Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2022

ASSURANCE (règles générales)

2e Civ., 15 décembre 2022, n° 19-25.339, (B), FS

Cassation partielle

Garantie – Etendue – Détermination – Cas – Garantie « incapacité de travail » – Absence d'ambiguïté

Qu'elles soient prises ensemble ou séparément, sont claires et dénuées d'ambiguïté les clauses d'un contrat d'assurance de groupe couvrant la garantie « incapacité de travail » d'un emprunteur, en ce qu'elles prévoient que celle-ci est acquise lorsque l'adhérent est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse à la date de sa retraite, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence statutaire de son invalidité.

Dénature, dès lors, le contrat, la cour d'appel qui, pour dire que cette garantie était acquise définitivement jusqu'à la date de la mise à la retraite de l'adhérent, juge qu'il existe une ambiguïté née du rapprochement des clauses en ce que la reconnaissance de l'invalidité par l'administration constitue à la fois la cause de la mise à la retraite anticipée et la cause de la garantie.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 octobre 2019) et les productions, Mme [F], épouse [M], agent titulaire de la fonction publique territoriale, a adhéré à deux contrats d'assurance de groupe auprès de la société AXA France vie (l'assureur), afin de garantir les prêts consentis par la société Banque populaire du Sud (la banque) à elle-même et à son mari, ainsi qu'à la société Flaman.

2. Mme [F] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 1er mars 2004, avant d'être reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions, par arrêté du 30 avril 2009, et mise, de ce fait, à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2009, alors qu'elle était âgée de 50 ans.

Les mensualités des deux prêts ont été prises en charge par l'assureur au titre de la garantie « incapacité de travail ».

3. L'assureur lui a notifié le 26 mars 2013 la cessation de l'indemnisation à compter du 1er mars 2009, date de sa mise en retraite pour inaptitude.

4. Mme [F] a assigné l'assureur et la banque devant un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir, à titre principal, le maintien de sa garantie et la prise en charge des échéances des prêts à compter du 1er mars 2009.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros au titre de la prise en charge des échéances des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la banque à M. et Mme [M] et à la société Flaman alors « que la cour d'appel a constaté que la notice d'information relative au contrat souscrit par la banque auprès de l'assureur, auquel Mme [F] avait adhéré, stipulait que la mobilisation de la garantie « incapacité de travail » était subordonnée à la fourniture, « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé, [de] la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé » et que cette garantie prendrait fin « à la date de la préretraite ou de la retraite de l'assuré, quelle qu'en soit la cause, y compris pour inaptitude au travail » ; qu'il résulte de la combinaison de ces clauses, sans aucune contradiction, que l'adhérent est couvert lorsqu'il est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse lorsque, sur décision de son employeur, il est mis à la retraite, à l'âge normal ou de façon anticipée, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence de son invalidité ; qu'en affirmant, pour juger que nonobstant l'admission anticipée de Mme [F] à la retraite, l'assureur devait prendre en charge les prêts souscrits par cette dernière jusqu'à son âge normal de départ à la retraite, que les clauses précitées étaient contradictoires dans la mesure où la situation d'incapacité serait à la fois la cause de la garantie et la cause de la cessation de la garantie, de sorte que l'incapacité demeurerait couverte en dépit de l'admission de l'adhérent à la retraite lorsque cette admission résulte de l'invalidité de l'adhérent, quand il ne résultait d'aucune mention de la notice que l'assureur garantissait le risque invalidité jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent quand bien même celui-ci aurait été admis par anticipation à faire valoir ses droits à la retraite, fût-ce à raison de son invalidité, la cour d'appel a dénaturé la notice précitée en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

6. Pour dire que la garantie « incapacité de travail » était acquise définitivement jusqu'à la date des 60 ans de Mme [F] et condamner, en conséquence, l'assureur à lui payer les sommes correspondant aux échéances des prêts consentis, l'arrêt retient que si la clause de cessation de cette garantie prévoit qu'elle intervient à « la date de votre préretraite ou de votre retraite quelle qu'en soit la cause y compris pour inaptitude au travail », la clause relative aux modalités de mise en oeuvre de cette garantie, en ce qu'elle prévoit qu'il convient de fournir « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé... la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé », établit que l'assureur garantit le risque d'invalidité au titre de l'incapacité de travail, y compris pour les fonctionnaires.

