Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2021

APPEL CIVIL

2e Civ., 2 décembre 2021, n° 20-14.480, n° 20-14.481, n° 20-14.482, n° 20-14.483, n° 20-14.484, n° 20-14.485, (B)

Rejet

Appelant – Conclusions – Notification – Notification aux parties ayant constitué avocat après remise des conclusions au greffe – Portée

L'appelant est mis en mesure de respecter l'obligation de signifier ses conclusions à l'intimé lui-même ou de les notifier à l'avocat que cet intimé a constitué, puisqu'il ne doit procéder à cette dernière diligence que s'il a, préalablement à toute signification à l'intimé, été informé, par voie de notification entre avocats, de la constitution d'un avocat par l'intimé.

La règle selon laquelle, à l'exclusion de tout autre acte, seule la notification entre avocats rend opposable à l'appelant la constitution d'un avocat par l'intimé, qui impose que l'appelant soit uniquement et directement averti par le conseil de l'intimé de sa constitution, poursuit le but légitime de garantir la sécurité et l'efficacité de la procédure. Elle ne constitue pas une atteinte au droit à l'accés au juge d'appel dans sa substance même et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel au regard du but poursuivi.

C'est dès lors à bon droit et sans méconnaître les exigences d'un droit à un procès équitable, qu'une cour d'appel, relevant que l'appelant n'avait notifié ses conclusions, dans le délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile, qu'à l'avocat adverse de premiére instance, alors qu'il n'avait pas reçu notification de la constitution de l'intimé, constate la caducité de la déclaration d'appel.

Appelant – Conclusions – Notification – Notification aux parties ayant constitué avocat après remise des conclusions au greffe – conditions – Notification entre avocats – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-14.480, n° 20-14.481, n° 20-14.482, n° 20-14.483, n° 20-14.484 et n° 20-14.485 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 20 janvier 2020, RG n° 19/06557, 19/06558, 19/06566, 19/06569, 19/06570, 19/06571), Mmes [H], [J], [D] et [S], ainsi que MM. [B] et [F], ont été salariés de la compagnie aérienne angolaise Linhas Aereas de Angola Uee (la société).

3. Après avoir fait l'objet d'une procédure de licenciement, ils ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris, d'une action en contestation de sa validité. Ils ont été déboutés de leurs demandes par six jugements du 11 septembre 2018.

4. Le conseil des salariés a relevé appel de ces décisions et a notifié ses conclusions à M. [K], avocat, par la voie du réseau privé virtuel des avocats le 26 décembre 2018 et le 4 janvier 2019. M. [K], avocat, s'est constitué pour la société le 11 février 2019.

5. Saisi sur incident, le conseiller de la mise en état a, par six ordonnances, rejeté la demande de caducité des déclarations d'appel.

La société a déféré ces décisions à la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Mmes [H], [J], [D] et [S], ainsi que MM. [B] et. [F] font grief aux arrêts de prononcer, dans les six instances, la caducité des déclarations d'appel et de constater en conséquence l'extinction des instances d'appel et le dessaisissement de la juridiction, alors :

« 1°/ que le greffe doit accomplir les actes nécessaires à la régularité de la procédure d'appel, et l'appelant ne peut être privé de son droit d'accès au juge en raison d'une méconnaissance de la procédure réglementaire incombant à la juridiction ; que manque aux obligations mises à sa charge par les articles 902, 904 et 904-1 du code de procédure civile le greffe de la cour d'appel qui n'avise pas l'appelant dans le mois de la notification de l'acte d'appel à l'intimé que celui-ci n'a pas constitué avocat et qu'il doit donc lui signifier l'acte d'appel à peine de caducité et qui, l'avisant ensuite de la distribution de l'affaire à la mise en état, mentionne le nom d'un avocat constitué pour l'intimé ; que créant dans l'esprit de l'appelant la croyance légitime que l'intimé a constitué avocat, même s'il n'en a pas été officiellement avisé par ce dernier, ce comportement fautif est à l'origine de l'erreur de l'appelant ayant consisté à notifier ses conclusions d'appel dans le délai prescrit par l'article 911 du code de procédure civile à l'avocat qu'il croit ainsi constitué plutôt qu'à l'intimé lui-même ; qu'est, dans ces conditions, disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer l'efficacité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire et le respect des droits de la défense, la caducité de l'appel en résultant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6 §.1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la constitution d'un avocat par l'intimé, qui constitue le mandat par lequel cette partie charge l'avocat qu'elle choisit de la représenter en justice, résulte d'une déclaration que cet avocat fait au greffe de la cour d'appel et notifie à l'avocat de l'appelant ; qu'elle ne saurait résulter d'une mention de l'acte d'appel ; qu'il appartient à la juridiction, tenue d'assurer la régularité de la procédure, de vérifier, avant de le désigner comme représentant de l'intimé sur les actes de la procédure, que l'avocat éventuellement mentionné sur l'acte d'appel s'est effectivement constitué ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que M. [K] ne s'est constitué pour la société TAAG que le 11 février 2019 et que, cependant, le greffe l'avait mentionné avant cette date comme avocat constitué sur divers actes de la procédure ; qu'en retenant cependant, pour prononcer la caducité de l'appel, « que l'origine de l'erreur est ici imputable à la partie appelante, le greffe n'ayant fait que reprendre les mentions indiquées par celle-ci : la déclaration d'appel mentionne en effet expressément [Y] [K] en qualité d'avocat représentant la partie intimée » quand il appartenait au greffe de ne pas mentionner l'existence d'un avocat constitué par l'intimée sur les actes de la procédure en se fiant à une simple indication sans valeur, la cour d'appel a violé les articles 903 et 911 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §.1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. En application de l'article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues par les articles 908 à 910 de ce code, les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d'appel ; cependant, si entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

