Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

ASSURANCE DOMMAGES

3e Civ., 8 décembre 2021, n° 20-18.540, (B)

Cassation partielle

Recours contre le tiers responsable – Recours de l'assureur – Action en garantie de condamnations éventuelles – Conditions – Versement de l'indemnité au demandeur initial – Nécessité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juin 2020), la société civile immobilière La Spaf (la SCI) est propriétaire d'un local commercial dans un immeuble soumis au statut de la copropriété.

2. Après un incendie, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] (le syndicat des copropriétaires) a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de reconstruction à Mme [R], la société Candio Lesage architectes et M. [S] (les maîtres d'oeuvre).

3. Les lots menuiseries, garde-corps, cloisons, plafonds et isolation ont été confiés à la société Scob.

4. Le syndicat des copropriétaires a souscrit un contrat d'assurance dommages-ouvrage auprès de la société Gan assurances (la société Gan).

5. Après la réception, prononcée le 21 janvier 2008, la SCI s'est plainte d'une non-conformité des locaux à leur configuration précédant l'incendie et d'un défaut de stabilité d'une poutre réutilisée à l'occasion des travaux de reconstruction.

6. Le syndicat des copropriétaires a déclaré un sinistre à la société Gan, qui a refusé sa garantie.

7. Après une expertise judiciaire, la SCI a assigné le syndicat des copropriétaires, les maîtres d'oeuvre et la société Scob.

Le syndicat des copropriétaires a appelé la société Gan en garantie.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué de Mme [R], de la société Candio Lesage et de M. [S] et le premier moyen du pourvoi provoqué du syndicat des copropriétaires, réunis

Enoncé des moyens

9. Par leur premier moyen, les maîtres d'oeuvre font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec le syndicat des copropriétaires, à payer à la SCI la somme de 136 213,90 euros à titre de dommages-intérêts et de les condamner, in solidum avec la société Gan assurances, et à garantir le syndicat des copropriétaires de cette condamnation, alors « que dans leurs conclusions d'appel, Mme [R], la société Candio Lesage et M. [S] ont conclu au rejet de la demande indemnitaire formée par la SCI La Spaf correspondant au montant des loyers qu'elle n'avait pas perçus, en faisant valoir qu'elle aurait payé des impôts sur les revenus générés par la location ; qu'en allouant à la SCI Spaf, au titre d'une perte de chance, une indemnité de 136 213,90 euros, soit 95 % de la somme de 143 385 euros correspondant aux loyers qu'elle aurait perçus, augmentés des charges et impôts fonciers qui lui auraient été remboursés, sans répondre au moyen pertinent des exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

10. Par son premier moyen, le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec les maîtres d'oeuvre, à payer à la SCI une somme de 136 213,90 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que dans ses conclusions d'appel, le SDC soutenait expressément que l'indemnité due à la SCI La Spaf ne pouvait correspondre à une perte de chance de percevoir les loyers, car, si les biens avaient été loués, elle aurait payé des impôts sur les revenus générés par la location ; qu'en allouant à la SCI Spaf, au titre d'une perte de chance, une indemnité de 136 213,90 euros, soit 95 % de la somme de 143 385 euros correspondant aux loyers qu'elle aurait perçus, augmentés des charges et impôts fonciers qui lui auraient été remboursés, sans répondre au moyen pertinent de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des allégations dépourvues d'offre de preuve quant à l'incidence d'éventuels prélèvements, a souverainement évalué le préjudice de la SCI.

12. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Sur le deuxième moyen du pourvoi provoqué de Mme [R], de la société Candio Lesage et de M. [S]

Enoncé du moyen

13. Les maîtres d'oeuvre font grief à l'arrêt de les condamner à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 12 079,60 euros TTC au titre des travaux de reprise des non-conformités du lot n° 18, alors « que tout jugement doit être motivé ; qu'en retenant, pour condamner Mme [R], la société Candio Lesage et M. [S] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 12 079,60 euros au titre de non-conformités du lot n° 18, que « cette demande est justifiée », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. L'arrêt retient que les maîtres d'oeuvre ont commis une faute en ne tenant pas compte de l'état du local de la SCI antérieur à l'incendie et qu'ils ont modifié sa configuration en y faisant passer des réseaux communs (eau potable, eaux usées), en créant un trou d'hommes à la place d'une cuvette de wc et en ajoutant un mur de refend qui a diminué la largeur de passage entre les deux parties du local.