7. La décision énonce encore qu'en l'espèce, la reconnaissance d'invalidité par l'administration à compter du 1er mars 2009 est, à raison du statut de Mme [F], la cause de sa mise à la retraite anticipée, qu'en présence d'une telle contradiction entre elles, les deux clauses, prises ensemble, doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à l'assurée et en déduit que, dès lors que l'invalidité est couverte, la clause dont se prévaut l'assureur ne peut être regardée comme exclusive de la garantie de ce risque lorsque c'est la survenance de celui-ci qui est la cause de la décision de placer l'assurée en retraite anticipée.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les clauses litigieuses qui, prises ensemble comme séparément, sont claires et dénuées d'ambiguïté en ce qu'elles prévoient que la garantie « incapacité de travail » est acquise lorsque l'adhérent est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse à la date de sa retraite, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence statutaire de son invalidité, et a violé le principe susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. L'assureur fait le même grief à l'arrêt alors « qu'en affirmant que la garantie de la société AXA était définitivement acquise à Mme [F] jusqu'à l'âge normal de son départ à la retraite dès lors que l'assureur avait continué à prendre en charge les échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance de l'état de santé de celui-ci, quand il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la prise en charge des échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance du taux d'incapacité de celui-ci emportait obligation pour l'assureur de poursuivre le paiement des échéances jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause (nouvel article 1103 du même code) ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige :

10. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

11. Pour dire que la garantie « incapacité de travail » était acquise définitivement jusqu'à la date des 60 ans de Mme [F] et condamner, en conséquence, l'assureur à lui payer les sommes correspondant aux échéances des prêts consentis, l'arrêt retient encore que ce dernier a versé des indemnités pendant cinq ans à compter du premier arrêt de travail initial du 1er mars 2004, jusqu'à la mise à la retraite de l'assurée pour invalidité à compter du 1er mars 2009, alors que le contrat prévoit qu'à la date de consolidation et au plus tard trois ans après l'arrêt de travail, le médecin-conseil de l'assureur fixe le taux contractuel d'incapacité, de sorte que l'assureur a versé les indemnités à l'assurée encore pendant deux ans après la date limite contractuelle pour fixer le taux contractuel d'incapacité.

12. L'arrêt en déduit qu'à compter du 1er mars 2007, l'assureur a versé les indemnités en toute connaissance de cause de l'état de l'assurée et qu'il ne peut donc prétendre cesser sa garantie qui, passé ce délai de trois ans, était définitivement acquise à l'assurée jusqu'à l'âge théorique de sa retraite.

13. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la prise en charge des échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance du taux d'incapacité de celui-ci emportait obligation pour l'assureur de poursuivre le paiement des échéances jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

14. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la banque, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi, le pourvoi n'étant accueilli qu'en ce que l'arrêt condamne la société AXA à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros, au titre de la prise en charge des échéances de 849,34 euros et de 666,85 euros des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la banque à M. et Mme [M] et à la société Flaman.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société AXA France vie à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros au titre de la prise en charge des échéances de 849,34 euros et de 666,85 euros des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la société Banque populaire du Sud à M. et Mme [M] et à la société Flaman, l'arrêt rendu le 16 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Met hors de cause la société Banque populaire du Sud ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SAS Buk Lament-Robillot ; Me Haas -

Textes visés :

Article L. 133-2 du code de la consommation.

