Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

CASSATION

2e Civ., 9 décembre 2021, n° 19-18.937, (B)

Cassation

Juridiction de renvoi – Pouvoirs – Connaissance du chef du litige tranché dans tous ses éléments de fait et de droit – Cassation partielle – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte des articles 623, 624, 625 et 638 du code de procédure civile que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé cette cassation.

Dès lors, encourt la cassation l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur renvoi de cassation qui refuse de faire droit à la demande de nouvelle liquidation de l'entier préjudice corporel d'une victime, alors que par l'effet de l'annulation intervenue du chef de dispositif qui avait liquidé globalement tous les postes de préjudice, la cause et les parties avaient été remises, de ce chef tout entier, dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

Effets – Etendue de la cassation – Cassation partielle – Dispositions dépendantes des dispositions annulées – Dispositions relatives au versement de dommages-intérêts – Cas – Demande de nouvelle liquidation du préjudice

Effets – Etendue de la cassation – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes,18 avril 2019) rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 29 mars 2018, pourvoi n° 17-15.260), M. [S] a été victime d'un accident de la circulation dont M. [P] et son assureur, la société Areas dommages, ont été tenus de réparer les conséquences dommageables par l'arrêt d'une cour d'appel du 24 janvier 2017.

2. Cet arrêt ayant été cassé, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement la société Areas dommages et M. [P] à payer à M. [S] la somme de 246 188,32 euros et à l'institution Carcept prévoyance (la Carcept), qui lui avait versé des indemnités, celles de 79 381,78 euros et de 275 212,80 euros, M. [S] a, devant la cour d'appel de renvoi, demandé une nouvelle liquidation de son entier préjudice corporel.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. M. [S] fait grief à la décision d'infirmer le jugement au titre des indemnités allouées en réparation des postes de préjudice de perte de gains futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent, de juger qu'après déduction des sommes soumises au recours subrogatoire de la Carcept et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'[Localité 9] tiers payeurs, M. [S] n'avait droit à aucune indemnité complémentaire au titre de la perte de gains futurs et de l'incidence professionnelle, de juger que l'indemnité complémentaire qui lui est due au titre du déficit fonctionnel permanent s'élevait après déduction du reliquat des sommes soumis à recours des organismes payeurs à la somme de 77 071,81 euros, et de limiter en conséquence la condamnation de M. [P] et de la société Areas dommages à son égard à la somme de 205 465,36 euros en réparation de son préjudice corporel, alors « que la réparation du dommage doit être intégrale, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que la pension d'invalidité est toujours concédée à titre temporaire et prend fin à l'âge légal de départ à la retraite ; qu'en se référant, pour calculer les arrérages à échoir par la CPAM capitalisés au titre de la pension d'invalidité, au montant de l'euro de rente viagère du barème de capitalisation, au lieu de celui de l'euro de rente temporaire, la cour d'appel a violé les articles L. 341-9, L. 341-15 et L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1149 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

4. Il ne ressort ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions de M. [S] devant la cour d'appel, que celui-ci ait soutenu qu'il convenait de se référer pour calculer les arrérages capitalisés à échoir dus par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la pension d'invalidité au montant de l'euro de rente temporaire, alors que la société Areas dommages avait conclu à l'application d'un euro de rente viagère.

5. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et droit, n'est donc pas recevable.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. [P] et de la société Areas dommages à son égard à la somme de 205 465,36 euros en réparation de son préjudice corporel et de le débouter de toutes autres demandes contraires ou complémentaires, alors « que la cassation annule intégralement le chef de dispositif qu'elle atteint, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'en limitant son examen aux seuls préjudices soumis à recours, dès lors que « s'agissant d'une cassation partielle, la cour de renvoi n'est saisie que de ce que la Cour de cassation a souhaité sanctionner », et en refusant ainsi de procéder à la liquidation de l'entier préjudice corporel demandée par l'exposant, la cour d'appel a violé les articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 623, 624, 625, et 638 du code de procédure civile :

7. Il résulte de ces textes que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises en l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée et l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteint par la cassation.

8. Pour dire que M. [S] ne peut être suivi dans sa demande de nouvelle liquidation de son entier préjudice corporel, l'arrêt retient que, sur le premier moyen de l'assureur du responsable de l'accident, la Cour de cassation a considéré que la cour d'appel, qui avait réparé le préjudice soumis à recours des organismes payeurs, en l'espèce la Carcept et la Caisse primaire d'assurance maladie de l'[Localité 9], sans déduire la pension d'invalidité versée à M. [S] par cette dernière même s'il elle n'exerçait pas son recours, avait violé les dispositions des articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 et le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que c'est donc l'imputation des créances des tiers payeurs sur les préjudices soumis à recours que la cour de cassation a entendu voir juger à nouveau par la non prise en compte de prestations versées par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la pension d'invalidité versée et à verser.

