Numéro 12 - Décembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2020

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 9 décembre 2020, n° 18-25.686, (P)

Cassation

Démarchage et vente à domicile – Contrat – Mentions obligatoires – Texte intégral des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation – Reproduction dans le contrat – Connaissance des causes de nullité tirées de l'inobservation du formalisme – Portée

La reproduction lisible, dans un contrat de démarchage, des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. Une telle connaissance, jointe à l'exécution volontaire du contrat par l'intéressé, emporte la confirmation de l'acte nul.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 septembre 2018), Mme E... a, le 14 janvier 2014, conclu un contrat de fourniture et d'installation d'un kit photovoltaïque avec la société Enovia (le vendeur), financé par un crédit qu'elle a souscrit le même jour avec M. D... (les emprunteurs) auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque).

2. Les emprunteurs ont assigné le vendeur et la banque en annulation de ces contrats.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et de les dire tenus de poursuivre l'exécution du contrat de crédit, alors « que la confirmation de l'acte nul requiert la connaissance du vice affectant l'acte nul et l'intention de le réparer, ce que ne caractérise pas la reproduction in extenso au dos du bon de commande des dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-26 du code de la consommation ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a énoncé que la reproduction en petits caractères au dos du bon de commande des articles L. 121-23 à L. 121-24 du code de la consommation suffisaient à informer les emprunteurs des vices entachant le bon de commande et qu'ils ont poursuivi l'exécution du contrat sans formuler de réserves après les travaux et la mise en service de l'installation laquelle a fonctionné au moins pendant deux ans jusqu'à l'engagement de leur action ; qu'en déduisant de ces constatations que les emprunteurs avaient volontairement exécuté le contrat en connaissance des vices affectant le bon de commande et l'avaient ainsi confirmé, la cour d'appel a violé l'article 1338 ancien du code civil devenu l'article 1182 du même code. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt retient que, si que le contrat ne respecte pas les exigences posées à l'article L. 121-23, 4° et 5°, du code de la consommation en ce qu'il ne contient pas la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, ni les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services, il est cependant reproduit au verso du bon de commande, après les conditions générales de vente, les dispositions des articles L. 121-23 à L.121-24 du code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles et que cette obligation légale a pour objet de permettre au consommateur normalement attentif de prendre connaissance de ses droits et en tirer les conséquences en décidant soit de poursuivre le contrat en dépit des vices qui l'affectent, soit d'y mettre fin. Il ajoute que les emprunteurs ne pouvaient pas ignorer que les manquements relevés leur permettaient de se prévaloir de la nullité du contrat et renoncer à son exécution, même après l'expiration du délai de renonciation et qu'ils ont poursuivi l'exécution du contrat sans formuler aucune réserve après les travaux et après la mise en service de l'installation de production électrique, laquelle a fonctionné au moins pendant deux ans jusqu'à l'engagement de leur action.

6. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que les emprunteurs avaient exécuté volontairement le contrat, en connaissance des vices affectant le bon de commande, ce qui valait confirmation du contrat et les privait de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Les emprunteurs font le même grief à l'arrêt, alors « que, dans leurs conclusions d'appel, les emprunteurs faisaient valoir que non seulement la reproduction au dos du bon de commande des articles L. 121-23 à L. 121-26 anciens du code de la consommation était erronée mais qu'en outre cette reproduction ne suffisait pas à permettre la connaissance de tous les vices entachant le bon de commande ; que la cour d'appel a notamment reconnu que le formulaire de rétractation n'était pas conforme aux exigences des articles R. 121-4 et R. 121-6 (anciens) du code de la consommation ce qui suffisait à entraîner la nullité du contrat de vente ; qu'en estimant dès lors que la reproduction des seuls articles L. 121-23 à L. 121-26 (anciens) du code de la consommation suffisait à informer les emprunteurs des vices du contrat de vente, sans répondre à leurs conclusions péremptoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

10. Pour rejeter la demande en nullité du contrat de fourniture et d'installation, après avoir constaté que le formulaire de rétractation n'était pas conforme aux exigences des articles R. 121-4 et R. 121-6 du code de la consommation, l'arrêt retient qu'ayant pris connaissance des articles L. 121-23 à L. 121-24 du même code reproduits dans le bon de commande, les emprunteurs ne pouvaient ignorer les causes de nullité qui affectaient le contrat principal, de sorte qu'en poursuivant volontairement son exécution sans formuler aucune réserve, ceux-ci avaient entendu le confirmer.

