Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

PRUD'HOMMES

Soc., 8 décembre 2021, n° 20-13.905, (B)

Cassation partielle

Compétence – Compétence matérielle – Litiges nés à l'occasion du contrat de travail – Procédure d'insolvabilité ouverte dans un Etat membre de l'Union européenne – Violation du droit au transfert du contrat de travail du salarié – Action dérivant directement de la procédure d'insolvabilité (non) – Mise en oeuvre du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2019), la société Mint Equities Limited, devenue la société MEQ Realisations Limited, établie à [Localité 5] (Royaume-Uni) et ayant une activité de courtage sur instruments financiers pour le compte de tiers, a engagé M. [P], à compter du 1er avril 2010, pour exercer des fonctions de courtier sur le site de sa succursale parisienne.

2. Saisie par les dirigeants de la société Mint Equities Limited, la High Court of Justice, Chancery Division, Companies Court (Royaume-Uni) a, par ordonnance du 19 août 2010, rendue sur le fondement de l'Insolvency Act 1986, désigné MM. [W] et [Y], du cabinet PricewaterhouseCoppers LLP, comme « administrators » de cette société, rejeté la requête en liquidation (« winding-up Petition ») présentée par la société Base Interiors Limited et s'est dite convaincue, aux fins de l'application de l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, que le centre des intérêts principaux de la société Mint Equities Limited est en Angleterre et au Pays de Galles.

3. Par acte du 19 août 2010, les sociétés Mint Parteners Limited (« in administration ») et Mint Equities Limited (« in administration »), représentées par MM. [W] et [Y] en qualité d'« administrators » ont cédé, dans le cadre d'un accord « pre-pack », à la société BGC Brokers LP leur activité et certains éléments d'actif, à l'exclusion de l'activité menée depuis la France et des éléments d'actif situés en France. Tout en prévoyant le transfert des contrats de travail des salariés employés au Royaume-Uni, à Dubaï et en Suisse, cet acte excluait expressément la reprise du contrat de travail de M. [P].

4. Saisi par MM. [W] et [Y] en qualité d'« administrators », le tribunal de commerce de Paris a, par jugement en date du 28 octobre 2010, ouvert une procédure secondaire de liquidation judiciaire à l'égard de la société Mint Equities Limited et désigné la société MJA, prise en la personne de Mme [R], en qualité de mandataire judiciaire liquidateur.

5. M. [P] a été licencié pour motif économique par lettre du 12 novembre 2010.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction prud'homale incompétente pour connaître de son action fondée sur le transfert du contrat de travail et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (CJUE, 4 sept. 2014, [I], aff. C-157/13, 9 nov. 2017, [G], aff. C-641/16, 20 déc. 2017, [F], aff. C-649/16, 6 fév. 2019, NK, aff. C-535/17, 18 sept. 2019, [E], aff. C-47/18) que seules les actions qui dérivent directement d'une procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement entrent dans le champ d'application du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, que l'élément déterminant pour identifier le domaine dont relève une action est non pas le contexte procédural dans lequel elle s'inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière et que selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l'obligation qui sert de base à l'action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d'insolvabilité ; que, d'autre part, la Cour de cassation a jugé (Soc., 28 oct. 2015, n° 14-21.319) que le litige relatif à la rupture du contrat de travail du salarié et aux créances salariales durant la relation de travail ne relève pas de la procédure d'insolvabilité, ainsi que cela résulte des articles 4 et 10 du règlement CE n° 1346/2000, et que la compétence juridictionnelle pour connaître d'un tel litige doit être déterminée en application de l'article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'il en résulte, en l'espèce, que l'action du salarié en paiement de diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour être intervenu en violation de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 et de l'article L. 1224-1 du code du travail ne trouvait pas son fondement juridique dans des règles spécifiques aux procédures d'insolvabilité et, par conséquent, ne relevait pas de la compétence du tribunal anglais ayant ouvert la procédure d'insolvabilité ; que dès lors, en infirmant le jugement en ce qu'il avait reconnu, sur le fondement du lieu d'exécution du contrat de travail en France, la compétence du conseil des prud'hommes pour connaître de l'action du salarié tirée de la violation du droit au transfert de son contrat de travail à la société BGC Brokers, la cour d'appel a violé les articles 4 et 10 du règlement (CE) n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, ensemble l'article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er, § 1 et § 2, sous b), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et l'article 3, § 1, du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité :

8. Selon l'article 1er, § 1, du règlement n° 44/2001, ce dernier s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction.

