Numéro 12 - Décembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2020

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 2 décembre 2020, n° 18-25.265, n° 18-25.266, n° 18-25.267, n° 18-25.268, n° 18-25.269, n° 18-25.270, n° 18-25.271, n° 18-25.272, n° 18-25.273, n° 18-25.274 et suivants, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords particuliers – Transports routiers et activités auxiliaires du transport – Accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002, annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 – Articles 28.2.1 et 28.2.2 – Garantie d'emploi et continuité du contrat de travail – Changement de prestataire – Maintien de la rémunération du personnel repris – Calcul – Assiette – Détermination – Portée

Il résulte de la combinaison des articles 28.2.1 et 28.2.2 de l'accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, qui sont relatifs aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, que le maintien de la rémunération du personnel repris doit être calculé sur la base de la rémunération mensuelle brute de base des douze derniers mois précédant la notification de la perte du marché.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 18-25.265 à V 18-25.298 sont joints.

Reprise d'instance

2. Il est donné acte à Mmes M... C..., W... F... et M. N... F..., ayants droit de S... F... décédé le 24 juin 2018, de leur reprise d'instance.

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués (Paris, 2 octobre 2018), la société Transroissy, qui fournissait des prestations de services pour le transport de passagers au sein de l'aéroport Roissy-Charles-de Gaulle, a perdu ce marché attribué le 8 avril 2009 à la société Transdev aéroport transit (la société TAT), la société Transroissy en étant informée le 18 avril 2009.

4. Un accord d'entreprise a été conclu le 15 juin 2009 au sein de la société Transroissy, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, modifiant les conditions de rémunération et certains avantages annexes de ses salariés.

5. La société TAT a proposé le 25 juin 2009 aux salariés transférables un avenant à leur contrat de travail, le transfert devenant effectif le 1er juillet 2009.

6. M. F... et trente-trois autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en condamnation de la société TAT à leur verser différentes sommes à titre notamment de rappels de salaires en application de l'accord d'entreprise du 15 juin 2009.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

7. La société TAT fait grief aux arrêts de la condamner à payer aux salariés diverses sommes à titre de rappel de salaires de juillet 2009 à avril 2016, de congés payés afférents et de rappel de salaires sur le treizième mois, alors :

« 1°/ que selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci dessus » ; que la notification visée « ci dessus » correspond à la notification de la perte de marché citée à l'article 28.2.1 ; qu'en jugeant néanmoins que la rémunération des salariés devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif des contrats de travail, soit au 25 juin 2009, date à laquelle les avenants avaient été notifiés et approuvés, et non pas au jour de notification de la perte de marché, la cour d'appel a violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixant les conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, alors en vigueur ;

2°/ que selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci dessus » ; que la notification visée « ci dessus » correspond à la notification de la perte de marché citée à l'article 28.2.1 ; qu'en jugeant que la rémunération des salariés devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif des contrats de travail, soit au 25 juin 2009, date à laquelle les avenants avaient été notifiés et approuvés, aux motifs inopérants que « l'article 28.2 précité prévoit certes, une obligation d'information à la charge de l'entreprise, mais sans en préciser les modalités » et que « l'interprétation par la société Transdev des dispositions de l'article 28.2.1 serait non conforme aux dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre effet qu'un jour du changement de prestataire avec l'accord des salariés, en l'occurrence, comme le font valoir les intimés, le 25 juin 2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés » et sans procéder comme elle le devait à une interprétation stricte de ce texte, la cour d'appel a violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixant les conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, alors en vigueur ;

3°/ que selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification de la perte de marché ; qu'en jugeant que c'était l'horaire contractuel qui était calculé sur la base des douze derniers mois et non la rémunération, laquelle devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jours du transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009, la cour d'appel a derechef violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, alors en vigueur. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 28.2.1 et 28.2.2, alors en vigueur, de l'accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 :

8. Selon le premier de ces textes, relatifs aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise à la condition notamment de justifier d'une affectation sur le marché d'au moins six mois à la date de notification de la perte de marché.

Aux termes du second, intitulé « Modalités de maintien de la rémunération », le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des douze derniers mois précédant la notification visée ci-dessus.

En cas de changement de l'horaire contractuel au cours des douze derniers mois, il sera tenu compte de la dernière situation du salarié.

9. Il résulte de la combinaison des textes susvisés que le maintien de la rémunération du personnel repris doit être calculé sur la base de la rémunération mensuelle brute de base des douze derniers mois précédant la notification de la perte du marché.