8. Selon l'article 960 du code de procédure civile, la constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.

9. Seule la notification entre avocats rend ainsi opposable à l'appelant la constitution d'un avocat par l'intimé, à l'exclusion de tout autre acte.

10. Cette règle de procédure, qui impose que l'appelant soit uniquement et directement averti par le conseil de l'intimé de sa constitution, poursuit le but légitime de garantir la sécurité et l'efficacité de la procédure. Elle ne constitue pas une atteinte au droit à l'accès au juge d'appel dans sa substance même et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel au regard du but poursuivi.

11. L'appelant est, en effet, mis en mesure de respecter l'obligation de signifier ses conclusions à l'intimé lui-même ou de les notifier à l'avocat que cet intimé a constitué, dès lors qu'il ne doit procéder à cette dernière diligence que s'il a, préalablement à toute signification à l'intimé, été informé, par voie de notification entre avocats, de la constitution d'un avocat par l'intimé.

12. Ayant, d'une part, relevé que les appelants n'avaient notifié leurs conclusions dans le délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile qu'à M. [K], avocat, alors que la société intimée ne l'avait alors pas constitué et que les appelants n'avaient pas reçu l'avis de constitution de leur adversaire, faisant ainsi ressortir, par cette considération, que les appelants n'avaient pu légitimement croire que la société intimée avait constitué un avocat, et, d'autre part, exactement retenu qu'il importait peu à cet égard que le greffe n'ait pas adressé aux appelants un avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel à l'intimée, conformément à l'article 902 du code de procédure civile, ou ait mentionné à tort sur un avis le nom d'un avocat constitué, c'est à bon droit, sans méconnaître les exigences du droit à un procès équitable, que la cour d'appel a constaté la caducité de la déclaration d'appel.

13. Le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche, est inopérant en sa seconde branche.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 911 du code de procédure civile.

Soc., 1 décembre 2021, n° 20-13.339, (B)

Cassation partielle

Demande nouvelle – Définition – Exclusion – Cas – Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale – Applications diverses

Les prétentions ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.

Est recevable en appel la demande en nullité du licenciement qui tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces demandes tendent à obtenir l'indemnisation des conséquences du licenciement qu'un salarié estime injustifié.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 août 2019), Mme [H] a été engagée en qualité de responsable événementiel à compter du 1er septembre 2008 par la société Crofthawk France devenue la société Mandala international (la société) et a été affectée au poste de responsable administrative et financière le 1er janvier 2009.

2. La salariée a été en congé maladie puis en congé de maternité à compter du 15 avril 2016 jusqu'au 17 décembre 2016. Convoquée le 28 décembre 2016 à un entretien préalable qui s'est tenu le 12 janvier 2017, elle a été licenciée pour faute grave le 20 janvier 2017 et a saisi, le 26 mai 2017, la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la demande en nullité du licenciement n'est pas une demande nouvelle devant la cour, dire nul le licenciement de la salariée et de le condamner à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors :

