Numéro 12 - Décembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2019

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION

2e Civ., 12 décembre 2019, n° 18-21.360, (P)

Cassation

Indemnité – Refus ou réduction – Faute de la victime – Faute de la victime directe – Autres éléments à prendre en considération (non)

Selon l'article 706-3 du code de procédure pénale, la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage. Seule cette faute de la victime directe doit être prise en considération par le juge de l'indemnisation pour déterminer si la réparation doit être refusée ou si son montant doit seulement être réduit.

Encourt dès lors la censure l'arrêt qui, pour retenir le principe d'une indemnisation partielle de la fille de la victime d'un homicide volontaire, se fonde sur des motifs inopérants tenant à la qualité de victime par ricochet de celle-ci, à l'existence de paiements antérieurement intervenus à son profit de la part du condamné et à l'existence d'un recours subrogatoire ouvert au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

Indemnité – Refus ou réduction – Faute de la victime – Lien de causalité avec le dommage – Caractérisation – Nécessité

Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon ce texte, que la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que A... J... a été victime d'un homicide volontaire dont MM. X... et Y... ont été reconnus coupables par une cour d'assises ; que Mme G... I..., agissant en qualité d'administratrice légale de sa fille T... J... G..., a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) en réparation des préjudices subis par l'enfant ;

Attendu que, pour retenir le principe d'une indemnisation partielle et allouer à Mme G... I..., ès qualités, la somme totale de 37 000 euros, l'arrêt énonce qu'il appartient à la juridiction de jugement d'apprécier in concreto les éléments du dossier pour déterminer si la faute de la victime est de nature soit à exclure toute forme d'indemnisation, soit à en minorer le montant et que cette appréciation doit tenir compte de la qualité du demandeur ; qu'en l'espèce, si les éléments du dossier établissent que A... J... s'adonnait à un trafic de stupéfiants, ses « assassins » étant en dette vis-à-vis de lui, il est également établi que leur passage à l'acte a été manifestement disproportionné par rapport à ce qu'ils pouvaient reprocher à leur fournisseur de sorte que si la faute de la victime doit être prise en compte, elle n'a pas été véritablement déterminante de ce crime ; qu'il ajoute qu'il s'agit ici de permettre l'indemnisation des préjudices matériels et moraux subis par l'enfant mineur de la victime, âgée de deux ans au moment des faits et donc parfaitement innocente et ce, alors que les deux condamnés n'ont, à ce jour, effectué aucun paiement ni même laissé entrevoir cette possibilité ; qu'il convient à cet égard de rappeler que si le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions(FGTI) intervient au bénéfice des victimes, il lui appartient de se retourner vers les auteurs des faits aux fins de récupération des sommes ainsi avancées ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tenant à la qualité de victime par ricochet du demandeur, à l'existence de paiements antérieurement intervenus à son profit de la part du condamné et à l'existence d'un recours subrogatoire ouvert au FGTI, alors que seule la faute de la victime directe doit être prise en considération par le juge de l'indemnisation pour déterminer si la réparation doit être refusée ou si son montant doit seulement être réduit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 706-3 du code de procédure pénale.

2e Civ., 12 décembre 2019, n° 18-21.401, (P)

Rejet

Régime spécifique de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale – Bénéficiaires – Propriétaires indivis d'un véhicule terrestre à moteur détruit par incendie – Indemnisation – Modalités – Détermination – Portée

Aux termes de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale, l'article 706-14 est applicable à toute personne victime de la destruction par incendie d'un véhicule terrestre à moteur lui appartenant qui justifie au moment des faits avoir satisfait aux dispositions du code de la route relatives au certificat d'immatriculation et au contrôle technique ainsi qu'aux obligations prévues à l'article L. 211-1 du code des assurances, sans qu'elle ait à établir qu'elle se trouve dans une situation matérielle ou psychologique grave et peut alors bénéficier d'une indemnité lorsque ses ressources ne dépassent pas 1,5 fois le plafond prévu par le premier alinéa de l'article 706-14. Par suite c'est à bon droit qu'une cour d'appel décide que les propriétaires indivis d'un véhicule incendié sont tous deux fondés à solliciter une indemnisation, dans la limite du préjudice subi par chacun et du plafond prévu pas l'article 706-14-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 juin 2018), que le 20 avril 2014, le véhicule appartenant à M. C... et Mme T... a été incendié ; qu'ils ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt d'allouer à M. C... et Mme T..., chacun, la somme de 4 500 euros, qu'il devra leur verser, alors, selon le moyen que la destruction par incendie d'un véhicule terrestre à moteur dont plusieurs personnes sont indivisément propriétaires ne peut donner lieu au paiement que d'une seule indemnité sur le fondement de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale, à répartir entre les coindivisaires ; qu'en allouant à chacun des époux C..., dont elle avait relevé qu'ils étaient propriétaires indivis du véhicule incendié, la somme de 4 500 euros, la cour d'appel a violé les articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale, l'article 706-14 est applicable à toute personne victime de la destruction par incendie d'un véhicule terrestre à moteur lui appartenant qui justifie au moment des faits avoir satisfait aux dispositions du code de la route relatives au certificat d'immatriculation et au contrôle technique ainsi qu'aux obligations prévues à l'article L. 211-1 du code des assurances, sans qu'elle ait à établir qu'elle se trouve dans une situation matérielle ou psychologique grave ; qu'elle peut alors bénéficier d'une indemnité lorsque ses ressources ne dépassent pas 1,5 fois le plafond prévu par le premier alinéa de l'article 706-14 ; qu'ayant relevé que M. C..., qui avait acheté le véhicule incendié, et Mme T..., titulaire de la carte grise, en étaient propriétaires indivis, c'est à bon droit que la cour d'appel qui constatait ainsi qu'ils étaient chacun victime de la destruction par incendie de ce véhicule, a décidé qu'ils étaient tous deux fondés à solliciter une indemnisation, dans la limite du préjudice subi par chacun et du plafond prévu par l'article 706-14-1 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale.

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