Numéro 12 - Décembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2019

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 18 décembre 2019, n° 18-18.431, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords particuliers – Accord collectif du 4 juillet 1996 sur les dispositions générales régissant le personnel employé par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – Article 79 – Reclassement des salariés – Commission de reclassement – Saisine – Défaut – Portée

La méconnaissance de l'obligation de saisir la commission prévue par l'article 79 de l'accord collectif du 4 juillet 1996 sur les dispositions générales régissant le personnel employé par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (l'AFPA) n'est pas de nature à priver le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de cause réelle et sérieuse.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 mars 2018), que Mme X..., engagée le 23 mars 2000 par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), a été placée en arrêt maladie du 5 mars au 30 novembre 2010 ; qu'ayant été déclarée inapte, le 1er décembre suivant, à tout poste dans l'entreprise avec mention d'un danger immédiat, elle a été licenciée, le 11 janvier 2012, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur les premier, deuxième moyens du pourvoi principal de la salariée et le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur : Publication sans intérêt

Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la salariée, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 79 de l'accord collectif du 4 juillet 1996 applicable au sein de l'AFPA prévoit, concernant le reclassement des salariés, qu'une commission de reclassement régionale ou nationale selon le niveau concerné, est associée à la recherche d'un reclassement au bénéfice du salarié susceptible d'être déclaré définitivement inapte à son emploi par le médecin du travail ; que cette commission peut être saisie par le responsable hiérarchique ou le médecin du travail ; qu'en retenant, pour estimer que le licenciement de la salariée était justifié, que la saisine de la commission de reclassement régionale est facultative, l'article 79 de l'accord collectif précisant que « cette commission peut être saisie par le responsable hiérarchique ou le médecin du travail » et ne peut dès lors être invoqué pour justifier de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, lorsque la seule option évoquée par ce texte concerne les auteurs de la saisine de la Commission et non l'intervention de la commission elle-même, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 2251-1 du code du travail ;

2°/ que l'avis du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose aux parties et qu'il n'appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail ; qu'en jugeant que l'employeur avait rempli son obligation de reclassement, dès lors qu'il avait adressé à la salariée deux propositions de reclassement, au sein des campus AFPA de Laon et Amiens n'ayant pas pour lieu d'affectation la direction régionale d'Amiens, précédent lieu de travail de Mme X..., respectant ainsi l'avis médical du médecin du travail, alors que postérieurement à l'avis d'inaptitude avec mention d'un danger immédiat, le médecin du travail, interrogé par l'employeur, avait précisé que « la notion d'entreprise telle que mentionnée sur la fiche d'inaptitude rédigée le 1er décembre 2010 fait référence à tout service ou site en lien avec l'AFPA de Picardie », la cour d'appel, qui a dénaturé le courrier du médecin du travail du 1er juin 2011, a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que les recherches de reclassement doivent être menées sérieusement et loyalement et poursuivies jusqu'à la date du licenciement ; qu'il en résulte qu'en estimant justifié le licenciement de Mme X..., prononcé le 11 janvier 2012, aux motifs que l'employeur lui avait adressé deux propositions de reclassement pertinentes le 22 avril 2011, qu'elle avait refusé dès le 29 avril suivant, soit neuf mois avant la date de son licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, en violation des articles L. 4624-1 et L. 1226-10 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

4°/ que le refus exprimé par un salarié déclaré inapte à son poste d'une proposition de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que le licenciement de Mme X... était justifié, que l'employeur avait adressé à la salariée deux propositions de reclassement pertinentes le 22 avril 2011, que cette dernière avait refusé, sans constater qu'à la suite de ces refus, l'employeur avait poursuivi ses recherches et ne disposait d'aucune autre possibilité de reclassement de la salariée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles des articles L. 4624-1 et L. 1226-10 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

Mais attendu, d'abord, que selon l'article 79 de l'accord collectif du 4 juillet 1996 sur les dispositions générales régissant le personnel employé par l'AFPA, une commission de reclassement régionale ou nationale selon le niveau concerné, qui peut être saisie par le responsable hiérarchique ou le médecin du travail, est associée à la recherche d'un reclassement au bénéfice du salarié susceptible d'être déclaré définitivement inapte à son emploi par le médecin du travail ; qu'il en résulte que la méconnaissance de l'obligation de saisir la commission prévue à l'article 79 précité n'est pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que par ce motif, substitué d'office à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Attendu, ensuite, que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a déduit, hors toute dénaturation, que l'employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Silhol - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article 79 de l'accord collectif du 4 juillet 1996 sur les dispositions générales régissant le personnel employé par l'AFPA.