« 1°/ que selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ; que cette disposition légale, interdisant la formulation de demandes nouvelles à hauteur d'appel, est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes après le 1er août 2016 ; que l'instance devant le conseil de prud'hommes a été introduite par la salariée le 26 mai 2017 ; que la société s'est en conséquence prévalue de l'irrecevabilité de la demande en nullité du licenciement présentée pour la première fois à hauteur d'appel par la salariée, cette dernière ayant sollicité le constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en première instance ; que pour écarter cette irrecevabilité, l'arrêt retient cependant que la nullité du licenciement sollicitée par la salariée constituait un moyen nouveau au sens de l'article 563 du code de procédure civile, et non une demande nouvelle, et que l'objet de la réclamation de la salariée était identique en première instance et en appel, à savoir l'indemnisation de son licenciement qu'elle considérait abusif ; qu'en statuant ainsi, cependant que la nullité du licenciement sollicitée en appel - qui avait pour objet l'anéantissement du licenciement - constituait une demande nouvelle en comparaison avec la demande de constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement présentée en première instance - prétention qui avait un objet et une fin distincts - la cour d'appel a violé les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile ;

2°/ que selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ; qu'en faisant droit à la demande de la salariée de rappel de salaire pendant la période couverte par la nullité du licenciement, cependant que cette demande, au même titre que la demande d'annulation du licenciement en elle-même, a été présentée pour la première fois à hauteur d'appel et s'avérait en conséquence frappée d'irrecevabilité, la cour d'appel a violé les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile ;

3°/ qu'une motivation inintelligible équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant d'un côté que la nullité du licenciement invoquée par la salariée constituait un moyen au sens de l'article 563 du code de procédure civile, et de l'autre qu'elle constituait une prétention au sens de l'article 565 du même code, la cour d'appel, qui a statué par un motif inintelligible en se fondant sur des constatations juridiques incompatibles entre elles, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

5. La cour d'appel, qui a constaté que les demandes formées par la salariée, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendaient à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estimait injustifié, en a exactement déduit que ces demandes tendaient aux mêmes fins et que la demande en nullité de licenciement était recevable.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement de la salariée et de le condamner à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors « que si la période de protection de dix semaines suivant le congé de maternité est suspendue par la prise de congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée, il n'en va pas de même en cas d'arrêt de travail pour maladie ; que l'arrêt de travail pour arrêt de maladie consécutif au congé de maternité relève de la période de protection relative de dix semaines durant laquelle la salariée peut se voir notifier un licenciement s'il est justifié par une faute grave ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que le congé maternité de la salariée s'est achevé le 17 décembre 2016, cette dernière ayant par la suite été placée en arrêt maladie ; que la salariée a été convoquée à un entretien préalable le 26 décembre 2016 et licenciée le 20 janvier 2017 ; qu'il s'en induit qu'au jour des actes préparatoires et du prononcé du licenciement, la salariée ne se trouvait plus en période de protection absolue pour congé maternité, mais relevait de la période de protection dite relative de dix semaines durant laquelle le licenciement peut être notifié pour faute grave ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement était entaché de nullité en raison de l'engagement des actes préparatoires et de la notification du licenciement « pendant la période de protection de la maternité », cependant que les actes préparatoires et la notification du licenciement pouvaient avoir régulièrement lieu pendant la période de protection relative de dix semaines suivant le congé de maternité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1235-3, L. 1225-4 et L. 1225-4-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1225-4 du code du travail dans sa rédaction issue la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

8. Aux termes de ce texte, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

9. Il en résulte que pendant les dix semaines suivant l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur peut notifier un licenciement pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

10. Pour dire le licenciement nul et condamner l'employeur à payer diverses sommes à la salariée, l'arrêt retient, après avoir constaté que le congé de maternité de la salariée s'était terminé le 17 décembre 2016, qu'il résulte de l'article L. 1225-4 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le congé de maternité avait pris fin le 17 décembre 2016, de sorte que l'employeur pouvait rompre le contrat de travail s'il justifiait d'une faute grave de l'intéressée non liée à son état de grossesse, et qu'il lui appartenait en conséquence de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le licenciement était justifié par une telle faute, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la demande en nullité du licenciement n'est pas une demande nouvelle, l'arrêt rendu le 27 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 565 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité des demandes présentées pour la première fois en appel et tendant aux mêmes fins que la demande initiale, à rapprocher : 3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-12.291, Bull. 2016, III, n° 35 (cassation partielle), et les arrêts cités.

2e Civ., 16 décembre 2021, n° 20-18.237, (B)

Cassation

Intimé – Conclusions – Irrecevabilité – Effet – Procédure sans audience – Droit d'opposition

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Conclusions de l'intimé – Irrecevabilité – Effets – Procédure sans audience – Droit d'opposition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 juin 2020), par jugement du 14 mai 2018, un conseil de prud'hommes a condamné la société Siem services (la société) à payer à M. [I] diverses sommes au titre d'une clause de non-concurrence et d'une indemnité compensatrice de congés payés.

