Numéro 12 - Décembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2020

PRESCRIPTION CIVILE

3e Civ., 3 décembre 2020, n° 19-17.868, n° 19-20.259, (P)

Cassation partielle

Interruption – Acte interruptif – Demande en justice – Annulation pour vice de procédure – Champ d'application – Détermination – Portée

Demeure possible, jusqu'à ce que le juge statue, la régularisation de la déclaration d'appel qui, même entachée d'un vice de procédure, a interrompu le délai d'appel.

En conséquence, viole les articles 2241, alinéa 2, du code civil et 121 du code de procédure civile la cour d'appel qui, pour dire qu'une association foncière urbaine libre n'a pas qualité à agir, retient que, si elle justifie avoir procédé à la mise en conformité de ses statuts et avoir accompli les formalités de déclaration et de publication prévues par l'ordonnance du 1er juillet 2004, l'irrégularité de fond qui entache l'acte d'appel pour défaut de capacité d'ester en justice ne peut pas être couverte, la régularisation étant intervenue après l'expiration du délai d'appel.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-20.259 et Q 19-17.868 sont joints.

Désistements partiels

2. Il est donné acte à M. et Mme OI..., M. et Mme Y..., M. X..., M. et Mme N..., M. F..., M. R..., M. A..., M. et Mme RE... et Mme KW... du désistement de leur pourvoi.

3. Il est donné acte à la SCP d'avocats U..., Borgia, U..., Morlon et associés, prise en la personne de M. U..., ès qualités,(la SCP) et à la société Mutuelles du Mans assurances (la MMA) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est formé contre l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux. Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 avril 2019), le 9 décembre 2003, les copropriétaires d'un immeuble ont constitué une association foncière urbaine libre (AFUL) en vue de la réalisation d'une opération de restauration immobilière éligible à un dispositif de défiscalisation.

5. Le 12 janvier 2004, l'AFUL a confié la maîtrise d'oeuvre complète à la société Arch'Imhotep, assurée par les sociétés Mutuelle des architectes français (la MAF) et Axa IARD, la réalisation des travaux tous corps d'état à la société Archi Sud bâtiment, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), et la mission de coordination en matière de sécurité et protection de la santé à M. AI....

6. Le 20 janvier 2004, l'AFUL a conclu un contrat d'assistance à la maîtrise d'ouvrage avec M. MX..., syndic de copropriété, qui, le 21 janvier 2004, a sous-traité à la SCP, assurée par la MMA et la société Allianz, les missions de conseil et de gestion administrative et comptable.

7. Le permis de construire été délivré le 20 août 2004 et la déclaration d'ouverture du chantier établie le 11 avril 2005.

8. Au mois de juillet 2006, le chantier a été abandonné et l'immeuble muré.

9. Les sociétés Archi sud bâtiment et Arch'Imhotep et M. MX... ont été mis en redressement, puis en liquidation judiciaires.

10. L'AFUL et les copropriétaires ont, après expertise, assigné la SCP, M. MX..., M. AI... et les sociétés Archi Sud bâtiment et Arch'Imhotep, ainsi que leurs assureurs, en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° Q 19-17.868

Enoncé du moyen

11. La SCP et la MMA font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à indemniser les copropriétaires, alors « qu'une faute ne peut être retenue comme la cause d'un dommage que s'il est établi que sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en retenant, pour condamner la SCP U... à indemniser les copropriétaires de leurs préjudices résultant de l'inachèvement des travaux, que l'avocat aurait dû mettre en garde les membres de l'AFUL contre le risque lié au versement de 80 % du montant des travaux avant l'ouverture du chantier et de la possibilité de bénéficier de l'avantage fiscal escompté en versant les fonds directement à l'AFUL au lieu de l'entrepreneur de l'ouvrage, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si sans la faute imputée à l'avocat, l'AFUL aurait pu échapper à son engagement de payer 80 % du montant des travaux avant l'ouverture du chantier qu'elle avait souscrit avant l'intervention de ce conseil ou obtenir des constructeurs l'achèvement des travaux de rénovation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a relevé qu'il n'était pas établi que la SCP avait une mission d'assistance juridique à l'égard des membres de l'AFUL au moment de la constitution de celle-ci, lors de l'assemblée générale du 19 décembre 2003 ayant décidé de confier les travaux de rénovation de l'immeuble aux sociétés Arch'Imhotep et Archi Sud bâtiment ou encore lors de la signature, le 12 janvier 2004, du cahier des clauses administratives particulières (le CCAP) qui stipulait le paiement de 50 % du coût des travaux à la signature du marché, de 30 % à l'ouverture du chantier et de 20 % à la pose des menuiseries extérieures, ce qui exposait l'AFUL à des risques très forts induits pas ces modalités particulières d'échelonnement des paiements.