9. Aux termes de l'article 1er, § 2, sous b), de ce règlement sont exclus de son application les faillites, concordats et autres procédures analogues.

10. Aux termes de l'article 3, §1, du règlement n° 1346/2000, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité.

11. Cette disposition attribue également une compétence internationale aux juridictions de l'État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d'insolvabilité pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement (CJCE, arrêt du 12 février 2009, Seagon, C-339/07, points 21 et 22).

12. Seules les actions qui dérivent directement d'une procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement sont exclues du champ d'application du règlement n° 44/2001.

Par voie de conséquence, seules ces actions entrent dans le champ d'application du règlement n° 1346/2000 (CJUE, arrêt du 9 novembre 2017, [G] France et [G] Maschinenbau, C-641/16, point 19).

13. S'agissant du premier critère, afin de déterminer si une action dérive directement d'une procédure d'insolvabilité, l'élément déterminant pour identifier le domaine dont relève une action est non pas le contexte procédural dans lequel s'inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière.

Selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l'obligation qui sert de base à l'action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d'insolvabilité (CJUE, arrêt du 9 novembre 2017, [G] France et [G] Maschinenbau, C-641/16, point 22).

14. Pour déclarer la juridiction prud'homale incompétente pour connaître de l'action tirée de la violation du droit au transfert du contrat de travail du salarié, l'arrêt retient, en premier lieu, que la matière du transfert du contrat de travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, telle qu'elle s'évince de l'article L. 1224-1 du code du travail, est équivalente à celle de la directive n° 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, cette directive étant aussi d'effet direct au Royaume-Uni, en deuxième lieu, que la procédure collective d'« administration » de l'Insolvency Act 1986 qui régit la procédure anglaise du « pre-packaged administration », dans sa version applicable au litige, est visée à l'annexe A du règlement nº 1346/2000 et que cette annexe A a la même autorité que son règlement, en troisième lieu, que les articles 16 et 17 du règlement n° 1346/2000 imposent à tout État membre de reconnaître la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dès que celle-ci produit ses effets dans l'État d'origine sans que puisse être vérifiée la compétence des juridictions de cet État, l'article 26 de ce règlement autorisant tout État membre à refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure seulement lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa Constitution et, en quatrième lieu, que l'action du salarié fondée sur la fraude à la loi anglaise ou aux règles de conflits de lois ou de juridictions en matière de transfert du contrat de travail dérive directement de la procédure d'insolvabilité du Royaume-Uni où est situé le centre des intérêts principaux des débiteurs et s'y insère étroitement.

15. En statuant ainsi, alors que l'action du salarié était fondée sur l'article L. 1224-1 du code du travail prévoyant en cas de survenance d'une modification dans la situation juridique de l'employeur, la subsistance, entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise, de tous les contrats de travail en cours au jour de la modification, que le bénéfice de cette disposition ne requiert pas l'ouverture préalable d'une procédure d'insolvabilité au sens du règlement n° 1346/2000, que son objet est la poursuite des contrats de travail des salariés, que l'exercice d'une telle action ne requiert pas l'intervention d'un syndic, au sens de l'article 2 du règlement n° 1346/2000, et ne tend pas au remboursement partiel des créanciers de sorte que l'action du salarié ne dérivait pas directement d'une procédure d'insolvabilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le conseil de prud'hommes de Paris incompétent pour connaître de l'action du salarié fondée sur le transfert du contrat de travail, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ; article 1, §§ 1 et 2, sous b), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des domaines d'application respectifs du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 et du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, à rapprocher : Soc., 28 octobre 2015, pourvoi n° 14-21.319, Bull. 2015, V, n° 213 (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 16 décembre 2021, n° 20-12.000, (B)

Rejet

Procédure – Appel – Déclaration d'appel – Caducité – Cas

Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues notamment par l'article 85 du même code. Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948 de ce code.