10. Pour faire droit aux demandes de rappels de salaire, de congés payés afférents et de treizième mois, l'arrêt retient que l'interprétation par la société entrante des dispositions de l'article 28.2.1, selon laquelle la notification visée par cet article serait celle de la perte du marché, est sans fondement dès lors que l'article 28.2 prévoit certes une obligation d'information à la charge de l'entreprise, mais sans en préciser les modalités formelles.

L'arrêt retient aussi que cette interprétation est non conforme aux dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre effet qu'au jour du changement de prestataire avec l'accord des salariés, en l'occurrence le 25 juin 2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés.

L'arrêt ajoute qu'en toute hypothèse, c'est l'horaire contractuel qui est « calculé » sur la base des douze derniers mois, et non la rémunération, laquelle doit être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009, et qu'en conséquence le rappel de rémunération correspond à la différence entre le montant du salaire de base du mois de juin 2009 et celui perçu après le transfert.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le second des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Transdev aéroport transit à payer aux salariés des sommes à titre de rappels de salaires de juillet 2009 à avril 2016, de congés payés afférents et de treizième mois, les arrêts rendus le 2 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Corre - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 28.2.1 et 28.2.2 de l'accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002, annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.395, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 – Indemnité spécifique de rupture – Indemnité de clientèle – Bénéfice – Conditions de renonciation – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 2 avril 2019), M. F..., engagé à compter du 26 août 2013 par la société Luxastore déco en qualité de vendeur exclusif, voyageur représentant placier, a été licencié le 21 décembre 2015 pour faute grave.

2.Contestant son licenciement, il a saisi le 3 février 2016 la juridiction prud'homale de diverses demandes dont une indemnité spéciale de rupture.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens :Publication sans intérêt

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité spéciale de rupture, alors « qu'en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur représentant ou placier a le droit de percevoir une indemnité légale de clientèle ; que dans cette même hypothèse de rupture, sauf opposition de l'employeur, il peut percevoir une indemnité spéciale de rupture, à la condition d'avoir renoncé à l'indemnité légale de clientèle, au plus tard dans les 30 jours suivant l'expiration du contrat de travail, de sorte que quand le VRP ne pouvait avoir droit à l'indemnité légale, pour avoir été licencié pour faute grave, la condition de renonciation à celle-ci pour bénéficier de l'indemnité spéciale de rupture se trouve sans objet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté le salarié de sa demande en paiement de l'indemnité spéciale de rupture en se fondant sur la circonstance qu'il n'avait pas renoncé à l'indemnité de clientèle ; qu'en statuant ainsi quand elle avait constaté qu'il avait été licencié pour faute grave, ce qui avait fait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier lors de la rupture du contrat de l'indemnité légale, partant à ce qu'il puisse y renoncer, la cour d'appel a violé les articles L. 7313-13 du code du travail et 14 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 7313-13, alinéa 1er, du code du travail et l'article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 :

5. Aux termes du premier de ces textes, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

6. Selon le second, lorsque le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L. 751-9, alinéas 1er et 2 du code du travail, devenu les articles L. 7313-13 et L. 7313-14, alors qu'il est âgé de moins de soixante-cinq ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 16 du présent accord, et sauf opposition de l'employeur exprimée par écrit et au plus tard dans les quinze jours de la notification de la rupture ou de la date d'expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, ce représentant, à la condition d'avoir renoncé au plus tard dans les trente jours suivant l'expiration du contrat de travail à l'indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l'article L. 751-9 précité, bénéficiera d'une indemnité spéciale de rupture fixée comme suit dans la limite d'un maximum de dix mois (...).

7. Il résulte de ces textes, que lorsqu'il est jugé que le licenciement prononcé pour faute grave repose en réalité sur une cause réelle et sérieuse, le bénéfice de l'indemnité spéciale de rupture ne peut être subordonné à la condition de renonciation par le salarié à l'indemnité de clientèle dans le délai de trente jours suivant l'expiration du contrat de travail.

8. Pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité spéciale de rupture, l'arrêt, après avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, retient que le salarié ne justifie pas avoir entrepris la moindre démarche envers l'employeur, dans les trente jours de la rupture du contrat, établissant qu'il entendait renoncer à l'indemnité de clientèle à laquelle il pouvait prétendre.