Soc., 4 décembre 2019, n° 18-14.113, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires du 26 novembre 1971 – Annexe II – Avenant cadres du 9 avril 1976 – Article 7 – Appointements minima garantis – Appointements mensuels – Nature – Détermination – Portée

L'article 7 de l'avenant cadres du 9 avril 1976 figurant en annexe II de la convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires du 26 novembre 1971 institue non une prime d'ancienneté mais une majoration en pourcentage du montant du salaire minimum professionnel garanti.

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 février 2018), que Mme C...-X... a été engagée le 4 septembre 2008 par la société Cap en qualité d'attachée commerciale ; qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 6 octobre 2014 et saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de juger que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission et en conséquence de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen, que le calcul du montant de la prime d'ancienneté au regard des barèmes minima des traitements n'exclut pas du droit à la prime d'ancienneté les salariés percevant une rémunération supérieure aux minima professionnels ; qu'en jugeant sans fondement le grief invoqué par Mme C... tiré du défaut de paiement de sa prime d'ancienneté et en déboutant celle-ci de sa demande de rappel de salaire afférente, aux motifs qu'elle percevait un salaire supérieur au minimum conventionnel, même majoré, au regard duquel sont calculés les primes d'ancienneté, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 7 de l'annexe II et l'article 11 de la convention collective du négoce en fournitures dentaires ;

Mais attendu que l'article 7 de l'avenant cadres du 9 avril 1976 figurant en annexe II de la convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires du 26 novembre 1971 institue non une prime d'ancienneté mais une majoration en pourcentage du montant du salaire minimum professionnel garanti, et que la salariée qui, suivant les constatations de la cour d'appel, avait le statut cadre et percevait une rémunération supérieure au salaire minimum professionnel garanti correspondant à son ancienneté, doit être considérée comme remplie de ses droits au regard de la convention collective ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, deuxième et troisième branches du moyen, ci-après annexées, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 7 de l'avenant cadres du 9 avril 1976 figurant en annexe II de la convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires du 26 novembre 1971.

Soc., 18 décembre 2019, n° 18-18.864, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981 – Suspension du contrat de travail – Article 29 – Absence du salarié pour maladie ou accident – Période de protection conventionnelle – Licenciement prononcé avant l'expiration de la période de protection – Possibilité (non) – Portée

Selon l'article 29, alinéa 2, de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981, les absences justifiées par la maladie ou l'accident dans un délai maximum d'un an n'entraînent pas une rupture du contrat de travail.

Il en résulte qu'un employeur ne peut licencier un salarié en raison de la désorganisation du fonctionnement de l'entreprise occasionnée par son absence prolongée et la nécessité de procéder à son remplacement définitif lorsque, à la date du prononcé du licenciement, l'absence pour maladie n'excède pas un an.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme F..., engagée par M. L... le 15 décembre 2008 en qualité de secrétaire standardiste, a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 février 2014 ; qu'elle a été licenciée le 10 mars 2014 au motif que son absence prolongée perturbait le fonctionnement du cabinet médical et nécessitait son remplacement ;

Sur le second moyen : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 29 de la convention collective du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981 ;

Attendu, selon le deuxième alinéa de ce texte, que les absences justifiées par la maladie ou l'accident dans un délai maximum d'un an n'entraînent pas une rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé et débouter la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la salariée invoque la clause de garantie d'emploi prévue par l'article 29 de la convention collective susvisée, que si, contrairement à ce que soutient l'employeur, cet article prévoit clairement qu'un salarié en arrêt maladie ne peut être licencié qu'au terme d'une année d'absence, c'est avec pertinence qu'il met en avant que ce moyen est inopérant dès lors que le licenciement a été notifié à la salariée non pas à raison de son arrêt maladie mais seulement au motif de la perturbation qu'entraînait son absence prolongée nécessitant son remplacement définitif ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur ne pouvait se prévaloir des conséquences de l'absence pour maladie de la salariée qui, à la date où le licenciement a été prononcé, n'excédait pas un an, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme F... de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 26 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard ; SCP Richard -