En application de l'article R. 1461-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile. Il résulte de l'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, que les parties doivent s'y faire représenter par un défenseur syndical ou par un avocat.

Ces dernières dispositions instaurant une procédure spécifique de représentation obligatoire devant la cour d'appel statuant en matière prud'homale, il résulte de ce qui précède que l'appel d'un jugement statuant sur la compétence, rendu par une juridiction prud'homale, est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixé.

C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel, constatant qu'une partie, appelante d'un jugement d'un conseil de prud'homme statuant sur sa compétence, sans statuer sur le fond du litige, n'avait pas assigné les parties intimées pour l'audience et n'avait pas remis au greffe la copie de l'assignation, a déclaré caduque la déclaration d'appel en application des articles 920 et 922 du code de procédure civile.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 novembre 2019), M. [S] a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner les sociétés Camping La Sirène, Abricot communication et l'association Syppox théâtre au paiement de diverses sommes, après requalification de ses contrats en contrats à durée indéterminée. Il a relevé appel du jugement ayant constaté l'absence de co-emploi entre les défendeurs, se déclarant incompétent et renvoyant les parties à mieux se pourvoir.

Examen du moyen

Sur le moyen, en sa seconde branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [S] fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel, alors « qu'à supposer qu'il ait été relevé appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, l'article 85, alinéa 2, du code de procédure civile ne retient l'application des dispositions régissant la procédure à jour fixe qu'autant que « les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat » ; que tel n'est pas le cas de l'appel d'un jugement prud'homal dès lors que articles R. 1453-2 et R. 1461-1 du code du travail prévoit que la représentation est assurée soit par un défenseur syndical, soit par un avocat, à la suite de l'article 258 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; qu'en décidant, au visa des articles 920 et 922 du code de procédure civile, que M. [S] n'avait pas assigné les parties intimées pour l'audience du 11 septembre 2019 et n'avait donc pas remis au greffe la copie de ces assignations, quand l'appel du jugement du conseil de prud'hommes de Perpignan ne relevait pas de la représentation obligatoire par avocat, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues, notamment, par l'article 85 du même code.

Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction, dont émane le jugement frappé d'appel, imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.

5. En application de l'article R. 1461-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile. Il résulte de l'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, que les parties doivent s'y faire représenter par un défenseur syndical ou par un avocat.

6. Ces dernières dispositions instaurant une procédure spécifique de représentation obligatoire devant la cour d'appel statuant en matière prud'homale, il résulte de ce qui précède que l'appel d'un jugement statuant sur la compétence, rendu par une juridiction prud'homale, est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe.

7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, après avoir retenu que M. [S] n'avait pas assigné les parties intimées pour l'audience du 11 septembre 2019 et n'avait pas remis au greffe la copie des assignations, a déclaré caduque la déclaration d'appel en application des articles 920 et 922 du même code.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 83, 85, 920, 922 et 948 du code de procédure civile ; articles R. 1461-2, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, L. 1453-4, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, du code du travail.

Soc., 8 décembre 2021, n° 19-22.810, (B)

Rejet

Procédure – Représentation des parties – Personnes habilitées – Mandataire – Défenseur syndical – Effets – Appel – Conclusions de l'appelant – Signification au défenseur syndical de l'intimé – Délai – Détermination – Portée

Il résulte de l'article R.1461-1 du code du travail que les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical, dans les conditions prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile, selon lequel les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

Doit en conséquence être approuvé l'arrêt qui, ayant relevé que les appelants avaient été informés qu'un défenseur syndical s'était constitué pour le salarié dans le mois de la déclaration d'appel, et constaté qu'ils n'avaient fait signifier leurs conclusions au défenseur syndical que postérieurement au délai imparti par l'article 911 du code de procédure civile, en a déduit que la déclaration d'appel était caduque.

