être poursuivi sur les biens communs.

8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. M. [X] [K] et Mme [M] [K] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de voir juger que la mesure de saisie immobilière ne pouvait concerner que la seule créance visée dans l'hypothèque pour un montant de 13 378,98 euros, et de décider que la créance poursuivie sera admise pour le montant de 242 218,38 euros arrêtée au 12 juin 2018, alors :

« 1°/ que si le droit de suite du créancier hypothécaire peut être exercé sur le bien hypothéqué en quelque main qu'il se trouve, son exercice est toutefois limité au montant de la dette garantie par l'hypothèque ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que l'hypothèque portant sur le bien immobilier de [Localité 4], donné par les époux [K]-[F] à Madame [W], avait été inscrite pour garantir le paiement de la dette due par Monsieur [X] [K] à Monsieur [S] [K] au titre du recel successoral (arrêt attaqué, p. 5) ; que cette dette qui s'élevait à l'origine à la somme de 68.602,06 euros n'était plus que de 13.378,98 euros au jour du commandement (jugement entrepris, p. 2), de sorte que la saisie de l'immeuble hypothéqué, à la supposer valable, ne pouvait permettre au créancier poursuivant de n'exercer son droit de préférence qu'à hauteur de cette somme ; qu'en fixant néanmoins à la somme de 242.218,38 euros le montant de la créance à recouvrer grâce à la procédure de saisie immobilière, ajoutant à la dette hypothécaire de 13.378,98 euros due au titre du recel successoral, une autre dette non garantie par l'hypothèque de 228.839,40 euros relative à la soulte due par Monsieur [X] [K], la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations ; qu'elle a violé, par-là, les articles 2461 et 2462 du code civil ;

2°/ que lorsqu'un bien hypothéqué a été donné, la saisie de l'immeuble entre les mains du donataire, suivie de sa vente, ne permet au créancier hypothécaire d'obtenir sur le prix de vente que le montant de sa créance garantie par l'hypothèque ; que le solde du prix de vente revenant au tiers détenteur, le créancier poursuivant ne saurait adjoindre à sa créance garantie par l'hypothèque d'autres créances non garanties qu'il détiendrait contre le donateur ; qu'au cas présent, pour fixer à la somme de 242.218,38 euros le montant de la créance à recouvrer grâce à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a jugé que le créancier poursuivant pouvait adjoindre à sa créance garantie par l'hypothèque une autre créance issue d'une décision définitive valant titre exécutoire, car il était partie à la phase de distribution de deniers et pouvait à ce titre prétendre au remboursement de cette seconde créance chirographaire, après désintéressement des créanciers privilégiés, sur le solde qui reviendrait en toute hypothèse non au tiers détenteur évincé mais à son débiteur (arrêt attaqué, pp. 5-6) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le solde du prix de vente ne revient qu'au tiers détenteur, propriétaire du bien hypothéqué avant la saisie suivie de vente, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 331-1 et R. 334-2 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. M. [S] [K] conteste la recevabilité du moyen en faisant valoir que la Cour de cassation déclare irrecevables, au visa de l'article 605 du code de procédure civile, les moyens dirigés contre un chef de dispositif contenant non une décision consacrant la reconnaissance d'un droit, mais une simple constatation équivalent à un donné acte qui ne donne pas ouverture à cassation et relève que, contrairement à la rédaction du moyen, la cour d'appel n'a pas « admis » la créance du poursuivant pour le montant de 242 218,38 euros mais a « constat(é) que la créance dont le recouvrement (était) poursuivi par M. [S] [K] à l'encontre de M. [K], s'élev(ait) à la somme totale de 242 218,38 euros, arrêtée au 12 juin 2018 », chef de dispositif qui est purement déclaratif et qui se borne au simple constat des prétentions du poursuivant sans lui reconnaître le droit au paiement de cette somme à titre privilégié sur le prix de la vente à venir.

11. Cependant, en application de l'article R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, la mention de la créance dans le dispositif du jugement d'orientation a autorité de la chose jugée, peu important les termes employés par le juge de l'exécution.

12. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 2432, alinéa 1, 2461, 2462, 2463 et 2464 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, R. 321-4 et R. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, et R. 322-18 du même code :

13. Selon le deuxième de ces textes, les créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrits sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions.