2e Civ., 15 décembre 2022, n° 20-22.356, (B), FRH

Cassation partielle

Garantie – Etendue – Détermination – Clause rédigée en termes généraux

Les clauses qui formulent des exigences générales et précises à la charge de l'assuré, auxquelles la garantie de l'assureur est subordonnée, constituent des conditions de la garantie, peu important que la sanction de leur non-respect ne fasse pas l'objet d'une mention expresse.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 30 septembre 2020) et les productions, par jugement du 5 juin 2014, confirmé par un arrêt du 7 décembre 2015 d'une cour administrative d'appel, un tribunal administratif a condamné la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'[Localité 2] et de Corse du Sud (la chambre de commerce et d'industrie) à payer diverses sommes à la société Alabama média en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché conclu pour la rénovation du palais des congrès d'[Localité 2], dont cette société était titulaire du lot n° 5 « audiovisuel », et condamné la société Scaenicom, attributaire du marché, à garantir la chambre de commerce et d'industrie pour moitié de ces condamnations.

2. Le 5 août 2014, la chambre de commerce et d'industrie a assigné la société Axa France IARD, assureur de la société Scaenicom (l'assureur), devant un tribunal de grande instance, aux fins de garantie des condamnations prononcées contre elle par la juridiction administrative.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que sa garantie, au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom le 28 mai 2010, était acquise au profit de la chambre de commerce et d'industrie et, par conséquent, de le condamner à payer à celle-ci la somme de 140 506,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, alors :

« 1°/ que la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; que la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie, laquelle n'a pas à être formulée selon le formalisme édicté aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances pour les clauses d'exclusion ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition ; qu'en affirmant que les déclarations de l'assuré selon lesquelles il « réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur Axa sur sa simple demande ; fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) » ne constituent pas des conditions de garantie et qu'il ne ressort d'aucune des dispositions contractuelles produites que ces déclarations doivent s'analyser comme telles, quand ces déclarations prévoyaient l'accomplissement de certaines mesures générales et précises par l'assuré et constituaient donc une condition de la garantie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ que la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci n'est pas subordonnée à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ''l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité'' était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ''sous peine de non garantie'' » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences - précises et générales - imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

4. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

5. Pour dire que la garantie de l'assureur était acquise au profit de la chambre de commerce et d'industrie au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom, l'arrêt retient que les déclarations de cette société visées en page 2 des conditions particulières du contrat, selon lesquelles l'assuré « - Réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le Client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur Axa sur sa simple demande » et « - Fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le Client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) », ne constituaient pas des conditions de la garantie, dès lors qu'une autre déclaration était assortie de la mention expresse « sous peine de non garantie », et qu'il ne ressortait d'aucune des stipulations contractuelles produites que les déclarations en cause devaient s'analyser comme des conditions de la garantie.

6. En statuant ainsi, alors que les clauses litigieuses formulaient des exigences générales et précises à la charge de l'assurée, auxquelles la garantie de l'assureur était subordonnée, de sorte qu'elles constituaient des conditions de la garantie, peu important que, à la différence d'une autre clause, la sanction de leur non-respect ne fasse pas l'objet d'une mention expresse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société Axa France IARD recevable en son appel, l'arrêt rendu le 30 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; Me Haas -

Textes visés :

Article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article L. 113-1 du code des assurances.

2e Civ., 1 décembre 2022, n° 21-19.341, (B) (R), FS

Cassation partielle

Garantie – Exclusion – Exclusion formelle et limitée – Défaut

Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Beraha, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 7 février 2014 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».

2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, édictant notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, la société Beraha a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société Beraha a effectué deux autres déclarations de sinistre à la suite de nouvelles fermetures administratives, ordonnées du 28 septembre au 4 octobre 2020, par arrêté préfectoral du 27 septembre 2020, et à compter du 30 octobre 2020, par décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.

5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa neuvième branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assurée et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées.

8. Le moyen est, dès lors, inopérant.

Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ;

3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

10. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur.

13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ».

14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse.

15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa dixième branche

Enoncé du moyen

16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées.

18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis par ailleurs en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses.

