Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

CESSION DE CREANCE

3e Civ., 8 décembre 2021, n° 20-16.152, (B)

Rejet

Cession de créance professionnelle – Cessionnaire – Débiteur cédé – Notification – Nécessité – Défaut – Cas

Il résulte de la combinaison des articles L. 313-28 et R. 313-17 du code monétaire et financier que le second de ces textes, qui désigne l'autorité à laquelle la notification doit être faite lorsque la créance est cédée ou nantie au titre d'un marché public, n'est applicable qu'aux cessions de créance détenues sur des personnes morales de droit public.

Une cour d'appel, qui relève que le débiteur cédé, contre lequel est dirigée l'action en paiement, est l'entreprise principale, peu important que celle-ci ait été titulaire d'un marché de travaux publics, en déduit exactement que la cessionnaire n'avait pas à notifier la cession de créance entre les mains du comptable assignataire, le maître de l'ouvrage public n'étant ni débiteur cédé ni défendeur à l'action en paiement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2019), la société Eiffage énergie systèmes transport et distribution (la société Eiffage), titulaire d'un marché de travaux publics, a confié la réalisation de certains travaux à un sous-traitant.

2. Le 26 avri 2016, le sous-traitant a établi une facture au nom de la société Eiffage d'un montant de 61 556 euros, laquelle a été réglée le 30 juin 2016 par paiement direct du maître de l'ouvrage sur un compte à créditer ouvert dans les livres de la société Oséo, devenue Bpifrance financement, conformément à la mention apposée sur cette facture par son émetteur.

3. Selon acte de cession du 6 mai 2016, le sous-traitant a cédé cette créance à la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin (la Caisse d'épargne), laquelle a notifié cette cession à la société Eiffage le 10 mai 2016.

4. Ne parvenant pas à obtenir le règlement de sa créance, la Caisse d'épargne a assigné en paiement la société Eiffage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Eiffage fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la Caisse d'épargne le montant de la créance, alors :

« 1°/ que la notification de la cession de la créance d'un sous-traitant contre l'entrepreneur titulaire du marché doit être faite entre les mains du comptable public assignataire dès lors que le sous-traitant bénéficie d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, transmis de plein droit avec la créance ; qu'en retenant, pour juger que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Epargne le paiement réalisé par le maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, que la créance de la société TBCO, sous-traitante, contre la société Eiffage, entrepreneur titulaire du marché, était née entre deux sociétés de droit privé, de sorte que la cession de créance dont se prévalait la Caisse d'Epargne n'était pas soumise aux dispositions applicables aux cessions de créance « au titre d'un marché public », quand la société TBCO, cédante, était titulaire d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article R. 313-17 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

2°/ que le paiement direct du sous-traitant du titulaire d'un marché public, ou de ses ayants-droits, par le maître de l'ouvrage, est libératoire même s'il est réalisé postérieurement à la cession par le sous-traitant de sa créance contre l'entrepreneur et à la notification de cette cession à ce dernier ; qu'en retenant que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Épargne le paiement réalisé par la maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, quand ce paiement était intervenu dans le cadre d'une procédure de paiement direct, et ne constituait donc pas un paiement interdit après la notification à l'entrepreneur en application de l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, l'établissement de crédit ou la société de financement cessionnaire d'une créance par remise de bordereau, peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès du cessionnaire.

7. Aux termes de l'article R. 313-17 du même code, lorsque la créance est cédée ou nantie au titre d'un marché public, la notification doit être faite entre les mains du comptable assignataire désigné dans les documents contractuels.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le second, qui désigne l'autorité à laquelle la notification doit être faite lorsque la créance est cédée ou nantie au titre d'un marché public, n'est applicable qu'aux cessions de créance détenues sur des personnes morales de droit public.

9. La cour d'appel, qui a relevé que la créance cédée à la Caisse d'épargne correspondait à une facture du sous-traitant établie au nom de la société Eiffage, ayant ainsi fait ressortir que le débiteur cédé, contre lequel était dirigée l'action en paiement, était l'entreprise principale, peu important que celle-ci ait été titulaire d'un marché de travaux publics, en a exactement déduit que la cessionnaire n'avait pas à notifier la cession de créance entre les mains du comptable assignataire, le maître de l'ouvrage public n'étant ni débiteur cédé ni défendeur à l'action en paiement.

10. Ayant souverainement retenu que la société Eiffage, qui soutenait seulement que la cession de créance au bénéfice de la société Oséo était antérieure à celle dont bénéficiait la Caisse d'épargne, ne le démontrait pas, la cour d'appel, qui a fait application de la règle d'antériorité entre cessions de créances en concours, a pu en déduire que le paiement de la créance du sous-traitant à la société Oséo n'était pas libératoire, peu important que ce dernier ait été le fait du maître de l'ouvrage au titre du paiement direct des sous-traitants.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Boyer - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Balat -

Textes visés :

Articles L. 313-28 et R. 313-17 du code monétaire et financier.

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