15. La cour d'appel, qui a retenu, par une décision motivée, la responsabilité des maîtres d'oeuvre, a, ensuite, souverainement évalué le préjudice du syndicat des copropriétaires.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. La société Gan fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les maîtres d'oeuvre, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 50 080,80 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres de la poutre métallique, de la condamner à payer au syndicat des copropriétaires les intérêts calculés au double du taux de l'intérêt légal à compter du 17 janvier 2013, et jusqu'à parfait paiement, sur la somme de 50 080,80 euros, de la condamner, in solidum avec les maîtres d'oeuvre, à garantir le syndicat des copropriétaires de la condamnation prononcée à son encontre à payer à la société Spaf la somme de 136 213,90 euros à titre de dommages et intérêts, dans les limites de garanties contractuelles pour la société Gan, alors « que les sanctions légales du non-respect par l'assureur dommages-ouvrage de la procédure contractuelle de constat et d'indemnisation des dommages ne s'appliquent qu'aux dommages déclarés par l'assuré ; qu'en l'espèce, la société Gan assurances a fait valoir que la déclaration de sinistre qui lui avait été notifiée le 6 juin 2012 avait exclusivement porté sur le « défaut de stabilité au feu de la poutre métallique située au RDC dans les locaux de la SCI Spaf, portant atteinte à la sécurité des personnes », et sur le « défaut de reprises des structures existantes sur les structures neuves situées dans les locaux de la SCI Spaf, portant atteinte à la sécurité des personnes », et non sur les désordres relatifs aux réseaux, au trou d'homme et au mur de refend ; que la cour d'appel a constaté que la somme de 50 080,80 euros TTC, réclamée par le syndicat des copropriétaires au titre des travaux de reprise des dommages matériels qu'il avait financés, incluait notamment la suppression du mur de refend ; qu'en jugeant néanmoins acquises les garanties d'assurance dommages-ouvrage, en raison du non-respect par la société Gan assurances du délai de soixante jours prévu par la procédure contractuelle de constat et d'indemnisation des dommages, et en la condamnant en conséquence à verser une indemnité de 50 080,80 euros TTC au syndicat des copropriétaires, au titre des travaux de reprise des dommages matériels qu'il avait financés, qui incluaient la suppression du mur de refend, sans rechercher, comme elle y a été invitée, si le dommage lié à la présence de ce mur du refend avait été déclaré à l'assureur dommages-ouvrage, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, dans sa version issue de la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, applicable en la cause, et A. 243-1 du code des assurances, dans sa version issue de l'arrêté du 19 novembre 2009, applicable en la cause, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 242-1, alinéas 3 et 5, du code des assurances, dans sa version issue de la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 :

18. Il résulte de ce texte que l'assureur qui ne notifie pas à l'assuré, dans un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat, ne peut plus contester le principe de sa garantie et doit indemniser l'assuré des dépenses nécessaires à la réparation des dommages résultant du sinistre déclaré.

19. Pour condamner la société Gan à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 50 080,00 euros, l'arrêt retient, d'une part, que l'assureur n'a pas respecté le délai de soixante jours pour notifier sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties et qu'il doit indemniser tous les désordres dénoncés par le syndicat des copropriétaires.

20. Il retient, d'autre part, que le syndicat des copropriétaires a fait réaliser des travaux consistant, après suppression du mur de refend, en des confortations des structures existantes, renforcements de la poutre métallique et de ses appuis et traitement des recoupement au feu.

21. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la suppression du mur de refend était nécessaire à la réparation du sinistre déclaré, dont elle avait relevé qu'il consistait en un « défaut de stabilité au feu de la poutre métallique située au RDC dans les locaux de la SCI » et un « défaut de reprises des structures existantes sur les structures neuves situées dans les locaux de la SCI », la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

22. La société Gan fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les maîtres d'oeuvre, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 11 600 euros HT, augmentée de la TVA applicable au jour de l'arrêt, et avec indexation jusqu'à la date de l'arrêt sur l'indice BT 01, l'indice de référence étant celui publié à la date du 12 avril 2012, au titre des travaux de sécurité incendie, alors « que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'état de ses dernières conclusions d'appel, le syndicat des copropriétaires a seulement demandé la condamnation de l'exposante au paiement d'une somme de 50 080,80 euros TTC, correspondant au coût des travaux réalisés au titre des désordres affectant la poutre ancienne et ses appuis, ainsi que son recoupement au feu, d'une part, et à le garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de la société Spaf, d'autre part ; qu'il a demandé la condamnation in solidum des seuls constructeurs, Mme [R], la société Candio Lesage, et la société Scob, au versement d'une somme de 109 656 euros à titre principal, correspondant aux travaux préconisés par l'expert judiciaire pour remédier aux désordres affectant la poutre ancienne et ses appuis, ainsi que son recoupement au feu, qui intègre la somme de 11 600 euros HT au titre des travaux de sécurité incendie, et de 50 080,80 euros TTC à titre subsidiaire, correspondant aux travaux qu'il avait financés ; qu'en l'état de ses dernières conclusions d'appel, la société Spaf n'a demandé la condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires et des constructeurs qu'au paiement d'une indemnité de 212 105,37 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice immatériel subi ; qu'il en résultait clairement que le syndicat des copropriétaires n'avait pas demandé la condamnation de la société Gan assurances à lui verser, en sus de la somme de 50 080,80 euros TTC au titre des travaux réalisés, une somme de 11 600 euros HT au titre des travaux de sécurité incendie préconisés par l'expert judiciaire, réclamée aux seuls constructeurs ; qu'en condamnant néanmoins la société Gan assurances, in solidum avec Mme [R], la société Candio Lesage, et M. [S], à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 11 600 euros HT, avec TVA et indexation, au titre de ces travaux de sécurité incendie, la cour d'appel, qui a fait droit à une demande qui ne lui a pas été soumise, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 5 du code de procédure civile :

23. Selon ce texte, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

24. L'arrêt condamne la société Gan à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 11 600 euros HT, avec TVA et indexation, au titre de travaux de sécurité incendie.

25. En statuant ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires ne formait pas cette demande contre la société Gan, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

26. La société Gan fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action récursoire à l'encontre des maîtres d'oeuvre et de rejeter ses demandes contre la société Scob, alors « qu'une partie assignée en justice est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action, distincte de l'action directe prévue par le code des assurances, ne supposant pas que l'appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial ; que l'assureur dommages-ouvrage, assigné en justice, est donc recevable à appeler les constructeurs responsables et leurs assureurs en garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, peu important qu'il n'ait pas indemnisé l'assuré avant que le juge du fond statue ; qu'en l'espèce, la société Gan assurances a formé des appels en garantie à l'encontre des locateurs d'ouvrage, la société Candio Lesage, Mme [R], M. [S], et la société Scob, afin d'être relevée indemne et garantie par ces derniers de toutes condamnations susceptibles d'être mises à sa charge ; que ces appels en garantie, distincts d'une action subrogatoire, étaient donc recevables, peu important que la société Gan assurances n'ait pas indemnisé le syndicat des copropriétaires avant que le juge du fond statue ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du code des assurances, par fausse application, et les articles 334 à 338 du code de procédure civile, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 334 du code de procédure civile :

27. Il résulte de ce texte qu'une partie assignée en justice est en droit d'appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action ne supposant pas que l'appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial.

