Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 1 décembre 2021, n° 20-13.339, (B)

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Indemnité – Indemnisation des conséquences du licenciement injustifié – Demande en nullité du licenciement – Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 août 2019), Mme [H] a été engagée en qualité de responsable événementiel à compter du 1er septembre 2008 par la société Crofthawk France devenue la société Mandala international (la société) et a été affectée au poste de responsable administrative et financière le 1er janvier 2009.

2. La salariée a été en congé maladie puis en congé de maternité à compter du 15 avril 2016 jusqu'au 17 décembre 2016. Convoquée le 28 décembre 2016 à un entretien préalable qui s'est tenu le 12 janvier 2017, elle a été licenciée pour faute grave le 20 janvier 2017 et a saisi, le 26 mai 2017, la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la demande en nullité du licenciement n'est pas une demande nouvelle devant la cour, dire nul le licenciement de la salariée et de le condamner à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors :

« 1°/ que selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ; que cette disposition légale, interdisant la formulation de demandes nouvelles à hauteur d'appel, est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes après le 1er août 2016 ; que l'instance devant le conseil de prud'hommes a été introduite par la salariée le 26 mai 2017 ; que la société s'est en conséquence prévalue de l'irrecevabilité de la demande en nullité du licenciement présentée pour la première fois à hauteur d'appel par la salariée, cette dernière ayant sollicité le constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en première instance ; que pour écarter cette irrecevabilité, l'arrêt retient cependant que la nullité du licenciement sollicitée par la salariée constituait un moyen nouveau au sens de l'article 563 du code de procédure civile, et non une demande nouvelle, et que l'objet de la réclamation de la salariée était identique en première instance et en appel, à savoir l'indemnisation de son licenciement qu'elle considérait abusif ; qu'en statuant ainsi, cependant que la nullité du licenciement sollicitée en appel - qui avait pour objet l'anéantissement du licenciement - constituait une demande nouvelle en comparaison avec la demande de constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement présentée en première instance - prétention qui avait un objet et une fin distincts - la cour d'appel a violé les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile ;

2°/ que selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ; qu'en faisant droit à la demande de la salariée de rappel de salaire pendant la période couverte par la nullité du licenciement, cependant que cette demande, au même titre que la demande d'annulation du licenciement en elle-même, a été présentée pour la première fois à hauteur d'appel et s'avérait en conséquence frappée d'irrecevabilité, la cour d'appel a violé les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile ;

3°/ qu'une motivation inintelligible équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant d'un côté que la nullité du licenciement invoquée par la salariée constituait un moyen au sens de l'article 563 du code de procédure civile, et de l'autre qu'elle constituait une prétention au sens de l'article 565 du même code, la cour d'appel, qui a statué par un motif inintelligible en se fondant sur des constatations juridiques incompatibles entre elles, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

5. La cour d'appel, qui a constaté que les demandes formées par la salariée, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendaient à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estimait injustifié, en a exactement déduit que ces demandes tendaient aux mêmes fins et que la demande en nullité de licenciement était recevable.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement de la salariée et de le condamner à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors « que si la période de protection de dix semaines suivant le congé de maternité est suspendue par la prise de congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée, il n'en va pas de même en cas d'arrêt de travail pour maladie ; que l'arrêt de travail pour arrêt de maladie consécutif au congé de maternité relève de la période de protection relative de dix semaines durant laquelle la salariée peut se voir notifier un licenciement s'il est justifié par une faute grave ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que le congé maternité de la salariée s'est achevé le 17 décembre 2016, cette dernière ayant par la suite été placée en arrêt maladie ; que la salariée a été convoquée à un entretien préalable le 26 décembre 2016 et licenciée le 20 janvier 2017 ; qu'il s'en induit qu'au jour des actes préparatoires et du prononcé du licenciement, la salariée ne se trouvait plus en période de protection absolue pour congé maternité, mais relevait de la période de protection dite relative de dix semaines durant laquelle le licenciement peut être notifié pour faute grave ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement était entaché de nullité en raison de l'engagement des actes préparatoires et de la notification du licenciement « pendant la période de protection de la maternité », cependant que les actes préparatoires et la notification du licenciement pouvaient avoir régulièrement lieu pendant la période de protection relative de dix semaines suivant le congé de maternité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1235-3, L. 1225-4 et L. 1225-4-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1225-4 du code du travail dans sa rédaction issue la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

