Numéro 12 - Décembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2019

SYNDICAT PROFESSIONNEL

Soc., 11 décembre 2019, n° 18-20.841, (P)

Cassation

Action en justice – Contestation d'un protocole préélectoral – Recevabilité – Conditions – Détermination – Applications diverses – Contestation de la proportion d'hommes et de femmes composant les collèges électoraux d'un comité social et économique – Portée

Attendu, selon le jugement attaqué, que le premier tour des élections des membres du comité social et économique au sein de la société Vauban pièces de rechange (VPR) a eu lieu le 5 juin 2018, suivant les modalités prévues par un protocole d'accord préélectoral en date du 26 avril 2018, fixant notamment, au sein du collège des ouvriers et employés, le nombre de membres titulaires ou suppléants à trois personnes, soit une femme et deux hommes, correspondant à la répartition des femmes et des hommes fixée à 17,54 % et 82,46 % ; que, par requête présentée le 18 juin 2018, la société a saisi le tribunal d'instance en annulation de l'élection de M. Y... en qualité de membre titulaire au sein de ce collège, au motif que la liste de candidatures présentée par l'union départementale des syndicats CGT du Val-d'Oise, ne comportant que des hommes, ne respectait pas les dispositions prévues à l'article L. 2314-29 du code du travail ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel qui est préalable : Publication sans intérêt

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 2314-13 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6 ; cet accord mentionne la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral ;

Attendu que, pour dire la liste présentée par le syndicat CGT régulière en ce qu'elle comportait trois candidats masculins, le tribunal retient que, si le protocole préélectoral du 26 avril 2018 indique une répartition pour le collège considéré de 82,46 % d'hommes et de 17,54 % de femmes, il s'agit d'une simple erreur de calcul puisqu'en réalité le pourcentage s'établit à 86 % d'hommes et 14 % de femmes ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur faisait valoir sans être contredit que le syndicat CGT avait signé sans réserves le protocole préélectoral ayant recueilli la double majorité et avait présenté des candidats aux élections sans émettre de réserves, ce dont il résultait qu'il n'était pas recevable à invoquer par voie d'exception une proportion d'hommes et de femmes composant le corps électoral différente de celle figurant dans le protocole préélectoral, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 juillet 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Pontoise ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Montmorency.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 2314-13 du code du travail.

Soc., 11 décembre 2019, n° 18-19.379, (P)

Cassation partielle

Délégué syndical – Désignation – Validité – Annulation des élections des membres du comité social et économique – Portée

Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 5 juin 2018, a été organisée l'élection du comité social et économique au sein de la société Lebronze Alloys (la société), selon les modalités prévues par un protocole préélectoral aux termes duquel, notamment, le deuxième collège du groupe A était composé de 78,4 % d'hommes et de 21,6 % de femmes, trois postes étant à pourvoir ; que Mme C..., candidate unique de la liste du syndicat Force ouvrière (FO) pour le collège en cause, a été élue au premier tour ; que, par lettre du 6 juin 2018, le syndicat FO a informé l'employeur de la désignation de cette salariée en qualité de délégué syndical, et, par lettre du 8 juin 2018, de sa désignation en qualité de délégué syndical central ; que, par requête du 18 juin 2018, la société a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de l'élection de Mme C... au comité social et économique et de ses désignations en qualité de délégué syndical FO et délégué syndical central FO ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le syndicat et la salariée font grief au jugement d'annuler l'élection de cette dernière en qualité de membre titulaire du comité social et économique de la société, alors, selon le moyen, qu'une organisation syndicale est libre de présenter une liste ne comportant qu'un seul candidat à l'élection des membres du comité social et économique, quand bien même plusieurs sièges seraient à pourvoir ; que, dans un tel cas, lorsque la proportion des hommes et des femmes inscrits sur les listes électorales implique la représentation des deux sexes, l'organisation syndicale peut librement choisir de présenter un candidat de sexe masculin ou de sexe féminin ; qu'en considérant que l'Union locale Force ouvrière de Châlons-en-Champagne ne pouvait, sans détourner l'objectif de représentation proportionnée des hommes et des femmes fixé par le législateur, présenter une liste comportant un candidat unique, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-29 et L. 2314-30 du code du travail ;

Mais attendu que le tribunal a retenu à bon droit que trois postes étant à pourvoir, l'organisation syndicale était tenue de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail, c'est-à-dire comportant nécessairement un homme et une femme, cette dernière au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 2143-3 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes de deux premiers alinéas de ce texte, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. Si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au même premier alinéa, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 ;

Qu'il en résulte que l'annulation, en application des dispositions de l'article L. 2314-32 du code du travail, de l'élection d'un candidat ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections est sans effet sur la condition du score électoral personnel requise, sous réserve d'un certain nombre d'exceptions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 2143-3, par le premier alinéa de ce même texte ;

Attendu que pour annuler les désignations de la salariée en qualité de délégué syndical et de délégué syndical central à l'issue des élections, le tribunal a retenu que l'annulation de l'élection de la salariée emporte l'impossibilité de procéder à sa désignation en qualité de délégué syndical au titre d'une candidature aux élections professionnelles et de l'existence d'un score de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections ;

Qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule les désignations de Mme C... en qualité de délégué syndical FO et délégué syndical central FO, le jugement rendu le 4 juillet 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Reims.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 2143-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les effets de l'annulation des élections des membres du comité d'entreprise sur la désignation en qualité de délégué syndical, à rapprocher : Soc., 11 mai 2016, pourvoi n° 15-60.171, Bull. 2016, V, n° 91 (cassation).

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