Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES

1re Civ., 14 décembre 2022, n° 21-22.037, (B), FRH

Cassation partielle

Médecin – Responsabilité – Faute du professionnel – Détermination – Expertises médicales écartant tout manquement – Eléments médicaux permettant de retenir une faute – Défaut – Portée

Les juges du fond doivent préciser sur quels éléments médicaux ils se fondent pour retenir l'existence d'une faute d'un professionnel de santé au titre d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins lorsque les expertises médicales réalisées ont écarté tout manquement de sa part.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 1er juin 2021), à la suite de la pose d'une prothèse de hanche, pratiquée le 10 février 2003 par M. [C] (le chirurgien) dans l'exercice d'une activité libérale au sein d'un établissement de santé public, M. [Y] a présenté plusieurs luxations ayant nécessité des réinterventions comportant la pose d'un dispositif anti-luxation et un changement de prothèse.

2. Les 27 février 2012 et 10 juillet 2013, il a assigné en responsabilité et indemnisation, d'une part, la société Depuy France, fabricant de la prothèse, aux droits de laquelle est venue la société Johnson et Johnson Médical, qui a mis en cause la société Ceramtec, fabricant de la tête fémorale, d'autre part, le chirurgien. Il a appelé à l'instance la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse), qui a sollicité le remboursement de ses débours.

3. La responsabilité des sociétés Depuy France et Ceramtec a été écartée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le chirurgien fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable d'une faute commise lors de l'intervention du 10 février 2003 et de le condamner à payer différentes sommes à M. [Y] et à la caisse, alors « que même lorsqu'ils ont recours à des produits de santé pour l'accomplissement d'un acte médical, les professionnels de santé n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute ; qu'il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute ; qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire de M. [Z], confortée par celle préalable de l'expert M. [H], qu'« il n'y a pas eu de fautes, erreurs, maladresses, ou négligence dans la pose de prothèse totale de hanche droite par le chirurgien, le 10 février 2003 » et que « la prothèse de hanche droite posée le 10 février 2003 par le chirurgien était tout à fait adaptée à la morphologie et à l'âge de M. [Y]" ; qu'en jugeant que « le chirurgien a néanmoins commis une faute en ne tirant pas les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient [...] qui commandaient d'implanter un dispositif anti-luxation », sans préciser quels éléments probants et médicaux lui permettaient de retenir une telle faute médicale pourtant écartée par les deux seuls experts judiciaires consultés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :

5. Selon ce texte, la responsabilité des professionnels de santé au titre d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins n'est engagée qu'en cas de faute.

6. Pour condamner le chirurgien à payer différentes sommes à M. [Y] et à la caisse, après avoir constaté que les deux expertises judiciaire et administrative réalisées n'avaient retenu aucune faute, erreur, maladresse ou négligence du chirurgien, l'arrêt retient, au vu des luxations intervenues après l'intervention initiale, que celui-ci aurait dû tirer les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient en implantant, dès la première intervention, un dispositif anti-luxation, que la survenance des luxations était la preuve de cette mauvaise appréciation initiale, que ce dispositif s'était avéré efficace puisque les luxations ne s'étaient pas reproduites et que cette faute était à l'origine de l'entier dommage subi par M. [Y].

7. En se déterminant ainsi, sans préciser sur quels éléments médicaux elle se fondait pour parvenir à cette conclusion contraire à celles des expertises judiciaire et administrative réalisées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Mise hors de cause

8. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés Depuy France, aux droits de laquelle vient la société Johnson et Johnson Medical et Ceramtec GmbH, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a exonéré de toute responsabilité les sociétés Depuy France et Ceramtec GmbH, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Met hors de cause les sociétés Depuy France aux droits de laquelle vient la société Johnson et Johnson Medical et Ceramtec GmbH.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kerner-Menay - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article L.1142-1 du code de la santé publique.

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