9. En statuant ainsi, alors que le salarié licencié pour faute grave ne pouvait renoncer à une indemnité de clientèle à laquelle il ne pouvait pas prétendre au jour de l'expiration du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant l'indemnité spéciale de rupture entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif condamnant la société Luxastore à payer à M. F... une somme au titre de l'indemnité légale de licenciement, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. F... de sa demande en paiement d'une indemnité spéciale de rupture et condamne la société Luxastore à payer à M. F... la somme de 1 549,24 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L.7313-13, alinéa 1, du code du travail ; article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.

Soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.092, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959 – Article 20 – Indemnité de licenciement – Bénéfice – Exclusion – Salariés licenciés pour inaptitude physique – Caractère discriminatoire – Justification – Absence d'élément objectif – Portée

En l'absence d'élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l'état de santé du salarié la disposition d'une convention collective excluant les salariés licenciés pour inaptitude de l'indemnité de licenciement qu'elle institue.

C'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel, constatant que n'étaient exclus du bénéfice d'une indemnité de licenciement prévue par un accord d'entreprise que les salariés licenciés pour un motif disciplinaire d'une part, et pour inaptitude physique ou invalidité d'autre part, a décidé que cette clause était inopposable à la salariée licenciée en raison de son inaptitude.

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Nullité – Cause – Caractère discriminatoire – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 mars 2019), K... E... a été engagée en 1978 en qualité d'agent commercial par la société Air Inter, aux droits de laquelle vient la société Air France. Elle a été placée en arrêt maladie du 7 janvier 2007 au 28 février 2014.

2. K... E... a été licenciée le 1er décembre 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

3. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 1er mars 2015 afin d'obtenir un rappel d'indemnité de licenciement. A la suite de son décès, survenu en cours de procédure, l'instance a été reprise par ses ayants droit.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

La société Air France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux ayants droit de K... E... une somme au titre du solde de l'indemnité de licenciement, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 23 mars 2015, alors :

« 1°/ qu'un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, peut prévoir des modalités différentes de calcul de l'indemnité de licenciement selon les causes de licenciement ; qu'en jugeant que les dispositions de la convention collective du personnel au sol de la société Air France et les dispositions de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien (CCNTA) étaient discriminatoires en ce qu'elles instituent des modalités différentes de calcul de l'indemnité pour les salariés licenciés pour inaptitude et pour les salariés licenciés pour une autre cause, à l'exception d'un motif disciplinaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-1 dans sa rédaction en vigueur, ensemble les articles 3.4 du chapitre 4 du titre 2 de la convention collective du personnel au sol de la société Air France et l'article 20 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien ;

2°/ que n'est pas discriminatoire la disposition d'un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote qui prévoit qu'un salarié licencié pour inaptitude perçoit une indemnité de licenciement dont le montant maximal est inférieur au montant fixé pour d'autres motifs de licenciement ; qu'en effet, l'origine de ce plafonnement n'est pas l'état de santé du salarié mais l'inactivité de ce dernier objectivement engendrée par l'inaptitude ; que la cour d'appel a constaté que l'article 3.4 du chapitre 4 du titre 2 de la convention collective du personnel au sol de la société Air France renvoyait, pour le calcul de l'indemnité de licenciement due au salarié licencié pour inaptitude, à l'article 20 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien applicable à cette entreprise qui prévoit que l'indemnité de licenciement à verser ne peut pas excéder 18 mois de salaire et non pas 24 mois de salaire, montant maximal de l'indemnité conventionnelle due pour les salariés licenciés pour un autre motif que l'inaptitude, à l'exception d'un motif disciplinaire ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que cette différence de traitement ne constituait une discrimination fondée sur l'état de santé, mais reposait sur des éléments objectifs tirés d'accords collectifs négociés et signés et de l'inactivité objective de la salariée ; qu'en décidant que les dispositions conventionnelles en cause étaient discriminatoires, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1132-1 dans sa rédaction en vigueur, ensemble les articles 3.4 du chapitre 4 du titre 2 de la convention collective du personnel au sol de la société Air France et l'article 20 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien ;

