Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

AVOCAT

1re Civ., 14 décembre 2022, n° 21-17.141, (B), FRH

Rejet

Discipline – Manquements aux règles professionnelles – Exclusion – Cas – Domicile professionnel – Centre d'affaires – Conditions – Détermination

Ne méconnaît pas les principes essentiels de la profession, en particulier l'obligation relative au domicile professionnel, l'avocat qui exerce dans un centre d'affaires dès lors que ce domicile professionnel est effectif et garantit l'exercice de la profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité et d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2021) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-26.831), par décision du 27 octobre 2015, sur des poursuites engagées par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le bâtonnier), le conseil de discipline des avocats de cet ordre a prononcé à l'encontre de Mme [E], avocate, au titre de plusieurs manquements à des principes essentiels de la profession, dont la violation des dispositions de l'article P. 31, alinéa 1, du règlement intérieur du barreau de Paris (RIBP) relatif au domicile professionnel, la sanction de l'interdiction d'exercice de la profession pour une durée de deux ans, outre, à titre accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux et des autres organismes professionnels, et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de dix ans.

2. Mme [E] a formé un recours devant la cour d'appel de Paris.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt de dire que la violation des dispositions de l'article P. 31, alinéa 1, du RIBP n'est pas établie et de prononcer contre Mme [E] la sanction d'interdiction temporaire d'exercice de la profession pour une durée d'un an dont six mois assortis d'un sursis et la sanction complémentaire de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux et des autres organismes professionnels, et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de cinq ans, alors :

« 1°/ que le domicile professionnel de l'avocat dans le ressort de son barreau doit correspondre à un exercice effectif ; qu'ayant constaté que Mme [E]-[F] avait reconnu travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 3] et venir régulièrement à [Localité 4] pour son activité professionnelle en y louant ponctuellement un bureau et qu'elle avait recours aux services d'un centre de domiciliation pour le transfert de son courrier, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le domicile professionnel déclaré par Mme [E]-[F] dans le ressort du barreau de Paris ne correspondait pas à un exercice effectif, violant les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ;

2°/ que le conseil de l'ordre peut autoriser à titre temporaire, et pour la durée qu'il fixe, l'avocat à se domicilier soit au sein de locaux affectés par l'ordre, soit dans les locaux du cabinet d'un autre avocat dans le ressort du même barreau ; qu'en énonçant, pour affirmer que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, que sa domiciliation au sein du centre d'affaires Espace entreprise buroclub ne différait pas d'une domiciliation au sein du centre d'affaires des avocats du barreau de Paris ayant pris la suite en 2015 de la « Pépinière », bien que Mme [E]-[F] ne fût domiciliée ni dans des locaux affectés par l'ordre, ni au sein des locaux d'un autre avocat et que cette domiciliation ne fût ni temporaire, ni autorisée par le conseil de l'ordre, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ;

3°/ qu'en toute hypothèse, l'avocat doit exercer son activité professionnelle dans des conditions matérielles conformes aux usages et dans le respect des principes essentiels de la profession ; que la location ponctuelle d'un bureau dans un centre d'affaires pluridisciplinaire ne permet pas à l'avocat d'exercer son activité dans le respect des principes de dignité et d'indépendance et de garantir le respect du secret professionnel ; qu'en décidant, au contraire, qu'il n'était pas démontré que le local loué par Mme [E]-[F] au sein du centre d'affaires Espace entreprise buroclub ne garantissait pas l'exercice de la profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité, d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 1 et 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et 1 et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris. »

Réponse de la Cour

4. Ayant retenu que, si Mme [E] avait reconnu travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 3] et venir régulièrement à [Localité 4] pour son activité professionnelle, elle justifiait d'une location effective, depuis le 10 mai 2010, d'un bureau dans un centre d'affaires sis à [Localité 4] où l'ensemble des courriers relatifs à la procédure de contrôle de sa comptabilité et à la procédure disciplinaire lui avaient été adressés et où le contrôle de comptabilité avait été effectué, que cet espace lui permettait de faire accueillir ses clients par un service dédié et de recevoir au moins deux personnes dans un lieu assurant la confidentialité et qu'elle disposait d'une ligne téléphonique et d'un service de transfert de courrier, la cour d'appel a pu en déduire que Mme [E], qui justifiait ainsi d'un domicile professionnel effectif garantissant l'exercice de sa profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité et d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel, n'avait pas méconnu son obligation relative au domicile professionnel.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; article 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ; article P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris.

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