Numéro 12 - Décembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2019

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 5 décembre 2019, n° 18-17.867, (P)

Cassation

Acte de procédure – Nullité – Vice de forme – Applications diverses – Déclaration d'appel – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 901 et 905-1 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. E... a interjeté appel le 1er décembre 2017 d'une ordonnance de non-conciliation statuant sur les mesures provisoires à l'occasion de la procédure de divorce opposant les époux E... ; que suivant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai en date du 7 décembre 2017, M. E... a signifié la déclaration d'appel par acte d'huissier de justice du 15 décembre 2017 en omettant d'inclure dans l'acte de signification l'annexe de la déclaration d'appel dans laquelle il avait fait figurer les chefs de dispositif de l'ordonnance critiqués par l'appel ;

Attendu que, pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient qu'à défaut de l'annexe contenant les chefs de la décision critiqués, que doit obligatoirement comporter une déclaration d'appel, l'acte du 15 décembre 2017 n'emporte pas signification de la déclaration d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la déclaration d'appel, dont la nullité n'avait pas été prononcée, avait été signifiée dans le délai requis par la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Articles 901 et 905-1 du code de procédure civile.

2e Civ., 12 décembre 2019, n° 19-60.203, (P)

Cassation

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Elections – Liste éléctorale – Inscription – Recours – Tribunal d'instance statuant sans une audience

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 14 du code de procédure civile ;

Attendu, selon ce texte, que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ;

Attendu, selon le jugement attaqué et les productions, que, le 26 mai 2019, Mme G... a déposé une requête tendant à être réinscrite sur les listes électorales de la commune de Pibrac ;

Attendu qu'il ne résulte d'aucune mention du jugement ni des pièces de procédure que le tribunal ait tenu une audience dont l'intéressée aurait été avisée ;

En quoi le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal d'instance de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et la partie dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Albi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Grignon Dumoulin -

Textes visés :

Article 14 du code de procédure civile.

2e Civ., 5 décembre 2019, n° 18-15.050, (P)

Rejet

Ordonnance sur requête – Ordonnnance autorisant la mesure conservatoire – Mesure prise non contradictoirement – Caractérisation – Nécessité (non)

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 décembre 2017), que la société Fratelli V... (la société V...) a assigné la société Agence commerciale de diffusion européenne, aujourd'hui représentée par M. I..., mandataire à la liquidation judiciaire de cette société (la société ACDE), devant une cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, à fin de voir ordonner la rétractation de l'arrêt qu'elle avait rendu le 1er décembre 2016, ayant autorisé la société ACDE à faire pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de tout débiteur de la société V..., organisme bancaire, d'assurance, ou société et notamment, quatre sociétés nommément désignées, pour garantie d'une créance provisoirement évaluée à la somme de 260 000 euros, outre frais et dépens ;

Attendu que la société V... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la rétractation de l'arrêt rendu le 1er décembre 2016, de la déclarer irrecevable en ses demandes tendant au prononcé de la nullité ou la caducité des saisies conservatoires pratiquées en exécution de cette décision, ainsi qu'à la fixation d'une indemnité à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de réputation et d'image, de la condamner aux dépens et à payer à M. I..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société ACDE, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que pour saisir valablement le juge, la requête déposée sur le fondement des articles 493 du code de procédure civile et L. 511-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution, doit indiquer les circonstances particulières de la cause qui justifient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la requête déposée par la société ACDE que cette dernière se bornait à affirmer que les circonstances qu'elle exposait justifiaient le prononcé d'une mesure de saisie conservatoire sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, mais n'y prétendait pas que des circonstances particulières auraient justifié qu'une telle saisie soit ordonnée sans que la société V... ne soit appelée ; qu'en retenant, néanmoins, qu'il n'y avait pas lieu de rétracter l'arrêt rendu au visa de la requête qui avait accueilli cette demande, sans rechercher si la requête de la société ACDE explicitait les raisons justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, 493 et 494, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