9. L'arrêt ajoute que la Cour de cassation n'a pas non plus entendu remettre en question le principe du recours subrogatoire admis par les juges du fond concernant la Carcept, seule la condamnation des responsables du sinistre à lui rembourser certaines sommes étant atteinte par la cassation partielle par voie de dépendance nécessaire.

10. En statuant ainsi, alors que par l'effet de l'annulation intervenue du chef de dispositif qui avait liquidé globalement tous les postes de préjudice, la cause et les parties avaient été remises, de ce chef tout entier, dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé, de sorte qu'était recevable la demande de M. [S] de procéder à la liquidation de l'entier préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; Me Le Prado ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 623, 624, 625 et 638 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 septembre 2014, pourvoi n° 13-19.094, Bull. 2014, I, n° 140 (cassation), et les arrêts cités.

2e Civ., 16 décembre 2021, n° 20-15.735, (B)

Cassation

Juridiction de renvoi – Saisine – Déclaration de saisine – Irrecevabilité – Portée

L'ordonnance que rend un président de chambre de cour d'appel en déclarant irrecevable une déclaration de saisine sur renvoi après cassation étant dépourvue de l'autorité de la chose jugée, la situation donnant lieu à cette fin de non-recevoir peut être régularisée par une nouvelle déclaration de saisine régulièrement formée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Paris, 29 novembre 2019) et les productions, la société Paris Villiers (la société) a acquis, en 2003, un immeuble qu'elle a rénové, puis divisé, et vendu par lots de copropriété, les actes de vente comportant, en annexe, un rapport de la société Socotec relatif à l'état de la couverture.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) a, après une expertise judiciaire, assigné la société, la société Axa France IARD, son assureur, et la société Socotec, afin qu'ils soient déclarés solidairement responsables des désordres survenus en toiture.

2. Par un jugement du 3 avril 2012, un tribunal de grande instance a déclaré le syndicat des copropriétaires irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société et son assureur et l'a débouté de ses demandes à l'encontre de la société Socotec.

3. Par un arrêt du 16 janvier 2014, une cour d'appel a confirmé le jugement déféré.

4. Par un arrêt du 24 juin 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation (3e Civ., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-15.205) a cassé cet arrêt.

5. Le 14 octobre 2015, le syndicat des copropriétaires a adressé au greffe de la cour d'appel de renvoi une déclaration de saisine par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, laquelle a été déclarée irrecevable par une ordonnance du président de chambre du 26 septembre 2018.

6. Le 12 septembre 2018, le syndicat des copropriétaires a déposé au greffe de la cour d'appel une nouvelle déclaration de saisine sur renvoi après cassation par la voie électronique.

Sur le premier moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la déclaration de saisine de la cour effectuée par message électronique du 12 septembre 2018, alors « que l'irrégularité découlant de la saisine de la juridiction de renvoi par lettre est une fin de non-recevoir, susceptible d'être régularisée tant qu'aucune décision définitive n'a déclaré irrecevable ledit acte de saisine ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que celle-ci a été saisie par lettre recommandée avec accusé de réception, qu'une nouvelle déclaration de saisine a été régularisée par voie électronique le 12 septembre 2018 et que la première déclaration a été jugée irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 26 septembre 2018 ; qu'en estimant que la seconde déclaration de saisine n'avait pas pu régulariser la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité du mode de transmission de la première, la cour d'appel a violé les articles 126, 1032 et 1034 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 126, alinéa 1, 775, 907, 914 et 916 du code de procédure civile :

9. Selon le premier de ces textes, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

10. Il résulte des trois derniers de ces textes que l'ordonnance du président de chambre, statuant sur la recevabilité de la déclaration de saisine après renvoi de cassation, n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée.

11. Pour déclarer irrecevable la déclaration de saisine du 12 septembre 2018, l'arrêt retient que par une ordonnance du 26 septembre 2018, qui n'a pas été déférée à la cour d'appel, le président de chambre a déclaré irrecevable la déclaration de saisine du 14 octobre 2015, sans que le syndicat des copropriétaires ne se prévale de sa régularisation, de sorte qu'il a été conféré force de chose jugée au jugement du 3 avril 2012.

12. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance du président de chambre du 12 septembre 2018 n'ayant pas autorité de la chose jugée, l'irrégularité de la première déclaration de saisine, constituant une fin de non-recevoir, pouvait être régularisée par une nouvelle déclaration de saisine régulièrement formée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Occhipinti ; Me Bouthors ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Delamarre et Jehannin -

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