La caducité de la déclaration d'appel encourue dès lors que les actes n'ont pas été accomplis dans le délai légal ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les parties n'étant pas privées de leur droit d'accès au juge.

Procédure – Appel – Déclaration d'appel – Caducité – Cas – Conclusions de l'appelant – Signification au défenseur syndical de l'intimé – Signification dans le délai imparti – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 19 juin 2019), la société Korbey d'or et le commissaire à l'exécution du plan de redressement ont relevé appel le 9 avril 2018 de la décision du conseil de prud'hommes ayant fixé au passif de la société les créances de Mme [P] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors :

« 1°/ que les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, que la société Korbey d'Or et la société AJ Partenaires « disposaient d'un délai de trois mois expirant le 9 juillet 2018 pour conclure et remettre leurs conclusions, ce qu'ils [avaient] fait en l'espèce le 6 juillet 2018 », que « le défenseur syndical a[vait] communiqué sa constitution à l'avocat des appelants le 9 mai 2018 » et qu' « il appartenait aux appelants de signifier au défenseur syndical leurs conclusions d'appel au plus tard le 9 juillet 2018, ce qu'ils n' [avaient] fait que le 17 juillet 2018 », quand elle constatait elle-même qu'aucun avocat ne s'était constitué pour Mme [P], en sorte que l'appelante disposait d'un mois supplémentaire pour notifier ses premières conclusions au défenseur syndical qui la représentait, et que ce délai avait été observé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 911 et 930-3 du code de procédure civile et, par fausse application, l'article R. 1461-1 du code du travail ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'application des règles de procédure ne peut conduire à un formalisme excessif portant atteinte à l'équité de la procédure ; en prononçant la caducité de la déclaration d'appel de la société Korbey d'Or, après avoir constaté qu'elle avait remis ses conclusions au greffe de la cour d'appel dans le délai requis et qu'elle avait notifié huit jours plus tard ses conclusions au défenseur syndical constitué pour l'intimée, et en amputant ainsi le délai pour conclure des jours matériellement nécessaires à l'acheminement d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou à la signification des conclusions par le ministèr e d'un huissier de justice, en raison de l'impossibilité pour l'avocat constitué de notifier ses conclusions au défenseur syndical par RPVA, la cour d'appel a, par excès de formalisme, porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel et violé l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

4. Selon l'article 911 du même code, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à cet article aux parties qui n'ont pas constitué avocat. Cependant, si celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

5. L'article 930-3 du code de procédure civile dispose que les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

6. Il résulte enfin de l'article R. 1461-1 du code du travail que les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical.

7. Ayant relevé que la société et le commissaire à l'exécution du plan qui avaient formé appel le 9 avril 2018, avaient signifié le 17 juillet 2018 leurs conclusions au défenseur syndical, constitué le 9 mai 2018, la cour d'appel en a exactement déduit que la déclaration d'appel était caduque.

8. La caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ces conclusions n'ont pas été signifiées au défenseur syndical dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, les délais prescrits aux parties pour effectuer les actes de procédure ne les privent pas de leur droit d'accès au juge.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Le Lay - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : articles 911 et 930-3 du code de procédure civile ; article R. 1461-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les règles de procédure civile applicables lorsqu'un défenseur syndical a été choisi par une partie pour le représenter devant la cour d'appel, à rapprocher : Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-21.349, Bull. 2021, (rejet) ; Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 20-16.518, Bull. 2021, (cassation partielle) ; Soc., 20 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.483, Bull. 2021, (rejet). Sur la conformité à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des textes sanctionnant par la caducité de la déclaration d'appel, l'absence d'accomplissement de diligences dans le délai légal, à rapprocher : 2e Civ., 24 septembre 2015, pourvoi n° 13-28.017, Bull. 2015, II, n° 207 (2) (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-11.624, Bull. 2020, (rejet).

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