Textes visés :

Article 29, alinéa 2, de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en cas de violation d'une clause de protection conventionnelle, à rapprocher : Soc., 26 septembre 1990, pourvoi n° 87-44.076, Bull. 1990, V, n° 393 (cassation) ; Soc., 7 novembre 1990, pourvoi n° 86-43.767, Bull. 1990, V, n° 523 (cassation) ; Soc., 18 novembre 1997, pourvoi n° 95-43.395, Bull. 1997, V, n° 379 (cassation) ; Soc., 20 septembre 2006, pourvoi n° 05-41.385, Bull. 2006, V, n° 274 (1) (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 10-11.052, Bull. 2011, V, n° 171 (rejet).

Soc., 18 décembre 2019, n° 18-13.382, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 – Article VIII.2 – Déplacements et tournées, voyages – Indemnité de grand déplacement – Octroi – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte des dispositions de l'article VIII.2, modifié par avenant du 20 février 2009, de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 et du préambule du titre VIII de cette convention collective que le salarié pouvant bénéficier de l'indemnité de grand déplacement est celui qui effectue des déplacements de son domicile vers un autre lieu de travail que son lieu de travail habituel et se trouve dans l'impossibilité de regagner chaque jour son lieu de domicile du fait de ses conditions de travail.

Justifie dès lors sa décision la cour d'appel qui, ayant constaté que le salarié n'effectuait pas de déplacements de son domicile vers un autre lieu de travail que son lieu de travail habituel, déboute l'intéressé de sa demande d'indemnité de grand déplacement.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé par l'association Centre chorégraphique national de Nantes (CCNN) selon plusieurs contrats à durée déterminée d'usage, en qualité de danseur professionnel entre le 10 septembre 2007 et le 30 avril 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel d'indemnité de déplacement en application de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche : Publication sans intérêt

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de rappel d'indemnité de déplacement au titre de l'année 2010 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de cette demande, alors, selon le moyen, que, selon l'article VIII.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984, l'indemnité de déplacement représente le remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de nourriture et d'hébergement réellement engagés par les membres du personnel artistique, technique et administratif à l'occasion des déplacements imposés par l'exercice de leur profession ; que, selon cette stipulation, l'indemnité due est l'indemnité de grand déplacement quand les conditions du grand déplacement, telles que définies au préambule, sont réunies ; qu'en vertu du préambule de l'article VIII de la convention précitée, le grand déplacement est caractérisé par l'impossibilité pour un salarié de regagner chaque jour son lieu de domicile du fait de ses conditions de travail ; que l'empêchement est présumé lorsque deux conditions sont simultanément réunies, à savoir que la distance lieu de domicile du salarié vers le lieu de travail est supérieure ou égale au seuil conventionnel de distance (trajet aller) de 40 kilomètres et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 heure 30 (trajet aller et retour) ; que, pour débouter, en l'espèce, le salarié de sa demande en paiement de la partie repas de l'indemnité de déplacement au titre l'année 2010, la cour d'appel a estimé, par motifs propres et adoptés, que l'indemnité ne pouvait être payée que dans l'hypothèse où le salarié se déplace de son domicile à un autre lieu de travail que le lieu d'exercice habituel et que le fait d'avoir des contrats d'engagement précaires ne fait pas obstacle à l'existence d'un lieu d'exercice permanent comme le démontre la situation du salarié qui a travaillé pour l'association pendant trois ans ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier, comme elle y était invitée, si les conditions du grand déplacement était réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article VIII de la convention collective susvisée ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article VIII.2 de la convention collective applicable, modifié par avenant du 20 février 2009, « L'indemnité de déplacement représente le remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de nourriture et d'hébergement réellement engagés par les membres du personnel artistique, technique et administratif à l'occasion des déplacements imposés par l'exercice de leur profession.

L'indemnité due est l'indemnité de petit déplacement quand les conditions du petit déplacement, telles que définies au préambule, sont réunies, à moins que l'employeur ne prenne en charge l'organisation d'un repas.

