Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

CHOSE JUGEE

2e Civ., 16 décembre 2021, n° 20-15.735, (B)

Cassation

Autorité de la chose jugée – Décision dépourvue de l'autorité de la chose jugée – Ordonnance statuant sur la recevabilité de la déclaration de saisine après renvoi de cassation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Paris, 29 novembre 2019) et les productions, la société Paris Villiers (la société) a acquis, en 2003, un immeuble qu'elle a rénové, puis divisé, et vendu par lots de copropriété, les actes de vente comportant, en annexe, un rapport de la société Socotec relatif à l'état de la couverture.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) a, après une expertise judiciaire, assigné la société, la société Axa France IARD, son assureur, et la société Socotec, afin qu'ils soient déclarés solidairement responsables des désordres survenus en toiture.

2. Par un jugement du 3 avril 2012, un tribunal de grande instance a déclaré le syndicat des copropriétaires irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société et son assureur et l'a débouté de ses demandes à l'encontre de la société Socotec.

3. Par un arrêt du 16 janvier 2014, une cour d'appel a confirmé le jugement déféré.

4. Par un arrêt du 24 juin 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation (3e Civ., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-15.205) a cassé cet arrêt.

5. Le 14 octobre 2015, le syndicat des copropriétaires a adressé au greffe de la cour d'appel de renvoi une déclaration de saisine par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, laquelle a été déclarée irrecevable par une ordonnance du président de chambre du 26 septembre 2018.

6. Le 12 septembre 2018, le syndicat des copropriétaires a déposé au greffe de la cour d'appel une nouvelle déclaration de saisine sur renvoi après cassation par la voie électronique.

Sur le premier moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la déclaration de saisine de la cour effectuée par message électronique du 12 septembre 2018, alors « que l'irrégularité découlant de la saisine de la juridiction de renvoi par lettre est une fin de non-recevoir, susceptible d'être régularisée tant qu'aucune décision définitive n'a déclaré irrecevable ledit acte de saisine ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que celle-ci a été saisie par lettre recommandée avec accusé de réception, qu'une nouvelle déclaration de saisine a été régularisée par voie électronique le 12 septembre 2018 et que la première déclaration a été jugée irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 26 septembre 2018 ; qu'en estimant que la seconde déclaration de saisine n'avait pas pu régulariser la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité du mode de transmission de la première, la cour d'appel a violé les articles 126, 1032 et 1034 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 126, alinéa 1, 775, 907, 914 et 916 du code de procédure civile :

9. Selon le premier de ces textes, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

10. Il résulte des trois derniers de ces textes que l'ordonnance du président de chambre, statuant sur la recevabilité de la déclaration de saisine après renvoi de cassation, n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée.

11. Pour déclarer irrecevable la déclaration de saisine du 12 septembre 2018, l'arrêt retient que par une ordonnance du 26 septembre 2018, qui n'a pas été déférée à la cour d'appel, le président de chambre a déclaré irrecevable la déclaration de saisine du 14 octobre 2015, sans que le syndicat des copropriétaires ne se prévale de sa régularisation, de sorte qu'il a été conféré force de chose jugée au jugement du 3 avril 2012.

12. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance du président de chambre du 12 septembre 2018 n'ayant pas autorité de la chose jugée, l'irrégularité de la première déclaration de saisine, constituant une fin de non-recevoir, pouvait être régularisée par une nouvelle déclaration de saisine régulièrement formée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Occhipinti ; Me Bouthors ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Delamarre et Jehannin -

2e Civ., 2 décembre 2021, n° 20-12.851, (B)

Cassation

Portée – Décision du juge des référés – Jugement préalable sur le fond

Méconnait l'autorité de chose jugée attachée au jugement au fond ayant débouté une partie de demandes similaires à celles soumises au juge des référés, la cour d'appel qui confirme l'ordonnance de référé liquidant l'astreinte fixée par une précédente ordonnance.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2019), M. [V] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée du 4 octobre 2012 par la société Sodaic sécurité (Sodaic), titulaire d'un marché de sécurité confié par la société Aéroports de Paris. M. [V] a été désigné en qualité de représentant de section syndicale.

