Numéro 12 - Décembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2020

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.395, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Cause ne constituant pas une faute grave. – Voyageur représentant placier (VRP) – Indemnité spéciale de rupture – Indemnité de clientèle – Défaut de renonciation – Délai de trente jours suivant l'expiration du contrat de travail – Conditions – Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 7313-13, alinéa 1, du code du travail et 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 que, lorsqu'il est jugé que le licenciement prononcé pour faute grave repose en réalité sur une cause réelle et sérieuse, le bénéfice de l'indemnité spéciale de rupture réclamée par le voyageur représentant placier ne peut être subordonné à la condition de renonciation par le salarié à l'indemnité de clientèle dans le délai de trente jours suivant l'expiration du contrat de travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 2 avril 2019), M. F..., engagé à compter du 26 août 2013 par la société Luxastore déco en qualité de vendeur exclusif, voyageur représentant placier, a été licencié le 21 décembre 2015 pour faute grave.

2.Contestant son licenciement, il a saisi le 3 février 2016 la juridiction prud'homale de diverses demandes dont une indemnité spéciale de rupture.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens :Publication sans intérêt

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité spéciale de rupture, alors « qu'en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur représentant ou placier a le droit de percevoir une indemnité légale de clientèle ; que dans cette même hypothèse de rupture, sauf opposition de l'employeur, il peut percevoir une indemnité spéciale de rupture, à la condition d'avoir renoncé à l'indemnité légale de clientèle, au plus tard dans les 30 jours suivant l'expiration du contrat de travail, de sorte que quand le VRP ne pouvait avoir droit à l'indemnité légale, pour avoir été licencié pour faute grave, la condition de renonciation à celle-ci pour bénéficier de l'indemnité spéciale de rupture se trouve sans objet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté le salarié de sa demande en paiement de l'indemnité spéciale de rupture en se fondant sur la circonstance qu'il n'avait pas renoncé à l'indemnité de clientèle ; qu'en statuant ainsi quand elle avait constaté qu'il avait été licencié pour faute grave, ce qui avait fait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier lors de la rupture du contrat de l'indemnité légale, partant à ce qu'il puisse y renoncer, la cour d'appel a violé les articles L. 7313-13 du code du travail et 14 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 7313-13, alinéa 1er, du code du travail et l'article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 :

5. Aux termes du premier de ces textes, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

6. Selon le second, lorsque le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L. 751-9, alinéas 1er et 2 du code du travail, devenu les articles L. 7313-13 et L. 7313-14, alors qu'il est âgé de moins de soixante-cinq ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 16 du présent accord, et sauf opposition de l'employeur exprimée par écrit et au plus tard dans les quinze jours de la notification de la rupture ou de la date d'expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, ce représentant, à la condition d'avoir renoncé au plus tard dans les trente jours suivant l'expiration du contrat de travail à l'indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l'article L. 751-9 précité, bénéficiera d'une indemnité spéciale de rupture fixée comme suit dans la limite d'un maximum de dix mois (...).

7. Il résulte de ces textes, que lorsqu'il est jugé que le licenciement prononcé pour faute grave repose en réalité sur une cause réelle et sérieuse, le bénéfice de l'indemnité spéciale de rupture ne peut être subordonné à la condition de renonciation par le salarié à l'indemnité de clientèle dans le délai de trente jours suivant l'expiration du contrat de travail.

8. Pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité spéciale de rupture, l'arrêt, après avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, retient que le salarié ne justifie pas avoir entrepris la moindre démarche envers l'employeur, dans les trente jours de la rupture du contrat, établissant qu'il entendait renoncer à l'indemnité de clientèle à laquelle il pouvait prétendre.

9. En statuant ainsi, alors que le salarié licencié pour faute grave ne pouvait renoncer à une indemnité de clientèle à laquelle il ne pouvait pas prétendre au jour de l'expiration du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant l'indemnité spéciale de rupture entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif condamnant la société Luxastore à payer à M. F... une somme au titre de l'indemnité légale de licenciement, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. F... de sa demande en paiement d'une indemnité spéciale de rupture et condamne la société Luxastore à payer à M. F... la somme de 1 549,24 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L.7313-13, alinéa 1, du code du travail ; article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.