3°/ qu'aux termes de l'article 35 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien, les périodes pendant lesquelles le contrat de travail a été suspendu pour maladie sont prises en compte intégralement pour le calcul de l'ancienneté dans les conditions fixées à l'article 26 ; qu'aux termes de l'article 26 de cette convention, un an après leur entrée dans l'entreprise, en cas de maladie ou d'accident dûment constatés par certificat médical et contre-visite, s'il y a lieu, les salariés continuent de recevoir leurs appointements effectifs normaux du dernier mois complet d'activité, à l'exclusion des primes inhérentes à leur fonction sur la base aussi bien ''d'un plein traitement'' que d'un ''demi-traitement'' ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, que pour le calcul de l'ancienneté, ne sont pas seulement prises en compte les périodes d'absence pour maladie durant lesquelles le salarié perçoit son salaire à temps plein (complet salaire) puisque sont également visées les périodes de ''demi traitement'' ; qu'en affirmant que, pour le calcul de l'ancienneté, la société Air France a, à tort, appliqué, l'article 35 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien qui exige le maintien d'un salaire à temps plein pour prendre en compte les périodes pendant lesquelles le salarié était absent pour maladie, la cour d'appel a violé les articles 26 et 35 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien ;

4°/ que le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; que la cour d'appel a affirmé qu'il résulte de la fiche de calcul de l'indemnité de licenciement de Mme E... produite par la société Air France que cette entreprise a intégré les absences de la salariée à une rubrique ''période à temps partiel'' pour appliquer le taux moyen d'activité, en sorte que le calcul de l'indemnité de licenciement a été effectué en appliquant, à tort, à la salariée un régime de temps partiel ; qu'en statuant ainsi, bien qu'une telle intégration ne résultait pas de la fiche produite et que le taux moyen d'activité appliqué à la salariée résultait seulement de la pondération de l'ancienneté de la salariée au regard des périodes d'inactivité liées à ses absences, la cour d'appel a dénaturé les documents de la cause ;

5°/ que l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement constitue une créance que le juge ne fait que constater et sur laquelle les intérêts légaux courent de plein droit à compter de la demande valant mise en demeure ; que seule la convocation des parties devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes vaut mise en demeure ; qu'en faisant courir les intérêts légaux dus au titre du rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement à compter du 23 mars 2015, qui ne correspond pas à la date de la convocation des parties devant le bureau de conciliation, mais à celle de la requête de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article R. 1452-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Même lorsque la différence de traitement en raison d'un des motifs visés à l'article L. 1132-1 du code du travail résulte des stipulations d'une convention ou d'un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent être présumées justifiées au regard du principe de non-discrimination.

6. En l'absence d'élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l'état de santé du salarié la disposition d'une convention collective excluant les salariés licenciés pour inaptitude de l'indemnité de licenciement qu'elle institue.

7. La cour d'appel ayant constaté que la convention d'entreprise « personnel au sol » d'Air France révisée le 1er janvier 2013, prévoyait une indemnité de licenciement plus favorable que celle prévue à la convention nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien, dite CCNTA, et que n'étaient exclus du bénéfice de cette indemnité plus favorable que les salariés licenciés pour un motif disciplinaire d'une part, et pour inaptitude physique ou invalidité d'autre part, a exactement décidé que cette clause était inopposable à la salariée licenciée en raison de son inaptitude.

8. Ayant relevé ensuite que, selon l'article 4 du chapitre 2 du titre 2 du même accord d'entreprise, pour l'ancienneté à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement sont comptés comme temps de service validables les durées des périodes d'indisponibilité pour raison de santé avec solde ou sans solde dans la mesure où elles donnent lieu à une indemnisation par le régime de prévoyance, et constaté que la salariée avait, pendant la durée de son congé maladie, été indemnisée par le régime de prévoyance Vivinter, la cour d'appel en a déduit exactement que ces périodes devaient être prises en compte pour le calcul de l'ancienneté de l'intéressée.

9. Le moyen, qui, en sa dernière branche, manque en fait, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 1132-1 du code du travail ; articles 20, 26 et 35 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959 ; article 3.4 du chapitre 4 du titre 2 de la convention d'entreprise « personnel au sol » de la société Air France révisée le 1er janvier 2013.

Rapprochement(s) :

Sur le caractère discriminatoire en raison de l'état de santé de dispositions d'un accord collectif prévoyant l'exclusion de l'ouverture de droit à l'indemnité conventionnelle en cas de licenciement pour inaptitude, à rapprocher : Soc., 8 octobre 2014, pourvoi n° 13-11.789, Bull. 2014, V, n° 232 (rejet).

