Numéro 12 - Décembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2019

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 18 décembre 2019, n° 18-14.751, n° 18-50.007, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Assistance médicale à la procréation – Assistance médicale à la procréation pratiquée à l'étranger – Transcription d'un acte d'état civil étranger – Désignation d'une femme comme mère et d'une autre comme « parent » – Conditions – Acte de naissance étranger probant au sens de l'article 47 du code civil

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 décembre 2017), aux termes de leurs actes de naissance dressés par le bureau de l'état civil du district de Lambeth (Londres, Royaume-Uni), M... Y...-A... est née le [...] à Londres, ayant pour mère Mme Y... et pour parent Mme A..., toutes deux de nationalité française, et O... Y...-A... est né le [...] à Londres, ayant pour mère Mme A... et pour parent Mme Y.... Celles-ci ont eu recours à une assistance médicale à la procréation au Royaume-Uni.

2. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'étant opposé à leur demande de transcription des actes de naissance sur les registres de l'état civil consulaire, au motif qu'ils n'étaient pas conformes à l'article 47 du code civil, Mmes Y... et A... l'ont assigné à cette fin.

3. Par un arrêt du 20 mars 2019 (1re Civ., 20 mars 2019, pourvois n° 18-14.751 et 18-50.007, publié), la Cour de cassation a sursis à statuer dans l'attente de l'avis de la Cour européenne des droits de l'homme et de l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi n° 10-19.053.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi n° 18-14.751, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

4. Mmes Y... et A... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de Mme A... de transcription de l'acte de naissance de M... Y...-A..., s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant, et la demande de Mme Y... de transcription de l'acte de naissance de O... Y...-A..., s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant alors :

« 1°/ que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la filiation de l'enfant est établie à l'égard de ses parents par l'acte de naissance ; qu'en déboutant Mme A... de sa demande de transcription de l'acte de naissance de M... Y...- A... s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant, après avoir constaté que selon l'acte de naissance de M..., celle-ci a pour mère Mme Y..., ce qui n'est pas contestable en l'absence de données extérieures ou d'éléments tirés de l'acte établissant que cet acte serait irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité, et que Mme A... est parent de M..., la cour d'appel a violé les articles 310-3, 47 et 34, a), du code civil ;

2°/ que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la filiation de l'enfant est établie à l'égard de ses parents par l'acte de naissance ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande de transcription de l'acte de naissance de O... Y...-A... s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant, après avoir constaté que selon l'acte de naissance de O..., celui-ci a pour mère Mme A..., ce qui n'est pas contestable en l'absence de données extérieures ou d'éléments tirés de l'acte lui-même établissant que cet acte serait irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité, et pour parent Mme Y..., la cour d'appel a violé les articles 310-3, 47 et 34, a), du code civil ;

3°/ qu'en déboutant Mme A... de sa demande de transcription de l'acte de naissance de M... Y...-A... s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant et Mme Y... de sa demande de transcription de l'acte de naissance de O... Y...-A... s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant, la cour d'appel a méconnu le principe général de droit international privé de continuité du statut personnel, procédant également de l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 du code civil :

5. Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

6. Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

7. Aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

8. Il se déduit de ces textes qu'en présence d'une action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger d'un enfant, qui n'est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l'enfant soit né d'une assistance médicale à la procréation ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres français de l'état civil, lorsque l'acte est probant au sens de l'article 47 du code civil.

9. Pour rejeter la demande de transcription de l'acte de naissance de M... s'agissant de la désignation de Mme A... comme parent et la demande de transcription de l'acte de naissance de O... s'agissant de la désignation de Mme Y... comme parent, l'arrêt retient que les actes de naissance, bien que réguliers et non falsifiés, désignent respectivement Mmes A... et Y... comme parent sans qu'une adoption n'ait consacré le lien de filiation à l'égard de la conjointe de la mère et alors qu'un enfant ne peut avoir qu'une seule mère biologique.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les actes de l'état civil étrangers étaient réguliers, exempts de fraude et avaient été établis conformément au droit en vigueur en Angleterre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen unique du pourvoi n° 18-14.751 et sur le pourvoi n° 18-50.007, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme A..., tendant à la transcription de l'acte de naissance de M..., X..., E... Y...-A..., née le [...] à Londres (Royaume-Uni), s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant, et la demande de Mme Y... tendant à la transcription de l'acte de naissance de O... Y...-A..., né le [...] à Londres (Royaume-Uni), s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant l'arrêt rendu le 18 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 23 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Nantes.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ; article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 47 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le caractère probant de l'acte de naissance étranger conditionnant la transcription, à rapprocher : 1re Civ., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-12.237, Bull. 2019, (cassation partielle sans renvoi) ; 1re Civ., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.815, Bull. 2019, (cassation partielle sans renvoi).