13. Toutefois, elle a retenu que, si les intervenants étaient déjà choisis et le CCAP rédigé, cette situation ne dispensait pas la SCP, en sa qualité d'assistant juridique de l'AFUL à tous les stades de l'opération de rénovation immobilière, d'analyser les contrats déjà conclus, de mettre en garde les membres de l'AFUL sur la disproportion qui existait entre le montant des paiements à l'entreprise générale par rapport au stade d'avancement des travaux, de les informer que la réception des fonds par l'AFUL et non leur versement direct à l'entreprise leur permettait de bénéficier des avantages fiscaux et d'alerter l'AFUL sur la collusion d'intérêts qui existait entre les sociétés Arch'Imohtep et Archi Sud bâtiment, dont le capital était détenu par M. AI..., et sur le danger que présentait le CCAP.

14. Elle a relevé que le versement immédiat, avant tous travaux, de 80 % du montant du marché de l'entreprise générale avait privé les membres de l'AFUL de la possibilité de mener à bien une opération en leur laissant la charge d'un bâtiment en ruines qui avait dû être muré, ce qui entraînait une dépréciation du capital immobilier qu'ils avaient acquis et la perte de tous revenus locatifs.

15. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, procédant à la recherche prétendument omise, que le préjudice financier subi par les copropriétaires, s'il provenait directement du stratagème mis en place par M. AI... au travers de l'action concertée des sociétés Arch'Imhotep et Archi Sud bâtiment, résultait aussi de l'absence de tout conseil efficient de la part de la société d'avocats.

16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° Q 19-17.868, réunis

Enoncé du moyen

17. Par leur deuxième moyen, a SCP et la MMA font grief à l'arrêt de dire que les garanties de la SMABTP et de la MAF n'étaient pas mobilisables et de rejeter les demandes des copropriétaires formées à leur encontre, alors :

« 1°/ que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires d'un sinistre, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation relative au sinistre est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ; qu'en retenant, pour écarter la garantie de la SMABTP, que la réclamation de l'Aful ne pouvait profiter aux copropriétaires qui avaient formé une réclamation au-delà du délai subséquent, quand ces deux réclamations portaient sur le même sinistre, de sorte que la réclamation formée par l'Aful suffisait à mettre en oeuvre la garantie de l'assureur, la cour d'appel a violé les articles L. 124-5 et L. 124-1-1 du code des assurances ;

2°/ qu'en retenant, pour écarter la garantie de la SMABTP, qu'il ressort de la clause 5.6 des conditions générales du contrat conclu avec la société Archi Sud Bâtiment que sont exclues de la garantie les conséquences pécuniaires de toute nature causées par un retard dans la réalisation des travaux, de sorte que les préjudices des copropriétaires qui relevaient de cette catégorie n'étaient pas couverts par l'assurance, quand il n'était pas imputé à la société Archi Sud Bâtiment un simple retard dans les travaux mais leur inachèvement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales. »

18. Par leur troisième moyen, la SCP et la MMA font grief à l'arrêt de dire que la garantie de la MAF n'était pas mobilisable et de rejeter les demandes des copropriétaires formées à son encontre, alors que « la police d'assurance souscrite par la société Arch'Imhotep auprès de la Mutuelle des architectes garantit l'architecte contre les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice de sa profession telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur ; qu'en retenant, pour écarter la garantie de la MAF, que l'architecte, qui s'était trouvé dans une situation de conflit d'intérêts, n'avait pas exercé la fonction d'architecte telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur, quand cette faute ne suffisait pas établir que l'architecte avait exercé une activité interdite aux architectes, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil. »

Réponse de la Cour

19. La recevabilité du deuxième moyen est contestée en défense.

20. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties que la Cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du troisième moyen.

