Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 2 décembre 2021, n° 19-24.999, (B)

Rejet

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Effets – Attribution immédiate au saisissant – Limites

Il résulte des articles L. 211-1 et L. 211-2, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution qu'une saisie-attribution peut être pratiquée sur une créance indisponible et qu'elle est seulement privée de son effet attributif.

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Conditions – Créance disponible – Exclusion

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 10 septembre 2019), statuant sur renvoi après cassation (1ère Civ., 15 mars 2017, pourvoi n° 16-10.525), et les productions, à la suite de la vente d'un bien immobilier par la société Mavi vacances à la Sotradom, la Société financière Antilles Guyane (la Sofiag), dénommée désormais Soredom (la Soredom), qui avait pris une inscription hypothécaire sur le bien vendu en garantie d'un prêt consenti à la société venderesse, a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains du notaire.

2. La société Mavi vacances a saisi un juge de l'exécution d'une contestation.

3. La Société d'aménagement et de gestion de la Guadeloupe (la Sagg), bénéficiant d'une inscription hypothécaire de premier rang, est intervenue volontairement à l'instance.

Recevabilité du pourvoi contesté par la défense

4. La Sagg fait valoir que le pourvoi est dépourvu d'objet, et comme tel irrecevable.

5. Elle expose que la Sotradom a assigné, le 11 septembre 2018, les sociétés Mavi vacances, Sagg et Soredom devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre qui a, par jugement du 9 mai 2019 assorti de l'exécution provisoire, rejeté la demande de la Soredom, tendant à la suspension de la procédure de distribution du prix dans l'attente de l'examen du présent pourvoi en cassation, rejeté la demande de modification du projet de distribution en vue de se voir attribuer la somme de 200 000 euros et accueilli la demande d'établissement de l'état de répartition du prix excluant la société Sofiag de la distribution. Elle ajoute que l'appel interjeté par la Sofiag a été déclaré caduc par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 6 juillet 2020 et que le notaire a versé l'intégralité des fonds consignés sur le compte CARPA à la demande de la Sotradom.

6. Cependant, ces circonstances ne sont pas de nature à priver d'objet le pourvoi formé contre l'arrêt ayant, par confirmation du jugement entrepris, dit que la créance saisie entre les mains du notaire était indisponible en raison du droit de préférence de la Sagg et ayant ordonné la mainlevée de la saisie-attribution.

7. Le pourvoi est, dès lors, recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La Soredom fait grief à l'arrêt de dire que la créance saisie entre les mains du notaire était indisponible en raison du droit de préférence de la Sagg et d'ordonner mainlevée immédiate de la saisie-attribution pratiquée le 16 mai 2013, alors « qu'en l'absence de purge des inscriptions, le créancier hypothécaire ne bénéficie d'aucun droit de préférence sur le prix de vente amiable de l'immeuble grevé ; qu'en retenant, pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, que le « droit de préférence de la Sagg [...] s'[était] reporté sur le prix de vente de l'immeuble [...] [et que] celle-ci était fondée à se prévaloir de l'indisponibilité de la créance » (arrêt, p. 11, § 2), quand elle relevait elle-même que le notaire détenait la créance saisie « dans l'attente de la purge des inscriptions » (ibid.), en sorte que le prix de vente n'avait pas été subrogé à l'immeuble grevé d'une hypothèque, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution et 2475 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. La Sagg conteste la recevabilité du moyen en soutenant que la critique développée au soutien de la première branche est contraire à l'argumentation soulevée devant les juges du fond.

10. Aux termes de ses conclusions d'appel, la Sofiag faisait valoir que la saisie-attribution entraîne l'attribution immédiate des sommes disponibles et que, dans ces conditions, si la saisie est validée, le notaire lui remettra les somme disponibles après règlement des créanciers hypothécaires qui la précéderaient par leur rang.

11. Il résulte de ces énonciations que la Soredom reconnaissait, implicitement mais nécessairement, que la Sagg bénéficiait d'un droit de préférence sur le prix de vente, de sorte que le moyen est incompatible avec la position soutenue par la Soredom devant la cour d'appel.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas recevable.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

13. La Soredom fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une saisie-attribution peut porter sur une créance indisponible et qu'elle est seulement privée de son effet attributif ; qu'en retenant, pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, que la Sagg « était fondée à se prévaloir de l'indisponibilité de la créance [saisie] », quand il résultait seulement de cette indisponibilité que la saisie n'emportait pas attribution immédiate de la créance au profit du saisissant, la cour d'appel, a violé les articles L. 211-1 et L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

14. La Sagg conteste la recevabilité du moyen en soutenant que la critique développée dans la seconde branche est contraire à la thèse soutenue par la Soredom devant les juges du fond.

15. Cependant, la Soredom faisait valoir devant la cour d'appel qu'une saisie-attribution peut être pratiquée sur une créance rendue indisponible et qu'elle est seulement privée de son effet attributif.

16. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 211-1 et L. 211-2, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution :

17. Selon le premier de ces textes, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Aux termes du second, l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.

18. Il résulte de ces textes qu'une saisie-attribution peut être pratiquée sur une créance indisponible et qu'elle est seulement privée de son effet attributif.

19. Cependant, l'arrêt retient que le droit de préférence de la Sagg s'est reporté sur le prix de vente de l'immeuble et que le montant de sa créance est supérieur à celui de la créance saisie.

20. Le moyen est, dès lors, inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles L. 211-1 et L. 211-2, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité de pratiquer une saisie attribution sur une créance indisponible : 2e Civ., 14 octobre 1999, pourvoi n° 97-19.502, Bull. 1999, II, n° 157 (cassation).