2. La société a interjeté appel.

3. Par ordonnance du 9 mai 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions de M. [I] notifiées le 11 décembre 2018.

4. La cour d'appel a statué sans audience en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de renvoi, d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Mâcon le 14 mai 2018 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire qu'il a violé la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail, de le condamner à verser à la société la somme de 21 305,40 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence et de le condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors « qu'à l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience, auquel cas la cour d'appel a l'obligation de renvoyer à une audience publique afin d'assurer l'exercice du droit à un débat oral et public ; qu'il résulte de l'arrêt que la clôture a été ordonnée le 16 avril 2020 et l'affaire retenue le 14 mai 2020, dans les conditions fixées par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (i.e sans audience), et mise en délibéré au 18 juin 2020 ; qu'il résulte encore de l'arrêt qu'après avoir été informé de la mise en application de l'article 8 précité, le conseil de M. [I] a sollicité, par courrier du 22 avril 2020, le renvoi de l'affaire pour plaider ; qu'en refusant le renvoi à une audience de débat, quand elle constatait pourtant l'opposition à la procédure sans audience en raison de la demande de renvoi et que le droit à des débats oraux ne pouvait être refusé pour la raison inopérante que les conclusions de M. [I] avaient été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 mai 2019 et qu'il ne pouvait faire valoir aucun moyen de défense oralement, la cour d'appel a violé l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et privé M. [I] de son droit à un procès équitable, violant l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 :

6. La faculté d'accepter ou de refuser le renvoi d'une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d'exercer leur droit à un débat oral (Ass. plén., 24 novembre 1989, pourvoi n° 88-18.188, Bull. 1989, Ass. plén. n° 3).

7. L'organisation d'une audience devant une juridiction civile est une garantie légale des exigences constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un procès équitable (Cons. Constit., 19 novembre 2020, n° 2020-866 QPC).

8. Selon le texte susvisé, hors les procédures d'urgence, le juge peut, sur son initiative, statuer sans audience en l'absence d'opposition des parties qui en ont été informées par tout moyen.

9. Il en résulte que le droit de s'opposer à la décision du juge de statuer sans audience appartient à toute partie.

10. Pour rejeter la demande de renvoi de M. [I], l'arrêt retient qu'après avoir été informé de la mise en application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, le conseil de M. [I], par lettre du 22 avril 2020, a sollicité le renvoi de l'affaire afin de pouvoir plaider, le conseil de la société Siem services ne s'étant pas associé à cette demande, et que le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. [I], faute pour l'intimé d'avoir respecté les délais prescrits par l'article 909 du code de procédure civile, et que, dès lors, le conseil de M. [I] ne pouvait faire valoir aucun moyen de défense oralement.

11. En statuant ainsi, alors que l'intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, n'est pas privé du droit de s'opposer à la décision de statuer sans audience, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP de Nervo et Poupet -

Textes visés :

Article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 ; article 909 du code de procédure civile.

2e Civ., 2 décembre 2021, n° 20-18.732, n° 20-18.733, n° 20-18.734, n° 20-18.735, n° 20-18.736, n° 20-18.743, n° 20-18.744, n° 20-18.745, n° 20-18.746, n° 20-18.747 et suivants, (B)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Force majeure – Définition – Caractère insurmontable et non-imputable à la partie

Selon l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911. Constitue, au sens de ce texte, un cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

Appelant – Conclusions – Recevabilité – Conditions – Portée – Exclusion – Force majeure – Définition

1. Les pourvois n° Z 20-18.732, A 20-18.733, B 20-18.734, C 20-18.735, D 2018.736, M 20-18.743, N 20-18.744, P 20-18.745, Q 20-18.746, R 20-18.747, S 20-18.748, T 20-18.749, U 20-18.750, V 20-18.751, W 20-18.752 et X 20-18.753 ont été joints en raison de leur connexité par une ordonnance du 27 novembre 2020 ;

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Pau, 25 juin 2020), à la suite d'un litige opposant, dans un licenciement collectif pour motif économique, la Société de maintenance pétrolière S.M.P (la société) à seize salariés, MM. [HH] [E], [B] [Z], [FS] [F], [C] [X], [NO] [L], [S] [P], [N] [O], [LE] [T], [Y] [I], [R] [G], [UW] [U], [FS] [W], [M] [D], [FS] [J], [GM] [V], et [FS] [RR], un jugement d'un conseil des prud'hommes a été rendu le 8 février 2019.

3. Ayant interjeté appel par déclaration du 28 février 2019, la société a transmis ses conclusions d'appel le 3 juin 2019 par lettre recommandée, enregistrées au greffe le 5 juin.