21. La SCP et la MMA n'ayant pas qualité pour critiquer le rejet des demandes formées par les copropriétaires contre la SMABTP et la MAF, le moyen est irrecevable.

Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° P 19-20.259

Enoncé du moyen

22. L'AFUL fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas qualité à agir, alors « que le délai de forclusion est interrompu par la demande en justice jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celle-ci, même si l'acte de saisine de la juridiction est entaché d'un vice de procédure, quel qu'il soit ; qu'en retenant que « l'irrégularité de fond qui entache l'acte d'appel pour défaut de capacité ne peut être couverte après l'expiration du délai d'appel » alors que demeurait possible la régularisation de l'acte d'appel qui, même entaché d'un vice de procédure, avait interrompu le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2242 du code civil et l'article 121 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

23. La SCP, la MAF et la société Allianz contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que le moyen, pris en sa deuxième branche, est nouveau et mélangé de fait et, partant, irrecevable.

24. Toutefois, le moyen est de pur droit dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

25. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 2241, alinéa 2, du code civil et 121 du code de procédure civile :

26. Il résulte du premier de ces textes que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion.

27. Par arrêt du 1er juin 2017 (2e Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 16-14.300), la deuxième chambre civile a jugé que demeure possible la régularisation de la déclaration d'appel qui, même entachée d'un vice de procédure, a interrompu le délai d'appel.

28. Pour dire que l'AFUL n'a pas qualité à agir, l'arrêt retient que, si elle justifie avoir procédé à la mise en conformité de ses statuts et avoir accompli les 23 février et 3 mars 2018 les formalités de déclaration et de publication prévues par l'article 8 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, l'irrégularité de fond qui entache l'acte d'appel du 5 octobre 2016 pour défaut de capacité d'ester en justice ne peut pas être couverte après l'expiration du délai d'appel, de sorte que, si l'AFUL a recouvré sa capacité à agir en justice à partir du 3 mars 2018, elle restait dépourvue de toute capacité à agir au moment où elle a interjeté appel.

29. En statuant ainsi, alors que demeurait possible, jusqu'à ce que le juge statue, la régularisation de la déclaration d'appel qui, même entachée d'un vice de procédure, avait interrompu le délai d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Demandes de mise hors de cause

30. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la MAF et les sociétés Axa France IARD et Allianz, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi n° P 19-20.259, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'AFUL n'a pas qualité à agir, l'arrêt rendu le 25 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Mutuelle des architectes français et les sociétés Axa France IARD et Allianz.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Alain Bénabent ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Boulloche ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP L. Poulet-Odent ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 2241, alinéa 2, du code civil ; article 121 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 5 novembre 2014, pourvoi n° 13-21.014, Bull. 2014, III, n° 136 (irrecevabilité et cassation partielle) ; 2e Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 16-14.300, Bull. 2017, II, n° 116 (cassation).

1re Civ., 2 décembre 2020, n° 19-15.813, (P)

Cassation partielle

Interruption – Acte interruptif – Reconnaissance du droit du créancier – Caractère non-équivoque – Détermination – Cas – Document non adressé au créancier contenant l'aveu non équivoque par le débiteur de l'absence de paiement

Il résulte de l'article 2240 du code civil qu'interrompt la prescription la reconnaissance du droit du créancier figurant dans un document qui ne lui est pas adressé s'il contient l'aveu non équivoque par le débiteur de l'absence de paiement.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 22 novembre 2017 et 19 décembre 2018), Mme C... et M. E... se sont mariés le [...] sous le régime de la séparation de biens.

Le 14 mai 2003, les époux ont acquis en indivision un appartement au moyen de fonds propres et de différents emprunts.