28. Pour déclarer irrecevable la demande de garantie formée par la société Gan contre les maîtres d'oeuvre, l'arrêt retient que l'assureur dommages-ouvrage, subrogé dans les droits de son assuré, ne peut exercer son action contre les constructeurs responsables que lorsqu'il a payé l'indemnité due à celui-ci et que la société Gan ne justifie pas avoir indemnisé le syndicat des copropriétaires.

29. En statuant ainsi, alors que la société Gan n'exerçait pas un recours subrogatoire mais formait une demande de garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen du pourvoi provoqué de Mme [R], de la société Candio Lesage et de M. [S] et le second moyen du pourvoi provoqué du syndicat des copropriétaires, réunis

Enoncé des moyens

30. Par leur troisième moyen, les maîtres d'oeuvre font grief à l'arrêt de rejeter toutes les demandes dirigées contre la société Scob, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage, sauf si la preuve d'une cause étrangère a été rapportée ; qu'en l'espèce, il ressort des motifs de l'arrêt que la société Scob avait réalisé le mur de refend et repris la poutre métallique, que ses travaux n'étaient pas conformes aux règles de l'art et qu'au surplus, les désordres affectant la poutre et ses appuis portaient atteinte à la solidité de l'ouvrage et étaient de nature décennale ; qu'en retenant, pour rejeter toutes les demandes dirigées contre la société Scob, que les préjudices subis par la SCI La Spaf n'avaient pas pour cause les malfaçons affectant les travaux de la société Scob ou les fautes causées par elle, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil. »

31. Par son second moyen, le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en garantie à l'encontre de la société Scob et de rejeter toutes ses demandes contre la société Scob, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage, sauf si la preuve d'une cause étrangère a été rapportée ; qu'en l'espèce, il ressort des motifs de l'arrêt que la société Scob avait réalisé le mur de refend et repris la poutre métallique, que ses travaux n'étaient pas conformes aux règles de l'art et qu'au surplus, les désordres affectant la poutre et ses appuis portaient atteinte à la solidité de l'ouvrage et étaient de nature décennale ; qu'en retenant, pour rejeter toutes les demandes dirigées contre la société Scob, que les préjudices subis par la SCI La Spaf n'avaient pas pour cause les malfaçons affectant les travaux de la société Scob ou les fautes causées par elle, la cour d'appel a donc violé l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

32. Selon ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

33. Pour rejeter les demandes du maître d'ouvrage contre la société Scob, l'arrêt retient que les dommages affectant les ouvrages sur lesquels est intervenue la société Scob sont de la gravité de ceux visés à l'article 1792 du code civil, mais que les préjudices subis par la SCI n'ont pas pour cause les malfaçons affectant les travaux de cette entreprise.

34. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir l'existence d'une cause étrangère exonérant le constructeur de la responsabilité qui pèse sur lui de plein droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

35. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est partiellement fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

La cassation prononcée sur le troisième moyen du pourvoi principal n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

36. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal ne s'étend pas aux condamnations prononcées in solidum contre les maîtres d'oeuvre au profit du syndicat des copropriétaires, qui ne sont pas soutenues par les motifs critiqués par le moyen et qui ne sont pas indivisibles des condamnations prononcées contre la société Gan assurances.

37. La cassation prononcée sur le quatrième moyen du pourvoi principal s'étend au rejet des demandes formées par la société Gan contre la société Scob, qui ne trouve son soutien dans aucun autre motif que ceux justement critiqués par le moyen.

38. La cassation prononcée sur le troisième moyen du pourvoi provoqué des maîtres d'oeuvre et sur le second moyen du pourvoi provoqué du syndicat des copropriétaires ne s'étend pas au rejet des demandes de garantie formées par les maîtres d'oeuvre contre la société Scob, qui n'est pas soutenu par les motifs critiqués par les moyens et qui n'est pas indivisible du rejet des demandes du syndicat des copropriétaires.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

 - condamne la société Gan assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] la somme de 50 080,80 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres de la poutre métallique,

 - condamne la société Gan assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] les intérêts calculés au double du taux de l'intérêt légal à compter du 17 janvier 2013, et jusqu'à parfait paiement, sur la somme de 50 080,80 euros,