8. Aux termes de ce texte, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

9. Il en résulte que pendant les dix semaines suivant l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur peut notifier un licenciement pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

10. Pour dire le licenciement nul et condamner l'employeur à payer diverses sommes à la salariée, l'arrêt retient, après avoir constaté que le congé de maternité de la salariée s'était terminé le 17 décembre 2016, qu'il résulte de l'article L. 1225-4 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le congé de maternité avait pris fin le 17 décembre 2016, de sorte que l'employeur pouvait rompre le contrat de travail s'il justifiait d'une faute grave de l'intéressée non liée à son état de grossesse, et qu'il lui appartenait en conséquence de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le licenciement était justifié par une telle faute, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la demande en nullité du licenciement n'est pas une demande nouvelle, l'arrêt rendu le 27 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 565 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité des demandes présentées pour la première fois en appel et tendant aux mêmes fins que la demande initiale, à rapprocher : 3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-12.291, Bull. 2016, III, n° 35 (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 15 décembre 2021, n° 20-18.782, (B)

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement – Indemnités – Indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – Montant – Détermination – Portée

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à la charge de l'employeur ne peut excéder, au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et au montant de son salaire brut, le montant maximal fixé par ce texte exprimé en mois de salaire brut.

Licenciement – Indemnités – Indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – Cumul avec l'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement prévue à l'article L. 1226-2-1 du code du travail – Possibilité (non) – Portée

L'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement prévue à l'article L. 1226-2-1 du code du travail et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 juin 2020), M. [X] a été engagé en qualité d'ouvrier d'expédition à compter du 1er mars 1989 par la société Vicat et occupait en dernier lieu les fonctions de contremaître de quai.

2. En arrêt maladie à compter du 22 novembre 2016, il a été déclaré inapte à son poste de travail à l'issue d'un examen réalisé par le médecin du travail le 22 janvier 2018 et a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 5 avril 2018.

3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié la somme nette de 63 364,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux en mois de salaire brut ; qu'en condamnant la société Vicat à payer à M. [X], licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement le 5 avril 2018, la somme nette de 63 364,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, bien que le salarié ne pouvait prétendre, au regard de son ancienneté de vingt-neuf ans dans l'entreprise et au montant de son salaire brut au dernier état de 3 168,21 euros, qu'à une indemnité maximale de 63 364, 20 euros bruts, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :

5. Selon ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.

6. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme nette de 63 364,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (3 168,21 euros par mois), de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, il y a lieu de fixer le préjudice à la somme nette de 63 364,20 euros en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

7. En statuant ainsi, alors que le salarié ne pouvait prétendre, au regard de son ancienneté de vingt-neuf ans dans l'entreprise et au montant de son salaire brut de 3 168,21 euros, qu'à une indemnité maximale de 63 364,20 euros brut, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme nette à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, alors « que l'indemnité pour absence de notification écrite, avant l'engagement de la procédure de licenciement, des motifs qui s'opposent au reclassement d'un salarié déclaré inapte à la suite d'une maladie non professionnelle, ne se cumule pas avec l'indemnité octroyée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en condamnant la société Vicat payer à M. [B] [X] la somme nette de 63 364,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de notifier par écrit avant l'engagement de la procédure de licenciement, les motifs qui s'opposaient au reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 et L. 1226-2-1, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

9. Selon le premier de ces textes, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.

10. Aux termes du second de ces textes, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

11. Il résulte de leur combinaison que l'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas.

12. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs s'opposant à son reclassement, l'arrêt retient, après avoir condamné l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la formalité prévue à l'article L. 1226-2-1 du code du travail qui doit intervenir avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, a été accomplie postérieurement à la première convocation à l'entretien préalable.

13. En statuant ainsi, alors que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle pour défaut de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement sont exclusives l'une de l'autre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. La Cour de cassation dispose des éléments nécessaires pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 63 364,20 euros exprimée en mois de salaire brut, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

17. Au vu de la réponse apportée au second moyen, il convient de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts en application de l'article L. 1226-2-1 du code du travail.

18. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer au salarié diverses sommes n'emporte pas la cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Vicat à payer à M. [X] la somme nette de 63 364,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, l'arrêt rendu le 11 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Vicat à payer à M. [X] la somme de 63 364,20 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [X] de sa demande de dommages-intérêts en application de l'article L. 1226-2-1 du code du travail.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ; article L.1226-2-1, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de cumul de l'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement en cas d'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à rapprocher : Soc., 18 novembre 2003, pourvoi n° 01-43.710, Bull. 2003, V, n° 286 (2) (cassation).

Soc., 8 décembre 2021, n° 20-11.738, (B)

Cassation partielle

Licenciement – Indemnités – Montant – Calcul – Assiette – Rémunération perçue par le salarié – Eléments pris en compte – Sommes prélevées par l'employeur au titre de l'impôt sur le revenu dû par le salarié – Portée

En application des articles L. 1234-5, L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail, le montant des indemnités de rupture doit être déterminé sur la base de la rémunération perçue par le salarié dont peuvent seulement être déduites les sommes représentant le remboursement de frais exposés pour l'exécution du travail. Il en résulte que les sommes prélevées par l'employeur sur les salaires au titre de l'impôt sur le revenu dû par le salarié ne peuvent être exclues de la rémunération pour le calcul des indemnités de rupture.

Licenciement – Indemnités – Montant – Calcul – Assiette – Rémunération perçue par le salarié – Eléments exclus – Frais exposés pour l'exécution du travail – Remboursement – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2019), rendu après cassation (Soc., 8 mars 2017, pourvoi n° 15-28.021), M. [E] a été engagé le 1er novembre 1979 par la Banque centrale populaire du Maroc (la BCP) en qualité d'attaché commercial.

La relation de travail s'est d'abord exécutée au Maroc. A compter du 21 novembre 1983, le salarié a été affecté au sein du bureau de représentation de la BCP en France, à [Localité 3]. Il a ensuite travaillé exclusivement à [Localité 3] où il exerçait en dernier lieu les fonctions de délégué commercial.

2. Par lettre du 21 mai 2010, la BCP a informé le salarié que, dans le cadre du plan de mobilité des cadres du Crédit populaire du Maroc et pour des raisons de service, il était affecté au siège social de la BCP, situé à Casablanca au Maroc à compter du 1er juillet 2010.

Le 18 juin 2010, le salarié a refusé cette affectation en soutenant qu'elle était constitutive d'une modification de son contrat de travail et partant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3. Le 29 juin 2010, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

4. Le 27 juillet 2010, la BCP a adressé au salarié une lettre par laquelle elle constatait la rupture du contrat de travail pour abandon de poste depuis le 1er juillet 2010.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, du pourvoi principal du salarié, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation en ses deux premières branches et qui est irrecevable en sa quatrième branche.

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le droit français est applicable au contrat de travail, de décider que la prise d'acte est bien fondée et a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la BCP à payer au salarié diverses sommes, de statuer sur les intérêts et la capitalisation des intérêts et de débouter la BCP de ses autres demandes, alors « qu'en application des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, la loi applicable au contrat de travail est celle choisie par les parties ; que l'article 6 se borne à prévoir, à titre de correctif, que le salarié a néanmoins droit, dans le cadre de l'application du droit étranger, à la protection que lui assurerait la mise en oeuvre des dispositions impératives de la loi applicable à défaut de choix ; qu'en décidant que le contrat de travail était régi, dans son ensemble, par le droit français quand les parties avaient choisi la loi marocaine, les juges du fond, s'écartant du dispositif prévu par l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, en ont violé les termes. »

Réponse de la Cour

7. En vertu de l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Celles-ci peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

Selon l'article 6 de ladite convention, le choix de la loi applicable par les parties à un contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du même texte.

8.L'arrêt qui décide de faire application de la loi française en ses dispositions relatives à la rupture du contrat de travail en ce qu'elles sont plus favorables que la loi marocaine choisie par les parties, n'énonce pas que le contrat de travail est régi, dans son ensemble, par le droit français.

9. Le moyen est dès lors inopérant.

10. La question préjudicielle soumise par l'employeur reposant sur le postulat inexact selon lequel la cour d'appel a énoncé que le contrat de travail est régi, dans son ensemble, par le droit français, est dénuée de pertinence. Il n'y a donc pas lieu de la transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne.

Sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que la comparaison entre le droit choisi et le droit applicable au titre de loi d'exécution du contrat s'effectue bloc par bloc ; qu'à supposer même que le droit français ait été applicable comme plus protecteur du salarié en tant qu'il assimilait, au titre des modes de rupture, la prise d'acte à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de toute façon, une fois ce constat opéré, le droit marocain, choisi par les parties, recouvrait son empire ; que les juges du fond devaient dès lors l'appliquer sauf à constater, au stade des droits indemnitaires, que le droit français assurait une protection non prévue par le droit marocain ; que faute de procéder de la sorte, les juges du fond ont violé l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980. »

Réponse de la Cour

12. D'abord, la détermination du caractère plus favorable d'une loi doit résulter d'une appréciation globale des dispositions de cette loi ayant le même objet ou se rapportant à la même cause.

13. Ensuite, il résulte des dispositions de l'article 3-3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que les dispositions impératives d'une loi sont celles auxquelles cette loi ne permet pas de déroger par contrat.

14. Il ne peut être dérogé par contrat aux dispositions de la loi française en matière de rupture du contrat de travail.

15. La cour d'appel, qui a retenu que concernant la rupture du contrat de travail, le code du travail marocain ne prévoit pour le salarié, en son article 34, que l'hypothèse de la démission et qu'il énumère limitativement, en son article 40, les cas de fautes graves commises par l'employeur de nature à dire le licenciement abusif, si le salarié quitte son travail, en raison de l'une de ces fautes si elle établie : « insulte grave, pratique de toute forme de violence ou d'agression dirigée contre le salarié, harcèlement sexuel, incitation à la débauche », en a exactement déduit que les dispositions impératives de la loi française en matière de rupture du contrat de travail, telles qu'interprétées de manière constante par la Cour de cassation, selon lesquelles la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié qui démontre l'existence d'un manquement suffisamment grave de son employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit à son profit au paiement des indemnités afférentes, étaient plus favorables.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

17. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des dispositions des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soumise par la BCP.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

18. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter son indemnisation aux sommes de 5 819,46 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 581,94 euros au titre des congés payés afférents au préavis, 17 124,29 euros au titre de l'indemnité de licenciement et 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le salaire de référence servant de base au calcul des indemnités de rupture est égal à la totalité de la rémunération versée en contrepartie du travail au cours des 3 ou 12 derniers mois, dont ne peuvent être déduites les sommes prélevées par l'employeur au titre de l'impôt sur le revenu, qui ne viennent pas diminuer le montant de la rémunération du salarié ; qu'en refusant pourtant de réintégrer dans le montant du salaire de base l'impôt sur le revenu prélevé directement par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail :

19. En application de ces textes, le montant des indemnités de rupture doit être déterminé sur la base de la rémunération perçue par le salarié dont peuvent seulement être déduites les sommes représentant le remboursement de frais exposés pour l'exécution du travail.

20. Pour allouer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salaire de référence doit être fixé sur la base du salaire brut moyen calculé sur trois mois sans qu'il y ait lieu de réintégrer la somme correspondant à l'impôt sur le revenu prélevé par l'employeur directement comme les autres cotisations.

21. En statuant ainsi, alors que les sommes prélevées par l'employeur au titre de l'impôt sur le revenu marocain dû par le salarié ne pouvaient être exclues de la rémunération pour le calcul des indemnités de rupture, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

22. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une convention collective étendue est applicable à l'ensemble des entreprises entrant dans son champ d'application professionnel et territorial ; qu'en retenant, après avoir jugé le droit français applicable, qu'il n'était pas établi que la banque centrale populaire du Maroc ait souscrit à la convention collective nationale française des banques pour en écarter l'application, lorsque cette convention collective étant étendue, il importait seulement de déterminer si la banque entrait dans son champ d'application, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles L. 2261-15 et L. 2261-16 du code du travail, ensemble l'article 1er de la convention collective nationale des banques. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, les articles L. 2261-15 et L. 2261-19 du code du travail et le principe de séparation des pouvoirs :

23. D'abord, en vertu des deux premiers de ces textes, les règles d'application des conventions collectives étant fixées par des normes légales et impératives tendant à protéger les salariés, l'application du droit français emporte celle des conventions qu'il rend obligatoires.

