Numéro 12 - Décembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2020

OUTRE-MER

1re Civ., 9 décembre 2020, n° 19-15.207, (P)

Cassation

Nouvelle-Calédonie – Exécution de titres exécutoires – Prescription – Délai de droit commun

Il résulte des articles 2224 du code civil de la Nouvelle-Calédonie et 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile qu'est exclue en Nouvelle-Calédonie l'application de l'article 23 de la loi du 17 juin 2008 susvisée, instaurant un délai de dix ans pour poursuivre l'exécution de titres exécutoires et qu'en l'absence, sur ce territoire, de délai spécifique au delà duquel un titre exécutoire ne peut plus être mis à exécution, il peut l'être dans le délai de prescription de droit commun, qui est celui des actions personnelles ou mobilières, ramené en Nouvelle-Calédonie de trente ans à cinq ans, et ce, quelle que soit la nature de la créance constatée par le titre exécutoire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 10 décembre 2018), suivant acte du 21 février 2006, le Fonds social de l'habitat (le prêteur) a consenti à M. P... (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier.

2. Le 11 janvier 2017, le prêteur a délivré à celui-ci un commandement aux fins de saisie immobilière sur le fondement d'un jugement du tribunal de première instance de Nouméa du 8 janvier 2013, devenu irrévocable. Invoquant la prescription de l'action du prêteur, l'emprunteur l'a assigné en annulation du commandement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le prêteur fait grief à l'arrêt de dire qu'à la date où il a engagé la procédure de saisie immobilière son action était prescrite et d'annuler en conséquence le commandement du 11 janvier 2017, alors « qu'en Nouvelle-Calédonie, l'exécution des décisions de justice est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans ; qu'en retenant, pour juger que l'action du prêteur était prescrite, qu'en Nouvelle-Calédonie « la prescription des jugements statuant sur une action en paiement suit le délai de prescription applicable à la créance constatée par le jugement », et qu'en l'espèce, « la prescription de l'action initiale du FSH en recouvrement de sa créance fondée sur un prêt immobilier était soumise au délai biennal de l'article L. 137-2 du code de la consommation », applicable « tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu », quand l'action en recouvrement exercée par le prêteur à l'encontre de l'emprunteur le 11 janvier 2017, fondée sur une décision de justice datée du 8 janvier 2013, était soumise à un délai de prescription de droit commun de cinq ans qui n'était pas écoulé, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, l'article L. 137-2 du code de la consommation applicable en Nouvelle-Calédonie, ensemble les articles 23 et 25 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil de Nouvelle-Calédonie et 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile :

4. Il résulte de ces textes qu'est exclue en Nouvelle-Calédonie l'application de l'article 23 de la loi du 17 juin 2008 susvisée, instaurant un délai de dix ans pour poursuivre l'exécution de titres exécutoires et qu'en l'absence, sur ce territoire, de délai spécifique au delà duquel un titre exécutoire ne peut plus être mis à exécution, il peut l'être dans le délai de prescription de droit commun, qui est celui des actions personnelles ou mobilières, ramené en Nouvelle-Calédonie de trente ans à cinq ans, et ce, quelle que soit la nature de la créance constatée par le titre exécutoire.

5. Pour déclarer l'action du prêteur prescrite et annuler le commandement aux fins de saisie immobilière, l'arrêt énonce que l'article L. 137-2 du code de la consommation ne distingue pas selon le type d'action, et notamment pas entre les actions en paiement en vue d'obtenir un titre exécutoire et celles en recouvrement en vertu d'un tel titre, que ce texte institue un régime de prescription dérogatoire au droit commun applicable à toutes les actions engagées par un professionnel tendant au paiement des sommes dues pour les biens ou les services qu'il a fournis à un consommateur, que le délai de prescription biennal s'applique tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu et que l'action du prêteur, fondée sur un jugement du 8 janvier 2013, n'a été engagée que le 11 janvier 2017.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article 2224 du code civil de la Nouvelle-Calédonie ; article 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 18-22.908, Bull. 2020, (cassation).

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