Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 14 décembre 2022, n° 21-14.206, (B), FRH

Rejet

Liquidation – Nullité des actes pendant la période suspecte – Nullités facultatives – Applications diverses – Paiement – Absence de procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive

Ayant relevé qu'une convention de fourniture de conseil avait été conclue entre deux sociétés à une date où la société bénéficiaire des prestations était en procédure de conciliation et que cette dernière avait payé les prestations après la survenance de sa cessation des paiements, sans qu'il soit soutenu qu'à la date des paiements, elle bénéficiait d'une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive au sens de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, une cour d'appel peut annuler ces paiements en application de l'article L. 632-2 du code de commerce, sans être tenue d'interpréter ce texte à la lumière de la directive que la transposition par l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 n'a pas modifié.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2021), le 21 avril 2017, le président d'un tribunal a ouvert une procédure de conciliation à l'égard de la société TBI, la société BTSG étant désignée en qualité de conciliateur.

2. Le 23 juin 2017, aux termes d'un contrat dénommé « convention d'assistance et de conseil », passé entre la société Prosphères, spécialiste en management de crise, la société TBI, représentée par sa présidente, la société C Plus, et la société C Plus, la présidence de celle-ci a été confiée à la société Prosphères.

3. Le 31 juillet 2017, la société Prosphères a procédé à la déclaration de cessation des paiements de la société TBI.

Par un jugement du 4 août 2017, le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de la société TBI, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er juillet 2017, et M. [G] étant désigné liquidateur.

Le 13 octobre 2017, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société TBI.

La date de cessation des paiements a été reportée ensuite au 31 décembre 2016.

4. Entre le 23 juin 2017, date de la nomination de la société Prosphères à la tête de la société C Plus, et le 4 août 2017, date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société TBI, cette dernière a versé à la société Prosphères une somme de 382 206,48 euros à titre de rémunération des prestations fournies en exécution de la convention d'assistance et de conseil.

5. Considérant que ces paiements au profit de la société Prosphères étaient intervenus en période suspecte, le liquidateur l'a assignée afin d'obtenir leur annulation sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Prosphères fait grief à l'arrêt de dire nuls les virements effectués par la société TBI à son profit entre les 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce et de la condamner à payer cette somme à M. [G], ès qualités, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et capitalisation des intérêts, alors « qu'en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, le paiement d'honoraires pour la recherche d'assistance et de conseils professionnels, lorsqu'ils sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration, ne saurait être déclaré nul ; qu'en annulant les virements effectués par la société TBI entre le 5 et 31 juillet 2017 au profit de la société Prosphères en raison de la prétendue connaissance par la seconde de l'état de cessation des paiements de la première, cependant qu'il était constant que ces paiements avaient été versés en exécution d'une convention d'assistance et de conseils dont l'objet était de faire bénéficier la société TBI de l'assistance de la société Prosphères dans le processus de cession de la société TBI et dans la négociation avec ses créanciers, la cour d'appel a violé l'article L. 632-2 du code de commerce, interprété à la lumière de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt relève qu'à la date de la convention conclue entre la société Prosphères et les sociétés C Plus et TBI, soit le 23 juin 2017, la société TBI était en procédure de conciliation, et que les paiements litigieux sont intervenus en exécution de cette convention les 5, 25 et 31 juillet 2017, sans que la société Prosphères ait soutenu devant la cour d'appel que la société TBI bénéficiait alors d'une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive au sens de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes (la directive).

9. Le moyen, qui postule à tort que l'article L. 632-2 du code de commerce devait être interprété à la lumière de la directive dont la transposition par l'ordonnance du 15 septembre 2021 n'a pas modifié ce texte, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 632-2 du code de commerce.

Com., 14 décembre 2022, n° 21-16.655, (B), FRH

Cassation

Organes – Conciliateur – Rémunération – Montant – Ordonnance sur requête – Débat contradictoire (non)

Il résulte des articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce que, lorsqu'il a ouvert une conciliation, le président du tribunal de commerce, après avoir préalablement fixé les conditions de la rémunération du conciliateur, lesquelles sont subordonnées à l'accord du débiteur sur les critères de sa détermination et de son montant maximal, en arrête le montant par une ordonnance rendue sur requête.

La régularité de cette ordonnance, qui peut être frappée par le débiteur, le conciliateur et le ministère public, du recours institué à l'article R. 611-50 du code précité, n'étant pas subordonnée à l'organisation préalable d'un débat contradictoire, le premier président n'est pas tenu de répondre au moyen inopérant tiré de l'absence d'un débat contradictoire devant le juge taxateur.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 mars 2021), la société AJAssociés, désignée par le président d'un tribunal de commerce en qualité de conciliateur des sociétés composant le Groupe Cahors, a saisi ce président d'une demande de fixation de ses honoraires.

La société Groupe Cahors a formé un recours contre l'ordonnance fixant la rémunération du conciliateur à une certaine somme.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance du 25 mars 2021 de rejeter sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du 9 janvier 2020 et de fixer la rémunération de la société AJAssociés, alors « que dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Cahors demandait à la cour d'appel d'annuler l'ordonnance entreprise rendue par le président du tribunal de commerce de Marseille le 9 janvier 2020 dès lors que le contradictoire s'imposait en première instance, à défaut de circonstances justifiant qu'il y soit dérogé, et n'avait pas été respecté à son égard, la décision ayant été rendue sur requête ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce que le président du tribunal de commerce, après avoir préalablement fixé les conditions de la rémunération du conciliateur, lesquelles sont subordonnées à l'accord du débiteur sur les critères de sa détermination et de son montant maximal, en arrête le montant par une ordonnance rendue sur requête.

5. La régularité de cette ordonnance, qui peut être frappée par le débiteur, le conciliateur et le ministère public, du recours institué à l'article R. 611-50 du code précité, n'étant pas subordonnée à l'organisation préalable d'un débat contradictoire, le premier président n'avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de l'absence d'un débat contradictoire devant le juge taxateur.

6. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance de fixer la rémunération de la société AJAssociés à la somme de 300 000 euros HT alors « que seul le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représente la société dans ses rapports avec les tiers ; qu'en se bornant à constater, pour en déduire qu'il devait tenir compte du relevé diligences daté du 30 septembre 2019 pour fixer les honoraires de la société AJAssociés, que ce document avait été signé par M. [X], président du conseil d'administration de la SA Groupe Cahors, sans rechercher, comme il y était invité par la société Groupe Cahors, si M. [X] avait le pouvoir d'engager la SA Groupe Cahors, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 225-51, L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Tout jugement doit être motivé à peine de nullité.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour fixer la rémunération de la société AJAssociés à la somme de 300 000 euros HT, l'arrêt retient que, le 30 septembre 2019, M. [X], président de la société Groupe Cahors a validé l'ensemble des diligences retranscrites par la société AJAssociés.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Groupe Cahors qui faisait valoir que cette validation par M. [X] était inefficace dès lors que celui-ci n'était pas le représentant légal de la société Groupe Cahors, cette fonction étant exercée par M. [Y], directeur général, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 mars 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce.

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