L'indemnité due est l'indemnité de grand déplacement quand les conditions du grand déplacement, telles que définies au préambule, sont réunies » ; que selon le préambule du titre VIII de la convention collective, « Les différents déplacements sont les suivants :

- lieu de domicile du salarié vers le lieu de travail habituel, précisé au contrat de travail ;

- déplacement vers un autre lieu de travail depuis le lieu de travail habituel ;

- déplacement vers un autre lieu de travail depuis le lieu de domicile du salarié, qu'il faut distinguer suivant qu'il s'agit d'un petit ou d'un grand déplacement :

- le petit déplacement est un déplacement hors des sites de l'entreprise, tel que les conditions de travail interdisent au salarié de regagner son domicile ou les sites de l'entreprise pour le repas ;

- le grand déplacement (à défaut de zone géographique précisée dans l'accord d'entreprise, tel que prévu à l'article VIII. 1. 1A) est caractérisé par l'impossibilité pour un salarié de regagner chaque jour son lieu de domicile du fait de ses conditions de travail » ; qu'il résulte de ces dispositions que le salarié pouvant bénéficier de l'indemnité de grand déplacement est celui qui effectue des déplacements de son domicile vers un autre lieu de travail que son lieu de travail habituel et se trouve dans l'impossibilité de regagner chaque jour son lieu de domicile du fait de ses conditions de travail ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait son lieu de travail habituel à Nantes et qu'il n'effectuait pas de déplacements de son domicile vers un autre lieu de travail que son lieu de travail habituel, de sorte qu'il ne pouvait prétendre au paiement d'une indemnité de grand déplacement, a, sans avoir à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de rappel d'indemnité de déplacement au titre des années 2007 à 2009 : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. P... de sa demande de rappel d'indemnité de déplacement pour les années 2007 à 2009, l'arrêt rendu le 22 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article VIII.2, modifié par avenant du 20 février 2009, de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 et du préambule du titre VIII de cette convention collective.

Soc., 18 décembre 2019, n° 18-12.447, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Travail à temps partiel modulé – Répartition de la durée du travail – Variation dans la limite conventionnelle – Seuil du tiers de la durée – Dépassement – Effets – Requalification en travail à temps complet – Requalification automatique – Exclusion – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 19 octobre 2016, pourvoi n° 15-13.696), que M. B... a été engagé par la société Adrexo en qualité de distributeur de journaux et de documents publicitaires, dans le cadre d'un contrat à temps partiel modulé à compter du 2 janvier 2008 ; que le salarié, qui a démissionné le 8 avril 2010, a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet et de rappel de salaire, alors, selon le moyen :

1°/ que la durée du travail pour les salariés à temps partiel peut varier au-delà ou en deçà de la durée stipulée au contrat, à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne cette durée contractuelle ; qu'en relevant toutefois, pour décider que la société Adrexo établissait que M. B... pouvait prévoir son rythme de travail, que la durée de travail effectif avait respecté les seuils de modulation dès lors qu'elle s'établissait à 346,25 heures annuelles pour une durée de référence de 312,01 heures, ce dont il se déduisait pourtant que sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle excédait en moyenne la durée contractuellement prévue, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violé l'article 1er du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe (IDCC2372) du 9 février 2004 ;

2°/ que la durée du travail pour les salariés à temps partiel peut varier au-delà ou en deçà de la durée stipulée au contrat, à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne cette durée contractuelle et que la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail peut varier au-dessous ou au-dessus de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat dans la limite du tiers de cette durée ; que la méconnaissance par l'employeur de son obligation de respecter la fourchette de variation mensuelle des heures de travail du salarié empêche ce dernier de prévoir son rythme de travail, le plaçant ainsi à la disposition permanente de son employeur ; qu'en relevant, pour décider que la société Adrexo établissait que M. B... pouvait prévoir son rythme de travail, que la durée de travail effectif avait respecté les seuils de modulation dès lors qu'elle s'établissait à 346,25 heures annuelles pour une durée de référence de 312,01 heures, sans rechercher, ainsi que le faisait pourtant valoir le salarié, si la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail avait varié au-dessous ou au-dessus de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat en deçà ou au-delà de la limite du tiers de cette durée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1er du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe (IDCC2372) du 9 février 2004 et 2.1 de l'accord d'entreprise du 11 mai 2005 ;

Mais attendu que ni le dépassement de la durée contractuelle de travail sur l'année ni le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l'accord d'entreprise ne justifient en eux-mêmes la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors que la durée du travail du salarié n'a pas été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement ; que le moyen, inopérant, n'est pas fondé ;

Et attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1er du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe (IDCC 2372) du 9 février 2004.

