Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

COPROPRIETE

3e Civ., 7 décembre 2022, n° 21-20.264, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Administrateur provisoire – Désignation – Désignation par ordonnance sur requête – Rétractation – Fondement – Détermination

L'article 62-5 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ne prévoyant pas la notification de la requête, la rétractation d'une ordonnance désignant un administrateur provisoire en application de l'article 29-1, I, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ne peut être fondée sur l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 mars 2021), par ordonnance du 21 décembre 2015, Mme [N] a été désignée pour une durée de dix-huit mois en qualité d'administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] (le syndicat des copropriétaires), sur le fondement de l'article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

2. La mission de l'administrateur, qui a été transférée à la société Ezavin-[N], a été prolongée à plusieurs reprises et notamment par ordonnance du 15 janvier 2019, dont la société civile immobilière Local Invest 1 (la SCI), copropriétaire, a demandé la rétractation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le troisième moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en retenant, par adoption des motifs de l'ordonnance de référé confirmée, que l'absence, concomitamment à la notification de l'ordonnance sur requête, de notification de la dite requête, à la SCI à laquelle était opposée cette ordonnance, n'avait aucune incidence sur la validité de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 495 du code de procédure civile,

2°/ qu'en tout état de cause, si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en subordonnant, par motifs propres, la rétractation de l'ordonnance à l'absence de connaissance, par la SCI Local Invest 1, de la motivation, de l'objet et de la finalité de cette ordonnance ou, en d'autres termes, à l'existence d'un grief résultant pour la SCI de l'absence de notification de la requête, la cour d'appel qui a ainsi écarté une nullité pour vice de forme alors qu'était en cause le respect du principe de la contradiction, a violé l'article 16 du même code, ensemble l'article 495 précité. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 62-5 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, l'ordonnance rendue sur requête qui désigne l'administrateur provisoire sur le fondement de l'article 29-1, I, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est portée à la connaissance des copropriétaires dans le mois de son prononcé, à l'initiative de l'administrateur provisoire.

6. Ayant relevé que ce texte ne prévoit pas la notification de la requête, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la rétractation de l'ordonnance du 15 janvier 2019 ne pouvait être fondée sur l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'ordonnance sur requête doit être motivée ; que l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019, dépourvue de tout motif propre, se borne à viser, sans en préciser ni la date ni le contenu, la requête présentée par la société Ezavin-[N], ès qualités ; que celle-ci - qui, en violation des dispositions de l'article 495, alinéa 2, du code de procédure civile, n'a jamais été notifiée à la SCI Local Invest 1 et qui, de surcroît, ne lui a jamais été communiquée ni devant le juge des référés ni devant la cour d'appel, alors même qu'elle était au coeur des débats - n'est pas annexée à l'ordonnance ; qu'en retenant néanmoins, par motifs propres, que l'ordonnance qui vise la requête en en adoptant les motifs satisfait à l'exigence de motivation, que tel est le cas de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019, et par motif, réputé adopté du premier juge, que cette ordonnance est motivée puisqu'elle vise la requête présentée par l'administrateur provisoire, la cour d'appel a violé l'article 495 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'ordonnance de prorogation de la mission de l'administrateur provisoire, qui visait l'ordonnance initiale du 21 décembre 2015, ainsi que la requête, pour en adopter les motifs, satisfaisait à l'exigence de motivation.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur les quatrième et cinquième moyens, pris en leurs deuxièmes branches, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

11. Par son quatrième moyen, la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, alors « que la cour d'appel, après avoir expressément relevé que la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], était non assignée et non représentée, ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI Local Invest 1 à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, a néanmoins condamné celle-ci à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive non seulement au syndicat des copropriétaires [Adresse 6], mais encore à la société Ezavin[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

12. Par son cinquième moyen, la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la cour d'appel, après avoir expressément relevé que la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], était non assignée et non représentée, ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI Local Invest 1 à lui verser une indemnité de procédure, a néanmoins condamné la SCI Local Invest 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, non seulement au syndicat des copropriétaires [Adresse 6], mais encore à la société Ezavin-[N], ès qualités ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 700 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

14. L'arrêt condamne la SCI à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le syndicat des copropriétaires était représenté par le cabinet CDS Gestion et que la société Ezavin-[N] n'était pas représentée à hauteur d'appel, ce dont il résultait que la condamnation prononcée au bénéfice de la seconde, ès qualités, n'avait pas été demandée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

16. Tel que suggéré en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit statué à nouveau sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce que la condamnation de la société civile immobilière Local Invest 1 à payer les sommes de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile est prononcée au bénéfice de la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Schmitt - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 62-5 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ; article 29-1, I, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; article 495, alinéa 3, du code de procédure civile.

3e Civ., 7 décembre 2022, n° 21-23.915, (B), FS

Cassation partielle

Syndicat des copropriétaires – Assemblée générale – Droit de vote – Atteinte – Qualité pour s'en prévaloir – Détermination

Tout copropriétaire est recevable à contester la régularité du mandat donné en vue d'une assemblée générale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2019), M. [X], copropriétaire, a assigné le syndicat des copropriétaires La Bruyère II et la société Segine, son syndic, en annulation de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 et de certaines de ses résolutions.

2. La société Egide est venue aux droits de la société Segine.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'assemblée générale, alors « que tout copropriétaire est recevable à contester la validité des pouvoirs émis par les copropriétaires en vue de l'assemblée générale ; que pour débouter M. [X] de sa demande en annulation de l'assemblée générale, la cour d'appel a retenu que « seuls les copropriétaires représentés par pouvoir sont recevables à contester le pouvoir établi lors de l'assemblée » ; qu'en statuant de la sorte lorsque M. [X], en qualité de copropriétaire, était recevable à contester la régularité des pouvoirs établis en vue de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 22, alinéa 3, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

4. Selon ce texte, tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote.

5. Pour rejeter la demande d'annulation de l'assemblée générale, l'arrêt retient que seuls les copropriétaires représentés par pouvoir sont recevables à contester celui établi en vue de l'assemblée.

6. En statuant ainsi, alors que tout copropriétaire est recevable à contester la régularité du mandat donné en vue d'une assemblée générale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de l'assemblée générale du 3 septembre 2013, l'arrêt rendu le 6 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jariel - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : Me Carbonnier ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle -

Textes visés :

Article 22, alinéa 3, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 22 février 1989, pourvoi n° 87-17.497, Bull. 1989, III, n° 47 (cassation).

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