1re Civ., 5 décembre 2019, n° 19-22.930, (P)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent – Procédure – Mainlevée de la mesure en raison d'une irrégularité affectant la décision d'admission – Conditions – Atteinte aux droits de la personne – Caractérisation – Méconnaissance de l'exigence d'extériorité du médecin auteur du certificat médical initial

Il résulte de l'article L. 3212-1 II, 2°, du code de la santé publique, figurant au chapitre II du titre sur les modalités de soins psychiatriques, que, lorsqu'elle est prononcée en raison d'un péril imminent pour la santé de la personne soumise aux soins, la décision d'admission du directeur de l'établissement d'accueil doit être accompagnée d'un certificat médical circonstancié dont le médecin auteur ne peut exercer dans l'établissement accueillant le malade.

Selon l'article L. 3216-1, alinéa 2, du code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative prise en application des chapitres II à IV du titre précité n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne.

L'exigence d'extériorité du médecin auteur du certificat médical initial vise à garantir le droit fondamental selon lequel nul ne peut être arbitrairement privé de liberté. Il s'en déduit que la méconnaissance de cette exigence porte en soi atteinte aux droits de la personne au sens du second texte.

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent – Existence d'un péril imminent pour la santé de la personne – Certificat médical initial – Conditions – Certificat établi par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le patient – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 24 juillet 2019), et les pièces de la procédure, M. P... a été conduit le 30 juin 2019 au Centre psychiatrique d'orientation et d'accueil (le CPOA) pour une évaluation psychique. Un médecin exerçant dans cet établissement a rédigé un certificat proposant son admission en soins psychiatriques, sur le fondement de l'article L. 3212-1 II, 2°, du code de la santé publique, en raison du péril imminent pour sa santé et en l'absence de tiers susceptible de formuler une telle demande.

Le 1er juillet 2019, le directeur du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences (le GHU) a pris une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète.

2. Ce dernier a, ensuite, saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure, conformément à l'article L. 3211-12-1 du même code.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

3. M. P... fait grief à l'ordonnance de décider la poursuite de l'hospitalisation complète alors « que si l'hospitalisation sous contrainte peut être décidée par le directeur de l'établissement en cas de péril imminent sur présentation d'un seul certificat médical, c'est à la condition que ce certificat émane d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil, cette condition d'extériorité constituant pour le patient une garantie de fond, d'impartialité et d'objectivité du médecin de nature à prévenir tout internement abusif ; qu'il résulte des propres constatations du juge des libertés et de la détention, reprises en appel, qu'en l'espèce le certificat médical initial prescrivant l'admission en soins sans consentement a été établi par un praticien hospitalier dépendant de la même direction hospitalière que celle ayant décidé de l'hospitalisation et qu'ainsi la procédure est affectée d'une irrégularité ; qu'en rejetant la demande de mainlevée au prétexte que cette irrégularité « n'a causé strictement aucun grief au patient, dont l'état psychique imposait nécessairement une hospitalisation sous contrainte », les juges du fond ont violé les dispositions des articles L. 3212-1 II, 2°, et L. 3216-1, alinéa 2, du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3212-1 II, 2°, et L. 3216-1, alinéa 2, du code de la santé publique :

4. Il résulte du premier de ces textes, figurant au chapitre II du titre sur les modalités de soins psychiatriques, que, lorsqu'elle est prononcée en raison d'un péril imminent pour la santé de la personne soumise aux soins, la décision d'admission du directeur de l'établissement d'accueil doit être accompagnée d'un certificat médical circonstancié dont le médecin auteur ne peut exercer dans l'établissement accueillant le malade.

Selon le second, l'irrégularité affectant une décision administrative prise en application des chapitres II à IV du titre précité n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne.

5. L'exigence d'extériorité du médecin auteur du certificat médical initial vise à garantir le droit fondamental selon lequel nul ne peut être arbitrairement privé de liberté. Il s'en déduit que la méconnaissance de cette exigence porte en soi atteinte aux droits de la personne au sens du second texte.

6. Pour prolonger la mesure, l'ordonnance retient que l'irrégularité tirée de ce que le certificat initial émane d'un médecin du CPOA, entité dépendant juridiquement du GHU Paris où a été accueilli le patient, n'a pas porté atteinte aux droits de celui-ci, qui n'a subi aucun grief, dès lors que son hospitalisation sous contrainte était nécessairement imposée par son état psychique et que tous les recours juridictionnels ont pu être exercés.

7. En statuant ainsi, alors que l'irrégularité constatée portait nécessairement atteinte aux droits de M. P..., le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 24 juillet 2019, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Poinseaux - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles L. 3212-1 II, 2°, et L. 3216-1, alinéa 2, du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

Sur l'exigence d'extériorité du médecin auteur du certificat médical, à rapprocher : 1re Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 19-14.672, Bull. 2019, (rejet).