Rapprochement(s) :

Sur l'effet du non-respect de la limite du tiers de la durée du travail en matière de contrat de travail à temps partiel modulé, à rapprocher : Soc., 12 septembre 2018, pourvoi n° 16-18.030, Bull. 2018, V, (1) (rejet). Sur la nécessité d'accomplir un nombre d'heures ayant pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, pour entraîner la requalification du contrat à temps plein, à rapprocher : Soc., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-19.393, Bull. 2019, (2) (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 11 décembre 2019, n° 18-13.599, (P)

Rejet

Négociation collective – Périodicité de la négociation – Négociation triennale – Mobilité interne – Mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise – Conditions – Mobilité s'inscrivant dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs – Définition – Cas – Portée

Selon l'article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs.

Une cour d'appel, qui constate que la mobilité individuelle du salarié était envisagée dans le cadre d'une réorganisation de la direction centrale commerciale ne s'accompagnant pas d'une réduction d'effectifs, en déduit exactement que cette réorganisation constituait une mesure collective d'organisation courante au sens du texte précité.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 janvier 2018), que M. Q..., engagé par la société Mutuelles du Mans assurances vie (MMA vie) le 2 juillet 1973, occupait en dernier lieu un poste de délégué régional animation et développement au sein de la direction centrale commerciale, à la direction régionale de Lyon ; qu'un projet de réorganisation de la direction centrale commerciale, impliquant la non-reconduction de 83,60 postes sur 803,49 et la création de 48,6 postes a été soumis au comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale ; que durant la procédure d'information-consultation, a été promulguée la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, instituant notamment la possibilité de négociation portant sur les conditions de mobilité interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que le 3 juillet 2013, après avis favorable du comité central d'entreprise, a été conclu un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et à la formation professionnelle, dont l'article 7.1.9 contient des dispositions relatives à la mobilité interne résultant de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que, se prévalant de ces dispositions, la société a proposé au salarié, par lettre du 27 septembre 2013, une affectation sur le poste de délégué développement agents, sur le site de Clichy, rattaché à la direction régionale Île-de-France-Centre-Normandie, que l'intéressé a refusée le 15 octobre 2013 ; que, par lettre du 28 novembre 2013, la société a transmis au salarié trois offres de postes de reclassement, qu'il a déclinées le 14 décembre 2013 ; que la société a notifié au salarié son licenciement pour motif économique le 31 janvier 2014 ; que ce dernier a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur les deuxième et troisième branches du premier moyen, ainsi que les troisième à cinquième moyens : Publication sans intérêt

Sur le premier moyen, pris en ses autres branches :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de la société au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen :

1°/ que l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que les « mesures collectives d'organisation courantes » sont celles qui permettent, par la mobilité interne des salariés, d'opérer au sein d'une entreprise, des aménagements organisationnels de faible importance ; que ces mesures sont donc exclusives de tout projet de réorganisation d'ampleur ; que pour considérer que les mesures prévues par l'employeur dans l'accord de mobilité étaient des mesures d'organisation courante, la cour d'appel a énoncé que la loi ne fixait aucun seuil au-delà duquel une réorganisation cesse d'être une « mesure collective d'organisation courante », d'une part, et que les mesures mises en place par la société MMA vie, en ce qu'elles consistaient à prévoir, mais aussi à prévenir les mobilités qu'impliquait la réorganisation litigieuse relavaient bien d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, d'autre part ; qu'en considérant ainsi que la notion de mesures d'organisation courante devait être déterminée au seul regard de leur nature et non pas de leur ampleur, la cour d'appel a violé les articles L. 2242-21 et L. 2242-23 du code du travail ;