Soc., 16 décembre 2020, n° 19-14.682, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale du personnel du régime d'assurance chômage – Article 10 – Priorité d'embauche – Envoi des appels de candidatures et examen des candidatures – Ordre de priorité – Respect par l'employeur – Nécessité – Portée

Selon l'article 10, § 2, de la convention collective nationale du personnel du régime d'assurance chômage, les appels de candidatures doivent obligatoirement être effectués par les directions, en priorité, auprès des agents de l'institution, puis simultanément auprès de personnes appartenant à diverses catégories, au nombre desquelles figurent les anciens agents sous contrat à durée déterminée ayant quitté l'institution depuis moins de trois mois et ayant fait expressément, lors de leur départ, ou ultérieurement, la demande d'être informés de toute vacance de poste. En vertu de l'article 10, § 3, de ladite convention, dans le but de favoriser la promotion interne, les directions doivent pourvoir les postes de travail en respectant, pour l'examen des candidatures, l'ordre des priorités défini ci-dessus.

Il en résulte que l'employeur doit respecter un ordre de priorité, non seulement dans l'envoi des appels de candidatures, mais également dans l'examen des candidatures pour pourvoir les postes de travail.

Il appartient à l'employeur de justifier avoir respecté cet ordre de priorité à l'égard des catégories de personnes en bénéficiant et le manquement de l'employeur à cette obligation ouvre droit au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 janvier 2018), Mme I... K... a été engagée par Pôle emploi suivant contrat à durée déterminée du 3 juin au 30 novembre 2009 en qualité d'agent allocataires-conseiller à l'emploi.

2. Le 19 décembre 2011, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Examen du moyen

Sur le moyen en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de la salariée de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de réintégration

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ces chefs de demande, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 10 § 3 de la convention collective nationale du personnel du régime de l'assurance chômage que « dans le but de favoriser la promotion interne, les directions doivent pourvoir les postes de travail en respectant, pour l'examen des candidatures, l'ordre des priorités défini ci-dessus » ce dont il s'évince que les agents et anciens agents en contrat à durée déterminée bénéficient non seulement d'une priorité dans la diffusion des appels de candidatures mais également dans l'examen de leur candidature aux postes de travail qui doivent être pourvus dans le respect des règles de priorité définies par l'article 10, ce dont il appartient à l'employeur de justifier ; et qu'en considérant que l'article 10 de cette convention collective ne prévoyait qu'un ordre de priorité dans la diffusion des appels de candidatures, la cour d'appel a violé cette disposition ;

2°/ que l'article 10 § 3 de la convention collective nationale du personnel du régime de l'assurance chômage impose à l'employeur de pourvoir les postes de travail, en respectant pour l'examen des candidatures, l'ordre des priorités défini pour leur diffusion ; et qu'en s'abstenant de vérifier si l'employeur avait pourvu les sept postes disponibles à l'agence Pôle emploi de Tolbiac, auxquels Mme I... K... avait postulé, dans le respect de cette disposition, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 10 § 3 de la convention collective nationale du personnel du régime de l'assurance chômage. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 10 § 2 de la convention collective nationale du personnel du régime d'assurance chômage, les appels de candidatures doivent obligatoirement être effectués par les directions, en priorité, auprès des agents de l'institution, puis simultanément auprès de personnes appartenant à diverses catégories, au nombre desquelles figurent les anciens agents sous contrat à durée déterminée ayant quitté l'institution depuis moins de trois mois et ayant fait expressément, lors de leur départ, ou ultérieurement, la demande d'être informés de toute vacance de poste.

En vertu de l'article 10 § 3 de ladite convention, dans le but de favoriser la promotion interne, les directions doivent pourvoir les postes de travail en respectant, pour l'examen des candidatures, l'ordre des priorités défini ci-dessus.

5. Il résulte de ces dispositions conventionnelles que l'employeur doit respecter un ordre de priorité, dont bénéficient notamment les anciens salariés sous contrat à durée déterminée aux conditions prévues par le texte susvisé, dans l'envoi des appels de candidatures et dans l'examen des candidatures pour pourvoir les postes de travail.

6. Il appartient à l'employeur de justifier avoir respecté cet ordre de priorité à l'égard des catégories de personnes en bénéficiant et le manquement de l'employeur à cette obligation ouvre droit au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi.