Soc., 16 décembre 2020, n° 18-23.966, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Circonstances de la rupture – Conditions abusives ou vexatoires – Portée

Même lorsqu'il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 août 2018), M. Y... a été engagé à compter du 1er janvier 2010 par la société Altercafé en qualité de serveur, puis de responsable de bar.

2. Le 26 septembre 2016, le salarié a été licencié pour faute grave.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième à sixième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail dans des conditions vexatoires, alors « que, même lorsqu'il est prononcé en raison d'une faute grave du salarié, le licenciement peut causer au salarié en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné un préjudice dont il est fondé à demander réparation ; qu'en l'espèce, après avoir considéré que les faits qu'elle a examinés constituaient un manquement flagrant à ses obligations contractuelles, notamment de loyauté, et que leur gravité justifiait la rupture immédiate du contrat de travail et décidé que M. Y... devait être débouté de ses demandes, la cour d'appel en a également conclu que le salarié devait être débouté de la demande de dommages-intérêts pour rupture du contrat dans des conditions vexatoires ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si, comme il était soutenu par le salarié, le licenciement n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires tenant au fait pour l'employeur de s'être répandu en public sur les motifs du licenciement du salarié, en prétendant qu'il prenait de la drogue et qu'il était un voleur, de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Même lorsqu'il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

6. Après avoir dit le licenciement fondé sur une faute grave du salarié, la cour d'appel a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire en réparation du préjudice moral causé par les circonstances de la rupture.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le licenciement n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, l'arrêt rendu le 31 août 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pietton - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur la réparation du préjudice distinct causé par les circonstances vexatoires du licenciement, à rapprocher : Soc., 19 juillet 2000, pourvoi n° 98-44.025, Bull. civ. 2000, V, n° 306 (cassation partielle) ; Soc., 25 février 2003, pourvoi n° 00-42.031, Bull. 2003, V, n° 66 (cassation partielle).

Soc., 2 décembre 2020, n° 19-11.986, n° 19-11.987, n° 19-11.988, n° 19-11.989, n° 19-11.990, n° 19-11.991, n° 19-11.992, n° 19-11.993, n° 19-11.994, (P)

Rejet

Licenciement économique – Domaine d'application – Cas – Refus par le salarié de voir appliquer à son contrat de travail les stipulations d'un accord de mobilité interne – Conditions – Détermination – Portée

Licenciement économique – Définition – Cas – Refus par le salarié de voir appliquer à son contrat de travail les stipulations d'un accord de mobilité interne – Constatations suffisantes – Portée

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Appréciation – Applications diverses – Refus par le salarié de voir appliquer à son contrat de travail les stipulations d'un accord de mobilité interne – Conditions – Détermination – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 19-11.986, X 19-11.987, Y 19-11.988, Z 19-11.989, A 19-11.990, B 19-11.991, C 19-11.992, D 19-11.993 et E 19-11.994 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Nîmes, 23 octobre 2018), après avoir perdu un marché couvrant les départements du Gard et de la Lozère, la société Inéo Infracom a déménagé son centre de Nîmes à une autre adresse au sein de la même ville et a proposé aux salariés rattachés à ce centre des affectations temporaires dans d'autres régions à compter du 1er juillet 2013, et ce dans le cadre du régime de grand déplacement prévu par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, applicable. Plusieurs salariés ont fait part de leur refus de cette situation à l'employeur et ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de leur contrat de travail.

3. Le 29 juillet 2013, un accord de mobilité interne a été conclu entre l'employeur et plusieurs organisations syndicales représentatives en application des articles L. 2242-21 et suivants du code du travail. Plusieurs salariés rattachés au centre de Nîmes, licenciés pour motif économique le 8 avril 2014 en raison de leur refus de mobilité interne, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande subsidiaire contestant le bien-fondé de leur licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et huitième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses sixième et septième branches

Enoncé du moyen

5. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de leurs contrats de travail aux torts de leur employeur, à voir constater la nullité et en tous cas l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements et à obtenir la condamnation de l'employeur à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, alors :