 - condamne la société Gan assurances à garantir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] de la condamnation prononcée à son encontre à payer à la société La Spaf la somme de 136 213,90 euros à titre de dommages et intérêts, dans les limites de garanties contractuelles pour la société Gan,

 - condamne la société Gan assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] la somme de 11 600 euros HT outre TVA applicable au jour de l'arrêt et indexation jusqu'à la date de l'arrêt sur l'indice BT 01, l'indice de référence étant celui publié à la date du 12 avril 2012, au titre des travaux de sécurité incendie,

 - déclare la société Gan assurances irrecevable en son action récursoire à l'encontre de Mme [R], la société Candio Lesage et M. [S],

 - rejette les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] et par la société Gan assurances contre la société Scob,

l'arrêt rendu le 4 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la condamnation prononcée contre la société Gan assurances au titre des travaux de sécurité incendie,

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Zedda - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Boulloche ; SCP Delamarre et Jehannin ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article 334 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 21 janvier 1997, pourvoi n° 94-19.689, Bull. 1997, I, n° 24 (cassation), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 8 septembre 2009, pourvoi n° 08-17.012, Bull. 2009, III, n° 180 (cassation partielle), et les arrêts cités ; 3e Civ., 4 novembre 2010, pourvoi n° 09-70.235, Bull. 2010, III, n° 198 (cassation partielle).

2e Civ., 16 décembre 2021, n° 20-13.692, (B)

Cassation partielle

Recours contre le tiers responsable – Subrogation légale – Conditions – Versement de l'indemnité – Circonstances du versement (non)

S'il résulte de l'article L. 121-12, alinéa 1, du code des assurances, selon lequel l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions des assurés contre les tiers qui par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, que la subrogation n'a lieu que lorsque l'indemnité a été versée en application des garanties souscrites, il n'est en revanche pas distingué selon que l'assureur a payé l'indemnité de sa propre initiative, ou qu'il l'a payée en vertu d'un accord transactionnel ou en exécution d'une décision de justice.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 novembre 2019), à la suite d'un incendie survenu le 11 juin 2013 ayant endommagé un magasin dont elle était propriétaire, la société Ubaldi a conclu le 22 juillet 2013 avec son assureur, la société MMA IARD (l'assureur), un protocole d'accord pour l'indemnisation de ce sinistre.

2. Un désaccord étant toutefois survenu entre les parties concernant les modalités d'évaluation de certains dommages, l'assureur a été condamné à payer un solde d'indemnisation complémentaire à la société Ubaldi.

3.L'assureur a alors assigné, notamment, la société Robert Bosch dont la responsabilité était mise en cause dans le sinistre, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer le montant de sommes réglées à la société Ubaldi et à le relever et garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au profit de son assurée.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le déclarer valablement subrogé dans les droits et actions de la victime, la société Ubaldi, à concurrence de la somme de 2 610 902 euros seulement et de condamner en conséquence la société Robert Bosch à ne lui payer, compte tenu de sa responsabilité réduite à 50 %, que la somme de 1 305 451 euros, alors :

« 1°/ que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que le fait, pour l'assureur, de verser l'indemnité prévue par le contrat d'assurance en exécution d'une transaction conclue avec l'assuré sur l'évaluation de son dommage ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la subrogation légale dont bénéficie l'assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société MMA IARD n'était subrogée dans les droits de son assurée, la société Ubaldi, contre la société Robert Bosch, qu'à hauteur de la somme de 2 610 902 euros, en excluant des règlements pour un total de 2 528 753,88 euros au motif qu'ils avaient été effectués en exécution soit d'un protocole d'accord signé le 22 juillet 2013, soit de décisions de justice, et non dans le cadre du contrat d'assurance ; qu'en se prononçant ainsi, s'agissant de la somme de 500 000 euros versée en application du protocole d'accord, tandis que le seul fait pour l'assureur d'avoir conclu un tel accord avec son assuré, ne le privait pas de la possibilité d'invoquer le bénéfice de la subrogation légale, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du code des assurances ;