1re Civ., 19 décembre 2019, n° 19-22.946, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Demande de mainlevée de la mesure – Procédure devant le juge des libertés et de la détention – Défense au fond – Définition – Irrégularité d'un certificat médical – Effets – Moyen pouvant être présenté pour la première fois en cause d'appel

Il résulte des dispositions de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique que, lorsque le juge des libertés et de la détention contrôle la régularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, le moyen pris de l'irrégularité d'un certificat médical ne constitue pas une exception de procédure, au sens de l'article 112 du code de procédure civile, mais une défense au fond, qui peut être présentée pour la première fois en cause d'appel.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 28 août 2019), et les pièces de la procédure, le 1er août 2019, à l'occasion de sa garde à vue, M. H... a été examiné, par un médecin psychiatre du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins. Celui-ci a établi un rapport d'expertise décrivant des troubles psychiques portant atteinte de façon grave à l'ordre public en vue de son admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat dans le département, au visa duquel le préfet a pris, le lendemain, un arrêté d'admission sur le fondement de l'article L. 3213-1, I, du code de la santé publique.

Le 9 août, M. H... a été admis dans cet établissement.

Le 14 août, le préfet a pris, en application de l'article L. 3213-1, II, du même code, une décision de maintien des soins sous la forme de l'hospitalisation complète.

2. Le même jour, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par le préfet, aux fins de poursuite de la mesure et, par M. H..., aux fins de mainlevée de celle-ci.

Examen de la recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le directeur du centre hospitalier, relevée d'office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile

Vu les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique :

3. Le pourvoi formé contre le directeur du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins, avisé de l'audience conformément aux textes précités, mais qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. H... fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevables ses conclusions de procédure comme étant présentées pour la première fois en cause d'appel, alors « qu'en déclarant irrecevable le moyen tiré de l'irrégularité du certificat médical établi par le docteur D... au regard de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, sur le fondement de l'article 112 du code de procédure civile relatif à la nullité des actes de procédure, alors que le certificat litigieux n'est pas un acte de procédure et que la méconnaissance de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique constitue en réalité une défense au fond, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 112 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3213-1, L. 3216-1 du code de la santé publique et 112 du code de procédure civile :

5. Il résulte du deuxième de ces textes que, lorsque le juge des libertés et de la détention contrôle la régularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, le moyen pris de l'irrégularité d'un certificat médical ne constitue pas une exception de procédure, au sens du dernier texte, mais une défense au fond.

6. Pour rejeter la demande de mainlevée présentée par le patient et statuer sur la poursuite de la mesure, l'ordonnance retient que M. H... n'a pas invoqué, in limine litis, d'exceptions de procédure de sorte que celles qu'il soulève pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables.

7. En statuant ainsi, alors qu'il avait relevé que la contestation portait notamment sur l'irrégularité du certificat médical initial au regard de l'article L. 3213-1 précité, en tant que délivré par un médecin psychiatre de l'établissement d'accueil, de sorte qu'elle constituait une défense au fond, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 28 août 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 3213-1 et L. 3216-1 du code de la santé publique ; article 112 du code de procédure civile.

1re Civ., 4 décembre 2019, n° 18-50.073, (P)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Mainlevée de la mesure décidée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale – Conditions – Expertises psychiatriques

La mainlevée d'une mesure décidée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale ne peut être ordonnée sans que le juge ait recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 18 septembre 2018), et les pièces de la procédure, le 29 avril 2015, le tribunal correctionnel a reconnu l'irresponsabilité pénale de M. Q..., poursuivi du chef d'agression sexuelle, et ordonné son admission en soins psychiatriques sans consentement, sur le fondement des articles 122-1 du code pénal et 706-135 du code de procédure pénale. Depuis le 29 juin 2015, M. Q... est en fuite. A la demande du préfet, la prolongation de la mesure a été ordonnée tous les six mois par le juge des libertés et de la détention, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

2. Par requête du 22 août 2018, le préfet a, de nouveau, saisi le juge des libertés et de la détention afin qu'il statue sur la prolongation des soins. Il a produit à cet effet les avis d'un psychiatre et du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du même code, datés du 6 septembre 2018, préconisant le maintien de la mesure.

Examen du moyen

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le préfet fait grief à l'ordonnance de mettre fin à la mesure, alors que « la mainlevée de la mesure de soins ordonnée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un jugement d'irresponsabilité pénale prononcé sur le fondement de l'article 122-1 du code pénal, ne peut être ordonnée qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits ; qu'en ordonnant la mainlevée de la mesure de soins de M. Q..., dont l'hospitalisation avait été ordonnée par un jugement du tribunal correctionnel du 29 avril 2015, qui avait reconnu son irresponsabilité pénale, pour des faits d'agression sexuelle pour lesquels il était poursuivi, en raison de l'abolition du discernement de l'intéressé lors de la commission des faits, sans avoir recueilli les deux expertises nécessaires, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique :

4. Il résulte de ces textes que le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure ordonnée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique.