20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour.

21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée.

22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Beraha, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.342, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.343, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-15.392, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 1 décembre 2022, n° 21-19.342, (B) (R), FS

Cassation

Garantie – Exclusion – Exclusion formelle et limitée – Définition – Cas – Pertes d'exploitation COVID-19

Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Alpilles events, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 19 décembre 2019 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».

2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, la société Alpilles events a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société Alpilles events a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.

5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa neuvième branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre eux, il doit garantir la société Alpilles events des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner à payer diverses provisions à l'assuré, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ».

Réponse de la Cour

7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées.

8. Le moyen est, dès lors, inopérant.

Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte [...] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ;

3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur.

13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ».

14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse.

15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa dixième branche

Enoncé du moyen

16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées.

18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses.

20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour.

21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion litigieuse vide de sa substance la garantie souscrite et n'apparaît pas limitée.

22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt constatant que les critères d'indemnisation de la société Alpilles events concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies sont réunis, déclarant non écrite la clause d'exclusion de garantie, et condamnant l'assureur à un paiement provisionnel entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant une expertise, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.341, Bull. (cassation partielle) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.343, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-15.392, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 1 décembre 2022, n° 21-19.343, (B) (R), FS

Cassation

Garantie – Exclusion – Exclusion formelle et limitée – Définition – Cas – Pertes d'exploitation COVID-19

Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société A La Bonne franquette, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 21 juillet 2017 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».

2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, la société A La Bonne franquette a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société A La Bonne franquette a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.

5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa neuvième branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et de le condamner à payer à l'assuré diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application. »

Réponse de la Cour

7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées.

8. Le moyen est, dès lors, inopérant.

Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ;

3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

12. Pour dire que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur.

13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ».

14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse.

15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa dixième branche

Enoncé du moyen

16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses.

20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour.

21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée.

22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et condamnant l'assureur à lui payer des provisions à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant une expertise et étendant la mission de l'expert, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.341, Bull. (cassation partielle) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.342, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-15.392, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 1 décembre 2022, n° 21-15.392, (B) (R), FS

Cassation partielle

Garantie – Exclusion – Exclusion formelle et limitée – Définition – Cas – Pertes d'exploitation COVID-19

Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2021), la société Le Phoenix, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 23 août 2017 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle », comportant une garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative ».

2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, la société Le Phoenix a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société Le Phoenix a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'il doit garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assuré et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat alors « que l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie », elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

6. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

7. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

8. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, par motifs adoptés, retient que si le terme « épidémie », que le contrat ne définit pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, doit être interprété, il en résulte nécessairement que la clause d'exclusion qui le vise ne peut être qualifiée de formelle, au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1, du code des assurances.

9. Il ajoute que pour appréhender le mot « épidémie » et la notion de « population », l'assuré aurait dû préalablement consulter divers sites, rapports, articles de presse ou médecins.

10. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

11. L'assureur fait le même grief à l'arrêt alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - que celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

12. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

13. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

14. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que l'obligation essentielle de l'assureur est celle d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies à la suite d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie.

15. Il énonce, ensuite, que l'exclusion n'est pas limitée dès lors qu'elle vise tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville, et que l'application pure et simple de cette clause aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie.

16. Ajoutant que l'assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie, l'arrêt en déduit que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances.

17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Le Phoenix, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.341, Bull. (cassation partielle) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.342, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.343, Bull. (cassation).

2e Civ., 15 décembre 2022, n° 21-15.980, (B), FRH

Cassation partielle

Responsabilité de l'assureur – Obligation de renseigner – Information suffisante – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2021), le 8 février 2006, M. [O] a souscrit, par l'intermédiaire d'un courtier, un contrat d'assurance-vie à capital variable dénommé « Valoptis », auprès de la société Atlanticlux devenue FWU Life Insurance Lux (l'assureur).