2. Par ordonnance du 5 juillet 2010, consécutive à une ordonnance de non-conciliation rendue le 5 mars 2008 dans la procédure de divorce opposant les époux, le juge de la mise en état a, sur le fondement de l'article 255, 10°, du code civil, désigné un notaire afin, notamment, d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.

3. Un jugement du 2 septembre 2013 a prononcé le divorce des époux et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens et sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, et le troisième moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le premier moyen qui est irrecevable.

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu les articles 870 et 1542 du code civil :

6. Il résulte de ces textes qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de liquidation et partage de l'indivision existant entre époux séparés de biens de déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager.

7. Pour rejeter la demande de M. E... tendant à inscrire au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, après avoir relevé que la créance est établie par une reconnaissance de dette, que le prêt n'a pas été remboursé et que la dette n'est pas éteinte, mais que celle-ci peut être prescrite, l'arrêt retient qu'il ne peut être considéré que la prescription acquise a été interrompue par la reconnaissance qu'en a faite Mme C... dans un dire adressé au notaire désigné au titre de l'article 255, 10°, du code civil, alors que la dette correspond à une créance éventuelle de la succession qui seule pourrait se prévaloir d'une cause d'interruption.

8. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de trancher le désaccord des époux quant à l'existence d'une créance à inscrire au passif, peu important le titulaire de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. M. E... fait grief à l'arrêt du 22 novembre 2017 de rejeter sa demande tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, alors « que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que tout acte du débiteur révélateur, de sa part, d'un aveu du droit de celui contre lequel il prescrivait, même si cet acte n'a pas été accompli à l'égard du créancier lui-même, interrompt le délai de prescription ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que le délai de prescription auquel étaient soumises les obligations de M. E... et de Mme C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. E... n'avait pas été interrompu par la reconnaissance de cette dette par Mme C... dans le dire qu'elle avait adressé le 20 avril 2012 à M. Y... A..., que la dette correspondait à une créance éventuelle de la succession du père de M. E... qui, seule, pourrait être amenée à se prévaloir d'une cause d'interruption, et que ce dire n'avait d'effet qu'entre les parties, quand la seule condition que devait satisfaire le dire adressé par Mme C... le 20 avril 2012 à M. Y... A... pour interrompre le délai de prescription était qu'il soit révélateur, de la part de Mme C..., d'un aveu des obligations de M. E... et de Mme C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. E..., la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2240 du code civil :

10. Aux termes de ce texte, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

11. Pour rejeter la demande de M. E... tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, l'arrêt retient qu'il ne peut être considéré que la prescription acquise a été interrompue par la reconnaissance de cette dette par Mme C... dans un dire adressé au notaire, le dire n'ayant d'effet qu'entre les parties.

12. En statuant ainsi, alors qu'interrompt la prescription la reconnaissance du droit du créancier figurant dans un document qui ne lui est pas adressé s'il contient l'aveu non équivoque par le débiteur de l'absence de paiement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. E... tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux d'un montant de 58 000 euros afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, l'arrêt rendu le 22 novembre 2017, entre les mêmes parties, par ladite cour d'appel ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles 870 et 1542 du code civil ; article 2240 du code civil.

2e Civ., 17 décembre 2020, n° 19-19.272, (P)

Rejet

Prescription biennale – Assurance – Point de départ – Assignation en paiement de diverses sommes

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Allianz global corporate & specialty SE du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme N... J..., Mme S... J... épouse K..., Mme W... J... épouse B..., M. H... et la société BR associés, venant aux droits de M. L..., en qualité de commissaire à l'exécution du concordat de V... J....

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 mai 2019), statuant sur renvoi après cassation (Com., 13 octobre 2015, pourvois n° 14-23.683, 14-14.649, 14-14.743), V... J..., sur déclaration de cessation des paiements faite le 7 mai 1974, a été mis en règlement judiciaire, procédure qui a ensuite été étendue à trois sociétés dans lesquelles il était associé.

3. Un concordat avec abandon d'actif a été homologué le 19 juillet 1994 et M. H... a été désigné commissaire à l'exécution de cette mesure.

