Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

ETRANGER

1re Civ., 14 décembre 2022, n° 21-20.885, (B), FS

Cassation sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Obstruction volontaire à l'éloignement – Exclusion – Cas – Présentation d'un document d'identité ou de voyage qui n'est plus en cours de validité

La présentation d'un document d'identité ou de voyage qui n'est plus en cours de validité ne caractérise pas une obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement, au sens de l'article L. 552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 5 janvier 2021), et les pièces de la procédure, le 2 novembre 2020, M. [S], de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français.

Par ordonnances des 4 novembre et 3 décembre 2020, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour une durée de vingt-huit, puis de trente jours.

2. Le 1er janvier 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet, sur le fondement de l' article L. 552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en troisième prolongation de la mesure de rétention.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [S] fait grief à l'ordonnance d'accueillir la demande, alors « que le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que pour ordonner une troisième prolongation de la mesure de rétention concernant M. [S], le premier président a retenu que ce dernier ne présentait aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et ne fournissait pas d'élément sur sa réelle identité et notamment sa nationalité, « ce qui constitue une obstruction continue à l'exécution de la mesure d'éloignement » ; qu'en se fondant, pour se déterminer, sur la notion « d'obstruction continue », sans caractériser l'existence d'un acte positif volontaire imputable à M. [S] commis « dans les quinze derniers jours » et tendant à faire obstruction à la mesure d'éloignement, le premier président a violé l'article L.552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 :

4. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

5. La présentation d'un document d'identité ou de voyage qui n'est plus en cours de validité ne caractérise pas une obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement.

6. Pour prolonger la rétention de M. [S], l'ordonnance retient, par motifs adoptés, qu'il n'a présenté aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et n'a pas fourni d'élément sur sa réelle identité et notamment sa nationalité, ce qui constitue une obstruction continue à l'exécution de la mesure d'éloignement.

7. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses constatations que M. [S] avait présenté un document d'identité qui n'était plus en cours de validité, d'autre part, que son identité et sa nationalité, mentionnées sur les ordonnances, n'étaient pas contestées, le premier président, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un acte d'obstruction à la mesure d'éloignement commis dans les quinze derniers jours, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 janvier 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Mornet - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : Me Bertrand -

Textes visés :

Article L. 552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.