« 6°/ que l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en constatant que l'accord de mobilité interne signé le 29 juillet 2013 avait été conclu en suite de la perte du marché de France Telecom concernant le contrat Cartocible dans les départements du Gard et de la Lozère et de la fermeture du site de travaux sis 5 rue de Narvik à Nîmes qui avait entraîné le refus de mutation de plus de dix salariés de ce centre et en en déduisant néanmoins que cet accord de mobilité était valide, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

7°/ que l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en se bornant à affirmer que l'accord de mobilité du 29 juillet 2013 était valide, aux seuls motifs que cet accord mentionnait expressément qu'il avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs et que la fraude invoquée ne pouvait se déduire des affectations temporaires en grand déplacement proposées aux salariés affectés au marché perdu, sans avoir recherché, si, comme le soutenaient les salariés dans leurs conclusions d'appel, l'employeur n'avait pas procédé à la suppression pure et simple des 80 postes de travail sur le site de Nîmes, de sorte que l'accord de mobilité n'avait pas été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs.

7. La cour d'appel, qui a constaté que l'accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs au niveau de l'entreprise, afin d'apporter des solutions pérennes d'organisation de l'entreprise confrontée à des pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs, en a exactement déduit que cette réorganisation constituait une mesure collective d'organisation courante, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes et la ré-affectation des salariés concernés sur d'autres postes.

8. Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Les salariés font les mêmes griefs aux arrêts, alors « que le juge doit apprécier si le licenciement repose ou non sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant que le motif économique du licenciement des salariés était vainement discuté dès lors que le licenciement d'un salarié qui a refusé l'application à son contrat de travail des stipulations d'un accord de mobilité repose sur un motif économique, la cour d'appel, qui a refusé d'apprécier la cause réelle et sérieuse des licenciements a violé l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, selon l'article 4 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui est d'application directe en droit interne, un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service.

Selon l'article 9.1 du même texte, le tribunal auquel est soumis un recours devra être habilité à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié.

Aux termes de son article 9.3, en cas de licenciement motivé par les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, le tribunal devra être habilité à déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs, et l'étendue de ses pouvoirs éventuels pour décider si ces motifs sont suffisants pour justifier ce licenciement sera définie par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, ou par voie de législation nationale.

11. En second lieu, selon l'article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne, leur licenciement repose sur un motif économique.

12. Il en résulte qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard de la conformité de l'accord de mobilité aux dispositions des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail et de sa justification par l'existence des nécessités du fonctionnement de l'entreprise, sans qu'il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l'activité de l'employeur.

13. D'une part, la cour d'appel a, à juste titre ainsi qu'il a été dit au point 7, retenu que l'accord était conforme aux dispositions de l'article L. 2241-21 du code du travail.

14. D'autre part, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que l'accord de mobilité interne n'était pas justifié par les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, a exactement décidé que le motif économique du licenciement était vainement discuté sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ; article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ; articles L. 2242-23, alors applicable, L. 2242-21 et L. 2242-22 du code du travail ; articles 4, 9.1 et 9.3 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement.

Rapprochement(s) :

Sur la notion de mobilité s'inscrivant dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs, à rapprocher : Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-13.599, Bull. 2019, (Rejet).

Soc., 16 décembre 2020, n° 18-15.532, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Contenu – Indemnités – Indemnité supra-légale de licenciement – Nature – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 février 2018), M. Y... a été engagé le 1er novembre 1992 par la société Union des coopérateurs d'Alsace (la société UCA) et occupait en dernier lieu les fonctions d'assistant acheteur. Il a été licencié pour motif économique le 23 avril 2014.

2. En application du plan de sauvegarde de l'emploi validé en mars 2014 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, il devait bénéficier d'une indemnité supra-légale de licenciement payable en trois échéances, soit une échéance à hauteur de 50 % au jour du licenciement, qui a été versée, puis deux échéances à hauteur de 25 % fixées au 15 septembre 2014 puis au jour du solde de tout compte, lesquelles n'ont pas été honorées.

3. La société UCA a fait l'objet le 20 octobre 2014 d'une procédure de redressement judiciaire, puis a été mise en liquidation judiciaire le 30 mars 2015, Mme E... étant désignée liquidateur judiciaire.