24. Ensuite, en application des deux derniers de ces textes et du principe susvisé, lorsqu'il s'agit d'un accord collectif professionnel, l'arrêté d'extension suppose nécessairement, sous le contrôle du juge administratif, vérification de la représentativité dans ce champ des organisations syndicales et patronales signataires ou invitées à la négociation. Il en résulte que le juge judiciaire n'a pas à vérifier, en présence d'un accord professionnel étendu, que l'employeur, compris dans le champ d'application professionnel et territorial de cet accord, en est signataire ou relève d'une organisation patronale représentative dans le champ de l'accord et signataire de celui-ci.

25. Pour écarter l'application de la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000, s'agissant de l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le salarié prétend à l'application des dispositions de la convention collective nationale française des banques mais qu'aucun élément ne permet de dire que la BCP y a souscrit.

26. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors d'une part que l'application du droit français à la rupture du contrat de travail emporte, dans cette matière, celle des conventions qu'il rend obligatoires, d'autre part que la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000 a été étendue par arrêté du 17 novembre 2004, ce dont il résulte qu'il lui appartenait de déterminer si la BCP entrait dans le champ d'application de cette convention collective, tel que défini par l'article 1er de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé.

Et sur le second moyen du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

27. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter l'indemnisation des préjudices distincts subis à 50 000 euros, alors « que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions, M. [E] faisait valoir que dans le cadre de son règlement intérieur, la banque faisait bénéficier ses salariés d'un régime complémentaire de prévoyance auquel il avait cotisé et qui lui ouvrait droit à la somme de 370 663,27 dirhams par suite de son licenciement, qui ne lui avait pas été réglée ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire pour statuer sur les préjudices distincts dont M. [E] demandait réparation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

28. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen qui critique une omission de statuer est irrecevable.

29. Cependant, la cour d'appel ayant relevé dans ses motifs que le salarié sollicitait le paiement d'une somme correspondant à un pécule que lui devrait l'employeur au titre du régime complémentaire de prévoyance du Crédit populaire du Maroc, le moyen ne critique pas une omission de statuer.

30. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

31. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

32. Pour fixer l'indemnisation du salarié à la somme de 50 000 euros pour préjudices distincts, l'arrêt retient que l'employeur n'a pas affilié le salarié au régime de sécurité sociale français, ni à un régime de retraite complémentaire et ne cotisait pas aux Assedic, alors que compte tenu de l'exercice par le salarié d'un travail en France pendant une aussi longue période dans le cadre d'un établissement situé en France, les dispositions dérogatoires de la convention franco-marocaine ne pouvaient s'appliquer, que cependant l'employeur a cotisé pour l'ensemble de ces organismes au Maroc et le salarié reconnaît percevoir de deux caisses marocaines la somme mensuelle de 842,43 euros, que le salarié est en droit, au vu des manquements de son employeur concernant l'absence de diligences à le faire bénéficier des droits et avantages des régimes de protection sociale notamment en cas de chômage, de sécurité sociale, et de retraite français, manifestement plus avantageux que ceux du Maroc, à obtenir une indemnisation au titre de la perte de chance pour l'ensemble des préjudices invoqués et ce de façon distincte du préjudice issu de la perte de son emploi.

33. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que dans le cadre de son règlement intérieur la BCP faisait souscrire à ses salariés un régime complémentaire, intitulé RCP-CPM, et qu'en application des articles 12 et 13 de ce règlement intérieur, déterminant la liquidation et les montants à verser aux salariés, il lui était dû la somme totale de 370 663,27 dirhams qui ne lui avait jamais été versée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Banque centrale populaire du Maroc à payer à M. [E] les sommes de 5 819,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 581,94 euros à titre de congés payés afférents au préavis, 17 124,29 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 50 000 euros pour préjudices distincts, l'arrêt rendu le 27 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 3, § 3, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; articles L. 1234-5, L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail ; articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; articles L. 2261-15 et L. 2261-19 du code du travail ; principe de séparation des pouvoirs.

Rapprochement(s) :

Sur l'application des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 concernant la protection du salarié par les dispositions impératives de la loi applicable par défaut, à rapprocher : Soc., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-13.497, Bull. 2015, V, n° 152 (cassation), et l'arrêt cité ; Soc., 28 octobre 2015, pourvoi n° 14-16.269, Bull. 2015, V, n° 203 (cassation partielle). Sur l'application de la loi française qui emporte l'application des conventions collectives qu'elle rend obligatoires, à rapprocher : Soc., 29 septembre 2010, pourvoi n° 09-68.852, Bull. 2010, V, n° 200 (3) (rejet), et l'arrêt cité. Sur l'office du juge judiciaire en matière d'application d'un accord collectif étendu, à rapprocher : Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 17-31.442, Bull., (cassation partielle).

