Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

PRESCRIPTION CIVILE

Soc., 14 décembre 2022, n° 21-16.623, (B), FS

Cassation partielle

Délai – Point de départ – Action en paiement des salaires – Date d'exigibilité – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [N] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Centre de biologie médicale de Grande-Terre.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 25 novembre 2019), M. [N] a été engagé à compter du 2 mai 1997 par la société Centre de biologie médicale de Grande-Terre, aux droits de laquelle se trouve la société Synergibio, en qualité de coursier, suivant contrat de travail à temps partiel.

3. Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat le 11 mai 2017.

4. Il a saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, de le débouter de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet pour la période antérieure au 1er octobre 2015, de juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission et de le débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires, en ce que celui-ci excédait la somme de 1 521 euros, outre congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, qui est applicable à l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que la demande de M. [Y] [N] de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet était prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, qu'il appert que la date du 13 juillet 2014 correspondait à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche, quand elle relevait que le contrat de travail de M. [Y] [N] avait été rompu le 11 mai 2017 et quand il en résultait que la demande de M. [Y] [N] portant sur la période postérieure au 11 mai 2014 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

6. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

7. Aux termes de ce texte, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

8. Il résulte de la combinaison des articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

9. Pour dire l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, l'arrêt relève que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 d'une demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et que le contrat de travail a été rompu, du fait de la prise d'acte de la rupture, le 11 mai 2017. Il retient que la date du 13 juillet 2014 correspond à la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 et qu'il sollicitait un rappel de salaire pour la période de mai 2014 à mai 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission et débouté M. [N] de ses demandes en paiement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts en réparation de l'importance de l'abus, et en ce qu'il dit que la demande de requalification du contrat de travail est prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, déboute M. [N] de sa demande de requalification du contrat de travail pour la période antérieure au 1er octobre 2015, limite la condamnation de la société Centre de biologie médicale de Grande-Terre, aux droits de laquelle se trouve la société Synergibio, à la somme de 1 521 euros à titre de rappel de salaires, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens, l'arrêt rendu le 25 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel le délai de prescription ne court qu'à compter de la date d'exigibilité de la créance, dans le même sens que : Soc., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-16.992, Bull., (rejet), et les arrêts cités.

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