4. Un conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement de l'article 910-3 du code de procédure civile, par ordonnances du 29 août 2019 que les intimés ont déférée à la cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le second moyen, en sa première branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société fait grief aux arrêts d'infirmer l'ordonnance déférée et de prononcer la caducité de la déclaration d'appel de la société SMP alors « que l'organisation d'une audience publique est une garantie fondamentale du procès équitable, à laquelle il ne peut être dérogé qu'exceptionnellement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a statué sans audience, sans motiver in concreto sa décision sur ce point en expliquant pourquoi elle était contrainte de procéder ainsi et en quoi les droits des parties étaient néanmoins respectés, et sans faire état de l'accord des parties ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider qu'elle se déroule selon la procédure sans audience.

8. L'alinéa 4 de cet article 8 énonce que la procédure sans audience s'applique aux affaires dans lesquelles la mise en délibéré de l'affaire est annoncée pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020.

La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire ayant prorogé cet état d'urgence jusqu'au 10 juillet 2020, l'article 8 précité est donc applicable entre le 12 mars 2020 et le 10 août 2020.

9. Les arrêts, rendus le 25 juin 2020, relèvent que M. [K], conseil de la Société et M. [TG], conseil des intimés, ont expressément accepté le recours à la procédure sans audience en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et ont déposé leurs dossiers le 30 avril 2020.

10. La société n'est, dès lors, pas recevable à critiquer devant la Cour de cassation la mise en oeuvre par la présidente de la formation de jugement de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance du 20 mai 2020.

Sur le second moyen, en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

11. La Société fait le même grief aux arrêts alors :

« 2°/ qu'en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du Code de procédure civile ; qu'en l'espèce, la SAS SMP offrait de démontrer, certificat médical à l'appui, que son avocat, Maître [UB], avait été physiquement empêché de travailler du 22 mai au 3 juin pour raisons de santé et qu'il n'avait donc pas pu conclure dans le délai de l'article 908 du Code de procédure civile, mais qu'il avait ensuite fait toutes diligences pour satisfaire au plus vite aux obligations procédurales pesant sur l'exposante dès que cela lui avait été possible ; qu'en refusant de faire exception à la mise en oeuvre de la sanction du non-respect du délai susvisé, aux motifs que Maître [UB] aurait fait partie d'une équipe d'avocats, qu'il avait adressé un courrier le 24 mai pour communiquer le décompte des condamnations et avait conclu dès le 3 juin, ce qui était inopérant sur le fait que son accident de santé présentait les caractéristiques de la force majeure pour l'empêcher de conclure et de produire ses nombreuses pièces dans seize procédures, quand bien même il n'aurait pas été totalement incapable de la moindre action, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'absence d'irrésistibilité de l'état de santé de Maître [UB] pourtant empêché d'exercer son activité, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du Code de procédure civile ;

3°/ que les règles de procédure ne peuvent être interprétées et mises en oeuvre d'une manière qui fasse d'elles un obstacle à l'accès au juge qui soit excessif et disproportionné au regard du but qu'elles poursuivent ; qu'en l'espèce, la SAS SMP offrait de démontrer, certificat médical à l'appui, que Maître [UB], son avocat, avait été physiquement empêché pour raisons de santé, du 22 mai au 3 juin, de conclure dans le délai de l'article 908 du Code de procédure civile, mais qu'il avait fait toutes diligences pour satisfaire au plus vite aux obligations procédurales pesant sur l'exposante dès que cela avait été possible ; qu'en refusant de faire exception à la mise en oeuvre de la sanction du non-respect du délai susvisé, aux motifs que Maître [UB] aurait fait partie d'une équipe d'avocats, qu'il avait adressé un courrier le 24 mai pour communiquer le décompte des condamnations et avait conclu dès le 3 juin, bien qu'il ne soit pas contesté que Maître [UB] avait bien été arrêté pour raisons de santé, qu'il n'a pas été constaté qu'il aurait tenté de frauder, qu'il n'a en rien retardé la procédure d'appel et que les objectifs poursuivis par les règles de la procédure d'appel avaient pu être satisfaits, la cour d'appel a retenu une interprétation excessive des conditions de l'article 910-3 du Code de procédure civile et érigé un obstacle disproportionné à l'accès de l'exposante au juge d'appel, et a violé l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

12. Selon l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911.

13. Constitue, au sens de ce texte, un cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

14. Les arrêts retiennent que la partie qui se prévaut de la force majeure doit démontrer que les effets de la caducité ne pouvaient être évités par des mesures appropriées et qu' aucun élément ne permet de retenir que M. [UB], lorsqu'il traite les dossiers de sa clientèle personnelle, ne bénéficie d'aucun support de la part du cabinet d'avocats Harley, dans lequel il exerce, constitué d'une trentaine de personnes et notamment une équipe en droit social dont il fait partie et qu'il s'en déduit qu'un membre de cette équipe était en mesure de le suppléer en cas d'empêchement, et de suivre ses instructions.

