Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 8 décembre 2021, n° 19-26.191, (B)

Rejet

Etablissement de santé – Responsabilité du fait d'une infection nosocomiale – Responsabilité de plein droit – Etendue – Détermination – Portée

Selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

Une installation autonome de chirurgie esthétique constitue un service de santé, régi par les dispositions des articles L. 6322-1 à L. 6322-3 et R. 6322-1 à D. 6322-48 du code de la santé publique, dans lequel sont réalisés de tels actes, de sorte qu'elle est soumise, comme un établissement de santé, à une responsabilité de plein droit en matière d'infections nosocomiales.

Etablissement de santé – Responsabilité du fait d'une infection nosocomiale – Responsabilité de plein droit – Domaine d'application – Cas – Installation autonome de chirurgie esthétique constituant un service de santé et réalisant des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 septembre 2019), le 25 février 2014, Mme [H] a subi une réduction mammaire réalisée par M. [B], chirurgien esthétique, dans les locaux d'une installation autonome de chirurgie esthétique, dénommée Clinique du docteur [B]. A l'issue de l'intervention, elle a présenté une infection au niveau du site opératoire, ayant nécessité une nouvelle opération et une greffe de peau.

2. Après avoir sollicité une expertise en référé, Mme [H], invoquant avoir contracté une infection nosocomiale, a assigné en responsabilité et indemnisation M. [B], pris en qualité de chef d'établissement, sur le fondement de l'article L. 1142, I, alinéa 2, du code de la santé publique. Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence qui a sollicité le remboursement de ses débours.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [B] fait grief à l'arrêt de dire qu'il est tenu d'indemniser les préjudices subis par Mme [H] en lien avec l'infection nosocomiale contractée à l'occasion de l'intervention du 25 février 2014, alors :

« 1°/ que, d'une part, seuls les établissements de santé régis par l'article L. 6111-1 du code de la santé publique sont responsables de plein droit des dommages résultant d'infections nosocomiales ; que les installations autonomes de chirurgie esthétique ne sont pas des établissements de santé ; qu'en l'espèce, en retenant que la clinique du docteur [B], qui est une installation autonome de chirurgie esthétique, pouvait être qualifiée d'établissement au sens de l'article L. 1142-1, I du code précité, la cour d'appel a violé les articles précités, ensemble l'article R. 6111- 6 du code de la santé publique ;

2°/ que, d'autre part, et à titre subsidiaire, les installations autonomes de chirurgie esthétique n'ont pas la qualité d'établissement au sens de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ; qu'en l'espèce, en retenant que la clinique du docteur [B], qui est une installation autonome de chirurgie esthétique, pouvait être qualifiée d'établissement au sens de l'article susmentionné, la cour d'appel a violé cette disposition, ensemble l'article R. 6111- 6 du code de la santé publique ;

3°/ que, de troisième part, et en tout état de cause, en se fondant exclusivement sur le fait que des actes de soins étaient réalisés au sein de la clinique du docteur [B], pour en déduire sa qualité d'établissement au sens de l'article L. 1142-1, I du code de la santé publique, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif impropre à caractériser une telle qualité d'établissement de santé, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article précité. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

5. Une installation autonome de chirurgie esthétique constitue un service de santé, régi par les dispositions des articles L. 6322-1 à L. 6322-3 et R. 6322-1 à D. 6322-48 du code de la santé publique, dans lequel sont réalisés de tels actes, de sorte qu'elle est soumise, comme un établissement de santé, à une responsabilité de plein droit en matière d'infections nosocomiales.

6. La cour d'appel a constaté que Mme [H] avait contracté une infection nosocomiale dans les locaux de l'installation autonome de chirurgie esthétique dirigée par M. [B].

7. Cette installation étant soumise à une responsabilité de plein droit, il en résulte que M. [B] ès qualités était tenu, en l'absence de preuve d'une cause étrangère, d'indemniser les préjudices subis par Mme [H] en lien avec l'infection nosocomiale.

8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Mornet - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Boulloche ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique.

1re Civ., 1 décembre 2021, n° 20-17.067, (B)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Procédure – Procédure sans audience – Conditions – Représentation obligatoire ou parties assistées ou représentées par un avocat

En matière de soins psychiatriques sans consentement, la représentation n'est obligatoire que pour le patient de sorte que le premier président ne peut recourir à la procédure sans audience, prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, que si toutes les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat.

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Procédure – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Partie non assistée ou non représentée par un avocat

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 14 avril 2020), et les pièces de la procédure, M. [P] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 25 septembre 2019, sur décision du représentant de l'Etat dans le département en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 4 octobre 2019, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de son hospitalisation complète.

2. Le 19 mars 2020, le représentant de l'Etat dans le département a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et R. 3211-8 du code de la santé publique :

4. Le premier de ces textes dispose :

« Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience.

Il en informe les parties par tout moyen.

A l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience. A défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite.

La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge. »

5. Selon le second, devant le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d'appel, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est assistée ou représentée par un avocat. Elle est représentée par un avocat dans le cas où le magistrat décide, au vu de l'avis médical prévu au deuxième alinéa de l'article L. 3211-12-2, de ne pas l'entendre.

Les autres parties ne sont pas tenues d'être représentées par un avocat.

6. L'ordonnance énonce qu'en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus, l'audience s'est tenue au siège de la juridiction en l'absence des parties et du conseil de la personne hospitalisée, conformément à l'alinéa 1er de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020.

7. En statuant ainsi, alors qu'en matière de soins psychiatriques sans consentement, la représentation n'est obligatoire que pour le patient et que le préfet n'avait pas choisi d'être assisté ou représenté par un avocat, le premier président, qui ne pouvait dans ces conditions recourir à la procédure sans audience, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour se prononcer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 14 avril 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 ; article R. 3211-8 du code de la santé publique.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.