2°/ que, subsidiairement, à supposer qu'il soit considéré que la cour d'appel ait entendu retenir que les mesures mises en place par la société MMA vie relevaient d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dès lors qu'elles avaient pour objet de permettre la mise en place d'un projet de réorganisation plus vaste, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que de telles mesures ont pour objet, par la mobilité interne des salariés, de procéder à des aménagements organisationnels de faible importance ; que ces mesures sont exclusives de tout projet de réorganisation d'ampleur ; qu'en retenant toutefois que les mesures mises en place par la société MMA vie en ce qu'elles avaient pour objet de prévoir, mais aussi de prévenir les effets de la mobilité engendrés par un projet de réorganisation, constituaient des mesures collectives d'organisation courantes, quand de telles mesures ne peuvent être mises au service d'un projet de réorganisation plus vaste, la cour d'appel a violé les articles L. 2242-21 et L. 2242-23 du code du travail ;

3°/ que l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que de telles mesures ont pour objet, par la mobilité interne des salariés, de procéder à des aménagements organisationnels de faible importance ; que ces mesures sont exclusives de tout projet de réorganisation d'ampleur ; que la cour d'appel a relevé que la société MMA vie avait mis en place des mesures correspondant à la création de trente-sept postes dans les différentes directions régionales de la direction centrale commerciale, la reconduction de huit postes non pourvus, la création de dix postes de vérifications en régions au sein de la DPCE, l'affectation de trente-et-un salariés à des missions temporaires de dix-huit à vingt-quatre mois et la création d'un vivier devant compter à terme quinze salariés ; qu'en considérant que l'accord de mobilité prévoyant ces mesures étaient conformes à la loi, quand l'ampleur de ces mesures excluait qu'elles soient qualifiées de « mesures collectives d'organisation courantes », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 2242-21 et L. 2242-23 du code du travail ;

4°/ que, en tout état de cause, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que de telles mesures ont pour objet, par la mobilité interne des salariés, de procéder à des aménagements organisationnels de faible importance ; que ces mesures sont exclusives de tout projet de réorganisation d'ampleur ; qu'en se bornant à énoncer que les mesures mises en place par la société MMA vie relevaient d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences en ce qu'elles n'emportaient aucune réduction d'effectif et étaient destinées à prévoir, mais aussi à prévenir les mobilités qu'impliquaient la réorganisation litigieuse, et qu'un cabinet d'experts mentionnait dans son rapport que le projet de réorganisation de la direction centrale commerciale relevait d'une mesure d'organisation courante, sans se déterminer au regard de l'ensemble des mesures visées par l'accord de mobilité pour trancher la question de savoir si l'ampleur des mesures de réorganisation mises en place par la société n'excédait pas le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2242-21 et L. 2242-23 du code du travail ;

5°/ que l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que de telles mesures ont pour objet, par la mobilité interne des salariés, de procéder à des aménagements organisationnels de faible importance ; que ces mesures sont exclusives de tout projet de réorganisation d'ampleur ; qu'en énonçant qu'un cabinet d'experts mentionnait dans son rapport que le projet de réorganisation de la direction centrale commerciale relevait d'une mesure d'organisation courante, la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants à caractériser que l'ensemble des mesures envisagées dans l'accord de mobilité devaient être qualifiées des mesures d'organisation courante, et ainsi, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2242-21 et L. 2242-23 du code du travail ;

6°/ que l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que de telles mesures ont pour objet, par la mobilité interne des salariés, de procéder à des aménagements organisationnels de faible importance ; que ces mesures sont exclusives de tout projet de réorganisation d'ampleur ; qu'en retenant que les mesures mises en place par la société MMA vie relevaient d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la durée de mise en place de ces mesures par la société MMA vie n'était pas de nature à exclure qu'elles constituent des mesures collectives d'organisation courantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2242-21 et L. 2242-23 du code du travail ;

Mais attendu que selon l'article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ; que la cour d'appel, qui a constaté que la mobilité individuelle du salarié était envisagée dans le cadre d'une réorganisation de la direction centrale commerciale ne s'accompagnant pas d'une réduction d'effectifs, a exactement déduit de ces seuls motifs que cette réorganisation constituait une mesure collective d'organisation courante au sens du texte précité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Célice, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Soc., 18 décembre 2019, n° 18-13.688, (P)

Cassation

Statut réglementaire d'ordre public – Statut du mineur – Prestation de logement – Obligation de l'exploitant – Choix unilatéral du versement d'une indemnité – Exclusion – Fondement – Détermination

Il résulte de l'article 8 de l'arrêté ministériel du 2 mai 1979 relatif aux prestations de logement des membres du personnel des exploitations minières et assimilées, des anciens membres et de leurs ayants droit, pris en application du décret n° 46-1433 du 14 juin 1946 relatif au statut du mineur modifié par le décret n° 60-1143 du 25 octobre 1960, que, quand les circonstances l'exigent, l'exploitant peut offrir aux anciens membres du personnel et aux veuves logés gratuitement soit un autre logement, soit le choix entre un autre logement et l'indemnité compensatrice.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui autorise l'employeur, à la suite de la vente de l'immeuble, à substituer unilatéralement le versement d'une indemnité mensuelle de logement à la prise en charge du loyer.