4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'inscription sur le relevé de créances de la société UCA de diverses sommes, notamment du montant du solde de l'indemnité supra-légale de licenciement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'AGS fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société UCA au titre de l'indemnité supra-légale de licenciement et de déclarer que cette créance lui est opposable, alors :

« 1°/ qu'une indemnité supra légale de licenciement a pour seul objet l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail ; que la garantie de l'AGS n'est pas due au titre des sommes qui concourent à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, en application d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou de groupe, d'un accord collectif validé ou d'une décision unilatérale de l'employeur homologuée conformément à l'article L. 1233-57-3, lorsque l'accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou l'accord conclu ou la décision notifiée postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'il n'était pas contesté que l'indemnité supra légale de licenciement fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société UCA trouvait sa source dans un plan de sauvegarde de l'emploi datant du mois de mars 2014, le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société UCA ayant été prononcé le 20 octobre 2014 ; que cette indemnité ne pouvait être garantie par l'AGS ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-13 du code du travail ;

2°/ que la garantie de l'AGS prévue à l'article L. 3253-8 4° du code du travail se limite aux mesures d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l'employeur, dès lors qu'il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 avant ou après l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; que l'indemnité supra légale de licenciement prévue dans un plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas une mesure d'accompagnement et ne relève pas du champ d'application de l'article L. 3253-8 4° du code du travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-8 4° et L.3253-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3253-8 4° du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, et l'article L. 3253-13 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

6. Selon le premier de ces textes, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 du code du travail couvre les mesures d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l'employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu'il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 avant ou après l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

7. Selon le second des ces textes, l'assurance prévue à l'article L. 3253-6 du code du travail ne couvre pas les sommes qui concourent à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, en application d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou de groupe, d'un accord collectif validé ou d'une décision unilatérale de l'employeur homologuée conformément à l'article L. 1233-57-3, lorsque l'accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou l'accord conclu ou la décision notifiée postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

8. Pour dire la créance du salarié fixée à titre d'indemnité supra-légale de licenciement opposable à l'AGS, l'arrêt retient que si celle-ci fonde sa position sur l'article L. 3253-13 du code du travail, c'est avec pertinence que le salarié invoque à son profit l'exception au principe posé par ce texte constituée par l'article L. 3253-8, alinéa 4, du code du travail. Il ajoute qu'au vu de la date d'adoption du plan de sauvegarde de l'emploi, la garantie serait exclue si l'indemnité considérée n'avait pour objet que la réparation financière de la rupture du contrat de travail, mais qu'elle est en revanche due dès lors que la somme vise à accompagner le salarié dans une demande de reclassement professionnel et de recherche d'un emploi. Il conclut qu'à l'évidence instaurée par un plan de sauvegarde de l'emploi, l'indemnité litigieuse participe de la volonté d'accroître les moyens matériels du salarié pour faciliter la mise en oeuvre de son reclassement professionnel, ce qui suffit à rendre la garantie de l'AGS mobilisable.

9. En statuant ainsi, alors qu'une indemnité supra-légale de licenciement n'est pas une mesure d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens de l'article L. 3253-8 4° du code du travail, mais une somme concourant à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail au sens de l'article L. 3253-13 du même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation n'atteint pas le chef de dispositif fixant à une certaine somme la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société UCA au titre de l'indemnité supra-légale de licenciement.

11. Ainsi que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare opposable à l'AGS la créance de M. Y... d'un montant de 15 750 euros au titre de l'indemnité supra-légale de licenciement, l'arrêt rendu le 20 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que l'AGS ne doit pas sa garantie pour la somme d'un montant de 15 750 euros fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Union des coopérateurs d'Alsace au titre de l'indemnité supra-légale de licenciement au profit de M. Y...

- Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pietton - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP de Nervo et Poupet -

Textes visés :

Articles L. 3253-8, 4°, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 et L. 3253-13, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, du code du travail.

Soc., 16 décembre 2020, n° 19-18.322, (P)

Rejet

Licenciement économique – Mesures d'accompagnement – Contrat de sécurisation professionnelle – Adhésion du salarié – Effets – Rupture du contrat de travail – Action en contestation – Prescription – Prescription annale – Domaine d'application – Cas – Contestation portant sur l'inobservation des critères d'ordre des licenciements – Portée

Le délai de prescription d'un an prévu à l'article L.1233-67 du code du travail en cas d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle est applicable à la contestation portant sur l'inobservation des critères d'ordre des licenciements, qui est relative à la rupture du contrat de travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 avril 2019) M. R..., engagé le 3 novembre 1989 par l'Ogec Saint-Etienne, aux droits duquel vient l'association [...], pour occuper en dernier lieu les fonctions de chargé de suivi des études, a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement économique. Il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 20 février 2013.