11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des emprunteurs qui faisaient valoir que la reproduction des articles L. 121-23 à L. 121-26 précités ne permettait pas d'établir qu'ils avaient eu connaissance des causes de nullité tirées de l'inobservation des articles R. 121-4 à R. 121-6 précités, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

12. Les emprunteurs font le même grief à l'arrêt, alors « que l'annulation du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de prêt affecté, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige ; d'où il suit que la cassation qui sera prononcée sur l'une des quatre premières branches du moyen entraînera la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt qui a ordonné aux emprunteurs la poursuite de l'exécution du prêt litigieux, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. L'annulation du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de crédit affecté, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

14. Il s'ensuit que la cassation de l'arrêt sur la deuxième branche du moyen entraîne, par voie de conséquence, celle de la disposition de l'arrêt qui dit les emprunteurs tenus de poursuivre l'exécution du contrat de crédit.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième et dernière branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation.

1re Civ., 9 décembre 2020, n° 19-18.391, (P)

Cassation

Démarchage et vente à domicile – Qualification

Une cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-21, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, en faisant application, à un contrat de vente d'un kit photovoltaïque, de la législation du code de la consommation relative au démarchage à domicile, sans constater que le devis avait été accepté au domicile du consommateur en présence du professionnel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 avril 2019), le 29 août 2011, M. et Mme P... (les acquéreurs) ont accepté un devis établi par la société Creasun (le vendeur) portant sur la fourniture et l'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque au prix de 20 143,56 euros.

Le 13 décembre 2011, ils ont souscrit un crédit d'un montant identique auprès de la société Banque populaire provençale et Corse, devenue la société Banque populaire Méditerranée (la banque).

2. Par actes des 13 mai et 3 juin 2016, les acquéreurs, se plaignant d'un défaut de sécurité de leur installation ainsi que de manquements du professionnel aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, ont assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, et la banque, en annulation et, subsidiairement, en résolution des contrats de vente et de crédit.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat de vente et le contrat de crédit affecté, de la priver de sa créance de restitution du capital emprunté, de la condamner à restituer les sommes perçues des acquéreurs et de fixer à la somme de 20 143,56 euros la créance de ces derniers au passif du vendeur, alors « que le déplacement d'un professionnel au domicile d'un consommateur pour l'étude des lieux et la prise des mesures nécessaires à l'établissement d'une offre de contrat ne constitue pas un démarchage dès lors que cette offre n'a pas été acceptée pendant la visite du professionnel mais ultérieurement, hors de sa présence ; qu'en déclarant que le contrat litigieux avait été conclu à l'issue d'une opération de démarchage, sans constater que le contrat, accepté au domicile des consommateurs, l'avait été en présence du professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 121-21 et L. 121-23 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 121-21, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 :

4. Selon ce texte, est soumis aux articles L. 121-21 à L. 121-33 du code de la consommation quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services.

5. Pour accueillir la demande d'annulation du contrat de vente fondée sur ces dispositions, l'arrêt énonce, d'abord, que le démarchage à domicile est caractérisé par la réception à domicile de propositions commerciales, soit que le vendeur se déplace, soit que le consommateur soit incité à se déplacer pour en bénéficier, à la condition que le lieu ne soit pas un lieu de commerce habituel. Il constate, ensuite, que les acquéreurs ont fait l'objet d'une prospection par téléphone ayant abouti à une prise de rendez-vous, à leur domicile, le 24 août 2011, qu'ils ont ensuite reçu une estimation de la production d'électricité, datée du 26 août 2011, établie par la société Creasun, et qu'ils ont signé, à leur domicile, le 29 août 2011, un devis, de sorte que la relation commerciale entre les parties a débuté par un démarchage à domicile et que le fait qu'il ait existé par la suite des pourparlers entre les parties ne permet pas d'écarter la législation protectrice du démarchage à domicile.

6. En se déterminant ainsi, sans constater que le devis avait été accepté au domicile des consommateurs en présence du professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Ghestin -

Textes visés :

Article L. 121-21, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

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