Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

PRESCRIPTION CIVILE

3e Civ., 8 décembre 2021, n° 20-21.439, (B)

Cassation partielle

Délai – Point de départ – Vente – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 janvier 2020), le 13 octobre 2008, Mme [K] et M. [D] ont vendu à M. [Y] une maison avec, attenant à cette habitation, un atelier recouvert d'une toiture en tuiles.

2. Ayant constaté des infiltrations dans l'atelier, ainsi qu'un affaissement de la charpente en bois de la toiture, M. [Y], au vu d'un constat d'huissier de justice du 1er avril 2014, a assigné les vendeurs en référé expertise, le 16 mars 2015, puis au fond, le 27 septembre 2016, pour obtenir paiement des travaux de réparation et indemnisation de son préjudice de jouissance sur le fondement de la garantie des vices cachés.

3. En appel, Mme [K] et M. [D] lui ont opposé la prescription de son action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. M. [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, c'est-à-dire de la conclusion de la vente dans le cas du délai applicable à l'action en garantie des vices cachés ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer irrecevable, comme prescrite l'action présentée par M. [H] [Y], que la vente litigieuse avait été conclue le 13 octobre 2008, que M. [H] [Y] avait saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand aux fins d'obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise par un acte d'assignation en date du 13 février 2015 et que l'action de M. [H] [Y] sur le fondement de l'article 1648 du code civil était donc prescrite depuis le 14 octobre 2013, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2232 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1648, alinéa 1, 2224 et 2232 du code civil :

5. Selon le premier de ces textes, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

6. Aux termes du deuxième, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Selon le troisième, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

8. Il est de jurisprudence constante qu'avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés, qui ouvre droit à une action devant être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre à l'intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun.

9. L'article 2224 du code civil, qui a réduit ce délai à cinq ans, en a également fixé le point de départ au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.

10. En conséquence, l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré, comme en principe pour toute action personnelle ou mobilière, que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit.

11. Le droit à la garantie des vices cachés découlant de la vente, l'action en garantie des vices cachés doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente (3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, en cours de publication).

12. Pour déclarer l'action de M. [Y] irrecevable, l'arrêt retient que l'action, qui devait être engagée dans le délai de la prescription applicable à la vente, laquelle était intervenue le 13 octobre 2008, était prescrite depuis le 13 octobre 2013.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de M. [Y] sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Capron -

Textes visés :

Articles 1648, alinéa 1, 2224 et 2232 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com, 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.477, Bull. 2019, (cassation partielle), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, Bull. 2020 (cassation partielle) ; 1re Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 20-13.493, Bull. 2021 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

3e Civ., 8 décembre 2021, n° 20-18.432, (B)

Rejet

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Point de départ – Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action – Cas – Action paulienne – Acte de donation-partage de la nue-propriété d'un immeuble d'habitation

Ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer l'action paulienne que le point de départ du délai de prescription en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits.

Dès lors, une cour d'appel retient exactement que, le créancier étant réputé avoir eu connaissance de l'acte d'appauvrissement dès la date de sa publication au service de la publicité foncière, l'action paulienne qu'il engage plus de cinq ans après cette date est prescrite.

Prescription quinquennale – Actions personnelles ou mobilières – Point de départ – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 2 avril 2020), le 10 mars 2009, Mme [G], associée d'une société en nom collectif, s'est portée caution solidaire de cette société au profit de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie (la CRCAM).

2. Par acte authentique du 12 juillet 2011, publié au service de la publicité foncière le 7 septembre suivant, Mme [G] a consenti à ses deux enfants, M. [C] [J] et Mme [I] [J], une donation-partage de la nue-propriété d'un immeuble d'habitation lui appartenant.

3. Après la liquidation judiciaire de la société et la condamnation de la caution, la CRCAM a, les 20 et 23 décembre 2016, assigné Mme [G], M. [C] [J] et Mme [I] [J] en inopposabilité de la donation-partage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La CRCAM fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action paulienne, alors « que le délai de la prescription applicable à l'action paulienne suppose, pour commencer de courir, que le créancier connaisse, ou doive à tout le moins connaître, l'existence de l'acte qu'il entend voir déclarer inopposable à son endroit ; que la publication de cet acte au service de la publicité foncière ne fait pas, à elle seule, courir le délai de la prescription ; qu'en retenant, pour fixer dans l'espèce le point de départ du délai de la prescription de l'action paulienne au 7 septembre 2011, qu'« il est établi par le relevé des formalités publiées que » la donation-partage dont Mme [K] [G] a gratifié, le 12 juillet 2011, Mme [I] [J] et M. [C] [J] « a fait l'objet d'une publication au service de la publicité foncière le 7 septembre 2011, de sorte qu'ayant été régulièrement porté[e] à la connaissance des tiers du fait de sa publication, la [Crcam de Normandie] est réputée avoir eu connaissance de son existence dès cette date et avoir été ainsi en mesure d'exercer ses droits pendant un délai de cinq ans à compter du 7 septembre 2011 », la cour d'appel, qui, du coup, ne justifie pas que la Crcam de Normandie avait ou aurait dû avoir le 7 septembre 2011 la connaissance effective de la donation-partage du 12 juillet précédent, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a exactement retenu que l'action paulienne, qui vise à rendre inopposable à un créancier l'acte fait par l'un de ses débiteurs en fraude de ses droits, était une action de nature personnelle soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

6. Il est jugé que ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer son action que le point de départ en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits (3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.156, en cours de publication).

7. Ayant exactement retenu que, l'acte de donation-partage ayant été régulièrement porté à la connaissance des tiers du fait de sa publication au service de la publicité foncière le 7 septembre 2011, la banque était réputée avoir connaissance de son existence dès cette date, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'action qu'elle avait engagée plus de cinq ans après était prescrite.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Boullez -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.156, Bull. 2020, (cassation).

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