Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

OUTRE-MER

2e Civ., 16 décembre 2021, n° 20-10.724, (B)

Cassation

Dispositions particulières – Tribunaux mixtes de commerce – composition

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, 6 septembre 2019), M. [V] a, le 1er août 2017, assigné la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe en remboursement des intérêts trop perçus d'un prêt du fait de la nullité de la clause relative au taux d'intérêt.

2. Un tribunal mixte de commerce a fait droit à sa demande et a condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, notamment à lui rembourser le trop perçu d'intérêts et à émettre un nouveau tableau d'amortissement faisant application du taux d'intérêt légal.

3. M. [V] a saisi le même tribunal mixte de commerce d'une requête en rectification d'erreur matérielle portant sur la dénomination du défendeur, à laquelle il a été fait droit.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La Caisse d'épargne CEPAC fait grief au jugement de rectifier le jugement du 9 novembre 2018 en remplaçant toutes les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA » à l'exception de celles figurant dans le premier paragraphe de l'exposé du litige résumant l'assignation et les demandes contenues dans celle-ci, alors « que les jugements des tribunaux de commerce sont rendus, à peine de nullité, par des juges délibérant en nombre impair ; qu'en l'espèce, le jugement attaqué mentionne que la cause a été débattue devant M. [H] [D] faisant fonction de rapporteur et de Président, lequel en a délibéré avec trois autres juges consulaires, MM. [C] [R] [W], [T] [F] et [S] [B] ; qu'il en résulte qu'au cours de son délibéré, le tribunal était composé de quatre magistrats, de sorte que l'arrêt attaqué a été rendu en violation de la règle de l'imparité et des articles L. 722-1 du code de commerce, 430 et 447 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 732-5 du code de commerce, les jugements des tribunaux mixtes de commerce dans les départements et régions d'outre-mer sont rendus, sauf dispositions qui prévoient un juge unique, par une formation collégiale comprenant, outre le président, trois juges élus ou désignés dans les conditions prévues par l'article L. 732-7 du même code.

6. Le jugement énonce que le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, qui a délibéré, était composé d'un président et de trois juges consulaires. Il en résulte que ce tribunal était régulièrement composé.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La Caisse d'épargne CEPAC fait le même grief au jugement, alors « que le juge ne peut, sous couvert de rectification d'une erreur ou omission matérielle, modifier les droits et obligations des parties résultant de la décision ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que la Caisse d'épargne CEPAC n'était pas intervenue aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe ; qu'en substituant toutefois les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA », le tribunal a modifié les droits et obligations des parties tels qu'ils résultaient du jugement du 9 novembre 2018 et a ainsi violé l'article 462 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. M. [V] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est contraire à la thèse que soutenait la Caisse d'épargne CEPAC devant le tribunal mixte de commerce.

10. Cependant, la Caisse d'épargne CEPAC, ayant conclu devant le tribunal mixte de commerce, sans toutefois indiquer qu'elle intervenait aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, le moyen n'est pas contraire aux conclusions prises devant le tribunal mixte de commerce.

11. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

12. Il résulte de ce texte que, si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision.

13. Pour rectifier le jugement du 9 novembre 2018 en remplaçant toutes les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA », le jugement retient que la Caisse d'épargne CEPAC s'était présentée comme la société assignée par l'acte du 1er août 2017, qu'elle s'était défendue en tous points comme étant la société risquant d'être condamnée, que c'est par erreur que le jugement a indiqué que la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe était comparante en présentant les écritures de la Caisse d'épargne CEPAC comme étant les siennes, alors qu'elle avait été absorbée par celle-ci le 6 juin 2005 et que la société condamnée par le jugement du 9 novembre 2018 était nécessairement celle qui avait défendu cette instance.

14. En statuant ainsi, alors que l'assignation avait été délivrée à la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, société dissoute à la suite de la fusion-absorption par la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse, dénommée Caisse d'épargne CEPAC, et que cette dernière n'était pas intervenue aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, le tribunal, qui, sous le couvert d'une rectification d'erreur matérielle, a modifié les droits et obligations des parties, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 septembre 2019, entre les parties, par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal mixte de commerce de Basse-Terre.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Articles L. 732-5 et L. 732-7 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 octobre 1993, pourvoi n° 92-12.068, Bull. 1993, II, n° 291.

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