Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

DROIT MARITIME

Com., 14 décembre 2022, n° 21-16.785, (B), FRH

Cassation

Abordage – Responsabilité – Fondement – Faute prouvée

Il résulte de l'article L. 5131-1 du code des transports que l'abordage est le choc de deux navires et qu'est assimilé au navire, ou au bateau, tout engin flottant non amarré à poste fixe ; que la condition d'absence d'amarrage ne concerne donc que les engins qui ne sont pas des navires.

Selon l'article L. 5131-3 du même code si l'abordage d'un navire de mer par un autre est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise. En revanche, si l'abordage est fortuit ou s'il y a doute sur les causes de l'accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, sans distinguer le cas où, soit les navires, soit l'un d'eux, auraient été au mouillage au moment de l'abordage.

En conséquence, viole ces dispositions, par refus d'application, l'arrêt, qui, pour condamner le propriétaire d'un navire dont l'une des amarres avait rompu sous l'effet du vent, à réparer les dégâts causés au navire amarré à ses côtés, retient qu'il n'est pas établi que le navire ayant causé les dégâts était dérivant et, après avoir énoncé que les heurts survenus entre deux bateaux amarrés n'étaient pas constitutifs d'un abordage, fait application des dispositions de l'article 1384 ancien du code civil.

Abordage – Responsabilité – Fondement – Fait des choses que l'on a sous sa garde (non)

Abordage – Responsabilité – Abordage fortuit

Abordage – Responsabilité – Doute sur les circonstances de l'accident

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,18 mars 2021), le 17 février 2012, à la suite d'importantes rafales de vent, la vedette Sunseeker dénommée Brimborion IV, dont M. [X] est propriétaire, amarrée au Port [5] ([Localité 6]), a été endommagée par les mouvements de gîte du voilier voisin, Perrine3, appartenant à Mme [N] et M. [K], et dont une amarre avait rompu.

Le 15 avril 2016, M. [X] a assigné Mme [N], M. [K] ainsi que leur assureur, la société GMF, en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

2. Mme [N], M. [K] et la GMF font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à M. [X] la somme de 18 470,06 euros en réparation des dommages survenus au bateau « Brimborion IV », alors « que la responsabilité pour abordage, qui trouve à s'appliquer en cas de rupture d'une amarre de navire sous l'effet du vent, a pour fondement exclusif la faute prouvée et non le fait des choses que l'on a sous sa garde ; qu'en considérant, pour condamner les propriétaires du voilier, que les dommages survenus sur le bateau de M. [X] relevaient des dispositions de l'ancien article 1384 du code civil applicable au litige, après avoir constaté que les dommages subis par le bateau de M. [X] avaient été causés par la rupture d'une amarre sous l'effet du vent, à l'origine d'un phénomène de gîte important du voilier ayant causé les frictions constatées sur le bateau de M. [X], la cour d'appel a violé l'article L. 5131-3 du code des transports. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 5131-1 et L. 5131-3 du code des transports :

3. Il résulte du premier de ces textes que l'abordage est le choc de deux navires et qu'est assimilé au navire, ou au bateau, tout engin flottant non amarré à poste fixe ; que la condition d'absence d'amarrage ne concerne donc que les engins qui ne sont pas des navires.

4. Selon le second de ces textes, si l'abordage d'un navire de mer par un autre est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise.

En revanche, si l'abordage est fortuit ou s'il y a doute sur les causes de l'accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, sans distinguer le cas où, soit les navires, soit l'un d'eux, auraient été au mouillage au moment de l'abordage.

5. Pour condamner in solidum Mme [N], M. [K] et la société GMF à payer à M. [X] la somme de 18 470,06 euros en réparation des dommages subis par son bateau, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2015, l'arrêt, après avoir retenu qu'il n'était pas démontré que le voilier appartenant à Mme [N] et M. [K] était dérivant, énonce qu'il résulte de l'article L. 5131-1 du code des transports que les dispositions relatives à l'abordage s'appliquent aux navires, bateau et tout engin flottant non amarré à poste fixe, de sorte que les heurts survenus entre deux bateaux amarrés ne sont pas constitutifs d'un abordage. Il en déduit que les dommages survenus sur le bateau de M. [X] relèvent des dispositions de l'article 1384 ancien du code civil, applicable au litige.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les dommages subis par le bateau de M. [X] avaient été causés par la rupture d'une amarre sous l'effet du vent, à l'origine d'un phénomène de gîte important du voilier, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Guillou - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles L. 5131-1 et L. 5131-3 du code des transports ; article 1384 ancien du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'exigence d'une faute prouvée en matière d'abordage, à rapprocher : Com., 5 octobre 2010, pourvoi n° 08-19.408, Bull. 2010, IV, n° 147 (cassation partielle).

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