Soc., 1 décembre 2021, n° 19-24.766, n° 19-25.812, n° 19-26.269, (B) (R)

Rejet et cassation partielle

Licenciement – Nullité – Effets – Réintégration – Réparation du préjudice subi au cours de la période d'éviction – Etendue – Exclusion – Cas – Droit à congés payés (non) – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-24.766, 19-26.269 et 19-25.812 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2019), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 6 octobre 2017, pourvoi n° 16-17.164), M. [T], engagé le 5 novembre 2008 en qualité de « principal consultant », directeur conseil France, par la société Frost & Sullivan Limited (la société), puis à partir de l'avenant du 31 janvier 2011 pour les seules activités de « principal consultant », a été victime d'un accident du travail le 24 juin 2010 et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 5 juillet suivant.

3. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 10 août 2012.

4. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens des pourvois n° 19-24.766 et 19-26.269, et sur le moyen du pourvoi n° 19-25.812, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen des pourvois n° 19-24.766 et 19-26.269

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui payer une rémunération de 8491,66 euros pour chaque mois écoulé entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration assortie des congés payés afférents, alors « que ce qui est annulé est réputé ne jamais avoir existé et l'annulation requiert de rétablir le statu quo ante ; qu'en affirmant que la période d'éviction n'ouvrait pas droit à acquisition de jours de congés payés après avoir pourtant constaté qu'il y avait lieu d'annuler le licenciement du salarié ce dont il résultait qu'il était fondé à solliciter le paiement de toutes les sommes et les droits dont il aurait bénéficié s'il n'avait pas été licencié, en ce compris ses salaires et les jours de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article 1101 du code civil, ensemble l'article L. 1226-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail :

7. Aux termes du premier de ces textes, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

8. Aux termes du second de ces textes, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

9. La Cour de cassation a jugé que la période d'éviction ouvrant droit, non à une acquisition de jours de congés, mais à une indemnité d'éviction, le salarié ne pouvait bénéficier effectivement de jours de congés pour cette période (Soc., 11 mai 2017, pourvoi n° 15-19.731, 15-27.554, Bull. 2017, V, n° 73 ; voir également Soc., 30 janvier 2019, pourvoi n° 16-25.672). Elle a jugé de même que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite des salaires dont il a été privé et qu'il ne peut acquérir de jours de congés pendant cette période (Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-19.004).

10. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 25 juin 2020 (CJUE, 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, aff. C- 762/18 et Iccrea Banca, aff. C-37-19), a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n'a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi, au motif que, pendant cette période, ce travailleur n'a pas accompli un travail effectif au service de l'employeur.

11. La Cour de justice a précisé dans cette décision que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit au congé annuel, consacré à l'article 7 de la directive 2003/88, a une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d'une part, et disposer d'une période de détente et de loisirs, d'autre part (arrêt du 20 juillet 2016, Maschek, C-341/15, EU :C :2016 :576, point 34 et jurisprudence citée) (point 57).

12. Cette finalité, qui distingue le droit au congé annuel payé d'autres types de congés poursuivant des finalités différentes, est basée sur la prémisse que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence.

En effet, l'objectif de permettre au travailleur de se reposer suppose que ce travailleur ait exercé une activité justifiant, pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé visée par la directive 2003/88, le bénéfice d'une période de repos, de détente et de loisirs. Partant, les droits au congé annuel payé doivent en principe être déterminés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu du contrat de travail (arrêt du 4 octobre 2018, Dicu, C-12/17, EU :C :2018 :799, point 28 et jurisprudence citée) (point 58).

13. Cela étant, dans certaines situations spécifiques dans lesquelles le travailleur est incapable de remplir ses fonctions, le droit au congé annuel payé ne peut être subordonné par un État membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, EU :C :2012 :33, point 20 et jurisprudence citée) (point 59).

14. Il en est ainsi, notamment, en ce qui concerne les travailleurs qui sont absents du travail à cause d'un congé de maladie au cours de la période de référence.

En effet, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour, au regard du droit au congé annuel payé, ces travailleurs sont assimilés à ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période (arrêt du 4 octobre 2018, Dicu, C-12/17, EU :C :2018 :799, point 29 et jurisprudence citée) (point 60).