2. Se prévalant du manquement de ce dernier à son obligation précontractuelle d'information, M. [O] l'a assigné devant un tribunal de grande instance, afin, entre autres demandes, d'exercer sa faculté de renonciation prorogée et d'obtenir le remboursement des primes versées sur ce support.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, cinquième à huitième, dixième, onzième et treizième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. M. [O] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de restitution de la somme de 21 200 euros au titre du contrat Valoptis avec intérêts au taux légal majoré de moitié du 5 juin 2015 au 5 août 2015 puis au double du taux légal à compter de cette dernière date, alors « qu'il résulte de l'annexe à l'article A. 132-4 du code des assurances, telle qu'applicable en la cause, en son § 2°, f), que la note d'information devant être remise lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie doit indiquer les « frais prélevés en cas de rachat », en son § 3°, a), que la note d'information doit indiquer le « taux d'intérêt garanti et durée de cette garantie » ainsi que des « indications des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat » et en son § 3°, c), que la note d'information doit indiquer les « modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices » ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention des frais et indemnités de rachat éventuellement prélevés par l'entreprise d'assurance non plus que du taux d'intérêt garanti, des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et de la participation aux bénéfices, la cour d'appel a retenu qu'il résultait de la lecture des conditions générales qu'aucun frais et indemnité n'étaient prélevés par l'assureur en cas de rachat, seuls étant prévus des frais de souscription et de gestion, qu'il n'existait pas de taux d'intérêt garanti non plus que de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices, et en a déduit que l'absence de ces mentions ne saurait être considérée comme ayant compromis la compréhension de M. [O] des éléments essentiels du contrat ; qu'en statuant ainsi, quand il incombait à l'assureur de mentionner dans la note d'information l'existence ou l'absence de frais et indemnités de rachat, de taux d'intérêt garanti, des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et de participation aux bénéfices de participation aux bénéfices, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, applicable au litige, et l'article A. 132-4 du même code, auquel renvoie ce texte :

5. Selon le premier des textes susvisés, la proposition d'assurance ou de contrat doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation et l'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit remettre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat.

Le défaut de remise des documents et informations ainsi énumérés entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation jusqu'au trentième jour suivant la date de leur remise effective.

6. Selon le second, la note d'information contient les informations prévues par un modèle annexé.

7. Ce modèle, qui recense quatre rubriques, prévoit, au titre de celle intitulée « Caractéristiques du contrat », que la note d'information mentionne « f) contrats en cas de vie ou de capitalisation : frais et indemnités de rachat et autres frais prélevés par l'entreprise d'assurance, mentionnés au premier alinéa de l'article R. 132-3 » et au titre de la rubrique intitulée « Rendement minimum garanti et participation », que la note d'information mentionne « a) Taux d'intérêt garanti et durée de cette garantie ; b) Indication des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat... c) modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices ».

8. Aucun de ces deux textes ne prescrit que ces mentions n'ont pas lieu d'être portées dans la note d'information lorsque le contrat ne prévoit pas de frais et indemnités de rachat, de taux d'intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction, de valeurs de rachat ou de participation aux bénéfices.

9. Il a été jugé, par arrêt du 11 mars 2021 (2e Civ., 11 mars 2021, pourvoi n° 18-12.376, publié au bulletin), qu'il incombe à l'assureur de mentionner, dans la note d'information qu'il délivre, que le contrat ne prévoit pas de taux d'intérêt garanti, ou de garantie de fidélité, ou de valeur de réduction ou de rachat, toutes informations essentielles pour permettre à celui-ci d'apprécier la compétitivité de ce placement, ainsi que les risques inhérents à l'investissement envisagé, par suite, la portée de son engagement.

10. Il en va de même pour un contrat qui ne comporte pas de frais ou d'indemnité en cas de rachat ni de participation aux bénéfices.