7. La cour d'appel, qui a débouté la salariée de ses demandes de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de réintégration après avoir retenu que le non-respect par l'employeur de ses obligations conventionnelles ne pouvait donner lieu qu'au paiement de dommages-intérêts, a, par ces seuls motifs, justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ce chef de demande, alors « qu'il résulte de l'article 10 § 3 de la convention collective nationale du personnel du régime de l'assurance chômage que « dans le but de favoriser la promotion interne, les directions doivent pourvoir les postes de travail en respectant, pour l'examen des candidatures, l'ordre des priorités défini ci-dessus » ce dont il s'évince que les agents et anciens agents en contrat à durée déterminée bénéficient non seulement d'une priorité dans la diffusion des appels de candidatures mais également dans l'examen de leur candidature aux postes de travail qui doivent être pourvus dans le respect des règles de priorité définies par l'article 10, ce dont il appartient à l'employeur de justifier ; et qu'en considérant que l'article 10 de cette convention collective ne prévoyait qu'un ordre de priorité dans la diffusion des appels de candidatures, la cour d'appel a violé cette disposition. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10 § 2 et § 3 de la convention collective nationale du personnel du régime d'assurance chômage et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

10. En application du premier de ces textes, l'employeur doit respecter un ordre de priorité, dont bénéficient notamment les anciens salariés sous contrat à durée déterminée, aux conditions prévues par les dispositions conventionnelles, dans l'envoi des appels de candidatures et dans l'examen des candidatures pour pourvoir les postes de travail.

11. Il appartient à l'employeur de justifier avoir respecté cet ordre de priorité à l'égard des catégories de personnes en bénéficiant et le manquement de l'employeur à cette obligation ouvre droit au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi.

12. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la salariée, la cour d'appel a retenu que l'article 10 de la convention collective applicable oblige seulement les directions de Pôle emploi à adresser les appels à candidatures, en priorité, notamment aux anciens agents sous contrat à durée déterminée en fonction dans l'institution, ou ayant quitté l'institution depuis moins de trois mois et ayant fait expressément, lors de leur départ, ou ultérieurement, la demande d'être informés de toute vacance de poste, que la salariée a été informée pendant son contrat de travail des postes ouverts au recrutement et correspondant à des emplois à durée indéterminée et qu'elle ne justifie pas ne pas en avoir été informée dans les trois mois qui avaient suivi la fin de son contrat.

13. En statuant ainsi, alors que les dispositions conventionnelles imposent à l'employeur de respecter un ordre de priorité non seulement dans la diffusion des appels à candidature mais également dans l'examen des candidatures et qu'il appartenait à l'employeur de justifier avoir respecté ses obligations, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme I... K... de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 25 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 10, § 2 et § 3, de la convention collective nationale du personnel du régime d'assurance chômage.

Soc., 2 décembre 2020, n° 19-11.986, n° 19-11.987, n° 19-11.988, n° 19-11.989, n° 19-11.990, n° 19-11.991, n° 19-11.992, n° 19-11.993, n° 19-11.994, (P)

Rejet

Négociation collective – Périodicité de la négociation – Négociation triennale – Mobilité interne – Mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise – Conditions – Mobilité s'inscrivant dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs – Définition – Cas – Portée

Selon l'article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs.

Une cour d'appel, qui constate que l'accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs au niveau de l'entreprise afin d'apporter des solutions à des pertes de marché sur certains territoires, en déduit exactement que cette réorganisation constituait une mesure collective d'organisation courante au sens du texte précité, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes.

Négociation collective – Périodicité de la négociation – Négociation triennale – Mobilité interne – Mise en oeuvre – Application au contrat de travail des stipulations de l'accord de mobilité – Refus du salarié – Effets – Licenciement pour motif économique – Portée

Selon l'article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne, leur licenciement repose sur un motif économique. Dès lors la rupture du contrat de travail résultant d'un tel refus constitue un licenciement pour motif économique sans qu'il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l'activité de l'employeur.

Négociation collective – Périodicité de la négociation – Négociation triennale – Mobilité interne – Mise en oeuvre – Application au contrat de travail des stipulations de l'accord de mobilité – Refus du salarié – Effets – Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Appréciation – Conditions – Détermination – Portée

Si le refus par le salarié d'accepter l'application à son contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne constitue, en application de l'article L. 2242-23 du code du travail alors applicable, un motif économique, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard, d'une part, de la conformité de l'accord aux dispositions des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail et, d'autre part, conformément aux dispositions des articles 4, 9.1 et 9.3 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail, de la justification de l'accord par l'existence des nécessités du fonctionnement de l'entreprise.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 19-11.986, X 19-11.987, Y 19-11.988, Z 19-11.989, A 19-11.990, B 19-11.991, C 19-11.992, D 19-11.993 et E 19-11.994 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Nîmes, 23 octobre 2018), après avoir perdu un marché couvrant les départements du Gard et de la Lozère, la société Inéo Infracom a déménagé son centre de Nîmes à une autre adresse au sein de la même ville et a proposé aux salariés rattachés à ce centre des affectations temporaires dans d'autres régions à compter du 1er juillet 2013, et ce dans le cadre du régime de grand déplacement prévu par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, applicable. Plusieurs salariés ont fait part de leur refus de cette situation à l'employeur et ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de leur contrat de travail.