4. Le 20 octobre 1998, M. P... a été nommé administrateur provisoire de l'étude de M. H..., ce dernier ayant été suspendu à la suite de poursuites pénales pour détournement de fonds.

5. Par lettre du 5 novembre 1998, M. P... a déclaré à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (la Caisse de garantie) un sinistre pour non-représentation de fonds concernant l'étude H..., estimé alors provisoirement à la somme de 20 215 996 francs (3 081 908,72 euros).

6. Le 25 avril 2002, V... J... a assigné entres autres M. H... et la Caisse de garantie en paiement de diverses sommes au titre de la responsabilité civile du premier et des détournements de fonds.

7. Le 31 octobre 2002, la Caisse de garantie, qui avait souscrit, au titre de la non-représentation des fonds, une police de seconde ligne auprès de la société AGF, aux droits de laquelle est venue la société Allianz global corporate & specialty SE (l'assureur), a appelé cette dernière en garantie.

8. V... J... étant décédé le 26 octobre 2008, Mmes S..., W... et N... J... ont repris l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en garantie formée par la Caisse de garantie contre lui et de le condamner à garantir la Caisse de garantie à concurrence de 765 265,17 euros dans la limite de la franchise et du plafond de garantie contractuels et sous réserve de la déduction des provisions, alors :

« 1°/ que les actions dérivant du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; qu'en cas de sinistre, ce délai court à compter du jour où l'assuré en a eu connaissance ; que, dans le cas d'une assurance couvrant la non-représentation de fonds par un mandataire de justice, tel qu'un administrateur judiciaire, le sinistre est constitué par la révélation de la non-représentation des fonds, peu important qu'à la date de cette révélation il ne soit pas possible d'identifier l'ensemble des procédures collectives concernées ou de chiffrer définitivement l'étendue de cette non-représentation ; qu'il appartient à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, une fois le sinistre déclaré, de préserver son droit à garantie en interrompant régulièrement la prescription afin de faire face aux besoins de couverture consécutifs à la non-représentation de fonds révélés dans chacune des procédures collectives concernées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. P..., désigné comme administrateur provisoire de l'étude de M. H..., avait déclaré le 5 novembre 1998 à la Caisse de garantie un sinistre pour non-représentation de fonds estimé provisoirement à la somme de 20 215 996 francs (soit 3 081 908,72 euros) ; qu'il en résultait que le sinistre était connu de la Caisse de garantie depuis cette date ; que la cour d'appel a néanmoins jugé que, s'agissant de la non-représentation des fonds concernant la procédure collective ouverte à l'encontre de M. J..., la Caisse de garantie n'en avait eu connaissance que par l'assignation délivrée par ce dernier le 29 avril 2002 ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que la Caisse de garantie avait eu connaissance du sinistre de non-représentation des fonds de l'étude de M. H... le 5 novembre 1998, peu important qu'à cette date, le dossier J... n'ait pas été identifié comme concerné, puisqu'il l'était potentiellement, ce qui imposait ensuite à la Caisse de garantie de préserver son droit à la garantie de l'assureur en interrompant régulièrement la prescription biennale pour les dossiers demeurant en souffrance, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;