15. Ils ajoutent qu'il ressort des courriels qu'il a adressés à l'avocat des salariés de la société SMP que M. [UB] a été en mesure le 24 mai 2019 de communiquer le décompte des condamnations assorties de l'exécution provisoire et de donner des informations précises sur le règlement des sommes concernées et que c'est le jour même de son rétablissement, à savoir le 3 juin, qu'il a adressé à la cour ses conclusions d'une trentaine de pages concernant les seize salariés intimés, accompagnées de 269 pièces, ce qui suppose qu'il ait bénéficié d'un support, eu égard à son état de santé.

16. En l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu en déduire qu'aucun cas de force majeure n'était démontré par l'appelante l'empêchant de conclure dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, de sorte que c'est à bon droit et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle a constaté la caducité de la déclaration d'appel prévue par ce texte.

17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 ; article 910-3 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 20-10.654, Bull. 2021, (rejet).

2e Civ., 16 décembre 2021, n° 20-12.000, (B)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Procédure à jour fixe – Domaine d'application – Appel de la décision de toute juridiction du premier degré statuant exclusivement sur la compétence – Prud'hommes

Procédure avec représentation obligatoire – Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence – Modalités – Procédure à jour fixe – Assignation – Dépôt d'une copie au greffe

Procédure à jour fixe – Assignation – Dépôt d'une copie au greffe – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 novembre 2019), M. [S] a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner les sociétés Camping La Sirène, Abricot communication et l'association Syppox théâtre au paiement de diverses sommes, après requalification de ses contrats en contrats à durée indéterminée. Il a relevé appel du jugement ayant constaté l'absence de co-emploi entre les défendeurs, se déclarant incompétent et renvoyant les parties à mieux se pourvoir.

Examen du moyen

Sur le moyen, en sa seconde branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [S] fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel, alors « qu'à supposer qu'il ait été relevé appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, l'article 85, alinéa 2, du code de procédure civile ne retient l'application des dispositions régissant la procédure à jour fixe qu'autant que « les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat » ; que tel n'est pas le cas de l'appel d'un jugement prud'homal dès lors que articles R. 1453-2 et R. 1461-1 du code du travail prévoit que la représentation est assurée soit par un défenseur syndical, soit par un avocat, à la suite de l'article 258 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; qu'en décidant, au visa des articles 920 et 922 du code de procédure civile, que M. [S] n'avait pas assigné les parties intimées pour l'audience du 11 septembre 2019 et n'avait donc pas remis au greffe la copie de ces assignations, quand l'appel du jugement du conseil de prud'hommes de Perpignan ne relevait pas de la représentation obligatoire par avocat, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues, notamment, par l'article 85 du même code.

Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction, dont émane le jugement frappé d'appel, imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.

5. En application de l'article R. 1461-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile. Il résulte de l'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, que les parties doivent s'y faire représenter par un défenseur syndical ou par un avocat.

6. Ces dernières dispositions instaurant une procédure spécifique de représentation obligatoire devant la cour d'appel statuant en matière prud'homale, il résulte de ce qui précède que l'appel d'un jugement statuant sur la compétence, rendu par une juridiction prud'homale, est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe.

7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, après avoir retenu que M. [S] n'avait pas assigné les parties intimées pour l'audience du 11 septembre 2019 et n'avait pas remis au greffe la copie des assignations, a déclaré caduque la déclaration d'appel en application des articles 920 et 922 du même code.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 83, 85, 920, 922 et 948 du code de procédure civile ; articles R. 1461-2, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, L. 1453-4, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, du code du travail.

2e Civ., 2 décembre 2021, n° 20-18.122, (B)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Péremption – Suspension

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2020, rectifié le 18 juin 2020) et les productions, la société [Adresse 3] (la société) a interjeté appel, le 22 décembre 2016, du jugement d'un juge de l'exécution l'ayant condamnée au paiement d'une certaine somme à M. et Mme [G] au titre de la liquidation d'une astreinte.

2. L'appelante a été avisée, le 16 janvier 2017 de la fixation de l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile, avec injonction de conclure et de respecter le calendrier de procédure prévoyant une date de clôture de l'instruction et une date de plaidoiries.

