Numéro 12 - Décembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2020

BAIL (règles générales)

3e Civ., 3 décembre 2020, n° 20-10.122, (P)

Cassation

Définition – Contrat de séjour dans les établissements sociaux et médico-sociaux – Exclusion – Effets – Incendie – Responsabilité du preneur – Articles 1733 et suivants du code civil – Application (non)

Le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de choses.

Il en résulte que la présomption de responsabilité du locataire en cas d'incendie, prévue par l'article 1733 du code civil, n'est pas applicable.

Incendie – Responsabilité du preneur – Article 1733 et suivants du Code civil – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Contrat de séjour dans les établissements sociaux et médico-sociaux

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 5 novembre 2019), le 1er septembre 2008, Mme K... a conclu un contrat de séjour avec la société Résidence Les Tilleuls, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD).

2. Le 11 mai 2009, un incendie, dont l'origine est demeurée indéterminée, s'est déclaré dans la chambre occupée par Mme K....

3. Par acte du 28 août 2012, la société Résidence Les Tilleuls et la société Axa France Iard, son assureur, subrogée dans ses droits, ont assigné la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (la Matmut), assureur de Mme K..., en réparation des dommages causés par le sinistre, sur le fondement de l'article 1733 du code civil.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La Matmut fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors « que le contrat de séjour par lequel un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) s'oblige à héberger une personne âgée et à lui fournir des prestations à caractère médical, de services et de soins n'est pas soumis aux règles relatives au louage de choses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les rapports entre la société Résidence Les Tilleuls et Mme K... étaient régis par un contrat de séjour à effet du 1er septembre 2008 et un règlement intérieur et qu'outre l'occupation de la chambre et les prestations à caractère médical, un certain nombre de prestations étaient également fournies par la première à la seconde moyennant un prix forfaitaire par jour ; qu'en affirmant néanmoins, pour faire application du régime de louage de chose s'agissant de la responsabilité du locataire en cas d'incendie, qu'« un EPHAD (...) consiste à la fois en une prestation d'hébergement relevant du contrat de louage et en prestations de services et de soins, nécessitant qu'il soit fait une application distributive de régimes différents, les obligations mises à la charge des parties coexistant dans la relation contractuelle », quand ce contrat de séjour, en raison des prestations à caractère médical, de services et soins qu'il prévoyait, n'était pas, fût-ce pour partie, soumis aux règles relatives au louage de choses, la cour d'appel a violé les articles 1709 et 1733 du code civil, ensemble les articles L. 342-1, L. 342-2 et D. 311 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1709 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

6. Pour condamner la Matmut à garantir les conséquences du sinistre, l'arrêt retient qu'un EHPAD consiste à la fois en une prestation d'hébergement relevant du contrat de louage, ce que ne contredit nullement l'existence d'un règlement intérieur, ni la dénomination de contrat de séjour et en des prestations de services et de soins et que cette situation nécessite de faire une application distributive de régimes différents, de sorte que la présomption de responsabilité du locataire, prévue par l'article 1733 du code civil en cas d'incendie survenu dans les lieux donnés à bail, doit recevoir application.

7. En statuant ainsi, alors que le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Parneix - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles ; articles 1709 et 1733 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 17 février 1981, pourvoi n° 79-14.712, Bull. 1981, III, n° 32 (cassation) ; 3e Civ., 1er juillet 1998, pourvoi n° 96-17.515, Bull. 1998, III, n° 145 (rejet).

3e Civ., 3 décembre 2020, n° 19-19.670, (P)

Cassation

Définition – Contrat de séjour dans les établissements sociaux et médico-sociaux – Exclusion – Effets – Incendie – Responsabilité du preneur – Articles 1733 et suivants du code civil – Application (non)

Le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de choses.

Il en résulte que la présomption de responsabilité du locataire en cas d'incendie, prévue par l'article 1733 du code civil, n'est pas applicable.

Incendie – Responsabilité du preneur – Article 1733 et suivants du Code civil – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Contrat de séjour dans les établissements sociaux et médico-sociaux

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 30 avril 2019), le 14 juin 2007, l'association de résidences foyers (l'Arfo), qui gère des logements pour les personnes retraitées, a conclu avec B... C... un contrat de séjour portant sur la mise à disposition d'un appartement et de services annexes.

2. Le 9 juillet 2011, un incendie, survenu dans ce logement, s'est propagé à d'autres appartements et aux parties communes de l'immeuble et a causé le décès de B... C....