3. Le 29 juillet 2013, un accord de mobilité interne a été conclu entre l'employeur et plusieurs organisations syndicales représentatives en application des articles L. 2242-21 et suivants du code du travail. Plusieurs salariés rattachés au centre de Nîmes, licenciés pour motif économique le 8 avril 2014 en raison de leur refus de mobilité interne, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande subsidiaire contestant le bien-fondé de leur licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et huitième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses sixième et septième branches

Enoncé du moyen

5. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de leurs contrats de travail aux torts de leur employeur, à voir constater la nullité et en tous cas l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements et à obtenir la condamnation de l'employeur à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, alors :

« 6°/ que l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en constatant que l'accord de mobilité interne signé le 29 juillet 2013 avait été conclu en suite de la perte du marché de France Telecom concernant le contrat Cartocible dans les départements du Gard et de la Lozère et de la fermeture du site de travaux sis 5 rue de Narvik à Nîmes qui avait entraîné le refus de mutation de plus de dix salariés de ce centre et en en déduisant néanmoins que cet accord de mobilité était valide, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

7°/ que l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en se bornant à affirmer que l'accord de mobilité du 29 juillet 2013 était valide, aux seuls motifs que cet accord mentionnait expressément qu'il avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs et que la fraude invoquée ne pouvait se déduire des affectations temporaires en grand déplacement proposées aux salariés affectés au marché perdu, sans avoir recherché, si, comme le soutenaient les salariés dans leurs conclusions d'appel, l'employeur n'avait pas procédé à la suppression pure et simple des 80 postes de travail sur le site de Nîmes, de sorte que l'accord de mobilité n'avait pas été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs.

7. La cour d'appel, qui a constaté que l'accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs au niveau de l'entreprise, afin d'apporter des solutions pérennes d'organisation de l'entreprise confrontée à des pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs, en a exactement déduit que cette réorganisation constituait une mesure collective d'organisation courante, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes et la ré-affectation des salariés concernés sur d'autres postes.

8. Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Les salariés font les mêmes griefs aux arrêts, alors « que le juge doit apprécier si le licenciement repose ou non sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant que le motif économique du licenciement des salariés était vainement discuté dès lors que le licenciement d'un salarié qui a refusé l'application à son contrat de travail des stipulations d'un accord de mobilité repose sur un motif économique, la cour d'appel, qui a refusé d'apprécier la cause réelle et sérieuse des licenciements a violé l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, selon l'article 4 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui est d'application directe en droit interne, un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service.

Selon l'article 9.1 du même texte, le tribunal auquel est soumis un recours devra être habilité à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié.

Aux termes de son article 9.3, en cas de licenciement motivé par les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, le tribunal devra être habilité à déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs, et l'étendue de ses pouvoirs éventuels pour décider si ces motifs sont suffisants pour justifier ce licenciement sera définie par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, ou par voie de législation nationale.

11. En second lieu, selon l'article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne, leur licenciement repose sur un motif économique.

12. Il en résulte qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard de la conformité de l'accord de mobilité aux dispositions des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail et de sa justification par l'existence des nécessités du fonctionnement de l'entreprise, sans qu'il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l'activité de l'employeur.

13. D'une part, la cour d'appel a, à juste titre ainsi qu'il a été dit au point 7, retenu que l'accord était conforme aux dispositions de l'article L. 2241-21 du code du travail.

14. D'autre part, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que l'accord de mobilité interne n'était pas justifié par les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, a exactement décidé que le motif économique du licenciement était vainement discuté sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ; article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ; articles L. 2242-23, alors applicable, L. 2242-21 et L. 2242-22 du code du travail ; articles 4, 9.1 et 9.3 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement.

Rapprochement(s) :

Sur la notion de mobilité s'inscrivant dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs, à rapprocher : Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-13.599, Bull. 2019, (Rejet).

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