2°/ que subsidiairement, la société AGCS faisait valoir que la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires avait eu connaissance du rapport établi par M. M... dès son dépôt le 24 novembre 1999, qui mentionnait notamment le dossier J..., et sur la base duquel des versements avaient été effectués par la Caisse de garantie à M. P..., es qualités, en janvier et en mars 2000 ; que, de même, la Caisse de garantie exposait dans ses écritures qu'elle avait déclaré le sinistre lié à la non-représentation de fonds par l'étude de M. H... à la suite du courrier adressé par M. P... le 5 novembre 1998 et que ce sinistre avait été enregistré à la fois par la société Axa et par la société AGF pour chacune des lignes d'assurance ; qu'elle exposait également que les deux assureurs avaient confié une mission d'expertise comptable à M. M..., lequel avait déposé son rapport le 24 novembre 1999, dont il résultait deux difficultés, l'une sur la différence entre les soldes comptables des dossiers et les soldes bancaires, l'autre sur les honoraires prélevés de façon irrégulière par M. H... dans les dossiers ; qu'elle soulignait expressément que, s'agissant de la première difficulté soulevée par l'expert, elle avait adressé à M. P..., es qualités, deux règlements, l'un de 3 928 200 francs le 13 janvier 2000, correspondant à la franchise demeurant à sa charge, l'autre de 14 564 000 francs le 15 mars 2000 correspondant à l'indemnité prise en charge par la société Axa ; qu'il en résulte que ces versements sont intervenus sur la base de l'évaluation retenue par M. M..., dont la Caisse de garantie a dès lors nécessairement eu connaissance, ce qu'elle ne contestait d'ailleurs pas, étant précisé, comme l'a relevé la cour d'appel, que ce rapport visait « expressément le dossier J... » ; qu'en jugeant néanmoins qu'aucun élément ne permettait de connaître la date à laquelle la Caisse de garantie avait eu connaissance du rapport de M. M... daté du 24 novembre 1999, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les versements effectués par la Caisse de garantie elle-même à M. P... l'avaient été sur la base de ce rapport, comme elle le reconnaissait dans ses écritures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 114-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, quand l'action de l'assuré a pour cause le recours d'un tiers, le délai de prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.

11. Il résulte des constatations de l'arrêt que V... J... a assigné la Caisse de garantie en avril 2002. Il s'ensuit que l'action en garantie exercée par cette dernière contre son assureur, le 31 octobre 2002, n'était pas prescrite.

12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Marc Lévis -

Textes visés :

Article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de la prescription biennale au jour du recours d'un tiers contre l'assuré, à rapprocher : 2e Civ., 12 janvier 2017, pourvoi n° 15-26.325, Bull. 2017, II, n° 7 (cassation partielle), et les arrêts cités.

1re Civ., 9 décembre 2020, n° 19-15.207, (P)

Cassation

Prescription décennale – Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile – Article 23 – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Poursuite de l'exécution d'un titre exécutoire en Nouvelle-Calédonie

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 10 décembre 2018), suivant acte du 21 février 2006, le Fonds social de l'habitat (le prêteur) a consenti à M. P... (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier.

2. Le 11 janvier 2017, le prêteur a délivré à celui-ci un commandement aux fins de saisie immobilière sur le fondement d'un jugement du tribunal de première instance de Nouméa du 8 janvier 2013, devenu irrévocable. Invoquant la prescription de l'action du prêteur, l'emprunteur l'a assigné en annulation du commandement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le prêteur fait grief à l'arrêt de dire qu'à la date où il a engagé la procédure de saisie immobilière son action était prescrite et d'annuler en conséquence le commandement du 11 janvier 2017, alors « qu'en Nouvelle-Calédonie, l'exécution des décisions de justice est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans ; qu'en retenant, pour juger que l'action du prêteur était prescrite, qu'en Nouvelle-Calédonie « la prescription des jugements statuant sur une action en paiement suit le délai de prescription applicable à la créance constatée par le jugement », et qu'en l'espèce, « la prescription de l'action initiale du FSH en recouvrement de sa créance fondée sur un prêt immobilier était soumise au délai biennal de l'article L. 137-2 du code de la consommation », applicable « tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu », quand l'action en recouvrement exercée par le prêteur à l'encontre de l'emprunteur le 11 janvier 2017, fondée sur une décision de justice datée du 8 janvier 2013, était soumise à un délai de prescription de droit commun de cinq ans qui n'était pas écoulé, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, l'article L. 137-2 du code de la consommation applicable en Nouvelle-Calédonie, ensemble les articles 23 et 25 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil de Nouvelle-Calédonie et 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile :

4. Il résulte de ces textes qu'est exclue en Nouvelle-Calédonie l'application de l'article 23 de la loi du 17 juin 2008 susvisée, instaurant un délai de dix ans pour poursuivre l'exécution de titres exécutoires et qu'en l'absence, sur ce territoire, de délai spécifique au delà duquel un titre exécutoire ne peut plus être mis à exécution, il peut l'être dans le délai de prescription de droit commun, qui est celui des actions personnelles ou mobilières, ramené en Nouvelle-Calédonie de trente ans à cinq ans, et ce, quelle que soit la nature de la créance constatée par le titre exécutoire.