3. Soutenant que l'occupante des lieux était responsable du sinistre sur le fondement de l'article 1733 du code civil, l'Arfo a assigné l'assureur de celle-ci, la société Pacifica, en indemnisation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Pacifica fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors « que le contrat de séjour par lequel une maison de retraite s'oblige à héberger une personne âgée et à fournir des prestations hôtelières, sociales et médicales n'est pas soumis aux règles du code civil relatives au louage de choses ; qu'en décidant que le contrat de séjour conclu entre Mme B... C... et l'Association de Résidences Foyers était un contrat de louage d'immeuble et en appliquant par suite la présomption de responsabilité établie par l'article 1733 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application et l'article 1709 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1709 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

6. Pour condamner la société Pacifica à réparer le dommage, l'arrêt retient que le contrat a pour objet principal de mettre à la disposition de l'occupante un logement et une cave à titre exclusif en contrepartie d'une redevance couvrant le loyer et les charges de chauffage, d'eau et d'électricité et que les prestations complémentaires portant sur le service des repas, le dispositif d'alarme et les animations sont facultatives et ne présentent qu'un caractère accessoire, de sorte que ce contrat de séjour est assimilable à un bail et que l'occupant des lieux est présumé responsable de l'incendie par application de l'article 1733 du code civil.

7. En statuant ainsi, alors que le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Reims ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Parneix - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles ; articles 1709 et 1733 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 17 février 1981, pourvoi n° 79-14.712, Bull. 1981, III, n° 32 (cassation) ; 3e Civ., 1er juillet 1998, pourvoi n° 96-17.515, Bull. 1998, III, n° 145 (rejet).

3e Civ., 17 décembre 2020, n° 18-24.823, (P)

Rejet

Résiliation – Causes – Manquement du preneur à ses obligations – Défaut d'usage paisible de la chose louée et de ses accessoires – Manquement en lien avec les troubles constatés – Caractérisation – Fait des personnes de la maison du preneur – Violences réitérées exercées sur les agents du bailleur – Caractère suffisant – Lieu de commission des violences – Absence d'influence

Ayant retenu à bon droit que les violences commises par le fils de la locataire à l'encontre des employés du bailleur et réitérées après une première condamnation pénale constituaient des manquements à l'obligation d'usage paisible des lieux incombant au preneur et aux personnes vivant sous son toit et que le lieu de commission des violences importait peu dès lors que les victimes étaient des agents du bailleur, une cour d'appel en a souverainement déduit que la gravité des troubles ainsi constatés justifiait la résiliation du bail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 janvier 2018), l'OPAC du Rhône, aux droits duquel se trouve l'Office public de l'habitat de la métropole de Lyon, a donné à bail à Mme T... un appartement situé à Bron.

2. En 2011, L... T..., enfant mineur de Mme T..., vivant à son domicile, a exercé des violences à l'égard des agents du bailleur. A la suite de ces faits ayant donné lieu à une condamnation pénale, Mme T... a été relogée avec son fils dans un appartement situé à Caluire-et-Cuire.

En 2014, L... T..., devenu majeur, a commis, à Bron, de nouvelles violences pénalement sanctionnées à l'encontre des employés du bailleur.

3. L'OPAC du Rhône a assigné Mme T... en résiliation du bail pour manquement à l'usage paisible des lieux.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme T... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors « que le juge n'a le pouvoir de prononcer la résiliation d'un contrat que s'il y a inexécution totale ou partielle d'une des obligations que ce contrat stipule ; que la résiliation d'un bail d'habitation pour manquement à l'obligation d'usage paisible des lieux loués ne peut ainsi être prononcée que si est établie l'existence d'un lien entre les troubles constatés et un manquement à l'obligation, pour le preneur, d'user paisiblement de la chose louée et de ses accessoires ; qu'en retenant, pour établir que Mme T... aurait contrevenu à son obligation d'user des lieux qu'elle a pris à bail paisiblement et en conformité avec leur destination contractuelle, les actes de violence que son fils a perpétrés, le 19 novembre 2014, en dehors de ces lieux donnés à bail ou de leurs accessoires, la cour d'appel, qui ne justifie pas que les actes de violence dont elle fait état auraient causé un trouble quelconque dans les lieux donnés à bail ainsi que dans l'immeuble et même dans la commune où ils se trouvent, a violé les articles 1184 ancien et 1240 actuel du code civil, ensemble les articles 1729 du même code et 7 b) de la loi du 6 juillet 1989. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a retenu à bon droit que les violences commises par le fils de Mme T... à l'encontre des employés du bailleur et réitérées après une première condamnation pénale constituaient des manquements à l'obligation d'usage paisible des lieux incombant au preneur et aux personnes vivant sous son toit et que le lieu de commission des violences importait peu dès lors que les victimes étaient des agents du bailleur.

6. Elle en a souverainement déduit que la gravité des troubles ainsi constatés justifiait la résiliation du bail.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Parneix - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Articles 1184 ancien, 1240 actuel et 1729 du code civil ; article 7, b), de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Rapprochement(s) :

Soc., 9 juin 1966, Bull. 1966, V, n° 574 (rejet) ; 3e Civ., 14 octobre 2009, pourvoi n° 08-12.744, Bull. 2009, III, n° 221 (cassation partielle) ; 3e Civ., 10 novembre 2009, pourvoi n° 09-11.027, Bull. 2009, III, n° 244 (cassation).

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