2. Le 16 avril 2014, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre des licenciements et d'une indemnité de préavis.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire ses demandes forcloses et de les rejeter, alors « que l'action du salarié ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle tendant à obtenir une indemnisation du préjudice causé par l'inobservation des critères d'ordre des licenciements, sans que cela ne soit de nature à remettre en question l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, n'est pas une contestation portant sur la rupture même du contrat de travail ou son motif et ne relève donc pas du délai abrégé de 12 mois prévu par l'article L. 1233-67 du code du travail ; que cette action relève du délai biennal de l'article L. 1471-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, M. R..., qui a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 20 février 2013, a saisi la juridiction prud'homale le 16 avril 2014 afin d'obtenir des dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre de licenciement, sans contester ni la rupture de son contrat de travail ni le motif de cette rupture ; qu'à la date de saisine du conseil de prud'hommes, l'article L. 1471-1 du code du travail prévoyait que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrivait par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en jugeant néanmoins que si l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, elle constitue une irrégularité portant sur la rupture du contrat de travail, qui entraîne pour le salarié un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi et qu'en l'espèce, si la contestation élevée par M. R... ne portait pas sur la cause économique de la rupture et/ou le respect par l'employeur de son obligation d'adaptation et de reclassement, et donc sur le caractère réel et sérieux du motif de la rupture, elle portait bien sur la rupture du contrat de travail, dès lors qu'elle portait sur l'application des critères d'ordre de licenciement, et qu'elle se prescrivait dès lors par douze mois à compter de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-67 et L. 1471-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 1233-67 du code du travail, en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

5. Ce délai est applicable à la contestation portant sur l'inobservation des critères d'ordre des licenciements, qui est relative à la rupture du contrat de travail.

6. La cour d'appel a constaté que le salarié avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 20 février 2013 et saisi, le 16 avril 2014, la juridiction prud'homale d'une contestation portant sur l'application des critères d'ordre de licenciement. Elle en a exactement déduit que les demandes du salarié étaient prescrites.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 1233-67 du code du travail.

Soc., 9 décembre 2020, n° 19-16.448, (P)

Déchéance et cassation

Licenciement – Nullité – Effets – Réparation du préjudice – Droit à réparation – Période – Limites – Détermination

Le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

Le salaire à prendre en compte pour le calcul de cette indemnité est celui qu'aurait perçu le salarié s'il avait continué à travailler pendant la période s'étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail.

Licenciement – Nullité – Cas – Accident du travail ou maladie professionnelle – Effets – Indemnisation – Etendue – Détermination

Licenciement – Nullité – Effets – Réintégration – Indemnités – Indemnité d'éviction – Calcul – Salaire de référence – Détermination – Portée

Déchéance partielle du pourvoi principal, examinée d'office

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

2. Selon cet article, à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. La salariée s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 6 octobre 2017, en même temps qu'elle s'est pourvue contre l'arrêt du 28 janvier 2018, mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de la première de ces décisions.

4. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 6 octobre 2017.

Faits et procédure

5. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 janvier 2018) et les productions, Mme F..., engagée le 2 janvier 2007 par la société Phocéenne de négoce (la société), a été victime d'un accident le 14 septembre 2007 et placée en arrêt de travail. Elle a été licenciée pour faute grave le 21 novembre 2007.

6. Contestant cette mesure, elle a saisi la juridiction prud'homale.

7. Par un arrêt mixte du 6 octobre 2017 statuant sur renvoi après cassation (Soc., 29 septembre 2016, n° 15-16.449), la cour d'appel d'Aix-en-Provence a dit le licenciement nul, ordonné la réintégration de la salariée ainsi que la réouverture des débats en enjoignant à la salariée de produire un décompte récapitulant les revenus qu'elle a tirés d'une autre activité et les revenus de remplacement qui lui ont été versés pendant la période d'éviction, ainsi que les justificatifs afférents.