2e Civ., 2 décembre 2021, n° 20-14.092, (B)

Cassation partielle

Mesures d'exécution forcée – Titre – Titre exécutoire – Définition – Titre constatant une créance liquide et exigible – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 décembre 2019), par jugement du 30 novembre 1987, un tribunal de grande instance a condamné M. [R] [D] à payer une certaine somme à la Banque populaire du Var qui a cédé sa créance à la société Velg Participations (la société) dont M. [H] [D] était l'actionnaire unique.

2. Par jugement du 10 décembre 2007, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a ordonné la liquidation judiciaire de la société puis, par transaction homologuée selon jugement de la même juridiction du 9 février 2017, la créance de la société sur M. [R] [D] a été attribuée à M. [H] [D].

3. Ce dernier a fait pratiquer plusieurs saisies-attributions et une saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières à l'encontre de M. [R] [D] qui a saisi un juge de l'exécution.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [R] [D] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir déclarer nulles les saisies-attributions et la saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières pratiquées le 27 juin 2018 à la requête de M. [H] [D], alors :

« 1°/ que si la cession de créance transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, c'est sur le fondement de ce titre exécutoire que peuvent être mises en oeuvre les mesures d'exécution forcée en vue du recouvrement de la créance cédée ; que la décision de justice en vertu de laquelle la créance est cédée, fût-elle exécutoire, ne constitue pas, à elle seule, le titre exécutoire pouvant servir, en application des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, de fondement à une telle mesure d'exécution forcée ; qu'en considérant que les saisies litigieuses avaient pu être pratiquées sur le seul fondement du jugement exécutoire du 9 février 2017 par lequel le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg a homologué la convention portant attribution par voie de cession à M. [H] [D] de la créance sur M. [R] [D] résultant du jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 30 novembre 1987 que la Banque populaire du Var avait elle-même cédée à la société de droit luxembourgeois Velg Participation dont M. [H] [D] était l'actionnaire unique, la cour d'appel a violé les textes précités ensemble l'article 1692 ancien du code civil ;

2°/ que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou que le titre exécutoire contient des éléments suffisamment précis pour permettre d'en déterminer le montant ; qu'en retenant comme titre exécutoire propre à servir de fondement aux saisies litigieuses le jugement du 9 février 2017 dont le dispositif, qui se bornait à homologuer la transaction intervenue entre le liquidateur de la société Velg Participation et M. [H] [D], ne comportait ni évaluation en argent de la créance, ni éléments suffisamment précis pour en déterminer le montant, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 111-2 et L. 111-3, 1° et 2°, du code des procédures civiles d'exécution et l'article 41, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 :

6. Aux termes du premier de ces textes, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

Selon le deuxième, seuls constituent des titres exécutoires, d'une part, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire et, d'autre part, les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l'Union européenne applicables.

Selon le troisième, sous réserve des dispositions de la section 2 du chapitre III du règlement, la procédure d'exécution des décisions rendues dans un autre État membre est régie par le droit de l'État membre requis. Une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans l'État membre requis est exécutée dans ce dernier dans les mêmes conditions qu'une décision rendue dans l'État membre requis.

7. Il résulte du dernier de ces textes qu'un jugement rendu dans un autre Etat membre doit répondre, indépendamment de son caractère exécutoire, aux mêmes critères que ceux appliqués, en droit interne, pour déterminer si une décision rendue par une juridiction nationale permet au créancier d'en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur, de sorte qu'il doit, conformément aux dispositions de l'article L. 111-2 précité, constater, à l'encontre de ce dernier, une créance liquide et exigible.

8. Pour confirmer le jugement en toutes ses dispositions, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'examen des trois saisies litigieuses permet de constater que le titre sur le fondement duquel elles sont intervenues est constitué, non par le jugement du 30 novembre 1987, mais par le jugement rendu le 9 février 2017 par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

9. L'arrêt relève, par motifs propres, qu'aux termes de ce jugement, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a homologué la transaction intervenue le 4 janvier 2017 entre la société et M. [H] [D]. Il retient que la transaction porte sur une convention d'attribution d'actif par cession de créance, compte tenu de l'engagement de M. [H] [D], en sa qualité d'actionnaire unique de la société en liquidation, de prendre en charge les frais de liquidation, qu'il résulte de ces termes que l'homologation de la cession de créance n'est pas subordonnée au paiement préalable de « certaines sommes », contrairement à ce que soutient l'appelant, qu'une cession de créance transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, la société Velg participations, à la suite de la cession selon acte notarié du 28 mai 1998 de la créance de la Banque populaire reconnue par jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 30 novembre 1987 à l'encontre de M. [R] [D]. Il en déduit que le cessionnaire, qui bénéficie de par l'effet de la cession de tous les droits et actions appartenant au cédant, est fondé à se prévaloir du titre exécutoire que constitue le jugement du 9 février 2017.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations et énonciations que la transaction ne comportait aucun engagement de M. [R] [D] qui n'y était pas partie, de sorte que le jugement du 9 février 2017, qui ne constatait pas une créance liquide et exigible à son encontre, ne pouvait fonder une mesure d'exécution forcée sur ses biens, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de caducité de l'appel et dit que les poursuites ne sont pas prescrites, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SAS Cabinet Colin - Stoclet ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 111-2, L. 111-3, 1° et 2°, du code des procédures civiles d'exécution ; article 41, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.