3. L'affaire a été radiée le 31 mars 2017, l'appelante n'ayant pas conclu ni communiqué de pièces dans le délai imparti.

4. L'affaire a été rétablie à la demande des intimés qui ont conclu le 13 février 2019 et ont formé appel incident.

5. Le 27 mars 2019, la société a demandé, à titre principal, que soit constatée la péremption de l'instance, et, à titre subsidiaire, que l'affaire soit renvoyée pour qu'il soit conclu au fond.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de rejeter la demande formée par la société tendant à voir constater la péremption de l'instance et de liquider à la somme de 25 000 euros, pour la période du 6 avril 2016 au 12 juin 2018, l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 12 janvier 2016 du juge des référés du tribunal de grande instance d'Evry et de condamner la société à payer cette somme à M. et Mme [G], alors « que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que le cours du délai de péremption de l'instance n'est pas suspendu par une ordonnance du président de la chambre saisie de la cour d'appel fixant l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile et impartissant des délais aux parties pour conclure ; qu'en retenant, pour écarter la péremption de l'instance d'appel, qu'un avis de fixation avait été adressée aux parties le 16 janvier 2017 et que l'ordonnance de radiation rendue le 31 mars 2017 par la présidente de la chambre avait fait courir un nouveau délai de deux ans de sorte que la demande de rétablissement effectuée le 13 février 2019 par M. et Mme [G] avait interrompu le délai de péremption toujours en cours, quand l'avis du 16 janvier 2017 de fixation de l'affaire à bref délai en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile impartissant aux parties un délai pour conclure n'avait pas suspendu le délai de péremption, de sorte que l'instance était périmée le 13 février 2019, la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 386 du code de procédure civile :

9. Si, dans la procédure ordinaire suivie devant la cour d'appel, le cours du délai de péremption de l'instance est suspendu, en l'absence de possibilité pour les parties d'accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l'instance, à compter de la date de la fixation de l'affaire pour être plaidée, tel n'est pas le cas lorsqu'en application de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire est fixée à bref délai, les parties étant invitées à la mettre en état pour qu'elle soit jugée.

10. Pour rejeter la demande formée par la société tendant à voir constater la péremption de l'instance et la condamner à payer une certaine somme à M. et Mme [G] au titre de la liquidation d'une astreinte, l'arrêt retient que le point de départ du délai de péremption de deux ans ne saurait être fixé au jour de la déclaration d'appel, que le cours du délai est suspendu, en l'absence de possibilité pour les parties d'accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l'instance, à compter de la date de fixation de l'affaire pour être plaidée et que, lorsque l'affaire fait ultérieurement l'objet d'une radiation, un nouveau délai de deux ans commence à courir, de sorte que l'avis de fixation ayant été adressé aux parties le 16 janvier 2017, la radiation de l'affaire, le 31 mars 2017, a fait courir un nouveau délai de deux ans qui a été interrompu le 13 février 2019, lorsque M. et Mme [G] ont sollicité le rétablissement de l'affaire et ont conclu au fond.

11. En statuant ainsi, alors que l'avis de fixation adressé à l'appelant, ayant alors seul constitué avocat, l'informant des jours et heures auxquelles l'affaire sera appelée en application de l'article 905 du code de procédure civile, invitait les parties à accomplir des diligences de nature à faire progresser l'instance, le délai de péremption n'étant pas suspendu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2020, rectifié le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 905 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.012, Bull., (cassation).

2e Civ., 2 décembre 2021, n° 20-10.692, (B)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Visa erroné – Vice de forme

La délivrance d'une déclaration d'appel au visa erroné de l'article 902 du code de procédure civile, s'agissant d'une procédure régie par l'article 905 du même code, ne constitue qu'un vice de forme, de sorte que l'exception de nullité qui en est tirée doit être invoquée avant toute défense au fond en application de l'article 112 du code de procédure civile.

Acte d'appel – Nullité – Vice de forme – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 novembre 2019), la société MCS et associés a demandé qu'il soit procédé à la saisie des rémunérations de M. [R], en règlement d'une créance qui lui avait été cédée par le Crédit Lyonnais.

2. Un tribunal ayant débouté la société MCS et associés de sa demande, celle-ci a interjeté appel de la décision par déclarations du 24 octobre 2018, puis du 7 décembre 2018.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir soulevées en défense et d'ordonner qu'il soit procédé à la saisie de ses rémunérations à concurrence de la somme de 49 940,87 euros au profit de la société MCS & associés, alors « que dans la procédure d'appel à bref délai, l'acte de signification de la déclaration d'appel indique à l'intimé, à peine de nullité que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables ; que l'incident tiré de la nullité de la signification et de l'irrecevabilité consécutive de l'appel est une fin de non-recevoir, qui peut être proposée en tout état de cause ; qu'en estimant qu'il s'agissait d'une exception tirée d'un vice de forme devant être soulevée in limine litis, la cour d'appel a violé les articles 905-1, 905-2 et 123 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon le second alinéa de l'article 905-1 du code de procédure civile, à peine de nullité, l'acte de signification de la déclaration d'appel, qui doit intervenir dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe, indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que faute de conclure dans le délai mentionné à l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.