8. La salariée a été réintégrée le 13 novembre 2017.

9. Par l'arrêt attaqué, la salariée a été déboutée de sa demande au titre de l'indemnité réparant le préjudice subi du fait de sa perte de salaire pendant la durée de son éviction.

Recevabilité du pourvoi incident, contestée par la défense

Vu les articles 1025, 403 et 621, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile :

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

11. Il résulte des deux premiers de ces textes que le désistement du pourvoi est non avenu si, postérieurement, une autre partie forme elle-même régulièrement un pourvoi.

12. Il résulte du troisième que si le pourvoi en cassation est rejeté, la partie qui l'a formé n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l'article 618, et qu'il en est de même lorsque la Cour de cassation constate son dessaisissement, déclare le pourvoi irrecevable ou prononce la déchéance.

13. La déchéance du pourvoi principal de la salariée ayant été prononcée, en ce qu'il vise l'arrêt du 6 octobre 2017, le pourvoi incident formé par la société contre le même arrêt, après qu'elle se soit désistée de son pourvoi principal, doit être déclaré irrecevable.

Examen du moyen du pourvoi principal

Sur le moyen, pris en sa première branche ;Publication sans intérêt

Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

15. La salariée fait grief à l'arrêt du 26 janvier 2018 de la débouter de sa demande d'indemnité d'éviction réparant le préjudice subi du fait de la perte de salaire depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration dans l'entreprise, alors « que l'indemnité due au salarié licencié pendant la période de suspension de son contrat de travail à la suite d'un accident du travail est égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, calculée à partir du salaire brut qu'il percevait avant l'accident du travail ; qu'en se fondant, pour calculer l'indemnité due, non pas sur le salaire mensuel brut de Mme F... avant l'accident (qu'elle constatait être de 1 791,60 €) mais sur le salaire perçu dans le cadre du mi-temps thérapeutique (720,73 € nets par mois), la cour d'appel a violé l'article L. 1226-13 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 122-32-1 devenu L. 1226-7, L. 122-32-2, alinéa 1er, devenu L. 1226-9 et L. 122-32-2, alinéa 3, devenu L. 1226-13 du code du travail :

16. Aux termes du premier de ces textes, le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant toute la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

17. Il résulte des deux derniers qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.

18. La Cour de cassation juge que le salarié dont le licenciement est nul en application de ces dispositions, et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Soc., 16 octobre 2019, n° 17-31.624, publié).

19. Pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité réparant le préjudice subi du fait de la perte de salaires pendant la période de son éviction comprise entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration, l'arrêt retient que la salariée a été en arrêt de travail du 14 septembre 2007 au 10 novembre 2007, la période du 28 septembre 2007 au 10 novembre 2007 ayant été travaillée dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, que le montant du dernier salaire perçu par la salariée était de 720,73 euros nets sur 13 mois, montant qui doit être pris en compte pour le calcul de l'indemnité d'éviction, que les parties s'accordent pour dire que la salariée a perçu la somme de 120 068 euros au titre des revenus compris entre 2007 et 2016, les revenus de 2017 n'étant pas justifiés par la salariée, de sorte que l'indemnité sera calculée sur une période de neuf ans au lieu des dix années sollicitée, soit la somme de : 720,73 euros x 13 mois x 9 ans = 84 325,41 euros, qu'il en résulte que la salariée n'a pas été privée de revenus pendant la période d'éviction.

20. En statuant ainsi, alors que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité était le salaire qu'aurait perçu la salariée si elle avait continué à travailler, pendant la période s'étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, au poste qu'elle occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi principal formé par Mme F..., en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 6 octobre 2017 ;

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi incident formé par la société Phocéenne de négoce ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Cabinet Colin - Stoclet ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 122-32-1, devenu L. 1226-7, L. 122-32-2, alinéa 1, devenu L. 1226-9 et L. 122-32-2, alinéa 3, devenu L. 1226-13, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la réparation du préjudice subi pour licenciement nul dans la limite des revenus dont le salarié a été privé, à rapprocher : Soc., 16 octobre 2019, pourvoi n° 17-31.624, Bull. 2019, (cassation partielle), et les arrêts cités.

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