3°/ que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société MMA IARD n'était subrogée dans les droits de son assurée, la société Ubaldi, contre la société Robert Bosch, qu'à hauteur de la somme de 2 610 902 euros, en excluant des règlements pour un total de 2 528 753,88 euros au motif qu'ils avaient été effectués en exécution soit d'un protocole d'accord signé le 22 juillet 2013, soit de décisions de justice, et non dans le cadre du contrat d'assurance ; qu'en se prononçant ainsi, s'agissant des sommes versées en exécution d'une décision de justice, tandis que l'assureur peut se prévaloir de la subrogation légale, qu'il verse volontairement à l'assuré l'indemnité d'assurance, ou qu'il y soit contraint par voie de justice, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 121-12 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances :

6. Il résulte de ce texte, selon lequel l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions des assurés contre les tiers qui par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, que la subrogation n'a lieu que lorsque l'indemnité a été versée en application des garanties souscrites. Il n'est en revanche pas distingué selon que l'assureur a payé l'indemnité de sa propre initiative, ou qu'il l'a payée en vertu d'un accord transactionnel ou en exécution d'une décision de justice.

7. L'arrêt, pour exclure du recours subrogatoire de l'assureur certaines indemnités payées par celui-ci, énonce qu'il ne démontre nullement que ces différents règlements sont intervenus en application des contrats d'assurance souscrits, puisqu'ils l'ont été, soit en vertu d'un protocole d'accord, soit en exécution de décisions de justice, et qu'ainsi il n'est pas fondé à se prévaloir de la subrogation légale.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. L'assureur fait grief à l'arrêt de condamner la société Robert Bosch à lui payer, compte tenu de sa responsabilité réduite à 50 %, la seule somme de 1 305 451 euros, alors « que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que, lorsque la créance subrogée est une créance de responsabilité, l'assiette du recours subrogatoire de l'assureur est enfermée dans une double limite, celle de la créance détenue par l'assuré contre le responsable, d'une part, et celle du montant du paiement subrogatoire, d'autre part ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société MMA IARD était subrogée dans les droits de la société Ubaldi contre la société Robert Bosch à hauteur de 2 610 902 euros, qui correspondait selon la cour aux sommes payées en exécution du contrat d'assurance ; qu'elle a ensuite jugé que la société MMA IARD ne pouvait prétendre à la condamnation de la société Robert Bosch à son égard qu'à hauteur de la moitié de cette somme, compte tenu de la faute contributive de la société Ubaldi, diminuant son droit à indemnisation de 50 % ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que cette diminution ne pouvait s'appliquer qu'au droit à indemnisation de la société Ubaldi, chiffré à la somme totale de 5 056 613 euros dans un arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et non au montant du paiement subrogatoire, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances :

10. Il résulte de ce texte que la subrogation légale qu'il institue a lieu dans la mesure de ce qui a été payé et dans la limite de la créance détenue par l'assuré contre le responsable.

11. L'arrêt, ayant relevé que le comportement fautif de la société Ubaldi justifiait de réduire à 50 % la part de responsabilité de la société Robert Bosch, décide qu'en conséquence l'assureur est fondé à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de cette dernière à concurrence de 50 % de la somme de 2 610 902 euros, soit 1 305 451 euros.

12. En statuant ainsi, en affectant le coefficient de partage de responsabilité à la somme de 2 610 902 euros versée par l'assureur à son assurée, et non à celle correspondant au montant des dommages par elle subis ensuite du sinistre, qui avait été fixé à 5 056 613 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société MMA IARD valablement subrogée dans les droits et actions de la société Ubaldi à concurrence de la seule somme de 2 610 902 euros et en ce qu'il condamne la société Robert Bosch, compte tenu de sa responsabilité réduite à 50 %, à payer à la société MMA IARD la seule somme de 1 305 451 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2018, l'arrêt rendu le 28 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 121-12, alinéa 1, du code des assurances.

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