11. Pour débouter M. [O] de sa demande de renonciation prorogée et de restitution des primes versées en exécution du contrat « Valoptis », l'arrêt relève qu'en l'espèce, la notice d'information ne fait aucune mention des frais et indemnités de rachat éventuellement prélevés par l'entreprise d'assurance non plus que du taux d'intérêt garanti, des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et de la participation aux bénéfices.

12. Il ajoute qu'il résulte également de la lecture des conditions générales qu'aucun frais et indemnité ne sont prélevés par l'assureur en cas de rachat, seuls étant prévus des frais de souscription et de gestion, qu'il n'existe pas de taux d'intérêt garanti, non plus que de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices. Il retient que le grief soulevé par l'assuré est sans portée, dès lors que l'absence de ces mentions ne saurait être considérée comme ayant compromis la compréhension par l'assuré des éléments essentiels du contrat.

13. En statuant ainsi, alors que le fait que le contrat proposé ne prélève pas de frais ou d'indemnités en cas de rachat, ni ne prévoit de taux d'intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices était, pour l'assuré, une information essentielle, qui devait figurer dans la note d'information, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement qui a débouté M. [O] de ses demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive de l'assureur et de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 2 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005.

2e Civ., 15 décembre 2022, n° 20-22.836, (B), FRH

Rejet

Sinistre – Déclaration – Fausse déclaration – Sanction – Déchéance – Conditions – Mauvaise foi de l'assuré

La déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre, que les parties peuvent librement stipuler en caractères très apparents dans un contrat d'assurance et qui n'est encourue par l'assuré que pour autant que l'assureur établit sa mauvaise foi, ne saurait constituer une sanction disproportionnée.

C'est, en conséquence, à bon droit qu'une cour d'appel n'a pas procédé à l'examen du caractère proportionné de la déchéance de garantie encourue par l'assurée et qu'ayant constaté que celle-ci avait effectué, de mauvaise foi, de fausses déclarations sur les conséquences du sinistre, a retenu que l'assureur était fondé à se prévaloir de la déchéance de garantie stipulée au contrat.

Sinistre – Déclaration – Fausse déclaration – Sanction – Déchéance – Examen de la proportionnalité de la sanction – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2020), l'appartement de Mme [Z], assurée auprès de la société AXA France IARD (l'assureur), a été endommagé par un incendie. Mme [Z] a été indemnisée par l'assureur de la copropriété des dommages causés à la structure de son appartement.

2. Elle a assigné son assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir l'indemnisation de ses objets personnels, mais celui-ci s'est prévalu d'une déchéance de garantie en raison de fausses déclarations intentionnelles de l'assurée sur les conséquences du sinistre.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la condamnation de l'assureur à l'indemniser de la destruction de ses biens mobiliers à hauteur de 47 796,43 euros, de la perte temporaire d'usage de son appartement à hauteur de 5 814,12 euros, et à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 15 000 euros, alors « que toute sanction doit être proportionnée ; qu'en relevant, pour infirmer le jugement entrepris qui avait écarté la déchéance encourue par Mme [Z] en la jugeant disproportionnée et dire qu'elle devait être déchue de son droit à garantie en raison de l'exagération intentionnelle des conséquences du sinistre, qu'une telle sanction n'était pas soumise à l'exigence de proportionnalité, la cour d'appel a violé l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe général de proportionnalité des sanctions. »

Réponse de la Cour

4. La déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre, que les parties peuvent librement stipuler en caractères très apparents dans un contrat d'assurance et qui n'est encourue par l'assuré que pour autant que l'assureur établit sa mauvaise foi, ne saurait constituer une sanction disproportionnée.

5. C'est, en conséquence, à bon droit que la cour d'appel n'a pas procédé à l'examen du caractère proportionné de la déchéance de garantie encourue par l'assurée, et qu'ayant constaté que celle-ci avait effectué, de mauvaise foi, de fausses déclarations sur les conséquences du sinistre, a retenu que l'assureur était fondé à se prévaloir de la déchéance de garantie stipulée au contrat et a rejeté ses demandes.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

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