Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES

Soc., 8 décembre 2021, n° 19-22.810, (B)

Rejet

Article 6, § 1 – Violation – Défaut – Cas – Déclaration d'appel – Caducité – Défaut d'accomplissement de diligences dans le délai légal – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 19 juin 2019), la société Korbey d'or et le commissaire à l'exécution du plan de redressement ont relevé appel le 9 avril 2018 de la décision du conseil de prud'hommes ayant fixé au passif de la société les créances de Mme [P] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors :

« 1°/ que les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, que la société Korbey d'Or et la société AJ Partenaires « disposaient d'un délai de trois mois expirant le 9 juillet 2018 pour conclure et remettre leurs conclusions, ce qu'ils [avaient] fait en l'espèce le 6 juillet 2018 », que « le défenseur syndical a[vait] communiqué sa constitution à l'avocat des appelants le 9 mai 2018 » et qu' « il appartenait aux appelants de signifier au défenseur syndical leurs conclusions d'appel au plus tard le 9 juillet 2018, ce qu'ils n' [avaient] fait que le 17 juillet 2018 », quand elle constatait elle-même qu'aucun avocat ne s'était constitué pour Mme [P], en sorte que l'appelante disposait d'un mois supplémentaire pour notifier ses premières conclusions au défenseur syndical qui la représentait, et que ce délai avait été observé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 911 et 930-3 du code de procédure civile et, par fausse application, l'article R. 1461-1 du code du travail ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'application des règles de procédure ne peut conduire à un formalisme excessif portant atteinte à l'équité de la procédure ; en prononçant la caducité de la déclaration d'appel de la société Korbey d'Or, après avoir constaté qu'elle avait remis ses conclusions au greffe de la cour d'appel dans le délai requis et qu'elle avait notifié huit jours plus tard ses conclusions au défenseur syndical constitué pour l'intimée, et en amputant ainsi le délai pour conclure des jours matériellement nécessaires à l'acheminement d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou à la signification des conclusions par le ministèr e d'un huissier de justice, en raison de l'impossibilité pour l'avocat constitué de notifier ses conclusions au défenseur syndical par RPVA, la cour d'appel a, par excès de formalisme, porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel et violé l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

4. Selon l'article 911 du même code, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à cet article aux parties qui n'ont pas constitué avocat. Cependant, si celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

5. L'article 930-3 du code de procédure civile dispose que les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

6. Il résulte enfin de l'article R. 1461-1 du code du travail que les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical.

7. Ayant relevé que la société et le commissaire à l'exécution du plan qui avaient formé appel le 9 avril 2018, avaient signifié le 17 juillet 2018 leurs conclusions au défenseur syndical, constitué le 9 mai 2018, la cour d'appel en a exactement déduit que la déclaration d'appel était caduque.

8. La caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ces conclusions n'ont pas été signifiées au défenseur syndical dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, les délais prescrits aux parties pour effectuer les actes de procédure ne les privent pas de leur droit d'accès au juge.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Le Lay - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : articles 911 et 930-3 du code de procédure civile ; article R. 1461-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les règles de procédure civile applicables lorsqu'un défenseur syndical a été choisi par une partie pour le représenter devant la cour d'appel, à rapprocher : Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-21.349, Bull. 2021, (rejet) ; Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 20-16.518, Bull. 2021, (cassation partielle) ; Soc., 20 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.483, Bull. 2021, (rejet). Sur la conformité à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des textes sanctionnant par la caducité de la déclaration d'appel, l'absence d'accomplissement de diligences dans le délai légal, à rapprocher : 2e Civ., 24 septembre 2015, pourvoi n° 13-28.017, Bull. 2015, II, n° 207 (2) (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-11.624, Bull. 2020, (rejet).

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