5. Il résulte des articles 74 et 112 du code de procédure civile que les exceptions de nullité doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

6. Ayant relevé que M. [R] soulevait la nullité de la signification de la déclaration d'appel du 24 octobre 2018, intervenue le 12 novembre 2018, au motif que cet acte de procédure avait été délivré au visa de l'article 902 du code de procédure civile s'agissant en réalité d'une procédure régie par les articles 905 et suivants du même code et retenu à bon droit que le visa erroné de l'article 902 du code de procédure civile ne constituait qu'un vice de forme de l'acte de signification de la déclaration d'appel, la cour d'appel en a exactement déduit que cette exception de nullité aurait due, en application de l'article 112 du code de procédure civile, être invoquée avant toute défense au fond.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat(s) : Me Occhipinti -

Textes visés :

Articles 112, 902 et 905 du code de procédure civile.

2e Civ., 16 décembre 2021, n° 19-26.090, (B)

Rejet

Procédure sans représentation obligatoire – Convocation des parties à l'audience – Convocation par le greffe – Convocation du conseil du demandeur – Nécessité (non)

Selon l'article 937 du code de procédure civile, applicable à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience.

Si, selon l'article 932 du même code, la déclaration d'appel peut être faite par mandataire, aucun texte n'impose qu'un avis doit être adressé au conseil du demandeur, qui a, lui-même, été destinataire de cet avis et a, dès lors, été mis en mesure de se présenter à l'audience et de faire valoir ses droits.

Procédure sans représentation obligatoire – Convocation des parties à l'audience – Partie s'étant faite représenter dans l'acte d'appel – Convocation du conseil du demandeur – Nécessité (non)

Procédure sans représentation obligatoire – Acte d'appel – Mandataire – Faculté

Procédure sans représentation obligatoire – Convocation des parties à l'audience – Avis au demandeur – Mentions obligatoires

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 octobre 2019), saisi par une commission de surendettement, qui a déclaré recevable la demande de M. [T] tendant au traitement de sa situation de surendettement, le juge d'un tribunal d'instance a prononcé à l'égard de ce dernier l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation.

2. A la suite de la publication au BODACC de cette décision le 5 juin 2018, le [21] a déclaré deux créances, à titre hypothécaire, le 3 juillet 2018.

3. Par jugement du 28 janvier 2019, le juge du tribunal d'instance a arrêté le plan des créances, et notamment fixé la créance du [21] à une certaine somme à titre chirographaire.

4. Le [21] a interjeté appel de cette décision le 13 février 2019 par l'intermédiaire d'un avocat.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société [21] fait grief à l'arrêt d'arrêter sa créance à la somme de 133 781,54 euros à titre chirographaire échu, alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel ; que son exercice effectif exige que soit assuré l'accès de chacun, avec l'assistance d'un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention ; que la cour d'appel, pour confirmer le jugement, a retenu que le [21], régulièrement convoqué, n'a pas comparu à l'audience ni n'était représenté, de sorte qu'aucun moyen n'a été présenté devant elle ; qu'en statuant ainsi, sans s'assurer que le conseil du [21] avait bien été convoqué à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 14 et 937 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 937 du code de procédure civile, applicable à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience.

7. Si, selon l'article 932 du même code, la déclaration d'appel peut être faite par mandataire, aucun texte n'impose qu'un avis doit être adressé au conseil du demandeur, qui a, lui-même, été destinataire de cet avis et a, dès lors, été mis en mesure de se présenter à l'audience et de faire valoir ses droits.

8. L'arrêt, après avoir constaté qu'un appel avait été formé au greffe le 13 février 2019, par le [21], par l'intermédiaire de son conseil, retient que, bien que régulièrement convoqué à l'audience du 1er juillet 2019, par lettre recommandée, dont l'avis de réception avait été retourné le 6 mai 2019, signé par la destinataire, le [21] n'avait pas comparu ni n'était représenté et n'avait soutenu aucun moyen à l'appui de sa déclaration d'appel.

9. C'est, dès lors, sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 937 et 932 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Soc., 27 avril 1978, pourvoi n° 77-40.435, Bull. 1978, V, n° 300 (rejet).

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