Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

SAISIE IMMOBILIERE

2e Civ., 2 décembre 2021, n° 20-15.274, (B)

Cassation sans renvoi

Procédure – Audience d'orientation – Jugement d'orientation – Voies de recours – Appel – Forme – Litige indivisible – Omission d'intimer une ou plusieurs parties dans la première déclaration d'appel – Portée – Créanciers inscrits n'ayant pas déclaré leur créance

En application des articles 553 du code de procédure civile et R. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution, tous les créanciers inscrits devant être appelés à la procédure de saisie immobilière, le commandement valant saisie étant dénoncé à ceux-ci, cette dénonciation valant assignation à comparaître à l'audience d'orientation, la procédure de saisie immobilière est indivisible.

Par ailleurs, les créanciers inscrits étant admis à faire valoir leurs droits sur la répartition du prix de vente, en application de l'articIe L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, alors même qu'ils auraient perdu le bénéfice de leur sûreté pour défaut de déclaration de leur créance, la procédure demeure indivisible à leur égard même s'ils ont omis de déclarer leur créance.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui déclare recevable l'appel contre un jugement d'orientation formé par une partie qui n'a pas intimé les créanciers inscrits n'ayant pas déclaré leur créance.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2019), sur le fondement d'un prêt notarié du 22 octobre 2008, la société Banque populaire Atlantique, aux droits de laquelle vient la société coopérative Banque populaire Grand Ouest (la banque), a fait délivrer à M. [T] et son épouse, Mme [Z], le 19 novembre 2013, un commandement de payer valant saisie immobilière pour un bien leur appartenant, qui n'a été suivi d'aucune assignation à une audience d'orientation.

2. Le 21 décembre 2016, la banque a fait délivrer un nouveau commandement de payer valant saisie immobilière, pour un bien appartenant à Mme [Z] seule.

3. La banque a ensuite fait assigner à une audience d'orientation Mme [Z] et dénoncé l'assignation aux autres créanciers inscrits, la société Crédit Logement, la société Caisse de crédit maritime mutuel de Bretagne, la société Caisse de crédit mutuel de Fouesnant, et le Trésor public. M. [T] est intervenu volontairement à l'instance.

4. Par jugement du 3 octobre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Quimper a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. [T], débouté la banque de sa demande et Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts.

5. Le 31 octobre 2018, la banque a relevé appel de ce jugement et intimé M. et Mme [T] ainsi que la société Crédit Logement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel recevable alors « que dans une procédure de saisie immobilière, le litige est indivisible entre tous les créanciers, poursuivants ou autres, de sorte que l'appel formé contre l'une des parties à l'instance n'est recevable que si toutes les parties sont appelées à l'instance ; que la déchéance du bénéfice de leur sûreté pour la distribution du prix n'est pas de nature à faire perdre au créancier sa qualité de partie à la procédure de saisie immobilière ; qu'en considérant, pour décider que l'appel était recevable, que les créanciers étaient déchus de leur sûreté pour la distribution du prix faute d'avoir déclaré leur créance dans le délai de deux mois à compter de la dénonciation du commandement de payer de sorte que le principe de l'indivisibilité ne devait pas leur être appliqué, la cour d'appel a violé l'article 553 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 553 du code de procédure civile et R. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution :

7. En application du premier de ces textes, en cas d'indivisibilité, l'appel de l'une des parties à l'instance devant le juge de l'exécution doit être formé contre toutes les parties à l'instance, à peine d'irrecevabilité de l'appel.

8. En application du second de ces textes, tous les créanciers inscrits devant être appelés à la procédure de saisie immobilière, le commandement valant saisie étant dénoncé à ceux-ci, cette dénonciation valant assignation à comparaître à l'audience d'orientation, la procédure de saisie immobilière est indivisible.

9. Pour déclarer l'appel de la banque recevable, après avoir constaté que celle-ci avait intimé uniquement M. et Mme [T] et la société Crédit Logement, l'arrêt retient que les autres créanciers inscrits n'ont pas déclaré leur créance et se trouvent, par conséquent, déchus de leur sûreté pour la distribution du prix de vente, de sorte que le principe d'indivisibilité ne doit pas leur être appliqué.

10. En statuant ainsi, alors que les créanciers inscrits étant admis à faire valoir leurs droits sur la répartition du prix de vente, en application de l'article L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, quand bien même ils auraient perdu le bénéfice de leur sûreté pour défaut de déclaration de leur créance, la procédure demeure indivisible à leur égard peu important qu'ils aient omis de déclarer leur créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 et 10 que les créanciers inscrits n'ayant pas été intimés devant la cour d'appel, l'appel de la banque est, en raison de l'indivisibilité de la procédure de saisie immobilière, irrecevable.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE l'appel de la société coopérative Banque populaire Grand Ouest irrecevable.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 553 du code de procédure civile ; articles L331-1 et R.322-6 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 13 novembre 2014, pourvoi n° 14-11.986, Bull. 2014, II, n° 228 ; 2e Civ., 15 avril 2021, pourvoi n° 19-21.803, Bull. 2021, (cassation).

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