2°/ que les mesures de saisie conservatoire destinées à la conservation d'une créance dont le recouvrement est menacé, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; que l'absence de justification, dans la requête ou dans l'ordonnance, de la nécessité de déroger au principe du contradictoire impose automatiquement au juge de rétracter l'ordonnance ; qu'en retenant, pour refuser de rétracter l'arrêt rendu sur requête, que « quant à l'absence de motivation de l'arrêt du 1er décembre 2016, quant à la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, cette omission peut être réparée à l'occasion de la présente procédure », quand le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ne peut suppléer la carence de motivation du juge des requêtes et est tenu de rétracter l'ordonnance qui ne justifie pas la dérogation apportée au principe du contradictoire, la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et 493 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en toute hypothèse, les mesures de saisie conservatoire destinées à la conservation d'une créance dont le recouvrement est menacé, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'en retenant pour refuser de rétracter l'ordonnance sur requête, que « les saisies conservatoires qu'elle envisageait pouvaient être rendues infructueuses par une éventuelle entente entre la société V... et ses débiteurs, aux fins d'un règlement anticipé de ses créances » quand la requête de la société ACDE était muette sur les circonstances particulières qui auraient justifié une telle dérogation au principe du contradictoire, tout comme l'arrêt dont la rétractation était demandée, qui n'évoquait que les risques pesant sur le recouvrement en raison de l'extranéité et de l'éloignement de la société V... sans que soit même envisagée la question du principe du contradictoire ; la cour d'appel qui s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction et qui ne pouvait suppléer la carence de motivation du juge des requêtes, a violé les articles L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et 493 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en soulevant d'office le moyen pris d'une « éventuelle entente entre la société V... et ses débiteurs, aux fins d'un règlement anticipé de ses créances », qui n'était pas invoqué par le demandeur à la requête, pour justifier qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, quand la société ACDE n'a jamais soutenu ni même envisagé la possibilité d'une telle entente, la cour d'appel s'est fondée sur des faits étrangers aux débats en violation de l'article 7 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que le recouvrement de la créance de la société ACDE pouvait être menacé par une éventuelle entente entre la société V... et ses débiteurs, sans rouvrir les débats pour permettre à la société V... de présenter ses observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution que toute personne justifiant d'une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens du débiteur, sans avoir à énoncer dans la requête de motifs justifiant qu'il soit recouru à une procédure non contradictoire ; qu'il s'ensuit que le juge de l'exécution qui autorise la mesure n'a pas davantage à caractériser de tels motifs ; que par ce motif de pur droit, substitué d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués par le moyen, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :

Attendu que le rejet du premier moyen rend inopérant le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 511-1 et R. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.

2e Civ., 5 décembre 2019, n° 18-14.112, (P)

Rejet

Pièces – Communication – Appel – Exclusion – Cas – Intimé n'ayant pas conclu dans le délai imparti

Il résulte de l'article 909 du code de procédure civile que l'intimé qui n'a pas conclu dans le délai qui lui est imparti par cet article n'est pas recevable à soulever un incident de communication par l'appelant de ses pièces. Les prescriptions de cet article, qui tendent à garantir l'efficacité et la célérité de la poursuite du procès civil en appel, mettent de façon effective l'intimé en mesure de se défendre et à cet effet de recevoir communication des actes et des pièces, de sorte que l'irrecevabilité qu'il prévoit ne porte pas atteinte au droit à un procès juste et équitable.

Il ne saurait en conséquence être reproché à une cour d'appel d'avoir statué en se fondant sur des pièces produites par l'appelant mais non communiquées à l'intimé, dès lors que celui-ci avait constitué avocat dans la procédure d'appel sans pour autant conclure.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 février 2018), que M. et Mme X... ont relevé appel, le 25 juillet 2016, du jugement d'un tribunal de grande instance rendu dans une instance engagée à leur encontre par M. N... et Mme L... ; que ces derniers ont constitué avocat le 16 janvier 2017, mais n'ont pas conclu ;