5. Pour rejeter la demande de poursuite de la mesure à l'égard de M. Q..., l'ordonnance retient qu'aucun renseignement n'a été fourni par l'administration sur sa situation actuelle, au point que l'on ignore si le patient se trouve toujours sur le territoire français, est encore en vie, s'il est possible de présumer que sa dangerosité n'a pas disparu, ou, au contraire, que plus rien dans son état de santé ne justifie un enfermement, de sorte qu'il n'est ni possible ni souhaitable de laisser perdurer durant des années cette situation.

6. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté l'absence des deux expertises requises par la loi en vue d'établir l'absence de dangerosité du patient, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 septembre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

1re Civ., 5 décembre 2019, n° 19-21.127, (P)

Irrecevabilité partielle et cassation partielle sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Procédure – Décision de maintien du programme de soins – Appel de la décision du juge des libertés et de la détention – Recevabilité des nouveaux moyens soulevés en appel – Exclusion – Irrégularité antérieure à une instance où il a été statué sur une précédente demande

Il résulte de la combinaison des articles 563 du code de procédure civile, L. 3211-12 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique qu'il incombe au juge qui statue sur une mesure de soins psychiatriques sans consentement de répondre à l'ensemble des moyens, même soulevés pour la première fois en cause d'appel, à la seule exception des irrégularités antérieures à une instance où il a été statué sur une précédente demande.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 16 novembre 2018), et les pièces de la procédure, M. R... a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 21 octobre 2018, sur décision du représentant de l'État dans le département, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.

2. Le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code.

Examen de la recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le groupe hospitalier Paul Guiraud, relevée d'office après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile

Vu les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique :

3. Le pourvoi en ce qu'il est formé contre le groupe hospitalier Paul Guiraud, qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

4. M. R... fait grief à l'ordonnance de rejeter les exceptions de nullité invoquées, alors :

« 1°/ que le moyen concernant l'exercice effectif des droits de la personne visée par une mesure d'hospitalisation d'office, dont le juge doit s'assurer, ne constitue pas une exception de procédure au sens des articles 73 et 74 du code de procédure civile et peut être présenté pour la première fois en cause d'appel ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif, faute d'avoir été présentée devant les premiers juges, le moyen de nullité tiré de la tardiveté de la notification de l'arrêté du 21 octobre 2018 à M. R..., le premier président a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ;

2°/ que le moyen concernant l'exercice effectif des droits de la personne visée par une mesure d'hospitalisation d'office, dont le juge doit s'assurer, ne constitue pas une exception de procédure au sens des articles 73 et 74 du code de procédure civile et peut être présenté pour la première fois en cause d'appel ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif, faute d'avoir été présentée devant les premiers juges, le moyen de nullité tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 24 octobre 2018 ayant ordonné la prolongation de l'hospitalisation de M. R..., le premier président a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 563 du code de procédure civile et les articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique :

5. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il incombe au juge qui statue sur une mesure de soins psychiatriques sans consentement de répondre à l'ensemble des moyens, même soulevés pour la première fois en cause d'appel, à la seule exception des irrégularités antérieures à une instance où il a été statué sur une précédente demande.

6. Pour confirmer la validité de la procédure ayant conduit à l'hospitalisation sous contrainte de M. R..., l'ordonnance retient que, si les moyens tirés de la tardiveté de la notification de l'arrêté d'admission du préfet et du défaut de motivation de l'arrêté de maintien en soins psychiatriques ne constituent pas des exceptions de procédure soumises comme telles à l'article 74 du code de procédure civile, le législateur, en instaurant un contrôle systématique par le juge des libertés et de la détention de la régularité des décisions administratives, telles que les admissions en soins sans consentement, et toutes les décisions prises en application des articles L. 3211-1 et suivants du code de la santé publique, a entendu instaurer une purge de toutes les irrégularités de la procédure de soins psychiatriques sans consentement si bien qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure. Elle en déduit qu'il convient de rejeter les moyens dès lors qu'ils n'ont pas été soutenus devant le juge des libertés et de la détention.

7. En statuant ainsi, alors qu'aucune décision définitive n'avait statué sur les irrégularités soulevées devant lui, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. Les délais légaux étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le groupe hospitalier Paul Guiraud ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable l'appel, l'ordonnance rendue le 16 novembre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 563 du code de procédure civile ; articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

Sur le fait que la décision de maintien en soins psychiatriques par le juge des libertés et de la détention valide la procédure antérieure, à rapprocher : 1re Civ., 19 octobre 2016, pourvoi n° 16-18.849, Bull. 2016, I, n° 200 (rejet).

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