Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

3e Civ., 15 décembre 2021, n° 21-14.775, (B)

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Bail rural – Code rural et de la pêche maritime – Article L. 411-58, alinéa 3 – Droit de propriété – Liberté d'entreprendre – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Le 16 juin 2016, Mme [J], propriétaire de parcelles de terre données à bail à ferme, a, par application de l'article L. 411-58, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime, signifié à M. [T], preneur, un congé pour reprise à effet du 31 décembre 2017.

2. Le 14 octobre 2016, M. [T] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une contestation de ce congé.

3. Il a, par conclusions prises pour l'audience du 14 septembre 2017, sollicité, en application de l'article L. 411-58, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime, la prorogation du bail pour une durée égale à celle devant lui permettre d'atteindre l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi incident formé contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Dijon, Mme [J] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'alinéa 3 de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, en tant qu'il impose au bailleur ayant valablement délivré au preneur un congé pour reprise, lorsque le preneur, à moins de cinq ans de l'âge de la retraite à la date d'effet du congé, sollicite le bénéfice de la prorogation du bail jusqu'à l'âge de la retraite prévue par l'alinéa de l'article L. 411-58, de délivrer à nouveau un congé pour la fin de la période de prorogation dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 du même code et donc, dix-huit mois au moins avant le terme de la prorogation, porte-t-il atteinte au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre constitutionnellement garantis par les articles 2, 4, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5. La disposition contestée est applicable au litige et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. La question posée présente un caractère sérieux.

7. Alors qu'il est prévu par l'article L. 411-58, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime que lorsque le preneur s'oppose à la reprise, le bail est prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit lui permettre d'atteindre l'âge de la retraite, l'alinéa 3 de ce texte impose néanmoins au bailleur qui persiste dans son intention de reprendre le bien de délivrer un nouveau congé pour la fin de la période de prorogation, dans le délai prévu par l'article L. 411-47 du même code.

8. Dès lors, l'exercice par le preneur, moins de dix-huit mois avant d'atteindre l'âge de la retraite ou celui lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein, de son droit de s'opposer à la reprise du bien loué rend impossible la délivrance postérieure d'un congé respectant les conditions prévues à l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime.

9. De plus, un congé tardif est privé d'effet de sorte que le bail est renouvelé pour neuf ans à compter de l'expiration du bail précédent.

10. La disposition contestée par la question est donc susceptible, dans une telle hypothèse, de porter atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté d'entreprendre du bailleur exerçant son droit de reprise.

11. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. David - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

1re Civ., 16 décembre 2021, n° 21-17.228, (B)

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Droit des étrangers – Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – Articles L. 221-1 et L. 222-1 – Entrée en France – Maintien en zone d'attente – Saisine du juge – Délai – Articles 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 66 de la Constitution – Durée excessive – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Le 21 mars 2021, à 8 heures 02, X se disant [W] [S] ou [P] [Z], de nationalité indéterminée, s'est vu notifier un refus d'entrée sur le territoire national à la suite de son contrôle à l'aéroport de [6], à la descente d'un vol en provenance de Bamako (Mali). Immédiatement placé en zone d'attente, il a formé une demande d'entrée en France au titre du droit d'asile, laquelle a été rejetée le 22 mars.

2. Le 24 mars 2021, l'administration a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de cette mesure pour une durée de huit jours, sur le fondement de l'article L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'ordonnance rendue le 27 mars 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, l'intéressé ainsi que l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers et le Groupe d'information et de soutien des immigrés ont, par mémoire distinct et motivé du 27 septembre 2021, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « En édictant les dispositions combinées des articles L. 221-1 et L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – dont il résulte que, avant un délai de quatre jours, l'étranger maintenu en zone d'attente est privé de toute possibilité de saisir le juge judiciaire en vue de mettre fin à sa privation de liberté et que, dans une telle situation, le juge judiciaire ne peut pas davantage intervenir de sa propre initiative, le législateur a-t-il porté atteinte à la liberté individuelle et au droit à un recours effectif, garantis respectivement par les articles 16 de la Déclaration des droits et 66 de la Constitution, tels qu'éclairés par le droit constitutionnel d'asile issu de l'alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946. »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. Les dispositions contestées, dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, sont applicables au litige.

5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. La question posée présente un caractère sérieux, en ce que le délai de quatre jours à compter duquel le placement d'un étranger en zone d'attente ne peut être maintenu sans autorisation du juge judiciaire, pourrait être considéré comme excessif.

7. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dard - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles L. 221-1 et L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Soc., 15 décembre 2021, n° 21-40.021, (B)

QPC - Irrecevabilité

Travail réglementation, santé et sécurité – Suspension du contrat de travail – Vaccination liée à la crise sanitaire – Article 14-2 de la loi n° 2021-40 du 5 août 2021 – Condition de précision et de motivation du mémoire spécial – Défaut – Irrecevabilité

Les dispositions de l'article 14-2 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relatives à la gestion de la crise sanitaire sont-elles contraires au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 qui rappelle l'engagement de la France de respecter l'ensemble des conventions internationales en ce que les conventions internationales font interdiction à tout pays signataire de priver tout travailleur quel qu'il soit, d'une rémunération, d'une protection sociale par différents artifices et notamment d'une suspension arbitraire du contrat de travail ?

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

1. Par ordonnance du 5 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Troyes a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 14-2 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relatives à la gestion de la crise sanitaire sont-elles contraires au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 qui rappelle l'engagement de la France de respecter l'ensemble des conventions internationales en ce que les conventions internationales font interdiction à tout pays signataire de priver tout travailleur quel qu'il soit, d'une rémunération, d'une protection sociale par différents artifices et notamment d'une suspension arbitraire du contrat de travail ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

2. La disposition contestée est applicable au litige.

3. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

4. Cependant, d'une part, la question ne précise pas à quels droits et libertés garantis par la Constitution la disposition législative critiquée porte atteinte.

5. D'autre part, le grief tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative avec les engagements internationaux de la France ne constitue pas un grief d'inconstitutionnalité.

6. Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Ricour - Avocat général : M. Desplan -

Textes visés :

Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ; article 14-2 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021.

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