5. Pour déclarer l'action du prêteur prescrite et annuler le commandement aux fins de saisie immobilière, l'arrêt énonce que l'article L. 137-2 du code de la consommation ne distingue pas selon le type d'action, et notamment pas entre les actions en paiement en vue d'obtenir un titre exécutoire et celles en recouvrement en vertu d'un tel titre, que ce texte institue un régime de prescription dérogatoire au droit commun applicable à toutes les actions engagées par un professionnel tendant au paiement des sommes dues pour les biens ou les services qu'il a fournis à un consommateur, que le délai de prescription biennal s'applique tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu et que l'action du prêteur, fondée sur un jugement du 8 janvier 2013, n'a été engagée que le 11 janvier 2017.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article 2224 du code civil de la Nouvelle-Calédonie ; article 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 18-22.908, Bull. 2020, (cassation).

Soc., 9 décembre 2020, n° 19-12.788, (P)

Cassation

Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 – Article 21 V – Dispositions transitoires – Application – Exclusion – Effets – Défaut de saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années suivant la date d'entrée en vigueur des dispositions transitoires

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 21 décembre 2018), M. P... a été engagé à compter du 6 janvier 2004, en qualité de vendeur, par la société [...], aux droits de laquelle vient la société [...].

2. Après avoir été licencié le 29 avril 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 31 mars 2017 de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires accomplies en 2012 et 2013, pour travail les dimanches en 2012 et 2013, pour repos compensateurs non pris, pour travail du 11 novembre 2013, pour rappel de salaire pour les mois de février 2014 et mars 2014, outre les congés payés afférents sur ces sommes, pour non-respect du repos hebdomadaire pendant les salons du Bourget et de Micropolis entre avril 2012 et jusqu'en 2013, alors « que, selon l'article L. 3245-1 du code du travail tel qu'issu de la loi du 14 janvier 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que selon l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquaient aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. P... ayant saisi la juridiction prud'homale le 31 mars 2017, soit plus de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, toute créance de salaire antérieure au 31 mars 2014 était prescrite ; qu'en jugeant que seules les créances antérieures au 31 mars 2012 étaient prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail par refus d'application et l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

4. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

5. Selon l'article 21 V de la dite loi, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l'action en paiement de salaire s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'à défaut de saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années suivant cette date, les dispositions transitoires ne sont pas applicables en sorte que l'action en paiement de créances de salaire nées sous l'empire de la loi ancienne se trouve prescrite.

7. Pour dire que seules sont prescrites les créances antérieures au 31 mars 2012, l'arrêt, après avoir constaté que la demande couvre la période du 29 avril 2011 à 2014, retient que l'ancienne prescription quinquennale a commencé à courir et que la prescription triennale s'est appliquée à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale ne puisse excéder cinq ans.

L'arrêt ajoute que le délai triennal était expiré le 16 juin 2016 tandis que le délai de prescription quinquennale était également expiré au 31 mars 2017.

8. En statuant ainsi, en faisant application des dispositions transitoires issues de la loi du 14 juin 2013, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 31 mars 2017, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que les créances nées avant le 16 juin 2013 étaient prescrites, a violé le premier des textes susvisés par refus d'application et le second par fausse application.

Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement et en conséquence de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, de dommages-intérêts pour préjudice moral, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, alors « que la cassation à intervenir des chefs de dispositif ayant condamné la société [...] à verser au salarié diverses sommes à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires, pour travail les dimanches, congés payés afférents, et pour non prise en compte des repos compensateurs, entraînera par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif ayant dit nul le licenciement et condamné en conséquence la société à verser au salarié une indemnité compensatrice et les congés payés ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement nul et pour préjudice moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif visés par le cinquième moyen, relatifs à la nullité du licenciement et à la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail et du préjudice moral, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Cavrois - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ; article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

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