Attendu que M. N... et Mme L... font grief à l'arrêt de déclarer nul le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré à M. et Mme X... le 19 mars 2013, de les condamner à verser à M. et Mme X... la somme de 14 617,80 euros au titre de la taxe foncière indûment acquittée jusqu'en 2012 ainsi que celle de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision les éléments dont les conclusions et le RPVA démontrent qu'ils n'ont pas été soumis au débat contradictoire ; que la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance ; que M. et Mme X..., à l'appui de leurs conclusions d'appel signifiées par RPVA en date du 21 mars 2017 se prévalaient de dix-huit pièces ; qu'il ne résultait ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni du RPVA de communication de leurs conclusions en date du 21 mars 2017 qu'ils avaient effectivement communiqué lesdites pièces aux consorts N... ; que la cour d'appel, en faisant pourtant droit à leurs demandes fondées sur de telles pièces, a violé les articles 15, 16, alinéa 2, et 132 du code de procédure, article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble le principe constitutionnel de la contradiction ;

2°/ que la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer spontanément à toute autre partie à l'instance, en cause d'appel, pour les pièces déjà produites en première instance ; qu'en l'espèce, M. et Mme X... se prévalaient en appel de treize pièces, dont ils s'étaient déjà prévalus en première instance, qui n'avaient pas été produites devant la cour d'appel au regard du RPVA de communication de leurs conclusions d'appel ; qu'en statuant sur le point de savoir qui du preneur ou du bailleur devait payer les charges foncières attachées au bien loué et sur les conséquences qui s'en induisaient, la cour d'appel s'est nécessairement fondée sur ces pièces ; que ce faisant, elle a violé les articles 15, 16, alinéa 2, et 132 du code de procédure civile, article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble le principe constitutionnel de la contradiction ;

3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que ce principe lui impose de ne prendre en considération que les documents dont la partie adverse a pu recevoir communication et discuter la valeur et la portée ; que M. et Mme X..., dans leurs écritures d'appel se prévalaient de quatre nouvelles pièces, qu'ils n'avaient pas produites en première instance (ainsi que cela ressort de l'examen de leurs écritures récapitulatives II en date du 15 mars 2016), à savoir d'un jugement du tribunal de commerce en date du 28 mai 2008, d'une ordonnance de référé du 30 septembre 2011, mais aussi du congé avec offre de renouvellement ainsi que du commandement de payer en date du 19 mars 2013 ; que M. et Mme X... n'avaient pas communiqué ces quatre nouvelles pièces à la partie adverse, ainsi qu'en atteste le RPVA de communication de leurs écritures en date du 21 mars 2017 ; qu'en se prononçant pourtant sur le raisonnement suivi par M. et Mme X... invoquant ces pièces a l'appui, la cour d'appel a violé les articles 15, 16, alinéa 2, et 132 du code de procédure civile, article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble le principe constitutionnel de la contradiction ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 909 du code de procédure civile que l'intimé qui n'a pas conclu dans le délai qui lui est imparti par cet article n'est pas recevable à soulever un incident de communication de ses pièces par l'appelant ; que les prescriptions de cet article, qui tendent à garantir l'efficacité et la célérité de la poursuite du procès civil en appel, mettent de façon effective l'intimé en mesure de se défendre et à cet effet de recevoir communication des actes et pièces, de sorte que l'irrecevabilité qu'il prévoit ne porte pas atteinte au droit à un procès juste et équitable ;

Qu'ayant constaté que M. N... et Mme L... avaient constitué avocat dans la procédure d'appel sans pour autant conclure, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué en se fondant sur les pièces produites par l'appelant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 909 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la portée de la sanction prévue par l'article 909 du code de procédure civile, à rapprocher : 2e Civ., 28 janvier 2016, pourvoi n° 14-18.712, Bull. 2016, II, n° 27 (cassation). Sur l'assimilation de l'intimé qui n'a pas conclu à un défendeur non comparant, à rapprocher : 2e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-26.676, Bull. 2015, II, n° 266 (cassation) ; 2e Civ., 10 janvier 2019, pourvoi n° 17-20.018, Bull. 2019, (rejet). Sur l'absence de communication des pièces à l'égard du défendeur non comparant, à rapprocher : 2e Civ., 9 juin 2005, pourvoi n° 03-15.767, Bull. 2005, Bull. 2005, II, n° 151 (cassation) ; 2e Civ., 6 juin 2019, pourvoi n° 18-14.432, Bull. 2019, (cassation).

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