Sur le moyen unique :

Vu l'article 23 du décret n° 46-1433 du 14 juin 1946 relatif au statut du mineur modifié par le décret n° 60-1143 du 25 octobre 1960 et l'article 8 de l'arrêté ministériel du 2 mai 1979 relatif aux prestations de logement des membres du personnel des exploitations minières et assimilées, des anciens membres et de leurs ayants droit, pris en application du décret précité et ayant abrogé les dispositions de l'arrêté ministériel du 25 mai 1965 ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que les anciens membres du personnel et les veuves, bénéficiaires de prestations à la charge de la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines au titre des risques vieillesse, invalidité et décès (pensions de survivants) ou titulaires de rentes prévues par la législation générale sur les accidents du travail et les maladies professionnelles peuvent recevoir des prestations de logement, en nature ou en espèces, dont les montants et les conditions d'attribution sont fixés par arrêté du ministre chargé des mines et du ministre des finances et des affaires économiques ;

Attendu, selon le second, que, quand les circonstances l'exigent, l'exploitant peut offrir aux anciens membres du personnel et aux veuves logés gratuitement soit un autre logement, soit le choix entre un autre logement et l'indemnité compensatrice ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B... a été engagé le 17 septembre 1973 par la Société de secours minière de Sarre et Moselle, aux droits de laquelle vient la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines ; qu'en application des dispositions des articles 22 et 23 du décret n° 46-1433 du 14 juin 1946, l'employeur a mis gratuitement à sa disposition un logement ; que le mineur a continué à bénéficier de ce dispositif après son départ en retraite en 2005 ; qu'à la suite de la vente de l'immeuble le 18 janvier 2010, l'employeur a substitué à la prise en charge du loyer le versement d'une indemnité mensuelle de logement ;

Attendu que pour rejeter les demandes de l'ancien mineur tendant à la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme correspondant à la différence entre le montant de ses loyers et celui de l'indemnité de logement et à lui garantir ainsi qu'à ses ayants droit le versement d'une indemnité logement à hauteur de son loyer jusqu'à extinction de leurs droits, l'arrêt retient que, si l'article 23 du décret du 14 juin 1946 instaure au bénéfice du « chef ou soutien de famille » le logement gratuit et à défaut la perception d'une indemnisation pécuniaire, ces dispositions ne prévoient qu'une possibilité pour lui, après rupture du contrat de travail, de percevoir des prestations de logement, sans que dans ce dernier cas la gratuité du logement ne soit garantie, que les dispositions statutaires ne laissent pas à M. B..., en tant qu'ancien membre du personnel, le choix de la nature de la prestation servie, ce choix restant à la discrétion du débiteur de l'obligation sans que ce dernier ne soit expressément contraint de recueillir l'accord préalable du bénéficiaire en cas de modification des modalités d'exécution, ni ne lui garantissent le paiement de l'intégralité du montant du loyer de son logement, que les précisions apportées par l'article 10 de l'arrêté ministériel du 25 mai 1965 donnent clairement au débiteur de l'obligation de prestation logement la faculté unilatérale de décider la manière dont il entend s'en acquitter ;

Qu'en statuant ainsi, alors que quand les circonstances l'exigent, l'exploitant peut offrir aux anciens membres du personnel et aux veuves logés gratuitement soit un autre logement, soit le choix entre un autre logement et l'indemnité compensatrice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article 23 du décret n° 46-1433 du 14 juin 1946 relatif au statut du mineur modifié par le décret n° 60-1143 du 25 octobre 1960 ; article 8 de l'arrêté du 2 mai 1979 relatif aux prestations de logement des membres du personnel des exploitations minières et assimilées, des anciens membres et de leurs ayants droit.

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