15. Or, il y a lieu de constater que, tout comme la survenance d'une incapacité de travail pour cause de maladie, le fait qu'un travailleur a été privé de la possibilité de travailler en raison d'un licenciement jugé illégal par la suite est, en principe, imprévisible et indépendant de la volonté de ce travailleur (point 67).

16. Dès lors, la période comprise entre la date du licenciement illégal et la date de la réintégration du travailleur dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de ce licenciement par une décision judiciaire, doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé (point 69).

17. Enfin, il convient de préciser, que, dans l'hypothèse où le travailleur concerné a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de sa réintégration dans son premier emploi, ce travailleur ne saurait prétendre, à l'égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi (points 79 et 88).

18. Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais que, sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d'éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail.

19. Pour rejeter la demande du salarié tendant à obtenir que la société soit condamnée à lui payer une rémunération pour chaque mois écoulé entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration assortie des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salaire mensuel à prendre en considération pour calculer l'indemnité d'éviction s'élève à 8 491,66 euros, soit la rémunération perçue en moyenne par l'intéressé avant la rupture, et que la période d'éviction n'ouvre pas droit à acquisition de jours de congés.

20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

21. La cassation prononcée (sur le deuxième moyen des pourvois n° 19-24.766 et 19-26.269) n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° 19-25.812 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de sa demande au titre des congés payés afférents à l'indemnité d'éviction, l'arrêt rendu le 25 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'ouverture du droit à l'acquisition de congés durant la période d'éviction précédant la réintégration du salarié : CJUE, arrêt du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, C- 762/18 et Iccrea Banca, C-37-19. En sens contraire : Soc., 11 mai 2017, pourvoi n° 15-19.731, Bull. 2017, V, n° 73 (rejet).

Soc., 1 décembre 2021, n° 19-25.715, (B)

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement – Salarié protégé – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation par l'autorité administrative – Réintégration – Impossibilité de réintégration – Caractérisation – Applications diverses – Agissements de harcèlement moral par le supérieur hiérarchique – Portée

En application de l'article L. 2422-1 du code du travail, le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être, s'il le demande, réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que l'employeur ne peut licencier un salarié à la suite d'un licenciement pour lequel l'autorisation a été annulée que s'il a satisfait à cette obligation ou s'il justifie d'une impossibilité de réintégration.

Ayant constaté que, tenu par son obligation de sécurité dont participe l'obligation de prévention du harcèlement moral, l'employeur ne pouvait pas réintégrer une salariée dès lors que celle-ci était la supérieure hiérarchique des autres salariés de l'entreprise, lesquels soutenaient avoir été victimes du harcèlement moral de cette dernière et avaient à ce propos exercé leur droit de retrait, de sorte qu'était caractérisée l'impossibilité de réintégration, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Licenciement – Salarié protégé – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation par l'autorité administrative – Réintégration – Obligation de l'employeur – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 octobre 2019), Mme [D] a été engagée en 1978, à temps partiel, par l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie de Picardie (UIMM Picardie), et à compter de 1996, à temps partiel également, par l'Association Développement Formations Industries de la Métallurgie (ADEFIM) Picardie. Elle a été plusieurs années représentante employeur, désignée par le MEDEF, au conseil d'administration de l'URSSAF de l'Oise.

2. La salariée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement par ses deux employeurs le 9 décembre 2008, et licenciée, avec autorisation de l'inspecteur du travail, pour faute grave, le 27 mars 2009.

3. Le 21 août 2009, l'autorisation de licenciement a été annulée sur recours hiérarchique par le ministre du travail pour défaut de motivation.

Le recours contre la décision d'annulation a été rejeté par le tribunal administratif par jugement du 6 décembre 2011, jugement qui a été confirmé par la cour administrative d'appel le 14 mars 2013.

Par arrêts du 11 juin 2014, le Conseil d'Etat n'a pas admis les pourvois.