2. Le marché public Aéroports de Paris a été attribué à la société Checkport sécurité (la société Checkport) avec effet au 1er août 2017.

3. Une autorisation de transfert de ce salarié à la nouvelle société, eu égard à son statut de salarié protégé, a été sollicitée auprès de l'inspection du travail, qui l'a accordée le 11 juillet 2017.

La société Checkport a été avisée de cette autorisation le 16 août 2017.

4. Considérant que cette transmission était intervenue plus de quinze jours après le transfert du marché, la société Checkport a considéré que M. [V] était resté dans les effectifs de la société Sodaic et ne lui a pas fourni de travail.

5. M. [V] a pris acte de la rupture du contrat de travail avec la société Checkport et a saisi un juge des référés d'une demande de réintégration dirigée à l'encontre des deux sociétés.

6. Par ordonnance de référé du 15 décembre 2017, le juge a mis hors de cause la société Sodaic et a ordonné sous astreinte à la société Checkport la reprise du contrat de travail. Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel du 24 janvier 2019.

7. Par ordonnance du 1er mars 2019, le juge des référés a liquidé l'astreinte.

8. M. [V] a saisi un conseil des prud'hommes d'une demande tendant à requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

9. Par jugement du 30 avril 2019 qui a fait l'objet d‘un appel, le conseil des prud'hommes a débouté M. [V] de toutes ses demandes au motif que la société Checkport n'était pas son employeur.

10. La société Checkport a interjeté appel de l'ordonnance du 1er mars 2019.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La société Checkport fait grief à l'arrêt d'ordonner la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 15 décembre 2017, de la condamner à verser à M. [V] la somme de 16 400 euros au titre de la liquidation d'astreinte arrêtée au 27 juillet 2018, aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée, à l'inverse du jugement au fond qui vient s'y substituer ; que par ordonnance de référé rendue le 15 décembre 2017, le conseil des prud'hommes de Bobigny a « ordonné à la société Checkportsécurité la reprise du contrat de travail de M. [V] » assortissant cette condamnation d'une astreinte ; que par jugement rendu au fond le 30 avril 2019, le conseil des prud'hommes de Bobigny a débouté M. [V] de sa demande tendant à voir imputer la rupture de son contrat de travail, dont il avait pris acte aux torts de la société Checkportsécurité faute pour cette dernière d'avoir repris son contrat de travail, après avoir jugé que la société Sodaic « ne pouvait transférer M. [V] et que son transfert devait être considéré comme nul » et que « M. [V] ne saurait prétendre être salarié de la société Checkport et qu'elle ne lui aurait jamais fourni de travail puisqu'il n'a jamais été transféré dans celle-ci » ; qu'en retenant que ce jugement ne tranchait pas les mêmes contestations que celles soumises à la juridiction des référés, et que le rejet par la juridiction du fond des demandes de M. [V] dirigées contre la société Checkportsécurité tendant à faire juger que la rupture de son contrat de travail devait s'analyser en un licenciement nul, n'avait pas d'incidence sur l'obligation antérieurement constatée par le juge des référés, pesant sur cette société, de reprendre à compter du 1er août 2017 le contrat de travail de l'intéressé, la cour d'appel a violé les articles 480 et 488 du Code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 480 et 488 du code de procédure civile :

12. Selon le premier de ces textes, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a autorité de la chose jugée dès son prononcé.

Aux termes du second, l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée.

13. Pour confirmer l'ordonnance de référé du 1er mars 2019 et liquider l'astreinte à une certaine somme, l'arrêt retient que l'ordonnance de référé est exécutoire de plein droit en application de l'article 489 du code de procédure civile, qu'elle a été confirmée par un arrêt du 24 janvier 2019 et que l'argument de la société est inopérant dès lors que le jugement ne tranche pas les mêmes contestations que celles soumises à la juridiction de référé.

14. En statuant ainsi, alors que le jugement, revêtu dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée, avait, dans son dispositif, débouté M. [V] de l'intégralité de ses demandes, parmi lesquelles figurait celle de voir reconnaître le transfert de son contrat de travail à la société Checkport et la reconnaissance de sa qualité de salarié de cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Ortscheidt -

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.