Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

INFORMATIQUE

2e Civ., 1 décembre 2022, n° 20-22.759, (B), FRH

Cassation partielle

Informatique et libertés (loi du 6 janvier 1978) – Traitement de données à caractère personnel – Traitement automatisé des télétransmissions adressées par le professionnel de santé à la caisse – Traitement d'informations définissant le profil ou la personnalité d'une personne (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2020), à la suite d'un contrôle de l'application des règles de tarification et de facturation des actes professionnels, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse) a notifié, le 19 décembre 2016, à M. [K], médecin généraliste libéral (le professionnel de santé), un indu d'un certain montant relatif à la facturation de majorations de nuit et de majorations pour dimanches et jours fériés, pour la période du 17 février 2013 au 20 septembre 2016.

2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le professionnel de santé fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'il résulte de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents réalisant les vérifications ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale doivent être assermentés et agréés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de serment et d'agrément des agents de la caisse primaire d'assurance maladie pour cela qu'ils n'ont procédé notamment à aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place, la cour d'appel, en ajoutant à la loi des conditions dont elle ne dispose pas, a violé les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

5. Les dispositions de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, qui habilitent les directeurs des organismes de sécurité sociale à confier à des agents assermentés et agréés dans les conditions fixées par voie réglementaire, ainsi qu'à des praticiens conseils et auditeurs assermentés et agréés dans les mêmes conditions, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, ne sont pas applicables aux contrôles de l'observation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations, produits, fournitures et frais par les professionnels de santé, les établissements de santé et les prestataires et fournisseurs, qui obéissent exclusivement aux dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et aux dispositions réglementaires prises pour leur application.

6. L'arrêt relève qu'à l'occasion du contrôle administratif de facturation, les agents de la caisse ont procédé uniquement à l'exploitation par analyse et recoupement des documents émanant du professionnel de santé, consistant en ses télétransmissions pour le versement de prestations et en ses tableaux de garde complétés. Il retient que ces agents n'ont donc procédé à aucun acte de vérification ou d'enquête au sens de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, notamment aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure en recouvrement de l'indu engagée par la caisse n'était pas entachée d'irrégularité en raison du défaut de justification de l'agrément et de l'assermentation des agents chargés du contrôle.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. Le professionnel de santé fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ; qu'en validant un redressement exclusivement fondé sur des données statistiques, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, informatique et libertés, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

10. Aux termes de l'article 10, alinéa 1, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, applicable au litige, aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité.

11. L'arrêt retient qu'il ressort de l'analyse des télétransmissions du professionnel de santé que ce dernier a facturé systématiquement à la caisse des majorations de nuit et des majorations pour dimanches et jours fériés en violation des prescriptions de la Nomenclature générale des actes professionnels, peu important que ces télétransmissions analysées dans le cadre du contrôle puissent s'inscrire dans un traitement informatisé.

12. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que le traitement des données n'étant pas destiné à établir le profil du professionnel de santé destinataire de la décision, ni à évaluer certains aspects de sa personnalité, la caisse pouvait produire ces données pour rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

14. La caisse fait grief à l'arrêt de condamner le professionnel de santé au paiement d'une certaine somme au titre de l'indu, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour dire justifiées les majorations pendant les périodes de garde, que les actes facturés et payés à hauteur de 15.395, 60 euros correspondaient à des actes effectivement réalisés en « permanence de soins ambulatoire », après avoir pourtant constaté que pendant les périodes où il était de garde, M. [K] n'avait déclaré à l'ARS réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins mais qu'il avait facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés, la cour d'appel qui a statué par des motifs contraires a violé l'article 455 code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

15. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

16. Pour rejeter partiellement la demande de la caisse en remboursement de sommes indûment perçues par le professionnel de santé, l'arrêt retient que ce dernier, pour les périodes où il était de garde, n'a déclaré à l'agence régionale de santé réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins, mais qu'il a facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés. Il ajoute que, pour ces périodes, les actes ont été effectivement réalisés en permanence de soins ambulatoire, de sorte que le professionnel de santé était fondé à facturer des majorations de nuit et jours fériés.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit bien-fondé l'indu correspondant aux majorations facturées à tort à hauteur de 129 724,26 euros pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et condamne M. [K] à payer cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, au titre de l'indu, l'arrêt rendu le 9 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 10, alinéa 1, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004.

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