4. Le 28 septembre 2009, la salariée a été licenciée pour faute grave pour les mêmes motifs.

5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour demander l'annulation de son licenciement le 14 octobre 2009.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de constater que les licenciements notifiés selon la procédure de droit commun le 28 septembre 2009 sont licites, qu'ils reposent sur une faute grave et de la débouter en conséquence de ses demandes à ce titre, alors « que l'employeur ne peut refuser la réintégration d'un salarié protégé après annulation de l'autorisation fondant son licenciement que s'il justifie d'une impossibilité absolue de réintégration ; que le refus d'une partie du personnel de travailler à nouveau avec ce salarié ne saurait constituer une telle impossibilité ; qu'en affirmant que les employeurs avaient excipé d'une cause légitime pour ne pas procéder à la réintégration de Mme [D] en prenant en considération les desiderata des salariés ayant exercé leur droit de retrait, en soutenant qu'ils avaient été victimes d'un harcèlement de la part de cette salariée, quand une telle circonstance était impropre en elle-même à caractériser une impossibilité absolue de réintégration, ce que les juges du fond auraient dû vérifier in concreto et relever, la cour d'appel d'Amiens a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2422-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. En application de l'article L. 2422-1 du code du travail, le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être, s'il le demande, réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que l'employeur ne peut licencier un salarié à la suite d'un licenciement pour lequel l'autorisation a été annulée que s'il a satisfait à cette obligation ou s'il justifie d'une impossibilité de réintégration.

9. Ayant constaté que, tenu par son obligation de sécurité dont participe l'obligation de prévention du harcèlement moral, l'employeur ne pouvait pas réintégrer la salariée dès lors que celle-ci était la supérieure hiérarchique des autres salariés de l'entreprise, lesquels soutenaient avoir été victimes du harcèlement moral de cette dernière et avaient à ce propos exercé leur droit de retrait, de sorte qu'était caractérisée l'impossibilité de réintégration, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner in solidum l'UIMM de Picardie et l'ADEFIM de Picardie à lui payer la somme de 22 112,52 euros à titre de réparation pour la période d'éviction du 1er avril au 30 septembre 2009 et de la débouter en conséquence de sa demande de confirmation du jugement en ce qu'il avait condamné l'UIMM Oise au versement de sommes de 45 644,52 euros à titre de rappel de salaire et de 4 564,45 euros au titre des congés payés et condamné l'ADEFIM Oise au versement des sommes respectivement de 4 953 euros et 495,30 euros, alors « que l'indemnité d'éviction due au salarié protégé, licencié sur le fondement d'une autorisation de l'inspecteur du travail définitivement annulée, constitue un complément de salaire qui couvre nécessairement les salaires et congés payés dont le salarié, illégalement évincé, aurait dû bénéficier ; qu'en jugeant que la période d'éviction n'ouvrait pas droit à l'acquisition de jours de congés et que Mme [D] ne pouvait bénéficier ni de jours de congés pour cette période, ni d'indemnités à ce titre, la cour d'appel d'Amiens a violé l'article L. 2422-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2422-4 du code du travail :

11. En vertu de l'article précité, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.

12. L'indemnité due, en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, au salarié protégé, licencié sur le fondement d'une décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ensuite annulée, a, de par la loi, le caractère d'un complément de salaire. Il en résulte que cette indemnité ouvre droit au paiement des congés payés afférents.

13. Pour rejeter la demande formée par la salariée au titre des congés payés, l'arrêt retient que la période d'éviction ouvre droit non à une acquisition de jours de congés mais à une indemnité d'éviction, et qu'ainsi la salariée ne peut pas bénéficier de jours de congés pour cette période.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il y a lieu d'allouer à la salariée une indemnité de congés payés pour la période d'éviction du 1er avril 2009 au 30 septembre 2009.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [D] de sa demande de paiement de l'indemnité de congés payés pour la période couverte par l'indemnité d'éviction, l'arrêt rendu le 16 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne in solidum l'ADEFIM Picardie et l'UIMM de Picardie à payer à Mme [D] la somme de 2 211,25 euros au titre des congés payés pour la période d'éviction du 1er avril au 30 septembre 2009.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2422-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la portée de l'obligation de réintégration, à rapprocher : Soc., 30 juin 2004, pourvoi n° 02-41.686, Bull., 2004, V, n° 185 (1) (cassation partielle partiellement sans renvoi) ; Soc., 24 juin 2014, pourvoi n° 12-24.623, Bull. 2014, V, n° 156 (cassation). Sur l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur en matière de prévention des agissements de harcèlement moral, à rapprocher : Soc., 1 juin 2016, pourvoi n° 14-19.702, Bull. 2016, V, n° 123 (cassation partielle).

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