Aux termes du premier, le créancier privilégié dont le titre a été inscrit, ou le créancier hypothécaire inscrit pour un capital produisant intérêt et arrérages, a le droit d'être colloqué, pour trois années seulement, au même rang que le principal, sans préjudice des inscriptions particulières à prendre, portant hypothèque à compter de leur date, pour les intérêts et arrérages autres que ceux conservés par l'inscription primitive.

Aux termes du troisième, si le tiers détenteur ne remplit pas les formalités qui seront ci-après établies pour purger sa propriété, il demeure, par l'effet seul des inscriptions, obligé comme détenteur, à toutes les dettes hypothécaires, et jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire.

Aux termes du quatrième, le tiers détenteur est tenu, dans le même cas, ou de payer tous les intérêts et capitaux exigibles, à quelque somme qu'ils puissent monter, ou de délaisser l'immeuble hypothéqué, sans aucune réserve.

Selon le cinquième, faute par le tiers détenteur de satisfaire à l'une de ces obligations, chaque créancier titulaire d'un droit de suite sur l'immeuble a le droit de poursuivre la saisie et la vente de l'immeuble dans les conditions prévues par le livre III du code des procédures civiles d'exécution.

Aux termes du sixième, la saisie immobilière diligentée par les créanciers titulaires d'un droit de suite est poursuivie contre le tiers acquéreur du bien.

Selon le septième, le créancier poursuivant fait signifier un commandement de payer au débiteur principal.

L'acte comporte la mention que le commandement de payer valant saisie est délivré au tiers acquéreur.

Le commandement de payer valant saisie est signifié à la diligence du créancier poursuivant au tiers détenteur. Il comporte les mentions énumérées à l'article R. 321-3. Toutefois, l'avertissement prévu au 4° est remplacé par la sommation d'avoir à satisfaire à l'une des obligations énoncées à l'article 2463 du code civil dans un délai d'un mois et la mention du débiteur aux 6°, 7°, 8°, 12° et 13° s'entend de celle du tiers détenteur.

Le commandement rappelle les dispositions de l'article 2464 du code civil.

Aux termes du dernier de ces textes, le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires.

14. Il résulte de la combinaison de ces textes, en premier lieu, que le tiers acquéreur qui n'est pas personnellement obligé à la dette n'est tenu au paiement que des seules dettes hypothécaires, à l'exclusion des dettes chirographaires pour lesquelles le créancier poursuivant, qui poursuit la saisie en exécution de son droit de suite, ne peut être colloqué lors de la distribution du prix, en second lieu, que si le prix de vente excède la dette hypothécaire, la différence est pour le tiers acquéreur, sauf les droits de ses créanciers inscrits sur l'immeuble.

15. Il s'ensuit que le juge de l'exécution ne doit mentionner, dans le dispositif du jugement d'orientation, que le montant retenu pour la créance hypothécaire du poursuivant.

16. Pour confirmer le jugement en toutes ses dispositions, l'arrêt retient, d'une part, que M. [S] [K] se prévaut dans son commandement, outre la somme de 68 602,06 euros, majorée des intérêts, de l'article 700 du code de procédure civile et des frais, correspondant en réalité à une condamnation pour recel successoral, d'un arrêt du 9 février 2015 fixant, dans le cadre d'une première procédure immobilière, sa créance à la somme précitée, mais également à la somme de 194 466 euros, majorée des intérêts et frais au titre de la soulte due à l'issue du partage successoral et, d'autre part, que, bien que l'hypothèque n'ait pour objet, quelle que soit la dénomination donnée lors de l'inscription, que de garantir le paiement privilégié de la somme de 68 602,06 euros et ses accessoires, le créancier poursuivant garde la possibilité, en cette seule qualité, d'adjoindre dans le cadre de la saisie immobilière une autre créance issue d'une décision définitive valant titre exécutoire, le créancier qui a entrepris la saisie immobilière étant, en application des articles L. 331-1 et R. 334-2 du code des procédures civiles d'exécution, partie à la phase de distribution de deniers et pouvant à ce titre prétendre au remboursement de cette seconde créance chirographaire, après désintéressement des créanciers privilégiés, sur le solde qui reviendrait en toute hypothèse non au tiers détenteur évincé mais à son débiteur.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il constate que la créance s'élève à la somme totale de 242 218,38 euros, arrêtée au 12 juin 2018, dont le détail est fourni dans les deux décomptes annexés au commandement de payer valant saisie du 10 août 2018, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 1410 et 1411 du code civil ; articles 2432, alinéa 1, 2461, 2462, 2463 et 2464 du code civil ; articles R. 321-4, R. 321-5 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.